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L'Onde immuable [02-06/05/42]

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Sarah Spencer
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Sarah Spencer
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MessageSujet: L'Onde immuable [02-06/05/42] L'Onde immuable [02-06/05/42] Icon_minitimeVen 24 Fév - 4:07

[HRP: Suite de Souviens-toi de cette promesse /HRP]

02 mai 1842 soir

Le temps était particulièrement doux en ce début du mois de mai. Pas le moindre vent ne venait agité les grands arbres qui bordaient le petit muret entourant l’imposante demeure de la famille Spencer. La brume ne s’était pas encore levée ce qui permettait de voir le ciel et les étoiles. C’était une nuit tout en douceur, remplie d’un air serein. Mais la joie du printemps n’avait pas encore sortit la grande maison de son atmosphère sinistre. Un voile de douleur et de tristesse s’était posé sur les tourelles du château et ni les bourgeons en fleurs, ni le chant des oiseaux n’avaient réussi à l’enlever. La famille était plongée en deuil depuis bientôt une semaine. Cela faisait déjà si longtemps que Sarah Spencer, héritière choyée, unique enfant de la famille, jeune femme à l’avenir prometteur avaient disparu, engloutie par les eaux noires de la rivière Thames que tout espoir s'était envolé. La veille, la famille avait songé avec amertume que sans cet horrible accident leur Ange de Mai aurait eu 22 ans… Cette pensée avait fait naître dans la demeure un mutisme profond que seuls les reniflements discrets de Madame Spencer venaient briser. Tout semblait perdu.

Les heures étaient déjà bien avancées lorsqu’un petit fiacre dont l’effigie représentait une étoile surmontée d’une couronne s’avança dans la grande court de la maison. Par on ne sait quel enchantement, la grille s’ouvrit à son passage, permettant au véhicule de continuer sa route sous les grands arbres de l’allée. Le véhicule de Scotland Yard avança doucement, la lanterne accrochée près du conducteur éclairait son chemin et se balançait doucement au rythme des pas des animaux. Rien dans sa présence du véhicule ne laissait deviner la grande nouvelle qui se préparait au fur et à mesure que les deux chevaux avançaient sur le pavé. Bentley, fidèle gardien de la propriété, fut le premier à flairer l’arrivée des invités. Les oreilles bien droites, il sortit de sa niche pour venir sentir l’air de son museau élégant. Elle semblait chargée, remplie de cette odeur étrange qu’avaient parfois certains invités du domaine et qui semblait glisser tout autour de son territoire. Plus fort encore, il sentait l’odeur des chevaux. En un éclair, il s’avança dans l’allée, glissant autour des grandes bêtes, tournant autour du véhicule en lançant des jappements d’avertissement. Aussitôt la maison s’éveilla doucement. Mrs Groove et Albert furent les premiers debout, sortant de leur quartier en habit de nuit pour venir voir ce qui pouvait bien être l’origine de tout ce raffut. Les lumières s’allumèrent, les maitres furent avisés. Toute la maisonnée se pressa devant la porte d’entrée attendant impatiemment que le fiacre ne termine sa course devant la demeure. Après des jours de veines recherches, quelles nouvelles le Yard pouvait-il bien leur apporter? Tous craignaient de voir l’aumônier descendre de cette funeste voiture. Le véhicule se gara devant la demeure et un homme en descendit, ouvrant la porte à un homme… en tout point identique à lui. Les deux jumeaux d’une grande beauté s’afférèrent autour du véhicule. Lorsque le carrosse s’était immobilisé, la secousse avait tiré la jeune Spencer de son sommeil profond. Étendue contre l’un des sièges moelleux de la voiture, elle avait ouvert péniblement les yeux, encore étourdie, les paupières lourdes de songes. Heureusement que le Comte l’avait endormie, car jamais elle n’aurait pu monter d’elle-même dans un fiacre, triste traumatisme de son accident. L’un des jumeaux du sentir son trouble, car il l’extirpa rapidement de l’habitacle, lui jetant un coup d’œil pour vérifier son état de santé. Il fallait dire que la jeune femme était mal en point. Son visage était pâle comme la mort, ses yeux éteints n’avaient aucun éclat. Elle semblait si petite dans le grand manteau que l’un des agents avait passé sur ses frêles épaules. Avec douceur, l’un des jumeaux l’avait aidé à descendre, la soutenant par le bras pour éviter qu’elle ne tombe. Sarah avait à peine eu le temps de faire un pas que la grande porte s’était ouvert, laissant sortir les habitants du château dont la joie se répercuta à travers tout le parc. On cria de joie, de bonheur, les domestiques s’affairèrent, Madame Spencer pleura à chaudes larmes tandis que Monsieur Spencer n’en finissait plus de remercier les agents. La nausée avait alors saisi la magicienne. Était-ce le traumatisme d’avoir été transportée dans un fiacre où alors la joie soudaine d’avoir retrouvé les siens, elle ne put le dire, mais son cœur flancha. Elle se retourna alors pour fixer les ténèbres du grand parc dans l’espoir intime d’apercevoir une silhouette familière, mais rien dans les ombres ne parvint à la réconforter. Elle n’eu le temps que de pousser un soupir avant de s’écrouler dans les bras tendus de son père.


*******


03 mai 1842


L’éclat aux mille reflets coule
Brillant petit astre dont la chute est sans fin
Dans cette eau ténébreuse
Là ou même la plus pure des lumières
Ne brille pas

La brume vole
Diphane voile
Aux formes d’une robe flottante
Dans l’air froid d’un hiver sans fin.

Tombe et sombre
Dans cette étreinte glacée
Renfermant en son sein
Une flamme noire
La main tendue vers le ciel
Sous les larmes des spectres


Après avoir été ramenée saine et sauve à ses parents, Sarah passa presque une journée entière dans l'inconscience, oscillant vers ce qui semblait être un coma et un sommeil très profond. En vérité, la belle chasseuse avait tout simplement atteint son point de rupture. Les combats, les mensonges, les massacres, les révélations, tout tourbillonnait dans son esprit allant même jusqu'à hanter ses rêves. Car oui, malgré sa fatigue et son état, les songes n'avaient pas manqué de venir visiter son esprit tourmenté. Elle y avait revu le visage d'Alex et d'Abi, celui de mademoiselle Cartew et de Liam. Tous les fragments de mémoire qu’elle avait accumulés sous les traits de l’Ondine lui revenaient doucement, morceau d’histoire qu’elle remettait patiemment en place. Puis les rêves avaient fait place aux cauchemars. Le sacrifice des quais, le combat dans le cimetière, l'eau de la rivière et LUI. Lui qui continuait de hanter ses pensées, lui qui continuait de la tourmenter, Lui qu’elle appelait pourtant inlassablement... Elle se noyait dans ses songes aux eaux noirs comme l’encre, cherchant la main salvatrice qui aurait pu la sortir des ténèbres, en vain. Face à son sommeil agité, monsieur et madame Spencer avaient appelé le bon médecin craignant que leur fille ne souffre d'une fièvre qui la pousse à la folie, car celle-ci n'était pas loin, errant sournoisement autour de l'ondine comme un corbeau prêt à la précipiter sans l'abime ténébreux de l'obscurité. Mais le docteur avait été confiant, rassurant les parents inquiets sur les biens faits d’un sommeil réparateur et la nécessité du repos. Le médecin du Yard semblait déjà avoir bien pris soin des blessures de la belle héritière qu’il était inutile d’en faire plus.

Ainsi, après une journée dans l'attente et l'angoisse, l’Ondine émergea doucement de sa léthargie. Immobile, la jeune femme reprit le contrôle de ses sens. Tout son corps lui faisait mal. Elle avait l’impression que quelqu’un y avait déposé de lourdes pierres pendant très très longtemps. Pourtant, elle se sentait bien, au chaud, enrobé dans une douceur… Elle se laissa aller, écoutant le bruit du vent dans les rideaux, celui des oiseaux et de la ville qui lui parvenait par la fenêtre ouverte... Elle les écouta avec attention et émerveillement, comme si elles les découvraient pour la première fois. Puis, lentement, elle ouvrit ses yeux purs, battant des cils comme un enfant qui s’éveille. Son regard s’accrocha aussitôt au plafond dont les tentures étaient illuminées par les rayons du soleil qui entraient. Elle plissa les paupières, incapable de supporter la clarté. La douleur résonna à sa tête, violent coup de clocher sur son esprit chancelant. Elle avait vécu dans l’ombre et la nuit pendant si longtemps qu’elle avait oublié à quoi pouvait ressembler une journée ensoleillée. Avec un grognement, elle laissa sa vision s’ajuster. Comment était-ce possible? L’aristocrate finit par se redresser en position assise. Elle baissa les yeux, observant les rayons illuminés sa main et en dessiner les contours comme un pinceau doré. Le brouillard et le sommeil qui obscurcissait son esprit se dissipèrent doucement tandis qu’elle fixait sa main. Elle revoyait cette même main tendue au-dessus de la tête de Jiromaru tandis qu’elle se retenait de le toucher. Elle se sentit brusquement malade, indigne, honteuse de s’être montrée aussi cruelle et si stupide face à la propre vérité de ses sentiments. Pourquoi avait-elle accepté de le quitter? Pourquoi ne l’avait-il pas retenue? Relevant la tête, elle observa les murs qui l’entouraient, les meubles qui décoraient la pièce, le grand miroir de la coiffeuse qui happait les rayons du soleil. Elle était revenue chez elle...chez… elle... La Chasseuse hoqueta, étouffant le sanglot profond qui brulait sa gorge tandis que les tremblements saisissaient de nouveau ses mains.

Le visage glissé dans ses mains, l’aristocrate se rendit compte que quelqu’un approchait lorsque la porte grinça en s’ouvrant doucement. Une jeune fille blonde entra alors en courant, renversant son plateau, pour la prendre dans ses bras. L’Ondine se figea, incapable de faire le moindre mouvement, cherchant dans sa mémoire. Une jeune femme, les cheveux blonds, des yeux bleus, les traits volontaires…


-Anna...?

Sa gorge était enrouée, râpeuse, comme si elle avait oublié comment parler. La domestique bondit de joie, oui, c’était bien Anna, sa femme de chambre. Puis ses parents apparurent, le médecin aussi. Toute la tranquillité qui habitait la pièce s’envola d’un seul coup. Sa mère pleura à chaudes larmes, son père la serra au moins cinq fois, refusant à chaque fois de la lâcher comme s’il craignait qu’elle ne disparaisse de nouveau. L’angoisse qui serrait le cœur de la chasseuse disparut pendant un instant, remplacer par tout cet amour et cette chaleur humaine qui lui avait tant manqué au court des derniers jours. On lui parla de ce qu’elle avait manqué, des grands événements, de son anniversaire qu’il faudrait souligner lorsqu’elle irait mieux. Cette nouvelle avait choqua la belle magicienne. Son anniversaire? Cela faisait donc plus d’un mois qu’elle avait disparu? Combien de temps était-elle restée dans la rivière? Chez le médecin? Chez le Comte? Et Abigail? Et Alexender? Mais toutes ses questions moururent bien vites, noyées sous l’affection qu’elle recevait et qui agissait sur son âme écorchée comme un baume apaisant.


L'Onde immuable [02-06/05/42] Signat10


Dernière édition par Sarah Spencer le Jeu 6 Avr - 17:49, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: L'Onde immuable [02-06/05/42] L'Onde immuable [02-06/05/42] Icon_minitimeDim 26 Fév - 17:00

4 mai 1842

Cela faisait maintenant deux jours que l'héritière Spencer avait été retrouvée et l'effervescence de son retour n'avait perdu aucune ampleur tant dans les journaux que dans les salons mondains. Une telle histoire faisait couler beaucoup d’encre. Tout le monde s’interrogeait; une lady enlevée par des bandits? Qui aurait pu croire une telle chose possible en cette époque moderne! Quel horrible supplice la pauvre avait-elle enduré? Les rumeurs enflaient et les histoires les plus folles circulaient. On racontait qu’une amante éplorée du Comte avait fait enlever la jeune rivale, que le terrible Von Ravellow était à l’origine de cette attaque, que l’héritière avait été atrocement défigurée par sa chute dans la rivière ou encore que ses ravisseurs lui avaient enlevé sa pureté... Tant de ragot qui se racontait en murmure, loin des oreilles indiscrètes, il fallait dire que la famille de la jeune femme était influente, son fiancé aussi. Toutefois, le médecin de la famille avait tenu à s’assurer en personne que la chasteté de la Chasseuse était encore intacte. Une grossesse indésirable aurait bien été le pire des scénarios pour cette époque emmaillotée dans les codes sociaux. Mais fort heureusement, la pureté de la jeune demoiselle n’avait pas été compromise.

Le manoir qui était plongé dans le deuil depuis quelques jours reprit brusquement vie en même temps qu’avançait le printemps. Avaient alors débuté les visites, les rencontres, toute la bonne société pressait la jeune héritière d’invitation ou de rencontre amicale. Elle était devenue un véritable phénomène, tout le monde voulait voir la miraculée des eaux! Les mondains les plus hardis, et les moins nombreux forts heureusement, s’étaient présentés au manoir où Madame Spencer avait pris le temps de les recevoir. Une joie constante s’était mise alors à flotter sur le domaine de la famille. Malgré toute cette effervescence, Monsieur Spencer s’était accordé un instant pour envoyer la bonne nouvelle au Comte (lettre de Mr Spencer). Il leur avait été d’un si grand soutient pendant cette terrible épreuve qu’il était la moindre des choses de lui écrire avant même de recevoir le premier invité.

Bien cachée dans sa chambre, Sarah apprit en même temps que les autres la version officielle de ce qui lui était arrivé. Son fiacre avait été attaqué par des bandits qui souhaitait l’enlever pour réclamer une rançon à sa famille et son fiancé. Après être tombés dans la rivière ils l’avaient retrouvé puis l’avait gardée captive près du cimetière Highgate. Mais les étranges événements qui s’étaient déroulés à cet endroit avaient permis à l’aristocrate de se sauver. C’est là qu’elle avait été retrouvée par des agents du Yard avant d’être ramenée à sa famille. Le Comte avait bien mené son jeu. Lorsque les agents étaient revenus interroger la magicienne, celle-ci avait feint de ne se souvenir de rien. Comment aurait-elle pu dire la vérité? Elle se sentait déjà prise pour une folle, parler de loups-garous, de vampire, de sacrifice au milieu des flammes n’aurait fait qu’aggraver son cas et elle se serait retrouvée au Bedlam Hospital... Bien sûr, son mensonge avait attiré les suspicions, mais encore une fois, l’influence du Comte avait retenu les langues. Ses parents s’étaient contentés de la brève explication du Yard, sans poser de question. Ainsi étaient les gens de bonne société. Posé des questions était impolis, seul le résultat comptait. Anna de son côté ne tarissait pas d’éloge sur le Comte. La belle magicienne apprit qu’il avait rendu quelque visite à sa famille, leur envoyant des lettres, remuant ciel et terre pour qu’on la retrouve. Si seulement ils avaient su...

Ainsi, les heures s’inscrivaient dans une ribambelle de joie et de plaisir que l’Ondine boudait silencieusement. Loin de cette ambiance de fête, la belle Chasseuse n’avait guère quitté sa chambre. Malgré que le médecin se soit déclaré satisfait de la voie de guérison que prenaient ses blessures, elle avait refusé de quitter son refuge. En vérité, un mal plus profond rongeait l’héritière. Ses mains toujours saisies de tremblement en étaient la seule preuve. Elle était tout simplement incapable d’affronter le monde extérieur. Elle les entendait discuter, babiller des derniers potins et commérages qui secouaient la bonne société. Comment, après tout ce qu’elle avait vécu, aurait-elle pu plonger de nouveau dans cette mascarade sans logique? Quelque part, la belle Huntresse ne savait tout simplement pas quoi faire. Maintenant qu’elle était revenue parmi les vivants, que devait-elle faire? Où devait-elle aller? Qu’est qui l’attendait? Son mariage avec le Comte n’était pas encore confirmé et ses parents évitaient le plus possible de parler de lui. Alexender Ravellow était toujours introuvable malgré les recherches du Yard. Elle se sentait seule, si seule...


*******


La journée tirait à sa fin, les derniers invités prenaient congé, la nuit s’installait avec la douceur d’une plume. Assise à sa coiffeuse, Sarah observait son reflet d’un air éteint. Ses cheveux avaient été coiffés avec délicatesse en un chignon qui dégageait son visage aux traits volontaires. Elle n’avait déjà plus besoin de bandage pour sa blessure à la tête qui disparaissait sous les mèches rebelles de sa coiffure. Sa peau blanche avait repris quelques couleurs, mais le contraste entre la blancheur de son visage et le bleu étincelant de ses yeux restait marquant. Elle portait une robe d’un vert profond dont la coupe soulignait sa taille fine et mettait en valeur ses formes féminines. Le corset qu’elle portait lui donnait l’impression de n’avoir plus de respiration. Elle avait perdu l’habitude d’en porter, mais Anna ne lui avait pas laissé le choix. Cela ne respectait pas les convenances que de rester en chemise de nuit toute la journée. Paraitre, bien être, disparaître… Ainsi, sa glace lui renvoyait la parfaite image d’une jeune femme de bonne famille qu’elle n’était plus. Elle avait changé et ses proches commençaient à s’en rendre compte. Ses gestes, ses pauses, même ses sourires semblaient différents. Elle était une imposteure dans son propre corps.

La Chasseuse se retourna pour observer sa chambre, cherchant à retrouver ce sentiment si fort qui vous rattache à un endroit. En son absence, rien n’avait changé. Son journal avait repris sa place sur sa coiffeuse. Le livre de poème qu’elle lisait était encore sagement placé sur sa table de chevet, le marque-page à l’endroit précis où elle l’avait laissé. Sur le coin de sa commode, un bouquet de roses blanches avait fané. Cette vision troubla assez la magicienne pour qu’elle se lève à sa rencontre. Les fleurs, autrefois majestueuses, avait séchées, leur tête penchant pieusement vers le bas, leurs pétales avaient pris une teinte jaunâtre. Du bout des doigts, la belle effleura l’une des têtes de fleurs qui se décomposèrent aussitôt en un craquement sonore. Depuis combien de temps ce bouquet reposait-il là? Pourquoi personne ne s’en était occupé? Un ruban noir était posé devant le vase. Un simple petit ruban de soie qui avait probablement servi à retenir les fleurs ensemble. Les mains tremblantes, la Chasseuse le saisit avec douceur alors qu’elle reconnaissait enfin sa provenance. C’était le bouquet que Jiromaru lui avait envoyé après le théâtre. Bouquet qu’elle avait rageusement jeté au sol en maudissant le jour où il était devenu cet immortel arrogant. Quelqu’un avait pris le temps de mettre les roses dans un vase, espérant sans doute que l’aristocrate reviendrait sur son geste. Mais Sarah était partie pour le couvent et les roses avaient attendu, encore et encore, jusqu’à s’assécher complètement. La magicienne soupira longuement. Comme tout cela lui semblait si loin à présent. Elle fit encore quelques pas dans la pièce, observant par les portes françaises qui donnaient sur le balcon, le soleil qui se couchait au loin. Tout était si différent à présent. Se retournant vers son secrétaire, la jeune femme se stoppa brusquement. Le meuble sombre aux contours travaillés était encombré d’items divers. Des fleurs, des livres, des lettres et des colis s’entassaient sur toute la surface possible du meuble. Même sa chaise servait désormais de support. Il s’agissait là des mille et une petites attentions qui lui avaient été envoyées par ceux qui se considéraient comme ses proches. Anna avait patiemment tout entassé sur le secrétaire de sa jeune maitresse pour qu’elle prenne le temps des ouvriers elle-même. Après un soupir, la magicienne s’attaqua à la tâche, bien décider à mettre de l’ordre dans tout cela avant que sa chambre ne soit tout à fait envahie. Elle rangea rapidement les livres et posa les fleurs sur sa coiffeuse. Elle alla chercher une corbeille pour entasser les enveloppes et les ficelles. Ces tâches simples occupèrent son esprit et pendant un instant elle oublia toutes les questions existentielles qui obscurcissaient ses pensées. Il y avait des lettres d’Andrews et de Madeleine, d’Hortense du Leonticon, des colis, des cartes de félicitations, des vœux d’anniversaires... Parmi une pile de journaux, elle trouva les nouvelles qui rapportaient l’attentat du théâtre, l’annonce de ses fiançailles, son accident, sa disparition et même sa mort, ne comptant que sur une question de temps avant que son corps ne soit découvert. Il était étrange de lire sa propre chronique nécrologique sur un morceau de papier. Aussi se contenta-telle de jeter le tout dans un coin, bien décider à les brûler sitôt qu’elle aurait retrouvé son précieux bureau. Curieusement, les éditions spéciales qui traitaient de l’arrestation et de la fuite d’Alexender avaient été soigneusement enlevées. Qu’importe, elle avait bien suivi ces nouvelles grâce à son rôle de Gabriel. Aucune autre nouvelle n’était parvenue depuis la fuite du hunter... C’était sans doute un bon signe. Cette réflexion éveilla l’esprit pratique de la Chasseuse. Et si la guilde avait tenté de la joindre? Tout s’était passé si vite après le théâtre qu’elle n’avait pas pris le temps de regarder si ses confrères lui avaient écrit. Et s’il lui avait donné un rendez-vous depuis tout ce temps sans qu’elle ne le sache? Elle était certaine qu’Anna n’avait pas fouillé dans son courrier. Avec les lettres d’insultes anonymes qu’elle avait reçues après l’annonce de ses fiançailles, il était clair que la domestique n’avait pas prit l’attention de filtrer le tout. Avec une lueur d’espoir, la magicienne se mit à chercher parmi les lettres déjà ouvertes et ceux qui ne l’étaient pas encore. Elle avait beau ouvrir colis après colis, rien ne semblait se révéler être ce que cherchait ardemment son cœur. En faite, la belle cherchait avant tout un indice, un petit mot qui aurait été écrit par la main de ses collègues, des membres de la guilde qu’elle avait cherchée à travers toute la ville. Elle cherchait un message qui aurait détonné par rapport au reste de sa correspondance ennuyeuse, et qui se serait révélé être un espoir, un phare dans cette nuit sans fin. Mais il n’y avait rien.

Sarah tomba à genoux et se mit à chercher au sol pour être certaine qu’elle n’en avait pas oublié une.  Ses doigts fouillèrent frénétiquement les lettres qui s’éparpillaient maintenant autour d’elle sur le tapis gris comme des mouchoirs dans une neige d’automne. Elle cherchait encore et encore, ce message, ce mot...n’importe quoi qui lui aurait prouvé qu’elle avait tord, qu’ils ne l’avaient pas oubliée, qu’ils avaient tenté de la joindre, de l’avertir, de lui donner de leur nouvelle. Que l’un d’entre eux l’attendait, lui tendait la main. Eulalia, Raphael. Et Alex! Son cœur se serra. Lui ne pouvait pas l’avoir abandonnée, lui l’aurait attendue, lui lui aurait donné des nouvelles, un signe, un espoir qu’il était encore en vie, qu’il l’aimait, il devait lui avoir écrit! Une phrase, un mot…

Les beaux yeux de la Chasseuse s’emplirent de larme tandis que les papiers froissés glissaient entre ses doigts tremblants. Elle demeura un instant immobile, ses mains tremblantes inutilement figées en l’air comme si elle attendait un don du ciel qui ne venait pas. Non, rien ne venait si ce n’était la douleur et la peine d’avoir eu raison, d’avoir osé espérer et de voir cet espoir balayer tout aussi durement. Elle devait se faire à l’idée; ils l’avaient tous abandonnée. Si elle avait un jour compté, elle était à présent morte à leurs yeux. Lentement, les papiers s’élevèrent dans les airs, animés du même vent imaginaire que celui qui avait balayé la chambre du Comte. Avec une lenteur mesurée, la jeune femme se leva pour ouvrir la porte-fenêtre qui donnait sur le balcon. Ses pieds nus s’avancèrent sur les dalles froides et la traine se sa robe se déploya, créant une rivière verte derrière elle. Un coup de vent glaça les yeux de la magicienne et les sillons de larmes qui avaient coulé sur ses joues pâles, lui coupant le souffle par la même occasion. D’un geste habile et maintes fois répété, elle escalada la rambarde de pierre, observant le vide et les jardins du parc qui s’étendait devant elle. Auparavant, lorsqu’elle s’éclipsait du manoir pour participer à l’une de ses chasses nocturnes, c’est de son balcon qu’elle quittait sa chambre, sautant dans le vide, sa chute s’allégeant grâce à ses pouvoirs. C’est par ici que Jiromaru l’avait enlevée puis emmenée dans son repaire. Elle se souvenait encore de sa main froide dans la sienne tandis que les flocons tombaient du ciel. Au loin, le crépuscule qui se couchait avait déposé un voile orange sur le toit des demeures et sur les branches des arbres aux feuilles naissantes. La belle écarta les bras de son corps pour sentir le vent qui glissait sur ses membres et s’engouffrait dans ses cheveux défaits. Elle avança doucement ses pieds jusqu’à ce que la pointe soit dans le vide. Et si elle sautait maintenant? L’obscurité grandit jusqu’à noyer le paysage autour d’elle, revêtant de noir et d’ombre tout ce qui l’entourait comme un drap accueillant. Personne ne serait là pour l’en empêcher. Personne ne serait là pour la rattraper. Elle tomberait vers une mort certaine au milieu des fleurs du jardin, glissant vers le sommeil éternel de la mort et elle serait enfin libéré de toute cette douleur. Ne pouvait-elle pas se contenter du doux châtiment d’Ophélie plutôt que de courir après son destin tel Hamlet?  Mourir, dormir, rien de plus...

L'Humanité a besoin que tu continues la lutte, Sarah...

La belle Chasseuse grimaça. Que pouvait-il en savoir? N’était-il pas son ennemi? Son confident? Celui qui pouvait comprendre sa terrible solitude? Le vent souffla de nouveau, glissant contre son cou et elle ce fut comme si une main se posait en douceur contre son cœur.

Souviens-toi de cette promesse...

Elle inspira profondément, cherchant à remplir d’air le poids qui pesait au creux de son cœur. Il fallait qu’elle bouge, qu’elle se retrouve. Elle n’en pouvait plus d’être celle qui restait immobile à espérer, celle qu’on laissait derrière... Derrière elle, les papiers furent happés par une bourrasque invisible et s’envolèrent dans la nuit noire où ils flottèrent un instant avant de s’enflammer, mouchoirs colorés, étoiles filantes traversant les ténèbres avant de s’éteindre. Les poings serrés, la chasseuse regardèrent disparaître les lumières comme ses espoirs. Elle se devait de devenir forte, de se reconstruire, d’apprivoiser cette solitude qui la terrifiait pour ne pas sombre dans l’abysse noir et sans fin de son propre désespoir. La Chasseuse devait se relever...

*******


Anna entra doucement dans la chambre de sa maitresse, n’ayant pas entendu de réponse lorsqu’elle avait cogné contre la porte. La nuit était tombée depuis un moment et elle venait chercher l’aristocrate pour le souper. La chambre était plongée dans une douce pénombre et pendant un instant la jeune domestique crut que l’héritière dormait encore. Elle alluma avec précaution quelques chandelles qui répandirent dans la chambre lumière et chaleur. Le lit de la demoiselle était vide, les draps bien placés. Elle semblait avoir fait un peu de ménage ce qui réchauffa le cœur de la domestique, heureuse de voir que sa maitresse avait assez de force pour mettre de l’ordre dans sa chambre, et probablement aussi dans ses pensées. Son bureau était vide, ses lettres bien classées sur le coin du secrétaire. Anna s’avança dans la pièce, cherchant des yeux la silhouette élancée de Sarah sans la trouver. La jeune femme ne pouvait pas avoir quitté sans chambre sans que personne ne s’en rendre compte, avec tous les invités qu’ils avaient eus aujourd’hui, on l’aurait certainement vue. Un mouvement au fond de la pièce attira son regard; les rideaux se balançaient doucement, porter par le vent qui entrait de la porte française. Son cœur s’accéléra, et si la belle avait... Elle fit brusquement irruption sur le balcon, lâchant un profond soupir de soulagement lorsqu’elle aperçut le dos de sa maitresse qui, accoudée contre la rambarde, observait la nuit.

-Mademoiselle! Allons il ne faut pas rester dehors, avec un vent pareil, vous risquer de prendre froid!

Elle s’approcha vivement de la magicienne qui ne fit pas le moindre mouvement. Au loin on entendait Bentley lancer de petit jappement. La domestique observa le parc sans rien percevoir dans la noirceur d’encre. Pourtant, sa maitresse regardait les ténèbres avec une douce intensité, comme si elle voyait à travers les ombres.

-Ce n’est que le chien mademoiselle, il fait ça tous les soirs depuis votre retour. Probablement un animal qui se promène sur les murets.

Sarah eut un pâle sourire. Oui, il y avait quelque chose, mais elle se doutait que ce fut un animal. La Chasseuse suivit sa domestique et entra de nouveau dans sa chambre, observant les chandelles qui avaient été allumées. Anna s’affairait déjà à ramasser sa corbeille qui débordait de papiers, d’enveloppes et de rubans. La belle allait lui dire qu’elle s’en occuperait plustard lorsque son regard se stoppa sur son bureau. Sur le meuble qu’elle avait soigneusement pris le temps de vider reposait un magnifique bouquet de roses blanches entourées d’un petit ruban de soie noir.

-D’où vient ce bouquet? demanda-t-elle à sa domestique.

Du bout des doigts elle caressa les fleurs avant de les porter sous son nez. Le bouquet répandait dans l’air une odeur merveilleuse, remplie de douceur et de vie. Anna ne put s’empêcher de sourire en voyant l’attention que portait sa maitresse aux roses.

-C’est arrivé ce matin... Ça vient de Monsieur le Comte. Je n’ai pas eu le temps de vous les apporter avant, vous savez, avec toute l’agitation en bas...

Les joues de Sarah s’empourprèrent légèrement et elle tourna le dos à sa domestique pour cacher son trouble. En vérité, Anna avait fait exprès d’attendre avant d’apporter le bouquet à sa maitresse. La dernière fois qu’un colis du Comte était arrivé au manoir, sa réaction violente avait secoué toute la maison. La santé de la demoiselle était si fragile qu’elle ne voulait pas trop la mener dans des émotions fortes. La Chasseuse attrapa le vase de sa commode et y retira les roses fanées qu’elle donna à Anna avant d’y disposer le nouveau bouquet qu’elle posa sur son bureau. La domestique quitta silencieusement la chambre pour aller chercher de l’eau tandis que la belle plaçait le bouquet pour que chaque fleur ait tout l’espace nécessaire. Sarah regarda les roses d’un air songeur, et si elle pouvait changer les choses après tout?


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Race : Humaine (Hunter)
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Emploi/loisirs : Hunter
Age : 21 ans
Proie(s) : Les êtres de nuits mais plus particulièrement les vampires.
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MessageSujet: Re: L'Onde immuable [02-06/05/42] L'Onde immuable [02-06/05/42] Icon_minitimeJeu 2 Mar - 16:55

5 mai 1842

BANG              BANG                  BANG

-Beau coup mademoiselle Spencer.

Les yeux bleus de la jeune femme quittèrent la cible pour se retourner vers l’homme qui se tenait près d’elle. Wallas se raidit sous le poids du regard. Il n’avait jamais vu une telle expression dans les yeux de l’héritière. Son regard était froid, vide, meurtrier. Bien vite l’iris reprit ses éclats et la sensation de malaise disparut de l’inspecteur de police. Il se hâta de se rapprocher de la Chasseuse, cherchant un sourire à afficher sur son visage.

Cela faisait maintenant quelques jours que la jeune femme avait retrouvé sa vie mondaine. Ses blessures avaient presque entièrement disparu et ses cheveux continuaient de pousser, plus brillants que jamais. Son visage avait perdu les rondeurs de l’enfance, sa silhouette s’était affinée et ses yeux remplis d’éclat lui donnaient des allures de beauté sauvage dont elle ne supportait pas la remarque. Même si tout semblait aller pour le mieux chez l’Héritière, en réalité rien n’allait. Le tremblement de ses mains continuait de l’affecter, la rendant maladroite dans ses gestes. Mais le pire était son comportement. La belle s’était emmurée dans un mutisme profond, se refermant complètement sur elle-même. Ses sourires étaient rares et même lorsqu’ils apparaissaient sur son visage, ils n’atteignaient jamais ses yeux. Le plus difficile pour sa famille était ses crises de panique. Son visage se vidait alors de toutes couleurs, le bourdonnement revenait à ses oreilles et elle s’écroulait au sol, incapable de respirer. Cela inquiétait ses parents au plus haut point et ils s’étaient empressés de rappeler le médecin au chevet de leur fille, mais celui-ci s’était révélé impuissant face au tourment qui affligeait la jeune femme. Seul le temps pouvait arranger les choses...

Sarah tentait donc de se reconstruire dans les gestes du quotidien; ouvrir les yeux, se lever, respirer... Reprendre possession de cette vie qu’elle avait brusquement quittée, cette vie dans laquelle elle ne se reconnaissait plus. Chaque petit geste lui coutait beaucoup d’effort. Le simple fait de se lever chaque matin, d’enfiler une robe alors qu’elle avait passé des semaines en pantalons, de se coiffer lui rappelait à quel point tout cela était loin. Le spectre de sa vie en tant que gentleman libre continuait de hanter ses gestes. Elle répondait aux questions, se servait elle-même un verre d’alcool, inclinait la tête en guise de salutation. Toutes ses manières étaient à reviser et sa mère ne manquait pas l’en aviser. Comment aurait-elle pu comprendre? Vivre entourée de sa famille était une grande épreuve. Ses parents ne la comprenaient pas et elle était incapable de leur parler. Edward lui en voulait encore de l’avoir obligé au secret et il l’évitait désormais. Le Comte était malade et elle ne pouvait rien y faire. La sécurité du domaine avait été revisée, des gardes surveillaient l’entrée du terrain et la nuit, les vampires prenaient la relève. L’atmosphère au château était étouffante. Elle passait donc le plus clair de son temps à marcher dans les jardins, redécouvrir les beautés de la nature, le silence de ce qu’on appelait la vie. La belle chasseuse passait ses journées au manoir, refusant de recevoir des visiteurs, de peur qu’une nouvelle crise ne la secoue ou d’être incapable de mentir...

En vérité c’était par acte d’une profonde lâcheté que la magicienne se laissait emprisonner dans cette cage au barreau doré. Derrière les murs du domaine n’existaient que le néant et le désespoir. Un inconnu qu’elle était incapable d’affronter. La ville était parsemée des lambeaux de sang et de pleurs qu’elle avait laissés un peu partout. L’Ondine, Éthé, Gabriel Fitzwilliam, ces entités avaient laissé leurs ombres sur les rues de la capitale et s’il était bien impossible que quiconque puisse faire le rapprochement entre ces trois êtres et l’héritière Spencer, celle-ci ne pouvait oublier les semaines de calvaires qu’elle avait vécus. Tout ce en quoi elle croyait, tous ceux en qui elle avait foi l’avaient abandonné à son triste sort. La laissant sans nouvelles, sans espoir. Une partie d’elle-même souhaitait tout de même que les membres de la guilde soient en vie, loin de Londres et de sa noirceur. Elle espérait qu’ils avaient pu retrouver une vie normale, qu’ils avaient retrouvé le sourire, la force d’aimer encore. Ce n’était que cette pensée qui empêchait la belle chasseuse de sombrer tout à fait dans le désespoir. Se complaire que d’autre pouvait vivre encore...

Elle errait donc dans les jardins, ombre sinueuse qui glissait le long des arbres. Depuis son retour, la famille Spencer avait grandement renforcé la sécurité du manoir. Chacun de ses mouvements était étroitement surveillé. La nuit, il lui semblait souvent apercevoir des ombres glisser le long du muret qui entourait la demeure. Les vampires étaient là, toujours fidèles au poste, veillant sur sa personne avec une attention bien particulière. Sans le savoir, la belle leur en devait déjà beaucoup. En effet, ses crises de somnambulisme étaient plus fortes que jamais. Chaque nuit, elle finissait par se lever, emporter par ses songes, et à sortir dans les jardins, marchant inlassablement à la recherche de quelque chose, où de quelqu’un... chaque fois, ses gardiens nocturnes l’empêchaient de quitter la demeure et la raccompagnait à sa chambre sans qu’elle ne se réveil. L’esprit de la magicienne était plus perturbé que jamais. C’est dans le désir d’avoir un impacte, de reprendre un peu de contrôle sur les choses qu’elle avait convaincu ses parents de l’importance de savoir se défendre et d’acquiescer à sa demande d’apprendre le tir. Bien sûr elle ne leur avait pas mentionné qu’elle s’était déjà pratiquée, mais il planait encore dans son esprit le spectre de la menace annoncé par Manouk. Et si l’épreuve des quais se reproduisait de nouveau? Ou celle du cimetière? Malgré les soins de ses blessures, son épaule était encore douloureuse. Son bras n’avait plus la force nécessaire pour tenir son arc. Plus que jamais, elle devait redevenir la Chasseuse. Curieusement, Monsieur et Madame Spencer n’avaient pas été difficiles à faire plier. Seule Madame Spencer avait semblé moins convaincue, songeant aux convenances.


-Ce n’est pas digne d’une Lady, Dorian. Que va penser la bonne société? avait-elle protesté.

Son mari lui avait glissé un regard attendu, ne répondant que lorsque sa fille avait quitté les lieux.

-Cela me peine de voir Sarah dans cet état. Si cela peut la réconforter quelque peu, je ne vois pas pourquoi je ne l’approuverais pas. Et puis, ce n’est que temporaire. Lorsqu’elle sera mariée, le Comte pourra mettre fin à cela...

Lydia n’avait rien répondu, fière du résonnement de son époux. Voilà pourquoi ils avaient contacté Wallas, le jeune inspecteur de police qu’ils avaient croisé le soir du théâtre et avec qui Sarah semblait avoir une bonne relation. Celui-ci avait accepté sans aucune hésitation d’être le tuteur de tir de la jeune héritière.

À présent, le jeune homme regrettait un peu sa décision.


-Ce n’est pas bien difficile… juste différent... répondit la jeune femme en se retournant vers l’inspecteur de police. Une balle est moins affectée par le vent et la température et elle demande moins d’énergie.

Wallas fut de nouveau mal à l’aise. Il se racla la gorge à plusieurs reprises, cherchant quoi dire. Il n’avait pas revu la magicienne depuis l’accident du théâtre. Il connaissait bien sa double vie, il avait suivi sa disparition de près. Il se doutait que cela était associé aux créatures nocturnes, mais elle ne semblait pas décider de le mettre dans les confidences. C’était peut-être mieux ainsi, moins il en savait mieux il se portait. Pourtant, il était quand même affecté par la tournure des événements. Après avoir regardé autour de lui, Wallas se mit à parler, moins fort, tout en continuant d’observer les alentours.

-Nous n’avons pas encore retrouvé le fugitif...

Sarah se redressa sur elle-même, comme si elle avait été brulée. Elle détourna la tête pour ne pas que l’inspecteur voie à quel point sa remarque l’avait affecté. Le poing serré, elle le porta contre son cœur.

-Il n’est pas idiot, il doit probablement déjà avoir quitté le pays…

Elle rechargea lentement son arme. Lorsqu’elle cessait de tirer ses mains recommençait à trembler ce qui commençait à lui laisser croire que ce qui l’affectait n’était pas physique.

-Vous savez, on parle beaucoup au poste et même au ministère que ce ne serais peut-être pas Von Ravellow qui serait responsable des attentats... Des gens sont certains de l'avoir vue ailleurs...

Le sourire de la jeune femme s'étira doucement tandis qu'elle restait de dos pour ne pas que l'inspecteur le voit. Ses petites magouilles en tant que Gabriel commençait à faire effet. La rumeur enflait, la bonne société s'indignait. Et si Alexender n'était pas coupable? Peut-être le Comte s'était-il trompé en l'identifiant. Encore quelques semaines et l'enquête pourrait être réouverte et le jeune homme innocenté...

-Sarah... Peut-être serait-il temps d’abandonner tout cela?

La Chasseuse cessa son geste pour observer l’inspecteur. Le regard sincère qui brillait dans ses yeux la mettait mal à l’aise. Depuis des années qu’ils se connaissaient, c’était la première fois qu’il remettait en question ses décisions. Elle resta interdite un instant, songeant à ce qu'il disait. Arrêter? Comme cela semblait si simple, si facile. L’héritière repris de recharger son arme.

-Depuis quand êtes-vous devenus si sentimental Wallas?lui demanda-t-elle.

L’inspecteur se balança d’une jambe à l’autre, visiblement inconfortable.

-Vous savez j’ai une fille maintenant et je n’oserais imaginer si elle prenait cette voie.

Le visage de Sarah s’illumina soudainement d’une puissante détermination.

-Et bien, dites-vous que c’est pour elle que je fais tout cela... Si ce n’est moi, qui se chargera de protéger sa vie?

Elle tendit le bras, inspira profondément. La balle quitta l’arme et alla frapper la cible, rapidement suivie par une autre.

-Et le Comte?

Cette fois Sarah manqua complètement sa cible d’un bon mètre avant d’étouffer avec peine un juron qui teinta les joues de Wallas d’un rouge écarlate. Et le Comte? Il s’en tenait çà ce qu’il lui avait dit, elle n’avait aucune nouvelle depuis son retour si ce n’était que son bouquet de fleurs. Cela renforçait le gout amer qu’elle avait au creux de sa gorge.

-Il faut continuer d’avancer...


*******



6 mai 1842

Sarah allongea paresseusement ses longues jambes devant elle tout en massant ses yeux lourds de fatigues. Dehors, le ciel grondait, mais la pluie ne tombait pas encore. Devant elle, son bureau si soigneusement vidé par ses soins était de nouveau encombré. D’épais livres étaient éparpillés ici et là, certains ouverts, certains fermer, des papiers dépassant des pages. Il s’agissait de vieille bible, de livre de mythologie, de recueil théologique. Tant de gros ouvrages qu’elle s’était fait envoyer de la bibliothèque pour faire avancer ses recherches. Toutefois, ces livres ne valaient rien. Il s’agissait de nouvelles éditions, de copie médiocre. Les manuscrits dont elle avait besoin se trouvaient à la réserve de la bibliothèque, soigneusement gardée sous l’œil vigilant du Conservateur. Même à force d’insistance, Anna n’avait pu convaincre le commis de lui sortir les livres. La Chasseuse allait devoir y aller elle-même les consulter sur place. En y songeant bien, elle s’était convaincue que cette visite pouvait peut-être l’aider à orienter ses recherches. Pour ce faire, elle devrait rencontrer le Conservateur... Tous ceux qui cotaient la société nocturne étaient au courant de la nature vampirique du grand bibliothécaire. C’était l’un des seuls indépendants à jouir d’une aussi grande autonomie. À part peut-être le Prince.  

La magicienne avait frissonné en songeant qu’il lui faudrait traverser la réserve et entrer sur son territoire. La seule et unique fois qu’elle l’avait vue remontait au début de son adolescence, lorsqu’elle avait commencé à lire les ouvrages de la réserve, endroit strictement interdit pour les non-initiés. Comme la jeune fille passait le plus clair de son temps à la bibliothèque, elle avait tout naturellement son niveau de lecture et celui de ses connaissances avait évolué. À force de présence, les commis avaient commencé à la laisser aller dans la réserve. Un soir, elle était grimpée sur une chaise pour aller chercher un livre. La chaise avait basculé et elle était passée proche de tomber. La chute aurait pu être brutale si le Conservateur n’était pas arrivé à ce moment-là pour la rattraper par le poignet, l’empêchant de tomber, mais surtout que le livre ne chute au sol. Il l’avait alors grondé sans ménagement, l’avisant que si un livre se trouvait en hauteur s’était justement pour que les grandes personnes puissent y avoir accès et non pas les enfants et il l’avait sorti sans autre forme de procès de la réserve. Malgré les années, Sarah n’avait jamais oublié son regard froid et calculateur. Il ne lui avait pas crié dessus, mais l’effet de sa voix douce et grondante avait été aussi menaçant. Elle avait longuement soupiré. Après tout ce qu’elle avait enduré, affronter le Conservateur n’allait certainement pas la tuer. Il lui faudrait simplement bien se préparer.

Le ciel gronda encore et la belle aristocrate se redressa légèrement, posant sa plume devant elle. La nuit avait été courte. Elle avait retourné encore et encore dans sa tête la lettre qui reposait maintenant sur le coin de son bureau, soigneusement cacheté par son sceau personnel. La lampe à huile éclairait doucement le nom du destinataire. Lord Jirômaru Keisuke. Après avoir reçu ses fleurs, la magicienne n’avait pu s’empêcher de penser à lui. Ils étaient ennemis. Elle ne pouvait oublier la mort du gardien du Musée, celui des partants d’Eulalia, des élèves d’Alexender... Mais il l’avait sauvé. Il était venu la chercher au cimetière et l’avait protégé allant même jusqu’à mettre sa propre vie en jeu. Elle était en plein cas de conscience. Elle ne pouvait oublier leur discussion, ses paroles la tourmentaient encore toute comme le souvenir exquis du baiser du vampire. Mais même si elle avait tendance à vouloir s’y opposer, Sarah demeurait avant tout une lady, éduquer selon des valeurs anglaises bien encrées. Elle avait longuement songé à ce qu’elle voulait lui écrire, elle ne voulait pas paraitre trop fleur bleue. Elle avait fait tourner entre ses doigts habiles sa plume, son esprit concentré, les tremblements avaient disparu. Elle avait plusieurs fois recommencé, cherchant avec distinction la phrase qui serait à même de traduire sa pensée. Lorsqu’elle avait fini, elle s’était dépêchée de cacheter l’enveloppe, de peur de la recommencer encore. Elle avait une dette envers le Prince qui lui faudrait payer tôt ou tard. Après un dernier soupir, l’Ondine se leva, rajustant sa jupe par la même occasion. Il était temps de se mettre en mouvement.


[b][HRP/ Fin du Rp suite à Codex et manuscrits


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