Jana voit le jour un froid matin d’hiver 1823, en janvier ou février. Elle passe ses premiers temps aux côtés de ses parents biologiques, mais est déposée dans un vieux berceau craquelé trois mois après sa naissance aux portes de l’orphelinat de Bloomsbury, seulement vêtue d’une couverture sur laquelle était brodé son prénom, et avec pour seul héritage un collier travaillé, une émeraude enchâssée dans une double chaîne en or. Les Sœurs essayent de dérober le bijou, mais l’une d’elles, Sœur Mathilde, s’y oppose fermement et veille à ce que l’enfant conserve son bien, en lui prenant dans un premier temps pour le cacher en lieu sûr, promettant de le lui rendre quand elle serait suffisamment âgée pour y faire attention et ne pas le perdre ou risquer de se le faire voler par les autres enfants. N’ayant aucun nom de famille connu, on lui attribue celui de Taylor. La petite Jana Taylor est placée dans la nursery délabrée, c’est le début d’une enfance malheureuse.

Jana est âgée de deux ans quand elle quitte la nursery pour rejoindre officiellement le bâtiment des filles. C’est une enfant fragile et affaiblie, qui manque d’attention et n’a toujours pas parlé. Elle rejoint très vite les quelques souffre-douleurs des plus âgés, qui s’amusent à les humilier ou à les frapper, peu souvent repris par les religieuses. Jana est régulièrement couverte de bleus. A l’image des autres enfants, elle ne possède rien et vit dans un dortoir très mal entretenu, ses vêtements sont inconfortables et en loques. Sa seule alliée dans ce milieu impitoyable est Sœur Mathilde, qui est malheureusement bien trop occupée pour réussir à protéger efficacement les enfants des autres enfants et de certaines religieuses cruelles. Les enfants ne s’entraident pas, il s’agit de la loi du plus fort, y compris lors des repas, où, très vite, ceux qui n’arrivent pas à défendre leur nourriture se la font voler.

Jana commence à apprendre à survivre, elle a aux alentours de 4 ans. Elle comprend que la fourchette peut servir de poignard pour dissuader les mains aventureuses, que certaines pestes ont une peur bleue des araignées, des cafards ou des rats(alors qu’elle ne les craint pas et qu’ils sont légions dans le bâtiment), qu’il vaut mieux courber l’échine et encaisser les coups si on sait que l’adversaire est plus puissant et que se rebeller n’entrainerait que plus de souffrances, qu’il y a de nombreux passages dérobés permettant de quitter le bâtiment, qu’il vaut mieux baisser les yeux devant certaines religieuses particulièrement sadiques, .... Elle intègre la règle du « chacun pour soi » et reste seule, ne prêtant pas main forte aux autres qui se font harceler. Elle se fait discrète et réussit à voler plusieurs fois, ici une pomme, là un œuf dur. Elle est repliée et très silencieuse, préférant observer le monde pour se protéger au mieux de ses dangers.


Jana a 5 ans et commence à développer une forte personnalité. Les enfants qui lui faisaient peur lui apparaissent pathétiques et elle en a assez de se laisser marcher sur les pieds. Désormais, elle rend coup pour coup : elle frappe, griffe, mord, tire les cheveux ou crache sur ceux qui lui cherchent des ennuis. Elle se rebelle également contre les religieuses, crie et se débat comme une furie. Les Sœur la perçoivent désormais comme un animal, un des pires enfants de l’établissement car elles semblent n’avoir plus aucun contrôle sur elle. La petite Jana est un animal, un démon, elle a le Malin, le Diable, Satan en elle. Elles n’hésitent pas à la corriger sévèrement, à la punir physiquement, mais rien n’y fait. Jana se bat, Jana vole et ment sans vergogne, Jana n’écoute rien et certainement pas ce qu’on tente de lui inculquer sur la religion catholique. Jana fugue, parfois toute une journée, et revient le soir en fixant avec mépris et audace la religieuse qui la corrigera pour sa fuite. Elle est fière et ne s’excuse jamais, ne se signe pas et refuse de dire le bénédicité. Jana est une enfant perdue qui fait des cauchemars et qui ne sait pas interagir avec autrui.

Malgré tout, Jana est une petite fille qui rêve d’avoir une famille et d’être aimée. Lors des visites, elle fait bonne figure, même si elle ne parle presque pas. En mars 1828, un couple bourgeois, les Sandwald, décide de l’adopter. Les premiers jours se passent bien, mais il est difficile d’effacer les années de maltraitance, de violence et de manque d’éducation : Jana fait des crises de colère et d’angoisse, de bruyants cauchemars et elle a tendance à frapper quand elle se sent acculée. Elle est ramenée à l’orphelinat quand le mari du couple ne supporte plus la fillette. Elle sera restée avec eux à peine un mois.
En juin 1828, elle passe beaucoup de temps avec un gentil couple d’aristocrates qui font régulièrement des dons et passent du temps avec les enfants. Elle reste avec eux à chacune de leurs visites, leur parle et se montre douce bien qu’elle fasse quelques crises malgré elle, ce qui ne semble pas les rebuter plus que ça. Ils parlent de l’adopter, car la jeune femme est soupçonnée stérile, mais elle réussit finalement à tomber enceinte et le projet tombe à l’eau. Jana en est profondément blessée, se renferme et refuse de rencontrer d’autres personnes. Elle reprend ses fugues abandonnées depuis mars et redevient violente envers les autres.

Au cours de ses nombreuses sorties, Jana se familiarise avec Bloomsbury. Elle prend l’habitude de s’amuser dans la vieille église St George’s Bloomsbury, d’escalader les maisons et de courir sur les toits. Quand elle revient à l’orphelinat, elle oppose une farouche résistance à toutes les tentatives d’éducation des religieuses. Elle refuse d’apprendre à lire et écrire avec les autres enfants, elle ne peut pas rester assise deux minutes sans bouger ou faire du bruit et n’arrive pas à rester concentrée.
Tout cela se poursuit jusqu’à l’année suivante : Jana, âgée de six ans, n’écoute rien, est fréquemment battue, vole, ment, fugue, a du mal à communiquer et se lier avec les visiteurs. Les quelques qui outrepassent les barrières de la petite fille pour essayer de l’adopter renoncent toujours après quelques temps, devant la violence de ses crises et son manque d’éducation. Elle part deux fois dans des familles qui la ramènent.

En juillet, un homme inquiétant pousse la porte de l’orphelinat. D’apparence riche et distinguée, il explique vouloir adopter une petite fille et son choix se porte sur Jana, dont la fougue l’amuse. Il vient régulièrement lui rendre visite et est laissé seul avec elle, mais elle le trouve effrayant et ne l’aime pas du tout, d’autant qu’il se montre parfois brusque avec elle, pour sourire la seconde d’après comme si rien ne s’était passé. En octobre, il annonce vouloir l’emmener avec lui. Jana refuse mais il offre beaucoup d’argent aux religieuses qui acceptent de lui vendre la petite fille. Jana s’enfuit la nuit précédant son départ, décidant de ne plus revenir dans ces lieux.


Sa fuite marque le début de son errance dans les rues sombres et inhospitalières de Londres, peu clémentes envers les mendiants. Elle vit de petits vols et larcins pour assurer sa maigre subsistance, et dort le plus souvent à l’église Saint-Georges. L’hiver arrive vite, Jana peine à se trouver à manger et de quoi se réchauffer. Elle reste parfois jusqu’à cinq jours sans rien avaler, cloîtrée dans un coin de l’église abandonnée pour chercher la chaleur. Malgré cela, l’idée de retourner à l’orphelinat ne lui effleure pas l’esprit.

16 décembre 1829. Une violente tempête de neige s’abat sur la ville depuis deux jours. Malgré les vieilles couvertures trouvées par Jana, elle est frigorifiée et a dû quitter l’église après s’être fait repérée. Elle erre sans but dans les rues, désespérée de trouver à manger pour la première fois depuis quatre jours. Epuisée, elle trouve une petite maison abandonnée et s’y réfugie, tombant presque aussitôt dans un profond sommeil. Sans le savoir, elle frôle l’hypothermie. Pendant son inconscience, elle se retrouve dans le Monde des Esprit où elle fait la connaissance de ses deux entités, Eiwya et Karvaan, qui lui expliquent ce qu’elle est en réalité, et l’exhortent ensuite à se réveiller pour ne pas mourir. Grâce à elles, elle réussit et trouve de quoi faire un feu dans la maison où elle se trouve, échappant de peu à la mort. Dans les mois qui suivent, elle reprend des forces grâces à ses entités qui lui apprennent à voler avec plus de subtilité et de discrétion qu’auparavant, ce qui lui permet de dérober plus de nourriture sans se faire repérer. Elles l’aident à développer son agilité, sa rapidité, ses aptitudes à l’escalade, ses sens… Elles deviennent toutes trois extrêmement proches en apprenant à se connaitre les unes les autres, malgré les désaccords pouvant survenir à cause de leurs personnalités différentes.

Au cours de cette même année 1830, Jana commence à se familiariser avec sa métamorphose en Eiwya, bien que les premières transformations soient longues et douloureuses, et développe son sens de l’orientation dans la grande ville qu’elle finira par connaitre presque comme sa poche. En cela, les quatre pattes et la rapidité d’Eiwya sont un avantage pour parcourir de longues distances la nuit. Elle passe notamment beaucoup de temps à Whitechapel, ayant découvert un autre endroit abandonné dans lequel elle squatte régulièrement. Le quartier devient son terrain de jeu, à l’image de Bloomsbury et La City. En règle générale, Jana évite les humains, exceptés certains boulangers ou maraîchers qui lui donnent régulièrement un peu de nourriture. Elle préfère parler longuement à Eiwya et Karvaan, à qui elle se confie à propos de tout, ressentant de l’amour pour la première fois de sa vie.


La petite fille se fond peu à peu dans le décor et devient une figure que les habitués reconnaissent comme « le chat errant de Whitechapel », sans connaitre pour autant son véritable nom. Il devient normal de la voir gambader, escalader les maisons et courir sur les toits, que ce soit de jour comme de nuit. Elle est âgée de 8 ans et sa furtivité et son agilité attirent bientôt l’attention sur elle. Début mars, un homme très bien habillé la tire dans une ruelle à l’abri des regards et lui propose de la payer si elle délivre un billet secret à une demoiselle de Soho, en passant par le toit de sa demeure pour ne pas se faire repérer. Elle accepte et livre rapidement le message sans accroc, touchant ensuite son paiement. Peu à peu, d’autres personnes font appel à elle pour livrer en toute discrétion des messages ou paquets, et sa réputation grandit. Par moments, elle touche même suffisamment d’argent pour ne plus avoir besoin de voler ; à l’inverse, d’autres temps restent durs, mais la fillette est désormais assez résistante pour y face. Sa vision nocturne est un grand avantage pour effectuer ses déplacements sans heurts. Peu à peu, ses missions la font traverser la ville de long en large, étoffant sa connaissance de certains quartiers huppés dans lesquels elle n’avait pas beaucoup été auparavant.

Côté lycanthrope, elle développe une vraie relation de sincérité et confiance avec ses entités, et laisse régulièrement le contrôle à Eiwya, pas uniquement quand elle en a besoin mais en fonction de leurs envies. Toutefois, elle n’arrive pas encore à se métamorphoser pour laisser la place à Karvaan, les premières tentatives ont été infructueuses et considérablement douloureuses, donc les trois âmes ont convenu d’attendre avant de réessayer. Jana prend lentement confiance en elle-même et en ses capacités, elle essaye d’oublier tout ce qu’elle a vécu à l’orphelinat, même si l’ombre menaçante du bâtiment pèse toujours énormément dans ses nombreux cauchemars. Elle consacre son énergie à survivre en essayant d’oublier le passé. Eiwya lui parle souvent du monde des Esprits, dans lequel elle a peur de s’aventurer, et s’occupe de son éducation magique, lui apprenant l’existence des vampires et des loups-garous. Elle lui apprend qu’indépendamment de Karvaan et elle, elle aura également plusieurs pouvoirs, mais, pour le moment, ils ne se manifestent pas.

Le 19 avril, alors qu’elle est occupée à délester un marchand (particulièrement désagréable) de sa bourse, elle ne remarque pas qu’une femme la regarde. Cette dernière l’engage pour voler une précieuse broche provenant d’un héritage familial, et détenue par sa grande sœur avec qui elle est en conflit. Saisissant l’opportunité de se faire plus d’argent, Jana accepte et s’acquitte de la tâche. A partir de cet instant, on l’engagera non seulement pour livrer des messages, mais aussi pour voler des objets, ou encore écouter et retransmettre des conversations. Elle rencontre notamment certains agents du Yard qui savent utiliser ses aptitudes particulières à leur avantage. Jana est heureuse de voir ses missions et leurs commanditaires se diversifier car, plus l’enjeu est ambitieux, plus la paye est conséquente…


Le 26 février 1834, Jana fait la rencontre du père James, chapelain de Sainte-Marie de Whitechapel, alors qu’elle essayait de fracturer le tronc de la chapelle. Au lieu de prévenir les autorités, il prend l’enfant en pitié et discute avec elle, réussissant à gagner sa confiance. Habitant juste à côté, il lui offre le gîte et le couvert, mais habituée à la rue et ne pouvant envisager de rester cloîtrée entre quatre murs, Jana refuse. Elle s’en va, mais, appréciant l’homme, revient régulièrement prendre de ses nouvelles. Il lui promet qu’elle peut venir le voir et profiter du confort de sa maison à chaque fois qu’elle en a besoin ou le désire. Au cours de ses visites, il lui parle de son engagement à Dieu, et sa passion ramène peu à peu Jana vers la religion catholique. Il lui propose de lui apprendre à lire et écrire, ce qu’elle accepte. Elle passe chez lui entre ses missions et il lui apprend les enseignements de la Bible, ainsi que des rudiments de français et de latin. Elle découvre avec lui les plaisirs de la lecture et l’écriture. Il lui apprend des chants religieux et découvre qu’elle a une voix naturellement juste et mélodieuse. Il devient peu à peu comme un père pour elle, même s’il respecte sa personnalité parfois orageuse et sa soif de liberté qui la pousse régulièrement à rester dans les rues un long moment avant de revenir le voir.

Dans ses moments de repos, Jana peut compter sur la bibliothèque du père James pour s’occuper. Si elle apprécie les écrits des grands auteurs anglophones, elle s’intéresse tout particulièrement aux livres d’herboristerie, auxquels elle accorde beaucoup d’attention et qu’elle parvient rapidement à retenir. Son pouvoir d’herboriste sociale se dévoile peu à peu et elle aime désormais expérimenter des potions, onguents ou philtres. Le flair d’Eiwya lui est très utile pour dégoter les ingrédients nécessaires.

En 1836, elle commence à traîner un peu plus du côté des quartiers des immigrés, intéressée par un groupe de danseurs acrobates irlandais, qui se produisent régulièrement dans les rues. Elle se découvre une véritable passion pour cet art et les observe souvent depuis les toits, essayant de reproduire leurs mouvements. Elle s’entraîne beaucoup et commence alors son apprentissage de la danse en autodidacte, qu’elle poursuivra et améliorera tout au long de son adolescence. Au cours de son travail, elle réussit à s’attacher des contacts dans plusieurs clubs de la ville, dont celui de The Spirit, dans lequel elle se produit occasionnellement en chant ou danse et où elle est certaine, dans cette atmosphère d’intrigues et de manipulation, de dégoter de potentiels clients.



Le 18 mai 1839, Jana, âgée de 16 ans, fait la connaissance de Michael, un voleur à la tire se prétendant orphelin lui aussi et âgé de 20 ans. Il s’intéresse à elle et partage son côté sarcastique et cynique, ce qui les rapproche malgré la méfiance initiale de Jana. Ils passent beaucoup de temps ensemble, volant et s’amusant dans la ville. Au cours d’une rixe avec deux hommes qu’ils essayaient de détrousser, elle découvre qu’il est très bon combattant : il met rapidement leurs adversaires à terre. Impressionnée, Jana lui demande de lui apprendre à se battre, et Michael accepte. Plus tard, il l’aidera à voler les armes qui constitueront son arsenal.

Plusieurs mois s’écoulent et Jana ressent des sentiments qu’elle n’avait jamais éprouvés envers son nouvel ami, lui accordant toute sa confiance, se sentant en sécurité auprès de lui. Elle se sent bien avec lui, malgré les quelques moments où il lui arrive de se mettre en colère et d’élever la voix, côté qu’elle comprend car elle le possède également. Quand il lui avoue son amour, elle fait de même. Elle ne s’était jamais sentie aussi heureuse qu’à l’instant précis où il a posé ses lèvres sur les siennes.

Jana pense avoir enfin trouvé de quoi construire la famille qui lui a toujours manquée, mais son bonheur est de courte durée. En octobre 1839, elle apprend que non seulement Michael a une famille et une jeune femme à laquelle il est promis, mais qu’il est aussi issu de la haute bourgeoisie et est recherché par les siens à cause de sa fugue. Son mensonge brise le cœur de Jana, qui pensait avoir trouvé quelqu’un à l’histoire similaire, et qui a l’impression d’avoir été trahie. Elle le confronte à la nuit tombée, en le retrouvant dans une ruelle où ils avaient rendez-vous. Michael tente de s’expliquer, mais elle ne l’écoute pas. Elle se met en colère, et le jeune homme entre dans une rage folle, allant jusqu’à s’en prendre à elle physiquement. Jana se défend, mais a du mal à rester concentrée car Eiwya bataille pour prendre le contrôle ; ce que Jana ne veut pas car elle sait qu’elle tuera Michael.
Ce dernier réussit à la renverser sur le sol, elle se cogne violemment la tête. Il tente alors d’abuser d’elle. En comprenant ce qui va arriver, Jana cède immédiatement la place à Eiwya, qui profite de la surprise de l’homme pour se jeter sur lui et le mordre à la gorge. Elle rend le contrôle à Jana. Michael, à l'agonie, a le visage déformé par l'horreur. Du sang plein le cou, il a du mal à parler, mais réussit à cracher à Jana qu'elle est un monstre. La jeune fille, en larmes, s’enfuit, abandonnant l’homme au bord de la mort sur le pavé de la ruelle. Incapable de réfléchir correctement, Jana ne pense qu’au peigne orné que Michael lui a offert, qu’elle a caché à l’église Saint-Georges, dont elle veut immédiatement se débarrasser. Quand elle le touche, une vision fragmentaire de son passé avec Michael la frappe, première manifestation de son pouvoir de psychométrie. Revenant à elle, elle laisse sa douleur éclater et brise le peigne contre le mur, avant de se laisser tomber au sol pour pleurer toutes les larmes de son corps. Elle ne connaissait Michael que depuis cinq mois, à peine, mais en ce court laps de temps, il s’était incrusté au plus profond de son cœur, cœur à présent brisé en mille morceaux.

La guérison est lente et douloureuse. Plusieurs mois s’écoulent durant lesquels Jana vit au ralenti, allant jusqu’à oublier de s’alimenter ou passer des heures le regard dans le vide, en ignorant les voix de ses sœurs d’âmes. Ces dernières l’aident de leur mieux, elle reprend peu à peu pied, mais sait d’ores et déjà qu’elle ne sera plus jamais la même. Etrangement, sa douleur et son abattement semblent favoriser sa métamorphose en Karvaan, qu’elle parvient pour la première fois à effectuer de façon spontanée et indolore. Karvaan prend régulièrement le contrôle, en accord commun avec Jana, et sa curiosité et son caractère enfantin ont un effet bénéfique sur l’adolescente. Elle se force à continuer à vivre, essaye d’y reprendre goût, et noie son chagrin dans ses missions et son acharnement à maîtriser, en vain, la psychométrie. Elle reprend la danse et le chant et rend régulièrement visite au père James, qu’elle avait délaissé suite à sa relation avec Michael. La religion l’aide à surmonter sa peine, et le père James décide subitement de lui offrir un violon appartenant à son père. La mélancolie de l’instrument plait beaucoup à l’âme tourmentée de Jana, qui passe une bonne partie de son temps à apprendre à en jouer, pansant lentement ses blessures. C'est également suite à sa rupture avec Michael qu'elle commence à revenir à l'orphelinat pour rendre de régulières visites aux enfants, leur apportant un peu de l'affection et l'attention qui lui ont tant manqué.

Août 1841. Jana va beaucoup mieux, elle est en paix avec elle-même et continue ses contrats divers. Elle laisse souvent ses sœurs au contrôle, et dans ses moments de repos, elle lit, chante, danse, joue du violon ou explore la ville. Son troisième pouvoir, la téléportation à courte distance, a pointé le bout de son nez, et elle commence à apprendre à s’en servir. Elle pense souvent à Michael, comme un moyen de se rappeler qu’ouvrir son cœur et faire confiance à la mauvaise personne peut vous détruire jusqu’à la mort.