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Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42]

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Armando della Serata
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Armando della Serata
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MessageSujet: Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Icon_minitimeVen 8 Mar - 0:14

[HRP/ Venant de l'East End, ''Au coeur de la misère se cache la vérité''/HRP]

Les rues humides de Londres défilaient comme les tableaux d'un théâtre de misère. Il n'était que 9h du matin et la capitale fourmillait déjà de fiacres et de cris. Les bourgeois sortaient de chez eux dans leurs plus beaux habits pour rendre visite à leurs amis, les aristocrates se pressaient à leurs affaires administratives et les marchands avaient déjà ouverts leurs échoppes sur Covent Gardent depuis quelques heures. La pluie de la veille avait laissé place à un pâle soleil qui tentait vainement de déchirer les nuages restés au-dessus du monde comme des lambeaux d'océan abandonné-là par leur mère. Seul un léger ton rosé venait donner à l'atmosphère grisâtre du moment une touche de couleur bienvenue.

Le fiacre allait bon train. Armando laissait ses yeux sombres observer les rues s'agiter. En soit, elles représentaient assez bien ce qui se passait dans sa tête en cet instant: le tumulte le plus instable. Depuis qu'il enquêtait avec Véronica, l'agent du Yard n'était plus lui-même et cela commençait à lui torturer l'esprit. Comme une tempête secoue un navire, la belle Alchimiste avait bouleversé sa vie. Cela ne faisait que deux jours que leurs chemins s'étaient croisés puis définitivement rejoints autour de cette affaire mais l'urgence de la situation, les menaces écrites et physiques, ainsi que la nécessité qu'ils avaient de rester toujours ensemble et même de vivre sous le même toit les avait rapprochés très vite. Comment deux être qui ne pouvaient que se plaire physiquement pouvaient-ils ignorer leur instinct dans pareille situation? Plus l'italien y pensait et plus il trouvait que la gêne qu'ils éprouvaient maintenant n'était que la conclusion logique de circonstances non voulues. Les coups de feu, les mots, la soirée à l'hôtel, la tragédie de l'East End et leur nuit dans ce taudis...Il était normal que Véronica ai cherché un peu de chaleur et de protection de même qu'il était normal que lui-même ai voulu la rassurer et qu'il lui avait volontiers prêter le bras et l'épaule. Mais...de son point de vue obtus, il continuait de culpabiliser pour son geste du matin. Prendre dans ses mains le pied de la belle pour vérifier sa cheville était un acte tout à fait anodin pour un médecin et il pouvait bien en endosser le rôle dans pareil cas, mais remonter sur les tendres mollets de Véronica, laisser ses mains effleurer sa peau, lui passer par-dessus, l'embrasser...
Armando frissonna.
Non, décidément c'était lui qui avait réellement été inconvenant. L'Alchimiste n'avait eu que des réflexes de défense et de crainte. Elle s'était certainement sentie seule au milieu de cette chambre glaciale et sombre, après ce qu'ils avaient vécu ensemble en si peu de temps, il comprenait qu'elle soit choquée et qu'elle cherche une forme de réconfort, surtout après ses mots un peu brutes concernant l'Alchimist Room. Mais lui, qu'est-ce qui excusait son geste à son réveil? Rien. Il avait le coeur bien accroché et la poigne nécessaire pour se battre et résister à la pression de pareilles situations. Il n'avait pas cherché de réconfort, il n'avait fait que céder à une pulsion bestiale, il s'était comporté comme un mâle primitif! Peut-être même qu'inconsciemment il avait voulu profiter de l'occasion qui se présentait à lui? Véronica lui plaisait et, ainsi perturbée, elle semblait facile à faire tomber. N'importe quel homme aurait poussé la chose plus loin, mais il n'était pas n'importe qui. Au moins lui restait-il assez de bon sens et de respect pour se rendre compte à présent que son geste avait été des plus déplorables. Heureusement qu'il avait su s'arrêter à temps, pour sauver l'honneur de Véronica et sa propre dignité! Cette faiblesse le perturbait gravement. Jamais encore il n'avait dérapé aussi vite avec une dame.

Se haïssant plus que jamais, l'Agent resta muet jusqu'à ce qu'ils arrivent à l'Albany. Là, il laissa Véronica se changer avant d'en faire de même. Il passa à la salle d'eau pour refaire son rasage et avoir ainsi la peau la plus impeccable qu'il soit avant de se rendre dans les bureaux du Yard. Il enleva ses frusques et remis ses vêtements distingués: pantalon noir, chemise blanche, veste noire et cravate. Il se coiffa, laissant ses longs cheveux détachés comme à son habitude et ajusta le petit mouchoir qui dépassait de sa poche de veste avant de sortir à son tour de la salle d'eau. Véronica était à nouveau coiffée avec fermeté elle aussi, même si par rapport à l'agent du Yard elle était éminemment plus ancrée dans les normes. En tous cas, ses vêtements la changeaient du tout au tout. Comme lui, elle était passée de la plus sobre et délavée des tenues à la plus respectable qu'il soit. Elle y gagnait en netteté et en classe, mais elle y perdait en naturel, cela était certain. Armando lui jeta un coup d'oeil un peu triste: il regrettait amèrement son écart du matin. Désormais, une gêne s'était installée entre-eux et malgré leur reprise en main de la situation, leurs excuses et le nouveau ton qu'ils employaient tout deux afin d'éviter tout retour sur le sujet, il était inutile de nier que quelque chose avait changé entre eux. Était-ce le signe d'une prochaine séparation? Armando y avait songé dans le fiacre. Pouvaient-ils continuer ensemble après cet incident? N'était-ce pas risquer de nouveaux dérapages? Et puis, il avait toujours agit seul et il était évident que la présence de l'Alchimiste le dérangeait maintenant non seulement formellement mais aussi physiquement.
Détournant le regard, il revint sur les journaux qui traînaient sur sa table basse. Le portrait de deux fuyards revenaient souvent sur leurs pages. Il les avait déjà mémorisé: Alexender Von Ravellow et Raphaël Venezziano. Ils avaient osé fomenter un attentat contre le lord Jirômaru Keisuke, devant la reine et une partie du Scotland Yard, ils étaient maintenant les ennemis public numéro un. Nul doute qu'après son enquête il devrait se pencher sur le sujet...

Lorqu'ils furent enfin prêts, Armando ferma la chambre à clé et, accompagné de Véronica, il descendit les marches pour sortir de l'hôtel. Comme à son habitude, il scruta les rues alentours pour vérifier qu'ils n'étaient ni observés, ni suivis, puis il s'engouffra dans le véhicule à la suite de la jeune Alchimiste.
Le trajet jusqu'au Scotland Yard fut rapide. Maintenant qu'ils étaient dans les grandes rues du centre ville, loin des ouvriers et des marchands tous rassemblés à Covent Garden, la circulation allait mieux. Évidemment, les promeneurs et les autres fiacres envahissaient assez la rue pour les ralentir à maintes reprises mais ce n'était rien par rapport à l'East End.
Armando, qui était resté très silencieux depuis leur réveil, délia un peu sa langue:


- Miss Newburry, lorsque nous arriverons, veuillez me laisser faire. Je doute que mes collègues ne tolèrent qu'une Alchimiste ne puisse enquêter avec moi, mais j'ai encore assez d'influence pour les faire taire. Je m'excuse d'avance si certains se montrent irrespectueux envers vous, comme Jonathan, même si je doute que d'autres n'aillent jusqu'à nous tirer dessus...

L'air maussade du jeune homme ne pouvait passer inaperçu. En vérité, se rendre au Scotland Yard pour annoncer à tout le monde que Jonathan n'était plus et qu'il y avait des Alchimistes mêlés à leurs affaires ne le réjouissait pas du tout, bien au contraire, cela le mettait presque de mauvaise humeur d'autant qu'il avait déjà l'esprit tiraillé de questions personnelles.

Une fois que le fiacre fut arrivé devant le Scotland Yard, Armando jeta un coup d'oeil à l'extérieur tout en restant à l'intérieur du véhicule. Il soupira et se tourna vers Véronica.


- Je vous préviens, vous n'êtes pas la bienvenue...Quant à moi...ne vous étonnez pas du statut que j'ai ici...

Il lui fit un pâle sourire et descendit du fiacre avant de l'aider à en descendre avec toute la galanterie qui s'imposait. A peine eurent-ils montés les marches devant l'immense bâtiment qu'ils furent arrêté par une paire de vigiles. Armando présenta sa plaque, même si les deux vigiles le connaissaient parfaitement physiquement, ainsi que de réputation. C'était la règle. L'Agent présenta ensuite Véronica:

- Miss Véronica Newburry, Alchimiste d'État, elle enquête avec moi, veuillez la laisser passer. Je m'en porte garant.

Les vigiles ne les génèrent pas plus que cela et Véronica pu passer sous leurs regards inquisiteurs.  Armando l'entraîna à sa suite espérant qu'ils passeraient le plus inaperçus possible dans le grand hall et les couloirs. Mais à peine furent-ils avancé dans le hall que l'Agent fut interpelé.

- Monsieur Della Serata! Enfin vous voilà, nous commencions à nous inquiéter! Bonjour miss.

Armando retint un grognement d'ennui. Évidemment ses collègues étaient sur le pied de guerre au sujet de cette enquête et depuis le Queen's Head il n'avait plus donné de nouvelle, c'était logique qu'ils l'attendent ainsi. Ce n'était que des incapables sans cervelle...Dès qu'il était absent, ils passaient leur temps à se tourner les pouces. C'était comme-ci sans lui ils étaient aussi perdu que des moutons sans chien de berger...

- Ha! J'espère que vous avez du nouveau! Fit l'homme en arrivant au pas de course. Ici nous n'avançons pas, c'est une de ces mélasses cette affaire! Et Jonathan qui n'est pas revenu depuis hier midi...Il faudrait songer à éviter de disparaître ainsi...

Armando le regarda de haut avec un soupçon de colère dans les yeux. L'homme s'écrasa un peu sur lui-même et bégaya:

- Oui enfin...je ne parle pas de vous...mais de Jonathan...Je...

- Jonathan est mort, Monsieur Finnigan, notez-le dans le registre. C'était un complice de notre meurtrier.

Face à pareille affirmation, dite de façon aussi raide et aussi froide, son collègue recula d'un pas en ouvrant la bouche pour poser mille questions qu'il finit finalement par laisser mourir sur le bord de ses lèvres devenues livides.

- Un...un traitre? Non...Mort? Ho mon Dieu...

- J'ai bien peur que Dieu n'ai rien à voir là-dedans, Dean. Vous et Monsieur Acosta allez me chercher le directeur général, j'ai besoin de lui parler de toute urgence. Je serais à la morgue.

Sur ces mots, Armando fit signe à Véronica de le suivre. Sur le chemin, il fut maintes fois interpelé, on lui souriait, on le saluait, on lui faisait même des courbettes. Il était certain que l'agent du Yard n'était pas n'importe quel agent et qu'ici il avait un statut à part. Il était traité comme un ponte en visite. Cependant, si certains baissèrent le regard à son passage par pur respect et pour éviter de le déranger, certains n'hésitèrent pas à dévisager Véronica qui était avec lui. Que faisait donc une femme au beau milieu du Yard? Cela était non seulement une première mais c'était aussi et surtout complètement inconvenant. Les femmes n'avaient pas leur place ici, à part dans le bureau des plaintes, et encore c'était souvent leurs maris ou leurs pères qui venaient se plaindre pour elles, surtout lorsqu'elles venaient de la haute bourgeoisie ou de l'aristocratie. Qui était donc cette femme? Dean l'avait reconnue et il avait préféré l'ignorer, mais au fond de lui il réprimait l'envie de dire à son chef que cette fameuse Véronica n'avait rien à faire ici.

Lorsqu'ils furent en bas de longs escaliers en colimaçon, Armando accéléra le pas. Il ne souhaitait pas qu'on lui pose des questions et il ne voulait pas que l'Alchimiste ne subisse plus longtemps ce genre de regards en biais. Il la conduisit au troisième étage où il ouvrit une porte grâce à une clé spéciale qu'il avait dans sa poche de veste. C'était son bureau. Il alla tirer les rideau de sa fenêtre pour laisser le soleil envahir la pièce. Cette dernière était sobre, très bien ordonnée. Il n'y avait qu'un bureau entouré d'étagères et une table avec des chaises. Des livres et des dossiers comblaient chaque espace disponible et la poubelle était pleine de boulettes de papiers. Seul son bureau était un peu en désordre. Armando abandonna sa veste sur le porte-manteau et invita Véronica à faire de même. Sa chemise blanche contrastait terriblement avec ses longs cheveux noirs.


- Bien, fit-il en remontant les manches de cette dernière, je vais vous conduire à la morgue du Yard, il faut que l'on étudie le cadavre de Nikola. J'espère que vous êtes prête...? Je comprendrais que vous reculiez face à la perspective de revoir la chose...

Armando s'assura que Véronica avait l'air convaincue avant de l'entrainer à sa suite. Il fallait redescendre tout en bas et passer dans les étages inférieurs. Le Yard avait des souterrains dans lesquels il conservait maints secrets. La morgue y était très codée et évidemment transitoire pour les enquêtes.
Lorsqu'ils eurent passé les différents niveaux, esquivé quelques questions et franchi la porte de ladite morgue après avoir enfilé des gants et autres légères protections tels que des tissus pour envelopper leurs bottes, le couple arriva devant la table où reposait le corps de Nikola depuis deux jours. On l'avait identifié sous le nom du colonel Felton. L'infirmier qui les avait accompagné s'apprêtait à soulever le drap qui couvrait le corps. Il jeta un coup d'oeil à l'Agent et à la jeune femme qui l'accompagnait.


- Je vous préviens, c'est assez éprouvant.

Assuré qu'il pouvait enlever le drap, l'homme le souleva des deux côtés du cadavre pour le plier sur son intimité qu'il voulu cacher à la jeune femme. Armando avait l'habitude des cadavres, celui-ci n'était ni le premier ni le dernier qu'il voyait dans sa vie. Mais il fallait avouer que le meurtrier avait décidément des méthodes peu courantes pour ôter la vie...


Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Sans_t11
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Veronica della Serata
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MessageSujet: Re: Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Icon_minitimeDim 17 Mar - 13:09

Une fois que Véronica eut repris un habit convenable, ils se retrouvèrent dans le salon pour partir vers le Yard. Elle fut un peu choquée de revoir Armando dans un costume après leur escapade dans les plus sombres quartiers de l'East End. Ainsi vêtu, il paraissait plus rigide, quasiment inflexible. Il était à nouveau l'agent inébranlable qu'elle avait rencontré au Queen's Heads. Il n'en était pas moins beau, bien au contraire, mais il lui manquait cette tendresse et cette allure quasiment sauvage que lui donnaient ses vêtements d'ouvriers.

Ils montèrent dans le fiacre qui avait été avancé pour eux dans le plus grand silence. Véronica se sentait plutôt triste en réalité. Il était évident que leurs rapports amicaux avaient changés du tout au tout depuis ce matin. Elle avait l'impression de n'être plus qu'une étrangère, une vague connaissance du travail. Depuis combien de temps se fréquentaient-ils ? Quatre jours à peine. Ils étaient allés bien trop vite, ils n'auraient pas dû se connaître de cette manière... Mieux valait prendre du recul et y revenir plus tard. Armando ne devait pas se sentir brusqué dans ses habitudes. Après tout, il vivait en célibataire depuis de nombreuses années et faisait partie de cette catégorie d'adorables renfermés qui ne vivaient que par leur travail.

Elle se tut pendant le trajet et baissa humblement la tête comme le font habituellement les femmes en présence d'un homme. Elle n'osait plus le regarder dans les yeux. La peur d'y voir de la désapprobation, du mépris ou quelque sentiment négatif que ce fut la prenait aux tripes et faisait trembler ses mains blanches.
Elle laissa son esprit vagabonder pour se calmer, les yeux plongés dans le lointain. Il y avait moins de circulation que dans l'East End mais les voitures des dames en visites, les calèches et attelages de ces messieurs ainsi que les autres cabs les empêchaient parfois d'avancer.
Soudain, elle sursauta quand il lui adressa la parole et se redressa instinctivement, raide comme un piquet de bois.

Armando lui donna quelques recommandations par rapport à la conduite qu'elle devait adopter u Scotland Yard. On n'accepterait pas facilement qu'une Alchimiste vienne se mêler de leurs petites affaires et elle restait qui plus est une femme. Son visage se fana lorsqu'elle réalisa à nouveau que les hommes étaient loin d'être tous comme l'agent qui se trouvait en sa compagnie. Bien sûr, il ferait taire les mauvaises langues si cela s'avérait nécessaire mais les policiers et inspecteurs n'en penseraient pas moins. Véronica lâcha un soupir las et déçu. Jamais elle n'avait essayé de nuire à qui que ce fût... Elle avait des connaissances et des compétences qu'elle avait choisi de mettre au service de la Justice, allant à l'encontre de sa secte au péril de sa propre vie et voilà comment elle était accueillie. C'était bien triste en vérité.
Elle se força à sourire et hocha la tête en regardant le bel Italien.


- Très bien, je comprends. Ne vous en faites pas, je serai aussi muette qu'une tombe.

Ses yeux semblèrent se ternir lorsqu'elle prononça ces mots. L'Alchimiste détourna son regard vers la fenêtre et réalisa que la population de bobbies au mètre carré semblait s'être considérablement accrue. Ils ne devaient plus être très loin du Scotland Yard. D'ailleurs, l'ombre du bâtiment se profilait à quelques rues de là. Cinq minutes après, ils se retrouvèrent devant le siège de la police londonienne. Jamais encore elle n'avait trouvé l'occasion de se rendre dans ces locaux qu'elle trouva plutôt impressionnants. L'émeraude de ses yeux sembla se rallumer, jusqu'à-ce que l'agent lui rappelle qu'il n'était pas la bienvenue ici. Elle hocha la tête sans rien dire mais prit la peine de lui rendre son sourire lorsqu'il l'aida à descendre.
Le contact de sa main dans la sienne, pourtant tout à fait anodin, lui arracha des frissons étranges qui parcoururent sa colonne vertébrale de haut en bas.

Deux vigiles aux airs moroses les arrêtèrent à l'entrée. Elle sentait déjà aux regards qu'ils lui lançaient qu'elle était tout sauf acceptée au sein de ce lieu. Elle baissa les yeux et laissa Armando parler. Il présenta sa plaque et informa les deux vigiles de qui elle était. Ils ne dirent rien et les laissèrent passer mais la jeune femme sentit bien leurs regards dans son dos. En réprimant un frisson, elle se posta à la suite d'Armando, ne se décollant pas de lui d'une seule semelle.
Dans le Hall, un nombre incalculables d'employés exclusivement masculins allaient et venaient, tous pressés par une quelconque affaire.

Pour l'instant, personne ne s'était aperçu de leur présence, peut-être qu'ils arriveraient à la morgue sans avoir à rendre de comptes à trop de gens ?
Mais presque aussitôt, un agent les interpella vivement. Elle se retourna et reconnut un des agents présents à la soirée du Queen's Heads quelques jours auparavant. Il s'empressa autour d'Armando comme s'il était le messie, ne lui accordant qu'un bonjour de pure politesse auquel elle répondit d'un signe de tête.

Visiblement, il avait l'air dépassé par les événements et s'en remettait corps et âme à son supérieur pour la suite. N'était-il donc pas capable de faire avancer une enquête seul ?! Parbleu, était-ce un policier ou un clown tout juste bon à jouer les girouettes ? Véronica retint un soupir. Si le Yard était livré à de tels incapables, pas étonnant que la criminalité ait connu un regain significatif ces dernières années.
Lorsqu'il se plaignit de la disparition soudaine de Jonathan, elle déglutit difficilement, espérant sincèrement que l'acte de légitime défense d'Armando ne lui porte pas préjudice par la suite. Qu'allait dire l'agent ? Comment expliquer la situation dans laquelle le traître les avait mis, la fusillade qui se termina par le meurtre de ce gros homme patibulaire ? A la place de l'agent, Véronica aurait certainement paniqué ou balbutié avant de trouver une phrase cohérente à dire. Mais l'Italien s'en tira de la manière la plus simple qui pouvait être. A vrai dire, la phrase qu'il prononça, raide et fatale comme le couperet de la guillotine, faillit lui faire autant d'effet qu'au pauvre agent en face d'eux. Celui-ci d'ailleurs recula, affichant une mine choquée, ouvrant la bouche puis la refermant comme un poisson hors de l'eau. Il balbutia quelques exclamations d'usage, invoquant Dieu comme l'auraient fait les neuf dixièmes de la population chrétienne dans une même situation. Armando répondit avec froideur et donna quelques ordres avant de s'éloigner, laissant le jeune homme pantelant au milieu du Hall.

En cheminant dans les couloirs, tous les gens qu'ils croisaient s'arrêtaient au passage d'Armando et l'encensaient de politesses allant du simple salut à des salamalecs aussi longs qu'un bras. Véronica en fut étonnée. Elle savait que l'Italien était très respecté au sein de sa profession mais de là à s'imaginer que tout le Yard se prosternait à ses pieds... Comment vivait-il cela au quotidien ? Être respecté de tous était bien sûr un avantage mais à la longue, n'était-ce pas agaçant de voir tous ces hommes vous saluer sans cesse, vous acclamer et s'en remettre à vous constamment ?

La jeune Alchimiste, dans ses petits souliers, suivait l'agent de près en essayant d'ignorer les regards qu'on lui lançait. Cette expression de dédain typiquement machiste qu'elle ne connaissait que trop la força à baisser les yeux, une tristesse indicible sur le visage. Il y avait aussi ceux qui la dévisageaient, la déshabillaient presque du regard sans aucune gêne. Après tout, les seules femmes qui s'aventuraient dans cette partie du bâtiment étaient suspectées de tous les délits possibles et imaginables dont le plus fréquent était bien sûr le racolage. Pourtant elle était loin d'avoir l'apanage d'une prostituée...
La mort dans l'âme, elle le suivit dans un escalier en colimaçon en essayant de ne pas trébucher dans ses jupes. Il était vrai que l'agent allait plutôt vite et si elle arrivait à le suivre sans aucune difficulté dans les couloirs, les escaliers lui demandaient plus d'effort et d'attention.
Ils montèrent trois étages et l'homme l'emmena dans ce qui devait être son bureau.

Contrairement au sien, il était vaste, quoique chaque centimètre carré d'espace eût été occupé par des étagères remplies de livres et de dossiers. Au moins avait-il la place de travailler correctement. L'Alchimiste eut honte en repensant à son propre bureau et au désordre qui régnait continuellement dans ses étagères, même lorsqu'elle avait passé une demi-journée à tout classer selon un ordre strict et précis.
Accompagnant Armando, elle se débarrassa aussi de son manteau avec un certain soulagement ; elle commençait à avoir chaud dans ce bâtiment. Machinalement, elle lissa les jupes de sa robe verte du plat de sa main, essayant d'ignorer le contraste époustouflant de sa cascade de cheveux d'ébène sur sa chemise immaculée. Elle repensa encore à ce matin avec un pincement au cœur. Au fond, elle aurait aimé que cela se reproduise, les rapproche. Elle ne pouvait nier que cet homme exerçait sur elle une attirance sans pareille depuis Cuthbert. Rougissante, elle baissa les yeux et se sermonna sévèrement. Elle ne devait pas avoir ce genre de pensées ! Ils s'étaient rencontrés dans le cadre du travail et leurs relations se limiteraient à cette seule enquête qu'ils avaient en commun, point à la ligne.
Il fallait maintenant ignorer son cœur, voire même son corps entier, qui lui hurlait le contraire.

Elle releva la tête lorsqu'il lui parla, cachant encore une fois son trouble. Il allait l'emmener à la morgue mais tenait à s'assurer qu'elle était prête avant... L'image du cadavre éviscéré de Nikola lui revint en mémoire et elle crut un instant qu'elle allait vomir à nouveau. Mais non, il fallait qu'elle se reprenne, qu'elle affronte la mort en face ! Si elle n'autopsiait pas ce cadavre, même sommairement, jamais ils n'auraient les preuves nécessaires pour confondre le coupable. La jeune femme, l'air décidé, regarda Armando droit dans les yeux et hocha la tête.


- Je suis prête. L'heure n'est pas à la sensiblerie et je dois vous confier que, même si le souvenir de ce cadavre me donne la nausée, je n'ai d'autre choix que de l'examiner.

Elle adressa un sourire qui se voulait rassurant à l'agent et le suivit lorsqu'ils ressortirent du bureau. Les souterrains du Yard leur ouvraient les bras, prêts à délivrer une infime partie des secrets qu'ils recelaient. Plus ils avançaient et plus l'obscurité envahissait l'espace, menant une lutte sans merci contre les lampes à huiles qui diffusaient leur lueur maladive le long des murs.
Ils arrivèrent enfin devant la porte de la morgue, imposante et lugubre. On leur fit enfiler quelques protections avant d'entrer. Véronica passa une blouse un peu trop grande pour elle qui couvrait les deux-tiers de sa robe, des gants qui remontaient jusqu'aux coudes et des protections pour ses chaussures. Puis ils pénétrèrent dans cette antichambre du royaume des morts, bien mieux éclairée que le couloir ; les médecins légistes avaient malgré tout besoin de lumière pour leur besogne.

Les odeurs de formol la prirent à la gorge mais elle n'en laissa rien paraître, se contentant de suivre l'infirmier qui les menait au cadavre de Nikola. Son corps était recouvert d'un drap blanc, tâché à l'endroit où les viscères étaient restées à l'air libre. On sentait cependant d'ici l'odeur des conservateurs qui avaient été utilisés pour éloigner les insectes et stopper pendant un temps la putréfaction.

Elle hocha la tête lorsque l'infirmier les interrogea du regard et riva ses yeux sur le tissus qu'il soulevait. Le Colonel était tel qu'elle l'avait trouvé dans les toilettes, en plus rigide et pâle. L'abdomen était toujours ouvert et sa vue fit pâlir la jeune femme qui manqua de chanceler. Elle se ressaisit et fixa la plaie béante et affreuse une trentaine de secondes sans ciller, comme pour s'habituer à sa vue, puis s'avança vers le corps. Elle regarda l'infirmier d'un air sombre.


- Avez-vous déjà autopsié ce cadavre ?

- Non Madame. Nous l'avons seulement nettoyé et attendu les directives de Mr Della Serata.

Véronica retint un soupir d'agacement, mêlé d'un certain soulagement. Visiblement, les gens ici ne savaient décidément pas se débrouiller seuls ! Mais cette négligence leur servait, puisqu'ils étaient sûrs que personne n'avait touché le cadavre avant eux.
L'infirmier les laissa dans la petite pièce pour l'examen, ayant d'autres cadavres à examiner. Le légiste était absent et il avait une petite dizaine de cas à boucler avant ce soir sans l'aide de personne. Cependant, s'ils avaient besoin d'aide, qu'ils n'hésitent pas à l'appeler.

Une fois seuls, Véronica commença par examiner les avants-bras du corps car c'était là, selon les dires de Mrs Stenforth, que se trouvait le tatouage de l'Ouroboros. Elle n'eut aucune difficulté à le localiser et le montra à Armando, traçant du bout du doigt le contour du dragon qui encerclait les symboles de l'Alchimie. Elle essaya de l'effacer pour s'assurer qu'il n'était pas faux mais rien ne bougea.


- Voici la preuve irréfutable que Nikola était un Homonculus. Je suppose qu'en cherchant bien, nous trouverons la pierre quelque part... Pouvez-vous m'aider ? Si vous trouvez la moindre aspérité, la moindre cicatrice suspecte il nous faudra faire une incision. J'espère que nous avons le droit d'ouvrir les corps sans l'accord du médecin...

Elle inspecta le haut du corps avec minutie, laissant à Armando le soin de s'occuper de l'abdomen et des jambes. Il avait bien plus l'expérience des cadavres qu'elle et elle craignait de manquer un détail en étant déstabilisée par le triste spectacle des intestins du colonel. Chaque centimètre carré de peau fut passé au crible, à la recherche de la moindre aspérité. L'Alchimiste finit par trouver, à la base du cou, comme une petite bosse rugueuse. Elle tâta, massa, gratta un peu avec l'ongle et se rendit compte que quelque chose de dur se trouvait sous l'épiderme.

- Armando, je crois que j'ai trouvé... Il va falloir le mettre de côté, malheureusement. Est-ce que vous arriverez à le maintenir assez longtemps pour que je puisse pratiquer une petite incision ? Oh, et ne vous en faites pas, j'ai quand même quelques notions de base en chirurgie... Ma coupure ne sera pas parfaite mais je ne charcuterai pas le cou de ce pauvre homme !

La jeune femme alla prendre un scalpel fin et une pince de petite taille parmi les outils rangés sur une tablette en métal au fond de la pièce. Puis revint vers le corps. Elle sentait que sa main tremblait. Bien sûr, on lui avait enseigné les bases mais jamais encore elle n'était passée de la théorie à la pratique... Allons, ce n'était pas le moment de déchanter !
Après un long soupir, essayant d'ignorer le regard d'Armando, elle plongea délicatement l'outil coupant dans les chairs du mort, pratiquant une petite ouverture en Y. La coupure était un peu maladroite mais restait nette. Elle posa l'instrument coupant sur la table et ouvrit délicatement avec ses doigts. Les chairs avaient presque perdu toute leurs couleurs, ce qui lui permit d'apercevoir sans grande difficulté un petit caillou rouge sombre plutôt abîmé. La jeune femme se saisit de la pince et retira l'objet de la cavité. La pierre était plus grosse que ce qu'elle avait pensé au premier abord mais elle réussit à la retirer toute entière.
Enfin, elle débarrassa la table précipitamment pour permettre à Armando de reposer le corps et déposa la pierre dans un bocal qu'elle referma énergiquement.

Après avoir nettoyé les outils et les avoir reposés à leurs places initiales, elle tendit le récipient à l'agent pour qu'il puisse y voir de plus près.


- Je suis formelle, il s'agit d'une pierre philosophale incomplète. Ils l'ont insérée dans le corps de Nikola pour le transformer en Homonculus. Cependant... Quelque chose me chiffonne.

La jeune femme posa son menton dans la paume de sa main d'un air pensif et riva son regard sur le plafond.

- Les Homonculus ne sont pas sensés vieillir... Or quand où Nikola logeait chez Mrs Stenforth, il avait déjà son tatouage de l'Ouroboros, ce qui signifie qu'il avait déjà été changé en Homonculus. A l'époque, il avait entre vingt-cinq et trente ans et aujourd'hui, il a l'allure d'un quinquagénaire, comme tout être normalement constitué. Non, ça ne colle pas...

Elle commença à arpenter la pièce en long, en large et en travers en maugréant à la recherche d'une explication logique à tout ceci. Et si finalement Nikola et le Colonel étaient deux personnes différentes ? Si leur ressemblance était purement fortuite ? Peut-être qu'Elena leur avait menti ?
Mais pourquoi diable le mystère s'épaississait-il à chaque fois qu'ils approchaient de la vérité ?! Visiblement contrariée, elle se tourna vers le cadavre et lâcha un hoquet de surprise à sa vue. Son expression changea du tout au tout et elle riva ses yeux dans ceux de l'agent.


- Vous avez vu ça ? C'est inouï !

Pendant qu'elle était en train de se triturer les méninges, le corps de Nikola avait subi une étrange transformation... Le cadavre était redevenu celui d'un jeune homme, au grand étonnement de la jeune femme. Elle se précipita sur lui, à la recherche d'un signe, complètement paniquée. Comment un tel rajeunissement était-il possible ?! Avant même qu'elle ne puisse examiner le cadavre, celui-ci se mit à vieillir à vitesse grand V pour retrouver l'apparence d'un quinquagénaire quelque peu froid et rigide. Véronica avait les yeux aussi ronds que des billes en cet instant. Comment une pareille sorcellerie avait pu se produire ?! Désemparée, son regard se porta sur la petite pierre dans son bical et son visage s'illumina.

- J'ai compris... Mais oui, tout s'explique ! Armando, je vous ai dit que les Homonculus possédaient des capacités spéciales grâce à leur pierre philosophale, vous souvenez-vous ? Le pouvoir de Nikola était probablement de pouvoir changer son apparence comme il le souhaitait, c'est pour cela qu'il semblait vieillir ! En réalité, il modifiait l'apparence de son corps pour ne pas éveiller de soupçons et passer pour un être humain normal... Oui, ça se tient, ce pouvoir résidait dans la pierre que nous avons retirée, il est donc redevenu tel qu'il était il y a vingt ans de cela, avant que la nature ne reprenne ses droits. Nous avons donc la confirmation que le Colonel était bien Nikola et qu'il avait déjà été changé en Homonculus avant son ''assassinat''...

L'infirmier déboula un peu plus tard, l'air gêné. Il ne regarda pas Véronica et s'adressa à l'agent d'un ton incertain.

- C'est le directeur général, qui demande à vous voir monsieur... Il vous attend dans le bureau du médecin légiste.

Pendant qu'Armando s'éloignait, il demanda à Véronica s'ils en avaient terminé avec le cadavre du Colonel. Elle hocha la tête et le laissa remettre le drap comme il fallait. Lorsqu'il eut terminé, la jeune femme s'approcha de lui et demanda avec une extrême gentillesse si le corps du clochard qui avait été retrouvé éventré sous un pont était toujours ici.

- Bien sûr. Nous l'avons gardé pour le comparer à celui du Colonel. Il sera enterré dans une fosse commune à la fin de l'enquête qui arrivera assez vite j'espère. On ne peut pas conserver les corps ad vitam aeternam malheureusement... Vous voulez l'examiner lui-aussi ?

- Non, simplement voir son visage, cela suffira.

L'infirmier la conduisit dans la salle principale, vers une autre table elle aussi recouverte d'un drap, tâché au même endroit. Lorsqu'il découvrit le visage du mort, elle eut un demi-sourire. Bien que le cadavre avait pris en pâleur et commencé à se décomposer lentement, elle reconnut le visage de l'alchimiste indien Amshul Paniandy, porté disparu, qui figurait dans son dossier. Une pièce se rajoutait au puzzle ! Il faudrait qu'elle fasse part de ceci à Armando dès qu'il ressortirait de son entretien.
L'infirmier recouvrit le visage et proposa à la jeune femme une tasse de thé en attendant l'agent. Elle accepta avec un sourire agréable.

Pendant ce temps, le directeur général ne souriait pas du tout. Grand homme carré à la mine renfrognée, il menait le Yard depuis plusieurs années et se trouvait bien vu de la Reine. Profondément misogyne, il avait eu beaucoup de mal à digérer le fait qu'Armando avait accepté une femme sur les lieux du crime du Queen's Heads et son visage avait tourné au cramoisi lorsque Dean Finnigan lui avait appris qu'elle était revenue aujourd'hui. Nul doute que l'As avait passé ses jours d'absence en sa compagnie... La mort de Jonathan passait presque au second plan mais ne faisait que rajouter à sa colère. Il accueillit la pièce maîtresse de son service avec un air plein de morgue.


- Mr della Serata, vous voici revenu parmi nous... Mr Finnigan m'a annoncé que vous désiriez me voir à propos de la mort de l'un de nos agents. Je vous écoute, que s'est-il passé ?

Il écouta les bras croisés, l'oeil mauvais. Plus le cours du récit avançait et plus sa face se rembrunissait. Ses joues virèrent presque au violacé à un moment, tant il était exaspéré. A la fin, il frappa énergiquement la table de son poing pour manifester son mécontentement dans toute sa violence.

- La situation est scandaleuse, SCANDALEUSE ! Comme si nous n'avions déjà pas assez de problèmes comme cela, voilà que j'apprends que nous avions un traître dans nos rangs ! Et regardez dans quelle situation vous vous mettez... Je ne parle même pas de cette femme !

Il commença à faire les cent pas dans le bureau, les mains croisées dans le dos.

- Je ne vois pas ce qui vous a pris de l'inclure dans votre enquête ! Une Alchimiste d'Etat en plus ! On ne peut pas faire confiance à ces gens là, en êtes-vous conscient ?! Ce sont des espèces de pseudo-scientifiques qui passent le plus clair de leur temps à jouer les apprentis sorciers !

Il revint s'asseoir en face d'Armando, en lâchant un soupir profond.

- Armando, vous êtes mon meilleur élément. Vous avez toujours su résoudre vos enquêtes avec brio et en solitaire alors pourquoi diable vous encombrez-vous d'une empotée pareille du jour au lendemain ? Il aura suffi qu'elle sorte sa montre, qu'elle papillonne des yeux et prétende pouvoir vous aider pour que vous l'acceptiez sans conditions ! Mais quelle mouche vous a piqué bon sang ?! Savez-vous seulement le sang d'encre que nous nous sommes faits pendant votre disparition soudaine ?

Le directeur général sembla se calmer un peu et passa une main sur son visage d'un air affligé.

- Que vous décidiez de vous associer à quelqu'un pour votre enquête passe encore mais une femme ! Leur place n'est certainement pas au sein de ces murs, vous savez très bien, en tant qu'homme sensé, que leur place se trouve dans un salon, au coin du feu avec une aiguille, du fil et un métier à broder !

L'homme esquissa un sourire et se releva pour donner congé à Armando, encore tendu. Il lui faudrait une bonne dizaine de tasses de thé et une belle assiette de crumpets avant qu'il ne parvienne à se calmer. Il se releva avec vigueur et si dirigea vers la porte.

- Je vous laisse carte blanche cette fois-ci mais tâchez de résoudre cette enquête dans les plus brefs délais ! Et à l'occasion, trouvez-vous une gentille épouse bien comme il faut qui saura prendre soin de vous. Votre cœur de célibataire est en train de vous jouer des tours... Et je parle d'expérience.

L'homme sortit d'un pas vif et décidé, passa devant Véronica en lâchant une moue dédaigneuse et retourna dans son bureau pour ruminer son mécontentement. La jeune femme, qui avait terminé sa tasse de thé, regarda cette personne qu'elle ne connaissait pas mais qu'elle devina être le directeur général avec un sentiment d'appréhension. Décidément, elle était loin d'être appréciée en ce bas monde.


Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Signav10

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Armando della Serata
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MessageSujet: Re: Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Icon_minitimeMer 27 Mar - 21:27

Enfin ils étaient au Scotland Yard. Leur petite expédition dans l'East End avait tourné à la catastrophe et c'est avec un grand poids sur le coeur que l'italien était revenu à son bureau. Non seulement il y avait eu des morts, une jeune femme, un homme, et puis son collègue qui s'était avéré être un traitre, mais en plus il avait eu des manières envers Véronica qu'il condamnait cruellement. Toute ces choses lugubres en tête, Armando tentait de reprendre contenance. Il avait repris ses habits de fonction et était entré dans l'agence d'un pas assuré. L'Alchimiste d'État le suivait sans un mot, trop consciente que sa présence ne serait pas bien vue en ces lieux. Aussi la jeune femme réussit-elle à passer l'entrée puis les différents couloirs avant de parvenir au bureaux de l'italien. Une fois qu'ils furent prêts et que l'Agent se fut assuré que la belle souhaitait continuer leur enquête malgré la perspective de revoir le cadavre affreux du fameux colonel Felton, ils descendirent dans la morgue du Yard où étaient entreposés très provisoirement les cadavres mêlés à des enquêtes.

Dans un silence religieux, acceptant tous deux leur nouvelle situation quelque peu embarrassante, Véronica et Armando finirent par se trouver en présence d'un infirmier puis du cadavre en question. L'Agent, qui détournait volontiers le regard lorsqu'il croisait celui de Véronica, ne sembla pas perturbé le moins du monde par cette nouvelle vision d'horreur. C'était loin d'être le premier cadavre qu'il voyait et ce ne serait certainement pas le dernier. Et puis, après l'avoir retrouvé sur les toilettes du Queen's Head dans une position des plus grotesques, le retrouver ainsi, lavé et allongé comme un homme qui dormait, était bien plus facile. Il sentait la charogne et surtout de multiples produits tel que le formol, mais son visage restait paisible. Évidemment, l'homme était éventré et puisqu'aucun membre du Yard n'avait eu le bon soin de l'autopsier, la plaie était restée telle quelle, sans même avoir été recousue par besoin pratique ou hygiénique. Cette façon de traiter les cadavres n'était absolument pas correcte et même si les agents avaient besoin de l'observer dans l'état dans lequel on l'avait retrouvé, la décence seule aurait due guider le personnel. Armando était plus ou moins habitué à ce type de négligence au Yard. En réalité, il fulminait en son fort intérieur et dépréciait de plus en plus ses supérieurs autant que ses collègues.

Lorsque l'infirmier fut parti pour retourner à ses tâches journalières, Véronica se mit à ausculter le cadavre avec minutie. Armando savait ce que la jeune femme cherchait, aussi entreprit-il de l'aider. Avec tact et doigté, il souleva le cadavre et l'aida plusieurs fois à déplacer les membres du colonel, ou du moins de Nikola, afin qu'elle puisse avoir accès à chaque parcelle de peau. Un homme de sa corpulence était déjà lourd à l'origine, mais il est bien connu qu'un corps mort pèse rapidement des tonne pour celui qui souhaite le bouger. Ainsi, Armando prit soin de ne pas l'abimer et encore moins de le tourner de façon malvenue. Il prit garde à maintenir le drap qui cachait ses parties intimes, partant du principe qu'ils y viendraient en dernier recours pour éviter à Véronica cette vision impudique. Au fond, il ne pu s'empêcher de se demander si la jeune femme avait déjà eu l'occasion de voir pareille chose. Mais alors qu'il sentait ses pensées dévier d'une manière réellement inconvenante, il rougit et se reconcentra en évitant à tout prix de regarder l'Alchimiste. Que lui arrivait-il? Ce n'était vraiment pas dans ses habitudes de songer à de telles considérations! C'était réellement gênant! Heureusement, l'ouroboros leur apparu bien vite. Véronica l'indiqua alors à l'italien qui se pencha en avant pour observer la marque en question. C'était un genre de serpent enroulé sur lui-même et qui se mordait la queue. Une forme de représentation de l'infini. La marque avait l'allure d'un tatouage sans en être un. Sa couleur rouge le fondait un peu dans la peau rosâtre du corps, bien qu'à cette heure elle soit d'un blanc soutenu depuis le décès de son hôte.


- Ha oui...je vois...Je reconnais le symbole que vous m'avez montré sur la photo...Fit-il en frottant à son tour la peau de l'Homonculus.

Armando pensait que leur mission en ces lieu était alors terminée mais Véronica annonça vivement qu'ils pourraient trouver rapidement « la pierre ». Que voulait-elle dire par-là? « La pierre »? De quoi parlait-elle? L'Agent lui lança un regard interrogatif pendant qu'elle lui expliquait qu'elle avait quelques notions en chirurgie. Il hésita mais bien vite il suivit ses mouvements et chercha lui aussi une éventuelle imperfection susceptible de révéler qu'une « pierre » était cachée sous la peau du pauvre homme...Homonculus...Armando commençait à être perdu. Parlait-elle donc d'une pierre philosophale? Ce dont elle l'avait très brièvement entretenu à l'Albany et dans l'East End? Une de ces fameuses pierres faites à partir de vies humaines? Inciser le cadavre de cette créature ne le réjouissait déjà pas à l'origine mais en plus si c'était pour lui prendre ce que la jeune femme avait décrété comme étant son coeur, ou du moins sa source d'énergie et de pouvoir, il était certain qu'il ne cautionnait la chose qu'à moitié. Que comptait-elle en faire de cette pierre? S'ils la trouvaient, qu'allait-elle en tirer? Armando ne connaissait pas les réel pouvoirs que pouvaient posséder semblable objet mais il était assez prudent pour les imaginer. Si un Homonculus pouvait vivre plusieurs siècles avec elle, c'était certainement un moyen d'influencer sa propre longévité! Et qu'en était-il des « pouvoirs »? Tout cela ne lui disait rien qui vaille. N'était-il pas moins risqué d'enterrer cette pierre en même temps que la créature afin qu'elle ne tombe jamais entre les mains de quiconque?

Tandis qu'il cherchait d'une manière un peu molle, il jetait des regards en biais à Véronica. La jeune femme semblait sûre d'elle. Fallait-il lui faire confiance? Jusqu'à présent, il n'avait pas eu à s'en plaindre et c'était d'ailleurs du Yard même qu'était venue la trahison. Mais c'était aussi une Alchimiste d’État et elle pouvait très bien être là pour se fournir en pierre au passage et pour effacer les traces de possibles expériences...D'ailleurs, avant même qu'ils ne se rencontre, n'avait-elle pas dit qu'elle était déjà sur l'enquête? Sa soudaine envie d'y être officiellement mêlée commençait à rendre l'Agent suspicieux. A ce stade de son enquête, Armando doutait de Véronica. Elle avait très bien pu le manipuler, par ses charmes, ses mots, sa belle mine, pour finalement lui voler les preuves sous le nez. Elle avait même pleuré pour qu'il ne parle pas de tout ceci au Yard: ne tentait-elle pas tout simplement de couvrir ses propres arrières en même temps que ceux de ses collègues? Où était le vrai, où était le faux? Véronica avait-elle eu quelque hypocrisie avec lui? C'était possible, après tout, car même si Armand avait l'habitude d'exceller dans la perspicacité, il devait bien avouer que la jeune femme l'avait assez perturbé pour qu'il se sente perdu.

Soudain, Véronica s'exclama qu'elle avait trouvé la fameuse pierre. Armando se redressa comme s'il avait été piqué par quelque abeille qui serait passée par-là.


- Vous êtes sûre?! Je ne sais pas si nous avons le droit...En fait...

L'Agent faillit interdire à l'Alchimiste de pratiquer l'incision qu'elle désirait faire. Cependant, il se retint à la dernière seconde: Véronica avait beau paraître suspecte, il était conscient que c'était surtout sa propre ignorance qui l'effrayait. Si la jeune femme était tournée vers l'Alchimist Room et ses propres desseins, il serait toujours temps de l'arrêter plus tard, inutile de brusquer les choses. En réalité, il avait besoin d'elle et la perspective de l'écarter de l'enquête, voire de l'arrêter pour mettre au clair ses intentions et ses connaissances, le dégoûtait presque. Il voulait lui faire confiance, il voulait lui accorder le bénéfice du doute. Et même si cette réflexion devait être induite par son charme féminin et sa propre déstabilisation en tant d'homme, Armando souhaitait prendre le risque. Instinctivement, il fourra sa main dans sa poche pour toucher sa carte de trèfle. Il priait pour que la chance l'accompagne. Cette fois-ci, il ne serait pas seulement question de méthodes, de savoirs ou de calculs mathématiques, il allait être question de chance tout autant que d'instinct. C'était risqué, très risqué, surtout dans une enquête où le tueur savait qu'on le pourchassait et dans laquelle l'Alchimie venait poser des problèmes à la fois éthiques, scientifiques et mystiques.

Véronica finit par réussir à inciser la base du cou de Nikola. Armando l'observa, silencieux comme une tombe. Il faisait de temps à autre une grimace en voyant la peau s'ouvrir et le teint de la jeune femme blanchir. L'opération ne dura qu'une paire de minutes. Bientôt, l'Alchimiste lui présenta un bocal qu'il saisit lentement, fasciné par ce qui s'y trouvait. La pierre était rouge, couverte de sang certes, mais également rouge de nature. Armando réalisa alors l'ampleur de ce qu'impliquait sa création: elle était couverte de sang mais aussi faite de sang. C'était le sacrifice d'un ou plusieurs humains qui avait constitué cet objet aux reflets flamboyants. Son oeil sombre saisit l'éclat de sa face imparfaite: c'était comme-ci elle était entre l'état liquide et l'état solide, elle brillait comme le sucre d'orge brille devant un feu qui la fond lentement. Du bout des doigts, il pencha le bocal pour la regarder de plus près tout en écoutant les explications de Véronica: oui, c'était un objet étrange et fascinant, mais aussi dangereux et terriblement malsain.

Véronica semblait pensive. Elle expliqua alors qu'une chose la dérangeait: à priori, les Homonculus ne vieillissaient pas et leur état restait le même qu'à l'époque de leur mutation ou transmutation, Armando ne comprenait pas encore réellement ces termes. L'Agent ramena son regard sur l'Alchimiste. Que pouvait-il lui répondre? Il n'y connaissait absolument rien en matière de monstres fabriqués...Cette ignorance l'exaspéra et il sentit en lui montrer une certaine colère. Quelque chose grondait en lui. Était-ce contre Véronica ou contre tous les Alchimistes? Était-ce conte l'État ou contre son manque de savoir théorique?
La jeune femme se mit à arpenter la pièce tout en réfléchissant à haute voix. Armando jeta un coup d'oeil au cadavre: en effet Nikola avait la cinquantaine...physiquement parlant en tous cas. Puis il ramena son regard sur le bocal qu'il tenait toujours. Il comptait bien le garder et rester en sa présence en toute circonstance. C'était sa responsabilité et il ne comptait pas laisser cette pierre à l'Alchimist Room, du moins pour l'instant.
Soudain, Véronica poussa un cri. L'Agent sursauta et son premier réflexe fut de s'écarter du cadavre qu'elle regardait d'un air particulièrement surpris. Les yeux aussi ronds que les siens, il vit le corps de Nikola changer d'âge avant de redevenir celui qu'il avait toujours connu. Ainsi c'était bien un Homonculus et son âge n'avait été qu'un camouflage pour se fondre dans la société. Quel pouvoir extraordinaire! Instinctivement, l'italien recula encore un peu, prêt à toute éventualité. Si ces créatures étaient immortelles, peut-être qu'elles pouvaient régénérer...comme les Vampires? A cette idée un frisson lui parcouru imperceptiblement l'échine. Ce monde était emplis de choses bien étranges. Et même s'il avait déjà rencontré ce genre d'être particulier, il n'en avait pas beaucoup vu et il ne connaissait pas grand chose à leur sujet. Finalement, il se rendait compte aujourd'hui qu'il lui manquait des connaissances importantes pour ses enquêtes et peut-être aussi pour retrouver sa soeur...
Son coeur se serra. En plus de l'appréhension qu'il ressentait maintenant vis à vis du cadavre devant lui, une certaine nostalgie le pris. Cela faisait treize ans qu'il recherchait sa soeur. L'espoir de la retrouver un jour diminuait avec le temps. Peut-être était-elle morte depuis des années? Son petit corps avait peut-être été dévoré par l'un de ces Vampires? Peut-être était-elle dans cette pierre...?

Les yeux sombres de l'Agent se perdirent à nouveau dans la roche rouge qui gisait dans son bocal. Que faire? Il se sentait dépassé par les événements. Pour la première fois de sa vie depuis qu'il était au Scotland Yard, Armando se sentait désemparé. L'Alchimie avait fait irruption dans son quotidien rangé, une femme également, la notion de plaisir, la peur par rapport à ses lacunes...

Malgré les explications de Véronica, l'Agent garda au fond de lui un malaise indescriptible. Il resta muet, se contentant de quelques hochements de tête pour lui signifier qu'il l'écoutait. Mais que pouvait-il dire? Il mourait d'envie de lui dire de but en blanc qu'il réquisitionnait cette pierre, qu'il refusait définitivement que l'Alchimist Room ne se mêle de cette histoire et que ce monstre qu'ils avaient devant eux était bien plus effrayant que fascinant. Il aurait souhaité que cette enquête ne vienne jamais à lui et que ce genre de créature lui reste inconnue. Mais finalement, n'était-il pas né pour résoudre les affaires? N'était-il pas ici pour sauver les âmes de ceux qu'il pouvait encore sauver? Il devait défendre les faibles et condamner les criminels. Celui qui était derrière tout ça ne perdait rien pour attendre. Il fallait qu'il se ressaisisse et qu'il concentre son attention. Qu'avait-il à penser? Il devait trouver un moyen de gérer la pierre sans risque, il devait se prémunir de l'Alchimist Room et il devait se renseigner sur la guerre en Inde. Garder la pierre cachée, rompre les liens avec l'Alchimist Room, parcourir la Grande Bibliothèque et ses archives. Oui. Il fallait procéder par ordre et éviter de s'éparpiller.


- Véronica, cette chose est dangereuse, que comptez-vous en faire? Je ne suis pas pour son utilisation et l'Alchimis Room ne doit pas...

L'infirmier revint au moment où Armando allait expliquer à Véronica sa manière de voir les choses. Ce dernier coupa net ses propos pour jeter un regard au jeune homme. L'inspecteur général le demandait...Quel idiot! C'était lui qui l'avait fait prévenir...Maintenant il ne pouvait plus échapper à un entretien...!
L'italien jeta un regard à Véronica et s'éloigna d'abord avec le bocal. Mais, dans un effort ultime, il revint vers la jeune femme pour le lui confier.


- Je vous fais confiance, personne ne doit savoir que nous partons avec ça...

Il tournait alors le dos à l'infirmier qui semblait bien mal à l'aise en sa présence et surtout face à ces quelques messes-basses. Mais, conscient du rang de l'italien, il préféra rester à sa place et se taire: il savait qu'ignorer certaines choses était parfois préférable dans son métier.

Armando s'éloigna alors d'un pas ferme pour rejoindre le directeur général dans son bureau. Une fois la porte refermée, il se retrouva en tête à tête avec son supérieur. Son air blasé et renfrogné l'accueillit tout d'abord avec une demande farouche d'explications au sujet de Jonathan. Armando ne se démonta pas une seule seconde. Il prit son air le plus sérieux du monde, presque au garde-à-vous et commença à narrer l'affaire au directeur en prenant soin d'écarter au maximum ses réflexions au sujet de l'Alchimie.


- Comme vous le savez, j'enquête depuis quelques jours sur une série de meurtres qui ont commencé dans notre service par la mort d'un quémand trouvé sous un pont. L'assassinat du colonel Felton au Queen's Head a accéléré l'enquête et m'a menée dans l'East End, sans votre accord, j'en suis bien conscient, auprès qu'une certaine Madame Stenforth chez laquelle il avait vraisemblablement vécu un moment. Jonathan m'y a attaqué...Je ne sais pas exactement ce qu'il faisait là-bas mais il a tué la belle-fille de Madame Stenforth en voulant s'en faire un otage. Il semblerait qu'il ai tout simplement voulu m'éliminer. Nous nous sommes retrouvés au corps à corps et j'ai dû me défendre jusqu'à l'accident...Je voulais vous ramener son corps mais il nous a été volé, ainsi que notre fiacre, par ses complices...Je suis navré. Cette expédition a très mal tourné.
Cependant nous avons appris que Monsieur Felton et un certain Nikola Filipovitch étaient une seule et même personne, je viens d'autopsier son corps et je puis vous le confirmer. L'enquête se dirige donc vers la Russie pour son origine mais aussi vers l'Inde et la guerre. Il faudra que je puisse avoir accès aux arbres généalogiques de Monsieur Felton et à divers autres dossiers à la bibliothèque.


L'inspecteur avait tout écouté d'un air raide. Lorsque l'italien sembla avoir fini, il s'exclama avec colère. Armando ne pouvait que comprendre son dépit et il s'était bien évidemment attendu à pareille attitude de la part de cet homme qu'il savait quelque peu impulsif. Cependant ses derniers mots le raidir. Il ouvrit la bouche mais la ferma aussitôt pour écouter l'homme maudire ses liens avec Véronica. Fronçant les sourcils, il ne broncha pas tandis que le directeur rageait contre les Alchimistes et insultait la jeune femme qui l'accompagnait. Au fond de lui s'éveillait un fauve qui ruminait sa colère entre deux crocs, mais l'Agent resta maître de ses émotions et garda contenance. Malgré tout, il pouvait bien accorder à cet homme que les Alchimistes n'étaient décidément pas des plus agréables à fréquenter, encore moins des plus sains. Il devait également avouer que ce n'était pas dans ses habitudes de faire équipe, encore moins avec une femme, et que son attitude de ces derniers jours avait été plus étranges que de coutume.
Cependant, lorsque le directeur revint s'asseoir sur son siège pour cracher sur la nature féminine de Véronica, Armando serra les dents.


- Je ne crois pas, Monsieur, que les femmes soient incapables de prendre notre place, surtout ici, au Scotland Yard, lorsque l'on voit combien d'imbéciles arpentent ses fameux murs dont vous parlez maintenant. Peut-être qu'elles seraient plus fidèles et qu'elles ne tenteraient pas de nous tirer dans le dos!

C'était sorti tout seul. Le directeur resta muet une bonne trentaine de secondes pendant que son teint virait au cramoisi. Armando avait serré les poings, ce que son supérieur avait bien remarqué du coin de l'oeil. Apparemment, il avait touché-là une corde sensible chez son inspecteur. Cependant, il préféra oublier cette réplique hautement insolente de sa part et lui sourire pour clore l'entrevue au plus vite. Il donna alors carte blanche à l'italien, misant une dernière fois sur sa réputation et son savoir-faire. Cela lui coûta de l'avouer mais s'il avait bien raison sur un point c'était qu'il y avait de plus en plus d'imbéciles dans leurs rangs et qu'il était l'un des seuls à pouvoir se charger d'une telle mission. Lui donner ainsi la possibilité de faire tout ce qu'il voulait et pouvait était un moyen pour lui d'accélérer l'enquête et d'en finir une fois pour toute. Que pouvait-il faire d'autre? Mettre sur l'affaire un autre homme aurait supposé un transfert de dossier et la remise en contexte pour ce dernier. Autant dire que cela ne pouvait être qu'une perte de temps considérable.

Le directeur poussa Armando vers la porte en lui faisant quelques ultimes recommandations. Il le piqua dans son estime en lui rappelant que son célibat commençait à devenir long et que sans une vraie petite femme à la maison son équilibre risquait d'être compromis. Armando sentit une vague de rage le traverser dans son entier. De quoi se mêlait-il donc ce gros balourd? C'était son orgueil de mâle qu'il venait de toucher-là...


- Vous avez raison, fit-il d'un air hautain alors que l'homme partait de lui-même, je ferais bien de me trouver une femme qui saurait parfaitement coudre, ici on semble manquer de fil pour les cadavres...!

Le directeur avait fait comme s'il n'avait pas entendu mais il n'hésita pas à jeter un regard dédaigneux à Véronica tandis qu'il quittait les lieux. Il avait donné carte blanche à Armando, les résultats devraient suivre rapidement si l'italien ne voulait pas se voir écarté de l'enquête. Lui et sa petite poule aux yeux vert allaient bientôt finir par l'énerver assez...

Armando revint auprès de Véronica. Sur son visage état peinte la plus vive des colères.


- Venez! Fit-il vivement en l'attrapant par le bras sans plus de cérémonie, ce qui ne se faisait absolument pas à l'époque. J'en ai assez, nous avons carte blanche, maintenant nous allons faire ça à ma manière.

Il bouscula l'infirmier, entraina Véronica à sa suite et l'emmena jusqu'à son bureau pour récupérer leurs manteaux. De quoi se mêlait-ils donc tous!? Ces incapables bedonnants et ces jeunots aux faces pré-pubères ne retrouvaient même pas leurs clés dans leurs poches! A quoi bon lutter?! Ce n'était pas pour rien qu'il avait choisi de rester le plus indépendant possible! Il vivait à l'Albany, dans l'anonymat, loin de leurs idioties et de leurs ordres sans queue ni tête pour garantir non seulement ses méthodes mais aussi ses émotions. Comment ne pas perdre la tête dans un endroit pareil? Rien ne tournait rond au Scotland Yard! Les enquêtes s'enlisaient, les preuves étaient dissimulées, les femmes considérées comme des esclaves sans cervelle...Non, décidément il ne pouvait pas décemment travailler dans un environnement aussi malsain. D'ailleurs, rien ne pouvait lui prouver que Jonathan n'avait pas quelques complices encore cachés dans leur rang! Il valait mieux prendre l'affaire en main dans son coin. Il avait carte blanche? Hé ben soit! Il saurait se débrouiller sans les autres agents. Le directeur venait de le mettre sur les nerfs mais en même temps de lui donner l'opportunité de coincer le meurtrier avec efficacité.

Le couple croisa un des collègues d'Armando auquel l'Agent lança un regard mauvais.


- Monsieur Acosta, je vous retire l'enquête, le directeur vient de me donner carte blanche, j'agirai désormais seul. Prévenez Monsieur Finnigan et rendez-vous utiles ailleurs. Aller!

Sans s'attarder face au visage décrépi de son collègue, Armando repris sa marche. Entre-temps, il avait bien évidemment lâché la jeune femme. Bientôt, le couple arriva au bureau de l'italien. Ce dernier ouvrit la porte à la hâte et se dirigea immédiatement au porte-manteau. D'un geste souple et vif, il enfila alors sa veste, passa une main dans ses cheveux et se posta face à la jeune Alchimiste d'un air énervé.

- Donnez-moi cette pierre. Fit-il d'un ton impérieux la main tendue.

Sans attendre de réponse, il prit des mains de Véronica le bocal où gisait l'élément sanglant pour le plonger dans une petite pochette avant d'y ajouter maints documents qui trainaient ici et là dans son bureau.


- Nous allons retourner chez moi et commencer des recherches à la bibliothèque. Les archives n'ont pas à nous être fermées, nous forcerons le passage s'il le faut. Cette histoire commence à m'exaspérer. Il n'y a personne de sérieux ici, j'aurais dû ouvrir un bureau totalement indépendant! Ce n'est certainement pas comme ça que nous arrêterons ce cinglé! Il faut que nous tirions au clair cette histoire d'Inde et d'Homonculus!

Une fois qu'il eut rassemblé tout ce qu'il jugeait bon d'emporter avec lui, il referma ladite pochette dans un cliquetis sourd et se tourna vers l'Alchimiste dans un mouvement brusque. Malgré la semi-obscurité des lieux, l'italien capta le regard d'émeraude de Véronica et s'y noya aussitôt. Son visage se radoucit alors et, dans un élan inattendu, il abandonna sa pochette sur le bureau pour saisir l'Alchimiste par les deux bras avant de l'embrasser avec fougue. Il la serra fortement pour la coincer entre lui et le mur le plus proche, usant d'une poigne de fer comme s'il craignait qu'on la lui aie enlevée. Le baiser fut long et puissant, mais bien vite Armando détacha ses lèvres des siennes. Dans un souffle, il murmura tout contre son visage d'un ton fiévreux:

- Véronica, vous...vous pouvez me gifler...

Il réitéra alors son baiser, avec plus de douceur cette fois et desserra ses mains pour laisser à Véronica l'occasion de le repousser. Tout en l'embrassant, il murmurait à l'Alchimiste quelques mots entrecoupés:

- Je n'ai...aucune confiance...en vous...Vous me perdez...

Jamais, de toute sa vie, Armando n'avait autant dérogé à l'étiquette et aux bonnes manières. Jamais il n'avait ainsi saisi une femme pour l'embrasser, surtout de cette façon quelque peu brutale. Perdu entre d'étranges sentiments et ses moeurs habituelles, égaré entre un ardent désir et une cruelle méfiance, l'italien se rendit compte que les paroles de son directeur l'avaient bien plus affecté que ce qu'il aurait cru: oui il était célibataire depuis trop longtemps, oui il avait besoin de combler un vide dans sa vie pour retrouver un certain équilibre. Mais il ne savait pas comment s'y prendre, il ne l'avait jamais envisagé. Toute sa vie avait été tournée vers sa soeur, et elle uniquement. Il n'avait vécu que pour la sauver et lui donner son amour volé par le temps. Jamais il ne s'était intéressé aux femmes pour sa propre condition. Mais cela faisait maintenant des années que ses collègues le poussaient à se trouver une compagne et ce qui s'était passé la veille avec Véronica ne pouvait pas en rester là. C'était maintenant un devoir autant qu'un désir, comme s'il avait saisi l'importance de cette femme dans sa vie. Il ne la connaissait pas encore vraiment et de nombreuses choses les séparaient. D'ailleurs l'Agent n'était même pas certain de ses sentiments. Qu'attendait-il d'elle? Que promettait-il de lui? Rien. Il ne savait pas encore...

- Je ne peux nier l'évidence...

Armando saisit le visage de Véronica dans ses mains et prit un air triste. Que devait-il faire? La demander en mariage? Là, tout de suite, maintenant? Véronica était tout sauf une prostituée qui allait se laisser faire sans attendre de retour, d'ailleurs Armando n'avait jamais fréquenté ce genre de fille et ce n'était certainement pas le moment de prendre cette jeune femme pour ce qu'elle n'était pas. Depuis la veille, cela le travaillait méchamment. Il était déjà allé loin, trop loin et son inconvenance pouvait bien le forcer à mettre les formes quand bien même personne n'était au courant de leurs écarts. Au fond de lui, il avait une responsabilité à assumer. Il avait déjà osé l'embrasser et poser ses mains sur elle, pouvait-il l'oublier sans lui proposer plus? Qu'en pensait-elle? Devaient-ils se séparer maintenant et cesser ce petit jeu auquel il était bien maladroit ou voulait-elle elle aussi pousser l'aventure un peu plus loin? Que faire? Que dire? Armando commençait à en trembler. Il méritait une claque, une vraie gifle et un scandale! Il méritait qu'elle hurle et qu'on le surprenne pour mieux lui attenter un procès!

Son regard pris une nouvelle teinte de mélancolie tandis qu'il reculait. C'était la première fois qu'il faisait preuve de véritables émotions depuis bien longtemps.


- Rentrez chez vous Véronica...Vous n'avez que trop fréquenté ma personne.


Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Sans_t11
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Veronica della Serata
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MessageSujet: Re: Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Icon_minitimeDim 7 Avr - 19:22

La morgue du Yard était décidément l'endroit le plus lugubre que Véronica avait pu visiter dans sa vie. Les odeurs des produits chimiques utilisés pour la conservation des cadavres lui montaient à la tête et les herbes utilisées pour parfumer un tant soit peu les salles ne parvenaient pas à supprimer l'affreuse odeur de chairs en décomposition qui provenait des intestins du Colonel, laissés à l'air libre depuis plusieurs jours. L'Alchimiste sentait les couleurs quitter son visage et elle éprouvait une folle envie de partir en courant pour fuir ce lieu morbide où elle finirait bien un jour. Elle se demandait pourquoi personne dans ce bâtiment n'avait été effleuré par l'idée de recoudre ce corps afin d'éviter qu'il ne se gâte trop. Visiblement, les employés du Scotland Yard, censés représenter l'élite de la police anglaise étaient loin d'avoir inventé l'eau chaude.

Trouver la pierre fut assez pénible pour elle et ce fut à peine si elle regarda lorsqu'elle pratiqua l'incision. Il fallait qu'elle soit forte, Armando avait besoin d'elle pour faire avancer l'enquête. La perspective d'arrêter le meurtrier était la plus forte source de motivation qu'elle put trouver. Ce fut donc avec cet unique objectif en tête qu'elle mena sa tâche à bien, ignorant les turpitudes de son collègue. Comment aurait-elle réagi en cet instant si elle avait su qu'il remettait en cause son intégrité ?
Véronica était une honnête jeune femme qui avait vécu seule trop longtemps. Elle était, en vérité, bien trop naïve et crédule par moments ainsi elle croyait dur comme fer qu'Armando lui accordait une confiance aveugle, la même que celle qu'elle avait à son égard. La jeune femme était vraiment bien loin d'imaginer ce qu'Armando pensait d'elle pendant qu'elle pratiquait l'opération !
Elle avait tout de même remarqué qu'il avait l'air perdu dans ses pensées pendant qu'elle lui avait demandé de lui fournir de l'aide, mais elle mit aimablement cela sur le compte de la fatigue qui les accablait tous les deux. Il pouvait encore être perturbé par le meurtre injuste de Margrit et la trahison de Jonathan, c'était humain. Cet agent était vraiment un homme bon et intègre, toujours prêt à se couper en quatre pour aider son prochain, à mettre sa vie en jeu pour sauver celle d'un innocent... Il ne pouvait qu'être accablé de remords pour ne pas avoir pu sauver cette pauvre âme innocente.
Elle pensa qu'il devait aussi ruminer une colère et une frustration sourdes. Comment ne pas être échaudé lorsque l'on apprend que l'un de nos collègue tente de nous poignarder dans le dos depuis le début de l'enquête ? Et ce n'était pas le dialogue qui allait arranger quoi que ce soit. Véronica ne connaissait l'agent que depuis quatre jours mais elle avait compris que c'était un homme renfermé et très secret qui gardait ses sentiments pour lui.

Enfin, elle finit par le sortir de ses pensées lorsqu'elle réussit à extraire la pierre qu'elle plaça dans un bocal. Elle évita de trop la toucher et de poser le moins possible les yeux sur elle, trop accablée par la honte que représentait un tel objet à ses yeux. Pour la jeune femme, l'Alchimie était une science destinée à améliorer la vie des êtres humains et certainement pas à trouver encore plus de moyens de l'ôter !
Cachant son dégoût, elle laissa l'Italien examiner à loisir la petite pierre pendant qu'elle examinait le cadavre. Les questions qui s'ensuivirent la firent bien tourner en rond pendant une dizaine de minutes, jusqu'à-ce que le corps lui-même ne vienne lui donner une réponse en bravant les affres du temps. Pendant un instant, ils purent revoir Nikolaï tel qu'il était lors de sa transformation en Homonculus. Le corps était redevenu musclé, jeune et séduisant, les cheveux étaient passé du gris au blond cendré et avaient retrouvé de l'épaisseur ainsi que de la longueur. Seule la peau restait d'une pâleur effrayante. La plaie aussi était toujours là, béante, affreuse, suppurante de bile.

Alors que les années reprenaient leur droit sur ce corps, l'esprit vif de Véronica tirait déjà des conclusions du phénomène fantastique qui s'était déroulé sous leurs yeux. Elle parvint à expliquer l'incongruité qu'elle avait soulevé et déduisit de la même façon les pouvoirs que possédait le défunt Colonel.
Au fond d'elle-même, la jeune femme trouvait que l'histoire de Nikolaï était tout de même assez aberrante. De ce qu'elle savait, il fut un Alchimiste brillant et précoce. Il avait probablement la vie devant lui dans son pays. De plus, il lui avait laissé l'impression d'un homme plutôt séduisant, qui aurait pu conquérir sans mal le cœur d'une demoiselle de bonne famille. Il aurait pu avoir une vie faite de recherches, d'amour et de stabilité, pourquoi avoir choisi de servir de réceptacle humain pour l'une de ces pierres ? Quelle motivation avait bien pu le motiver à renoncer à la maîtrise de l'Alchimie pour devenir une créature instable, dépourvue de désirs, incapable de sentiments ? Qu'est-ce qui avait pu le pousser à abandonner son humanité pour devenir une machine de guerre ?
Cet homme devait être fou, pensa-t-elle, A moins qu'il n'ait été victime d'un odieux chantage...

Alors qu'elle commençait à se perdre dans ses pensées, la voix d'Armando la ramena à la réalité. Sa question sur la pierre ne l'interpella pas sur le moment. Elle allait lui répondre le plus simplement du monde que cette chose devrait leur servir de pièce à conviction pour ensuite être détruite lorsque l'infirmier les interrompit. Armando était demandé par son supérieur hiérarchique, ce qui n'avait pas l'air de l'enchanter plus que ça.
Il commença à s'en aller avec le bocal puis revint vers elle pour le lui confier, lui intimant prudence et discrétion. La jeune femme hocha la tête d'un air entendu et glissa l'objet dans son sac lorsqu'elle fut persuadée que l'infirmier ne regardait pas.

Une fois que l'agent fut parti, elle resta en compagnie du petit infirmier. C'était un homme encore jeune, aux traits relativement fins. Il n'était ni beau ni laid mais avait quelque chose de fantomatique. Son teint était presque aussi blafard que celui de ses cadavres et son corps maigre d'adolescent qui avait grandi trop vite flottait dans sa blouse blanche. L'air un peu gauche, il se montra néanmoins très aimable avec elle et l'emmena voir le premier cadavre de l'affaire, que Véronica reconnut comme celui d'un Alchimiste Indien.
La vision de ce corps, dans un état de décomposition bien plus avancé, manqua de la faire défaillir mais elle tint le temps de l'identifier. Plein de tact, l'infirmier lui offrit une tasse de thé pour la requinquer. Pendant qu'il la servait, elle remarqua qu'il portait une alliance. Elle sourit tendrement, pensant à la femme courageuse qui avait décidé de partager la vie d'un homme qui passait plus de temps avec les morts qu'avec les vivants. Elle se prit à espérer de tout cœur qu'il ait fait un mariage d'amour capable d'effacer la grisaille morbide apportée par les cadavres qu'il auscultait.

Véronica sirota tranquillement sa tasse de thé, perdue dans ses pensées, en attendant le bel Italien. Elle faisait le point sur leur enquête qui avait bien avancé depuis la veille, au prix de sacrifices douloureux. Ils avaient expliqué la nature de Nikolaï, retrouvé l'identité du premier cadavre et peut-être trouvé le coupable. Mais beaucoup de questions restaient sans réponses. Qu'est-ce qui avait poussé Nikolaï à devenir un Homonculus ? Que contenaient les paquets que Maxwell apportait chaque semaine ? Quelque chose d'assez important, en tout cas, pour l'obliger à se déplacer en personne au lieu d'envoyer un de ses coursiers. Enfin, quel rapport Paniandy avait-il avec toute cette histoire ? Le fil directeur de ces crimes semblait être la colonisation des Indes mais ils ne pourraient pas obtenir un dossier assez solide pour faire tomber les coupables à moins d'avoir accès aux archives.
Véronica frissonna. Se faire ouvrir les archives nationales était une chose mais pouvoir accéder à celles de l'Alchemist Room en était une autre. Et la jeune femme supposait fortement qu'ils se verraient obligés d'aller y faire un tour pour éclaircir les plus sombres recoins de l'affaire. Tout ce qui concernait les affaires sensibles impliquant l'Alchimie était consigné à part et peu de gens pouvaient y avoir accès. Tous les Alchimistes d'Etat étaient au courant de leur existence mais seuls les plus hauts gradés pouvaient espérer y entrer un jour. A moins d'obtenir une autorisation de la Reine, ils se verraient refuser l'entrée.

Alors qu'elle réfléchissait à un stratagème qui leur permettrait d'entrer, un homme imposant sortit d'un bureau, l'air plus qu'excédé, et passa devant elle en lui jetant un regard mauvais. La jeune femme interloquée reposa sa tasse désormais vide et tourna son regard vers Armando qui avait lâché un sarcasme bien senti à l'adresse de celui qui devait-être le directeur général. Il s'avançait vers elle d'un pas décidé et la colère qu'elle lut sur son visage la fit frissonner. Elle se releva et ouvrit la bouche, prête à lui adresser quelques paroles réconfortantes. Mais elle n'eut pas le temps de prononcer un seul mot ; il la saisit violemment par le bras et elle n'eut d'autre choix que de le suivre en grimaçant. On aurait dit un père fâché qui ramenait de force dans sa chambre un enfant désobéissant. Ils passèrent devant le jeune infirmier qui la regarda passer d'un air perplexe. Dans le couloir, elle fut presque obligée de courir pour se maintenir à son niveau tant l'agent allait vite. Elle avait mal au bras, l'agent ne se rendait pas compte qu'il exerçait sur elle une force assez impressionnante. Elle essaya de faire comme si de rien n'était, se concentrant sur ce qu'il disait. Visiblement, le directeur lui avait donné carte blanche, ce qui leur permettrait sans doute de faire avancer l'enquête plus vite. Mais la jeune femme craignait un peu ce que le bel italien était capable de faire à présent. Toujours sur ses talons, trottinant du mieux qu'elle pouvait, elle opina du chef.


- D'accord, je vous suivrais quoi qu'il advienne mais par pitié pouvez-vous lâcher mon bras ? Vous me faites mal...

Elle avait dit ça d'une voix calme, ni agressive ni plaintive. Elle savait que l'homme était remonté et qu'il ne la malmenait pas consciemment. Il finit par la lâcher, à son grand soulagement. Elle le suivit en massant la partie de son bras qu'il avait empoignée. Il avançait plutôt vite et l'épaisseur de ses jupes plus sa cheville enflée l'empêchaient de le suivre facilement. Néanmoins, elle ne se plaignit pas, même si elle faillit plusieurs fois se casser la figure dans les escaliers qui les emmenaient vers les niveaux supérieurs du bâtiment. La jeune Alchimiste commençait à se demander ce qui avait pu énerver l'agent à ce point. Visiblement, l'entretien avec son supérieur avait été tout sauf agréable à entendre pour lui. Elle aurait bien aimé l'aider mais elle craignait qu'il ne se referme encore plus sur lui-même. Amando restait un être très secret et autonome ; la jeune femme se doutait bien qu'il avait du mal à accepter sa présence.

En chemin, ils croisèrent alors le troisième agent qui avait été présent pendant la soirée du Queen's Heads. Armando s'arrêta à son niveau, le temps de lui retirer froidement l'enquête et de l'envoyer prévenir son collègue. Faisant les frais de sa colère, le dénommé Acosta sembla se tasser sur lui-même et ne prononça pas un mot. Sans plus de cérémonies, il le planta là et repartit. Véronica eut le temps d'adresser un regard désolé au pauvre garçon et repartit en boitillant de plus belle.
Enfin, ils arrivèrent à son bureau. Pendant que la jeune femme restait au milieu de la pièce pour souffler un peu et reposer sa cheville qui lui semblait de nouveau gonflée. Elle regarda l'homme enfiler sa veste rapidement avant de se diriger vers elle. Il lui demanda la pierre philosophale d'un geste si impérieux qu'elle en fut déconcertée l'espace d'un instant. Devant cette main tendu et cet air menaçant, elle chercha précipitamment le bocal dans son sac. Elle mit sans doute trop de temps à la sortir car elle n'eut même pas le temps de la lui donner que, déjà, il la lui arrachait des mains. Ce geste la choqua profondément et elle recula de quelques pas. Pendant qu'il cherchait divers dossiers qu'il fourrait ensuite dans une pochette, elle enfila sa veste qu'elle boutonna avec soin. Elle l'écouta se plaindre de son bureau, de ses collègues, de l'enquête qui n'avançait pas. D'une voix à moitié éteinte, elle se hasarda à lui répondre tout en installant une petite distance entre eux. Les gestes qu'il avait eu avec elle lui avaient fait beaucoup de peine, même si elle se répétait sans arrêt qu'il fallait mettre ses agissements sur le compte de la rage.


- J'espère que nous réussirons à capturer le meurtrier et à éclaircir cette affaire le plus tôt possible...

Elle riva son regard sur le bel Italien lorsqu'elle entendit le cliquetis de la pochette qu'on refermait. Celui-ci se retourna si brusquement vers elle qu'elle recula d'un pas, effrayée. Ses yeux rencontrèrent les siens et la jeune femme vit son air s'adoucit aussitôt. Elle se hasarda à sourire lorsqu'il l'enlaça avec toute sa force. Leurs lèvres se lièrent dans un baiser puissant qui la surprit au début. Cependant, la jeune femme s'abandonna bien vite à l'étreinte de l'agent, oubliant la douleur qu'il lui causait en la serrant si fort. Elle sursauta quand son dos rencontra le mur mais ne cessa pas de répondre tant bien que mal à son baiser, paralysée par un mélange d'attirance, de désir mais aussi de gêne. Elle reprit enfin son souffle lorsque leurs lèvres se séparèrent. Ses yeux s'agrandirent à sa demande incongrue à laquelle elle répondit par un hochement négatif de la tête. Comment pouvait-elle envisager un seul instant de poser la main sur lui ? Après tout ce qu'ils avaient vécu ensemble, ce qui s'était passé le matin même dans la petite chambre miteuse ? Est-ce que toute cette aventure méritait d'être effacée par une gifle ?

Elle allait lui répondre, mais leurs lèvres se lièrent à nouveau, plus doucement cette fois-ci. La jeune femme sentit que l'Italien desserrait son étreinte et en profita pour le serrer tendrement contre elle. Moins bousculée, elle lui rendit ses baisers quand elle aurait dû le repousser. Ce moment de félicité, elle le savoura comme un voyageur perdu en plein désert aurait apprécié une gorgée d'eau. Elle ne comprit pas tout de suite les mots qu'il lui murmurait de temps à autre, entrecoupés de longs baisers tendres. Elle le perdait... Que voulait-il dire par là ? Cette histoire de confiance lui fit froncer un instant les sourcils, entre deux étreintes.


- Que... Que voulez-vous dire ?

La jeune Alchimiste le regarda, perplexe. Que lui cachait-il ? Avait-elle fait quelque chose de mal ? Il saisit son visage entre ses mains et le regard de chat de la jeune femme se perdit dans l'immensité noire de celui d'Armando. Son cœur rata un battement quand il lui parla. Quelle évidence ne pouvait-il nier ? Etait-il possible qu'il soit amoureux d'elle ? Cette perspective lui fit monter le rouge aux joues. Indéniablement, il lui plaisait mais l'aimait-elle réellement ? Cela faisait si longtemps que Véronica n'avait pas aimé d'homme, comment pouvait-elle être sûre de ses sentiments ? Cela faisait déjà de longues années qu'elle s'était faite à l'idée de passer sa vie seule, persuadée qu'aucun homme ne voudrait jamais d'elle. Brusquement, l'agent était rentré dans sa vie et toutes ses perspectives d'avenir s'étaient écroulées plus vite qu'un château de cartes. Elle reconnaissait que cet homme possédait toutes les qualités qu'elle pouvait vouloir d'un homme. Il était fort, protecteur, ouvert d'esprit, altruiste et intelligent. Elle ne pouvait rêver mieux ! Mais en se déclarant, elle s'engagerait pour toute sa vie. Si ses sentiments n'étaient pas ceux qu'elle croyait, pourrait-elle passer une vie entière à lui mentir ? Comment discerner amour et attirance en cet homme si intriguant ?
Une chose demeurait certaine. Après ce qui s'était passé entre eux, Véronica serait incapable d'en rester là. Comment oublier l'émoi qu'elle avait ressenti lorsqu'il l'avait embrassée dans le taudis qui leur avait servi de chambre une nuit ? Le souvenir de son torse nu et musclé lui arracha un frémissement. Elle mourait d'envie de retourner dans ses bras, mais la peur de passer pour une femme facile auprès de cet homme si admirable lui tordait l'estomac.

Elle le regarda reculer avec un pincement au cœur. L'expression de langueur qu'elle put lire sur son visage la frappa : c'était la première fois qu'elle le voyait exprimer un sentiment aussi poignant. Lorsqu'il lui demanda de rentrer chez elle, son corps entier se tendit. Il la congédiait ? Etait-ce un ordre ? Un conseil ?
La jeune femme ne pouvait se résoudre à l'abandonner au milieu de cette enquête sordide. Si jamais il lui arrivait quelque chose alors qu'elle aurait pu le protéger, jamais elle ne se le pardonnerait. En vérité, penser un seul instant qu'il puisse aller au devant du danger sans elle la fit grimacer. Elle l'avait assez vu en action pour savoir qu'il serait prêt à donner sa vie pour la justice. Il restait un homme solitaire, sans vraiment d'autre but que la résolution de ses enquêtes. Que ferait-il si elle n'était plus là pour veiller sur lui, le raisonner. Il l'avait protégée mais la jeune Alchimiste pouvait en faire autant. Elle secoua vivement la tête et prit un air résolu.


- Non, je refuse. Armando, nous avons progressé ensemble dans cette enquête, je ne peux pas me permettre de vous laisser finir le travail seul. Vous vous retrouverez probablement confronté à des Alchimistes pendant vos investigations, savez-vous seulement comment vous défendre si jamais vous venez à combattre ? Vous êtes un homme fort et brillant, mais contre un tel pouvoir, ni vos aptitudes au combat ni vos poignards ne pourrons vous sauver. Laissez-moi rester avec vous, jusqu'à la fin. Et je vous promet de ne plus... De ne plus interférer dans votre vie une fois que la boucle sera bouclée. Je quitterai Londres pour me retirer quelque part à la campagne, peut-être retournerai-je en Ecosse... Vous pouvez être assuré que vous n'entendrez plus jamais parler de moi.

Prononcer ces mots lui coûtait terriblement. Véronica savait que si elle quittait Londres, elle ne cesserait de penser à lui toute sa vie durant. Elle regretterai sans doute de ne pas être allée plus loin, de ne pas avoir osé prendre de risques avec lui. Tous les jours, elle penserait à lui, elle lirait les journaux pour s'assurer qu'il ne lui soit rien arrivé tout en sachant pertinemment que certaines affaires pouvaient être étouffées. Elle se torturerait l'esprit en se demandant quelles femmes il pouvait avoir rencontré au fil de ses enquêtes, si l'une d'entre elles avait réussi à s'emparer de son cœur. Vivre tous les jours avec un tel poids sur les épaules... Même pour elle, ce serait difficile. Le regard désolé, la jeune Alchimiste s'approcha d'Armando avec un air désolé.

- Je le ferai si vous le désirez, mais il faudra que vous m'en fassiez la demande les yeux dans les yeux. Je... Je ne veux pas vous laisser seul, Armando. Ni maintenant ni jamais. Je sais que si je quitte Londres, mes pensées reviendront sans cesse vers vous. Cela fait bien peu de temps que nous nous côtoyons mais je ne peux nier que vous m'êtes cher. Pardonnez-moi...

La jeune femme serra la main gauche de l'agent et le regarda un long moment sans rien dire. Enfin, avec tout le courage dont elle pouvait faire preuve, elle posa un chaste baiser sur les lèvres de l'homme. Jamais encore elle n'avait osé lui témoigner son affection d'une manière aussi directe. C'était un très grave manquement à l'étiquette mais elle ne pouvait plus revenir en arrière. Personne n'était au courant de leurs fautes. Ils étaient seuls, à la fois coupables, juges et bourreaux. Véronica serra tendrement le bel Italien contre elle, encore incertaine, consciente malgré tout que ses agissements étaient déplacés. Mais leur situation était loin d'être habituelle... Pouvait-elle être soumise aux mêmes conventions ?

Une fois qu'ils se furent séparés, la jeune femme réfléchit à ce que l'agent lui avait dit précédemment. Il n'avait aucune confiance en elle... Pourquoi ? Alors, comme une lumière qui s'allume subitement dans le noir, les éléments s'assemblèrent d'eux-mêmes dans son esprit. Sa méfiance lorsqu'elle avait extrait la pierre du corps du Colonel, la réticence avec laquelle il la lui avait confiée pendant son entretien avec son supérieur et enfin la violence qu'il avait témoigné lorsqu'il la lui avait arrachée des mains. Tout devint soudain clair.

Il la soupçonnait de vouloir garder la pierre philosophale pour son usage personnel.

La jeune femme, choquée de réaliser ce qu'il pensait d'elle, recula de quelques pas. Jamais elle n'aurait voulu posséder une telle abomination. Comment pouvait-il penser ça d'elle ? Qu'avait-elle fait qui puisse le mener sur cette voie ? Jamais elle ne s'était montrée ambigüe sur les motivations qui l'animaient pourtant !
Pour une jeune femme aussi intègre que Véronica, réaliser une telle chose était la pire des blessures. Effarée, elle se laissa tomber dans la chaise la plus proche et demanda d'une voix tremblante :


- Vous m'aviez dit tout à l'heure que vous ne me faisiez pas confiance... Vous... Vous ne pensez quand même pas que je convoite la... la chose qui se trouve dans votre pochette ! Je sais bien que ma situation est loin d'être légale au sein de cette enquête et que vous avez mille et une raisons de me soupçonner mais... Jusqu'à maintenant, si je suis restée à vos côtés, c'est parce que vous aviez confiance en moi n'est-ce pas ? Vous ai-je une seule fois déçu ?

Les grands yeux de la jeune femme se rivèrent sur Armando. Elle était pâle et profondément blessée d'avoir réalisé ce qu'il pensait d'elle. Compréhensive, elle savait qu'elle le perturbait et qu'il était difficile pour lui de se repérer, alors qu'il avait toujours mené à bien ses enquêtes seul. Le regard de l'Alchimiste, brillant de la plus vive sincérité, capta celui de l'agent et elle lui annonça d'une voix aussi assurée que possible :

- Je vous jure, au nom de ce que j'ai de plus cher, que j'ai enlevé cette pierre uniquement pour qu'elle nous serve de pièce à conviction. Je n'aurais de cesse de la détruire une fois que nous aurons clôturé l'enquête afin qu'elle ne tombe pas entre de mauvaises mains.

Elle se releva, lui faisant toujours face. Timidement, elle s'approcha de lui. Jamais sur terre on n'avait vu un visage aussi franc et sincère, digne d'un envoyé du Seigneur.

- Je sais que vos doutes sont fondés, je n'ai aucun papier, aucune preuve qui puisse vous assurer de mon innocence si ce n'est ma bonne foi. Je vous demande pardon pour tous les troubles que je vous cause.

La jeune femme finit par le serrer dans ses bras, comme elle l'aurait fait pour un frère ou un père. Puis elle se sépara de lui et se dirigea vers la porte, positionnant correctement son chapeau sur sa tête. Elle avait récupéré son sac et attendit qu'Armando ne reprenne sa pochette. Enfin, elle posa sa main sur la poignée qu'elle tourna ensuite.

- Bien, nous avons encore beaucoup à faire ! Allons-y, voulez-vous ?

Elle s'engagea dans le couloir à son côté, empruntant le chemin inverse. L'heure avait avancé et les couloirs étaient désormais grouillants de monde. Ils eurent un peu de la peine à progresser dans les escaliers et un jeune homme aux bras chargés de cartons bouscula sans le vouloir la jeune Alchimiste qui tomba sur son pied déjà blessé. Elle se rattrapa de justesse à la rampe pour ne pas dégringoler mais fut obligée de s'asseoir sur les marches en grimaçant de douleur. Son pied engourdi ne répondait plus et elle dût attendre plusieurs minutes avant de pouvoir se relever non sans aide. Un homme en blouse blanche vint les aborder, la mine soucieuse. Une cinquantaine d'années, le visage buriné, les cheveux poivre et sel, il portait à la main une valisette de cuir.

- Excusez-moi, avez-vous besoin d'aide mademoiselle ? Vous êtes-vous foulé quelque chose ?

La jeune Alchimiste sourit et eut un geste rassurant.

- Oui, la cheville... Mais je peux marcher, je vous assure !

L'homme fit une moue sceptique et se tourna vers Armando.

- Pardonnez-moi de me mêler de ce qui ne me regarde pas mais j'ai vu votre jeune amie boiter avant de tomber... Une foulure laissée sans soins trop longtemps peut entraîner des complications... Voulez-vous que je l'examine ? Je travaille à temps partiel pour le Yard et j'ai mon bureau au rez-de-chaussée, ce n'est pas loin.

Véronica hocha la tête et se fit violence pour marcher normalement jusqu'au bureau du docteur, consciente que les regards étaient rivés sur elle. La honte d'avoir dû s'asseoir dans les escaliers de cette façon avait rendu son visage pivoine. Elle posait à peine le pied par terre et boitait à chaque pas, la forçant à s'appuyer sur le bras de l'agent. Tout bas, elle murmura :

- Excusez-moi, je vous apporte encore des ennuis...

Les hommes la regardaient passer, parfois moqueurs, souvent intrigués et dédaigneux de temps en temps. La jeune femme se jura intérieurement de ne plus jamais retourner au Scotland Yard sauf cas de force majeure. Ils continuèrent dans le couloir, guidés par le médecin. Il s'était présenté sous le nom de Nelson. Il venait de temps en temps au Scotland Yard pour contrôler les détenus, s'assurer qu'il ne subissaient pas de trop mauvais traitements et qu'ils ne développaient pas quelques maladies contagieuses. Il se chargeait aussi des inspections sanitaires lorsqu'il prenait idée à la police d'embarquer quelques prostituées, afin de vérifier qu'elles n'étaient pas porteuses de maladies vénériennes.
Il s'apprêtait à rentrer chez lui lorsqu'il avait vu Véronica tomber, c'était une chance qu'il soit passé par là ! Enfin, ils s'arrêtèrent devant la porte blanche de la salle d'examen. Le docteur Nelson la déverrouilla et y fit entrer la jeune Alchimiste. Il se tourna ensuite vers l'agent et lui demanda d'une voix tranquille :


- J'aimerais que vous restiez avec elle pendant l'examen... J'ai toujours l'habitude d'avoir un homme avec moi lorsque j'ausculte une femme, je pense que vous comprenez pourquoi. Certaines personnes ici aiment bien jouer avec la loi.

Il pénétra ensuite dans la pièce et la referma derrière eux. Celle-ci était blanche et très propre, impeccablement rangée. Le linoléum brillait presque tant on l'avait frotté et tous les flacons étaient rangés derrières de grandes étagères vitrées. Au centre, une table d'examen en métal recouverte de tissus attendait. Le médecin aida Véronica à s'y asseoir tant bien que mal et se recula un peu, gêné.

- Je vous demanderai de retirer votre chaussure et vos bas...

Véronica s'exécuta et remonta ses jupes assez pour que le docteur puisse l'examiner sans être gêné. L'hématome sur son pied enflé avait prit une teinte franchement bleue. Le quinquagénaire manipula la cheville de la jeune femme avec douceur, fronçant les sourcils à la vue de la blessure. Bien qu'il faisait tout pour ne pas lui faire de mal, la jeune femme ne put retenir quelques grimaces lorsqu'il fit tourner son pied dans tous les sens et exerça quelques pressions dessus pour vérifier que rien n'était cassé.
Finalement, celui-ci se redressa et partit fouiller dans ses armoires en marmottant dans sa barbe. Il sortit divers ingrédients et un mortier-pilon, passa plusieurs minutes à concocter une mixture verdâtre qui sentait les fleurs et l'appliqua ensuite sur la plaie de la jeune femme en grands mouvements circulaires. Il enroula ensuite le pied de la jeune femme dans des bandages et fixa une attelle en bois pour finir. Pendant ce temps, Véronica regardait Armando d'un air gêné. Elle allait encore les ralentir avec sa blessure. Elle avait bien choisi le bon moment pour se faire mal ! Le docteur se releva et tapa ses mains l'une contre l'autre.


- Votre foulure a été prise à temps, heureusement pour vous ! J'ai apposé un cataplasme et une attelle. Laissez tel quel jusqu'à demain matin et il n'y paraîtra plus ! La prochaine fois, faites attention lorsque vous marchez, un accident est si vite arrivé...

Véronica hocha la tête et remit sa chaussure, qu'elle fut contrainte de laisser ouverte et délacée. Quant à ses bas, elle les glissa dans son sac avec discrétion. Le docteur l'aida à se relever et lui intima de ne pas poser le pied par terre. Il se tourna vers Armando et lui désigna un placard dans le fond de la pièce.

- Auriez-vous l'amabilité d'aller y chercher une béquille ? Je crains que mademoiselle en ait besoin pour se déplacer le restant de la journée.

Une fois que Véronica fut parée pour marcher, appuyée sur sa béquille et sur Armando pour ne pas perdre l'équilibre, ils ressortirent pour aller chercher un cab. Le bon docteur les salua comme il se devait et retourna à sa table de travail pour ranger tout ce qu'il avait sorti, non sans prendre le temps d'intimer à l'italien de prendre bien soin de sa compagne. Cette dernière, consciente d'attirer encore les regards, marmonnait les sourcils froncés.

- En voilà du beau travail ! Nous devons courir après un meurtrier et voilà que je me retrouve la cheville emprisonnée dans les bandages ! Quelle pitié...

Ils ressortirent enfin à l'air frais. Il était aux environs de deux heures de l'après midi et le soleil brillait de mille feux. Les cabs fourmillaient dans les rues, aussi n'eurent-ils aucun mal à en héler un. La jeune femme monta avec difficulté à l'intérieur et s'assit sur la banquette dans le sens de la marche comme il était d'usage. Elle put enfin étendre sa jambe en soupirant de soulagement, pendant que son ami refermait la porte et que le véhicule s'élançait sur la chaussée. Ils avaient réuni les preuves dont ils avaient besoin au Yard, quelle serait la prochaine étape ? Sans doute les archives, qui leur permettrait d'éclaircir enfin le passé de leurs mystérieux protagonistes. Véronica sentait qu'ils touchaient au but.
En regardant défiler les bâtiments, elle eut soudain envie de parler, pour oublier cette morgue sordide dont elle sentait encore l'odeur sur ses vêtements. Elle se tourna vers Armando et lui sourit avant de prendre un air plus sérieux.


- Pendant que vous discutiez avec le directeur général, je suis allée voir le premier cadavre, vous savez, le clochard retrouvé sous un pont... Eh bien devinez quoi ? C'est -enfin, plutôt c'était- notre Alchimiste indien, Amshul Paniandy. On dirait bien que tout est lié. Je suppose que nous allons nous rendre aux archives... Que ferons-nous s'ils nous refusent ?

Véronica ne se doutait pas que même en ayant les pleins pouvoirs, il serait difficile à l'agent d'accéder au passé peu reluisant d'aussi hautes personnalités. Ils devraient pourtant trouver une solution pour entrer et il y avait de fortes chances qu'ils soient obligés d'employer des moyens extrêmes.
Un peu plus tard, la jeune femme repensa à l'air énervé du directeur général et à la fureur de l'Italien à la sortie de son entretien. La jeune femme, soucieuse du bien-être de son collègue, ne put retenir la question qui lui brûlait les lèvres.


- Je ne voudrais pas paraître indiscrète mais... Qu'est-ce que le directeur général vous a dit pour que vous soyez autant en colère ? Elle marqua une pause avant de réaliser que sa question restait horriblement déplacée. Elle rougit jusqu'aux oreilles et baissa les yeux. Oh, excusez-moi, je ne devrais pas poser de telles questions, cela ne me regarde pas.


Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Signav10

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Armando della Serata
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MessageSujet: Re: Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Lorsque les morts parlent aux vivants [Armando, Véronica] [12/03/42] Icon_minitimeDim 21 Avr - 8:50

Armando était perdu.
L'italien ne savait plus où donner de la tête et c'était bien la première fois en douze ans. Depuis que sa sœur avait été enlevée, il s'était bâti une véritable forteresse qui en avait fait l'homme qu'il était aujourd'hui, c'est à dire un battant, sûr de lui, efficace, constant et grave. Mais ces derniers jours, le jeune homme avait dépassé toutes les limites qu'il s'était imposées depuis des années. Son mur d'acier avait explosé et les miettes argentées lui lacéraient désormais le coeur...
L'enquête sur laquelle le directeur du Scotland Yard l'avait placé était plus ardue qu'il ne l'avait imaginée. Un meurtre en avait provoqué d'autres, sa vie avait été brusquement liée à celle d'une jeune femme, Véronica, et de l'Alchimist Room dont elle était membre. Cela faisait maintenant six longues années qu'il vivait à Londres intégré à la police locale et trois qu'il était devenu agent spécial du Yard. Jamais il n'avait enquêté autrement qu'à sa manière, c'est à dire en équipe, en dirigeant quelques personnes mais surtout en suivant ses propres initiatives. Il allait seul sur le terrain et ne consultait ses hommes que pour les histoires de paperasses ou de recherches annexes. En soit, les agents qu'on lui confiait n'étaient que des secrétaires qui notaient l'avancement de ses travaux et le suivaient lorsqu'il avait besoin de bras. Aussi, était-ce bien la première fois qu'il agissait en duo, surtout avec une femme. Depuis la soirée du Queen's Head, trois jours plus tôt, sa vie avait pris un tournant des plus étranges.
Véronica l'obsédait. Il se sentait pris par une plante empoisonnée, trop fasciné par son délicieux parfum et ses vives couleurs. Ses passions les plus intimes avaient refait surface et l'orage avait éclaté dans son âme.
Armando était perdu.

La nécessité de protéger Véronica de l'assassin avait forcé l'Agent à l'héberger chez lui, à l'hôtel Albany. De cette première soirée en tête à tête, il était ressorti honteux. Oui, honteux. Lui qui buvait toujours avec modération et qui restait toujours des plus courtois, surtout avec les femmes, s'était comporté en véritable mufle. Il avait provoqué Véronica aux cartes en jouant sur sa féminité et sa colère, puis, perturbé par la situation, il avait bu un verre de trop, comme un étudiant qui, trop timide pour déclarer sa flamme à une jeune demoiselle, s'enhardit par l'alcool. Ce genre de chose ne lui était jamais arrivée depuis ses 13 ans. Pourquoi cela était-il soudainement survenu? Qu'est-ce qui l'avait ainsi poussé à glisser hors de son armure de pierre? Était-ce ce trop long célibat, comme l'auraient certainement pensé ses collègues? Ou n'était-ce qu'un enchantement dont il devait se défaire? La fatigue, l'âge, la solitude, tout cela l'avait peut-être lentement rongé, comme une mite s'attaque à un tissu plus fort qu'elle jusqu'à réussir à le trouer...
Et puis il y avait eu cette escapade dans l'East End, travestis en ouvriers, ce mauvais temps, cette trahison et la perte de tout repère, la rage d'avoir été vaincu, la fraicheur de la nuit...Cette chambre, froide et décrépie...cette bagarre...ce sang...cette douleur, cette douceur...Caresse de soleil sur une peau d'ombres. Chaleur d'une lune sur l'étang glacé...Ces draps, cette odeur, ces cheveux...
Une cheville foulée...un baiser...la naissance d'un désir prenant, déroutant, déchirant. Armando était habité par une foule de serpents qui tortillaient leurs queues dans son estomac malade. Leurs crocs acérés éraflaient son flanc pendant que leurs langues vipérines léchaient ses plus intimes secrets.
Véronica avait réveillé une chose oubliée, une chose cachée.
Véronica avait ouvert une porte qu'il avait tenté de sceller à l'acier en fusion: la porte des sentiments, du doute, de la cruauté.

L'italien ne connaissait l'Alchimiste que depuis cette fameuse soirée mondaine au Queen's Head et, en quelques jours, il avait eu avec elle un comportement des plus déplacés. La situation terrible dans laquelle cette enquête les avait plongés et leur besoin mutuel d'affection les avaient rapidement rapprochés, trop rapidement, l'Agent en perdait la tête. Lui qui était d'habitude si droit, si franc, si gentleman avait eu des gestes inconsidérés envers elle, une véritable froideur aussi, un mélange d'affection, de désir et de force brute. Maintenant qu'ils venaient d'autopsier le cadavre de Nikola, un Homonculus égaré dans leur enquête, maintenant que l'Agent avait obtenu avec l'aide de la belle une pierre philosophale, il doutait de la jeune femme. Sa seule véritable alliée, du moins la seule qui s'était avéré efficace, lui était devenue aussi suspecte que n'importe quelle personne. L'arrivée de cette pierre sanglante avait éveillé chez lui la méfiance la plus violente. Un objet aussi malsain, dans les mains d'une femme qu'il connaissait à peine et qui l'avait autant dérouté jusqu'à présent, pouvait aussi bien être une arme convoitée depuis longtemps. Comment expliquer son soudain désarroi? Comment avoir confiance en une femme qui l'avait apparemment assez hypnotisé pour le rendre fou?
Mais, tandis qu'il se forçait à penser que Véronica était véritablement dans son camp, malgré sa crainte de l'Alchimist Room et de tout cet univers inconnu qu'était la discipline de l'Alchimie, son directeur l'avait fait mander. La question de la féminité venimeuse de Véronica et celle de son célibat déplorable avaient été posées sur le bureau en même temps que la trahison de Jonathan et l'aspect dramatique qu'avait pris l'enquête. Cela avait eu un impact considérable sur le mental de l'agent: tout s'était bousculé et il avait hésité quant au parti à prendre. Finalement, il avait décidé de défendre Véronica, pour son honneur de femme et pour sa propre virilité remise en question en même temps que ses capacités. C'était surtout ce dernier point qui avait poussé l'italien à se rebeller contre lui-même et à se laisser happer par ses envies. Le directeur en avait fait un fauve qu'il avait ensuite lâché dans la nature avec l'autorisation de faire ce qu'il voulait du moment que le résultat serait là.

Furieux et en même temps trop heureux de quitter les locaux pour agir à sa tête, l'Agent avait malmené Véronica sans le vouloir avant de l'embrasser comme un sauvage. Pourquoi avait-il agit ainsi? Pourquoi l'avait-il saisie comme pour la prendre de force? Qu'avait-il à prouver en cet instant? Armando avait été touché par ses doutes, il avait été déboussolé par ses désirs soudainement réveillés, il avait été outré des paroles de son directeur, insulté même! Lorsqu'il avait ainsi attrapé Véronica pour la plaquer contre le mur de son bureau, c'était pour la posséder, pour satisfaire ses désirs primaires mais aussi son orgueil bafoué. C'était pour se prouver qu'il en était capable, pour anéantir toutes les remarques déplacées que ses collègues lui balançaient depuis des années, pour devenir maître d'une situation qui lui échappait.
Mais alors qu'il réalisait la violence de son acte et son état barbare, alors qu'il souffrait en silence de son cas de conscience, espérant une gifle salvatrice pour le remettre à sa place, celle qu'il n'aurait jamais dû quitter, il ne trouva qu'un océan d'émeraude qui le pardonnait. L'éclat de ce regard, le petit mouvement de cette tête devenue subitement si chère, lui avaient donné un fol espoir en même temps qu'ils l'avaient plongé dans le plus profond des abysses: il était désormais face à un paradoxe qu'il ne comprendrait sans doute jamais. Celui qui laisse s'affronter comme des chiens la raison et la passion au sein d'une âme tourmentée. Une étreinte, une réponse à ses baisers, un regard compatissant...En cet instant, Véronica l'éreinta plus que de raison, l'homme en serait définitivement brisé pour quelques jours.
Aussi recula-t-il ses lèvres des siennes pour lui murmurer de partir. Il ne voulait plus de sa compagnie, il la craignait maintenant plus que tout. Son esprit était égaré, comme ses lèvres, et s'il voulait réussir à retrouver sa voie, il fallait qu'il s'en débarrasse. La solitude était son lot quotidien, la tromper avec cette femme c'était se perdre. Ses enquêtes ne pouvaient tolérer ce genre de distraction, ses recherches personnelles non plus. Armando avait peur. Il avait peur de cette femme, peur de lui-même, peur de ce qu'elle le poussait à faire. Jamais encore il n'avait eu à subir pareille épreuve. Il fallait qu'elle le quitte pour que ses yeux reviennent aux choses essentielles. Jamais une femme n'avait fait plus parfaite figure d'Ève à ses yeux. La tentation était entrée dans sa vie réglée comme une montre, cela faisait faillir son mécanisme, il ne pouvait l'accepter.

Mais alors la voix de Véronica lui fit l'effet d'un coup de fouet. Son air résolu le fit reculer un peu. Elle refusait de l'abandonner au milieu de l'enquête, elle voulait aller jusqu'au bout à ses côtés, pour résoudre cette affaire, il aurait besoin d'elle et de ses connaissances en Alchimie. Elle avait raison, évidemment, et cette soudaine ferveur donna à l'Agent un regain de vitalité. Un pâle sourire éclaira son visage l'espace d'un instant mais, comme le rayon de soleil s'efface pour celui de la lune après le crépuscule, il disparu presque aussitôt pour laisser place à une franche tristesse. Véronica voulait l'accompagner jusqu'au bout de l'enquête pour s'effacer ensuite. Armando reçu les paroles de la jeune femme comme l'on reçoit un coup de poing. Elles coulèrent dans son être pour devenir pierre au creux de son estomac. Le souffle coupé, l'italien baissa les yeux pendant que la belle Alchimiste lui expliquait qu'après l'enquête elle retournerait en Écosse pour mieux prendre ses distances. Il sentit sa gorge le serrer et fut pris d'une furieuse envie de s'asseoir sur le sol pour hurler son malaise, ce qu'il ne fit évidemment pas. Contenant une vive émotion qui lui empoignait à la fois le cœur, l'esprit, l'orgueil, l'honneur et l'âme, l'Agent l'écouta lui expliquer qu'elle s'en irait à la seule condition que ce serait lui qui lui demanderait explicitement de partir. Face à ce pouvoir, Armando se gonfla étrangement d'un espoir nouveau: cela signifiait-il donc que Véronica l'appréciait assez pour imaginer une suite à leurs débordements? Finalement, la jeune femme souhaitait donc rester sauf si son bon vouloir lui intimait de quitter les lieux? Des choix, des hésitations, des questions: l'italien ne savait plus quoi dire ni faire.


- Je...

Il sursauta légèrement lorsqu'il sentit les doigts fins de Véronica lui prendre sa main gauche avant de la serrer. Relevant la tête pour fixer ses yeux de nuit dans les siens si brillants, il accueilli le chaste baiser de la belle avec raideur, comme s'il n'était plus capable de réagir. En vérité, Armando ne savait plus ce qu'il voulait. Il venait de dire à cette femme qu'il fallait qu'elle parte mais lorsqu'elle semblait désirer rester il était aux anges. Il venait de l'embrasser pour mieux la repousser ensuite et osciller entre l'espoir et le désespoir. Mais ce « pardonnez-moi... » lui avait coupé toute envie de lutter, il était désormais vide comme un pantin. Trop d'émotions contraires venaient de s'entrechoquer dans son esprit, son cerveau avait décidé de s'endormir.

Alors que Véronica s'éloignait, Armando resta statique, dans un état proche de la catalepsie. Et tandis que la belle s'écroulait sur une chaise, l'italien, qui lui faisait dos, sentit couler le long de sa tempe une goutte de sueur brûlante. La voix tremblante de l'Alchimiste brisa le silence qui s'était installé entre eux. Et, alors qu'elle parlait du manque de confiance que semblait avoir l'italien envers elle, ce dernier releva la tête pour laisser son regard se perdre sur le mur en face de lui. Il respira un grand coup avant de sourire d'un air que Véronica n'aurait certainement jamais voulu voir: c'était un sourire agacé, profondément sombre, presque cruel. L'Alchimiste était en train de toucher à ses suspicions, partant de là à sa manière d'enquêter, à ses intuitions, à son fondement. Cela ne pouvait que l'exaspérer un peu plus au sujet de sa situation. Heureusement, l'Agent lui faisait dos à ce moment là et lorsqu'il se tourna vers elle, se fut pour lui présenter une mine grave. Il avait perdu sa tristesse pour revêtir le masque de la gravité. La semi-obscurité accentuait ses traits et l'on pouvait y noter une certaine lassitude.


- Je n'ai confiance en personne...murmura-t-il plus pour lui-même que pour répondre à ses reproches. Il n'avait pas envie de s'expliquer, il n'en avait pas la force.

L'Agent laissa Véronica se relever pour venir vers lui. Elle se justifiait et s'excusait d'un air qui semblait parfaitement sincère. Armando ne réagit pas jusqu'à ce que l'Alchimiste le prenne dans ses bras. D'un geste hésitant, il répondit à son étreinte, sans force, d'un air étrangement éteint. Devait-il continuer ou devait-il lui demander de partir maintenant? Quelles chances avaient-ils de s'accorder ensemble? L'enquête avait-elle réellement besoin de cette Alchimiste? Véronica paraissait franche, mais qu'avait-elle voulu dire lorsqu'elle avait exprimé sa possibilité de partir au loin? Et ces marques d'affections étaient-elles réelles? Comment devait-il les prendre? L'aimait-elle ou ne lui donnait-elle ces tendresses maladroites que pour répondre à sa violence de tout à l'heure? Il se retrouvait dans la même position que lorsqu'ils étaient dans le fiacre de retour de l'East End: il doutait des attentions et des envies de la belle. Ne se sentait-elle pas obligée de lui donner ces baisers pour éviter de le vexer? Il lui faisait peur, c'était certain, il n'était pas assez fou pour avoir ignoré les regards craintifs qu'elle lui avait lancés les deux fois où il l'avait assaillie...Était-ce la peur virginale de la demoiselle à marier ou la crainte de lui déplaire dans l'immédiat, c'est à dire d'encourir ses foudres? Se forçait-elle à faire ces choses? Armando en devenait malade. Il ne la comprenait pas, il ne se comprenait d'ailleurs pas lui-même.

Avec un sourire bancal, l'Agent regarda la jeune femme remettre son chapeau. Elle semblait pleine d'une nouvelle force, prête à en découdre, à poursuivre l'enquête à ses côtés. Armando se rendit à son bureau pour récupérer sa pochette qui contenait désormais ses documents importants et la pierre philosophale, avant de suivre l'Alchimiste dans les escaliers. Le Yard était bondé, c'était une heure clé dans l'agence et ils eurent un peu de mal à avancer. C'est alors que Véronica fit une chute dans l'escalier. Armando eut un geste pour la rattraper mais il fut gêné par sa pochette. Heureusement, la belle trébucha et se rattrapa de justesse à la rambarde. L'italien la rejoignit alors qu'elle s'asseyait sur les marches.


- Véronica! Vous allez bien?

Un homme arriva alors à leur hauteur. Il portait la blouse blanche des médecins et Armando reconnu Nelson, le nouveau médecin chargé d'examiner les détenus et les prostituées de passage dans l'agence pour des contrôles mensuels. Armando lui accorda un sourire crispé lorsque que ce dernier sembla lui reprocher de ne pas s'être réellement occupé de la cheville de Véronica. L'Agent aida la belle et le médecin pour la conduire dans son bureau au rez-de-chaussé.

- Non...ne vous en faites pas...murmura-t-il à l'adresse de l'Alchimiste lorsqu'elle s'excusa à nouveau. C'est de ma faute, je n'aurais pas dû négliger votre cheville...

En vérité Armando était terriblement honteux d'avoir oublié un détail aussi important. La remarque du médecin l'avait piqué à vif dans son amour propre: oui, il avait laissé cette jeune femme sans véritables soins pendant trop longtemps...C'était inacceptable! Comment avait-il pu oublier cette douleur alors que la veille il bandait la cheville d'un linge humide? L'enquête, ce cadavre, son directeur, ses suspicions, ses désirs, tout ceci lui avait fait négliger l'état de santé de Véronica. C'était impardonnable, complètement indigne du gentleman qu'il était! Armando rougissait jusqu'aux oreilles de honte et de confusion. Véronica était toute gênée de sa situation mais la pauvre n'y pouvait pas grand chose. Et ces regards...il aurait bien crevé les yeux à tout ces insolents!
Soudainement conscient de ses violentes pensées Armando grogna sa rage: il changeait, il redevenait l'homme sombre qu'il était avant son arrivée au Yard...La trahison de Jonathan et les remarques de son directeur avaient achevé d'ancrer sa colère dans ses os. Il fallait absolument qu'il quitte ces lieux pour enquêter à sa manière chez lui...il ne supportait plus ces locaux poisseux où l'incompétence se mariait à la prétention.

Une fois qu'ils furent arrivés dans le cabinet du médecin, Armando s'apprêtait à quitter la salle pour attendre à l'extérieur lorsqu'il lui fut demandé de rester. L'Agent se figea dans une expression d'incompréhension. Le médecin avait-il donc besoin d'aide? Non, c'était pour avoir un témoin oculaire qui pourrait confirmer qu'il n'y avait pas eu d'attouchement...Armando s'empourpra en jetant un coup d'oeil à Véronica assise sur la table d'auscultation.


- Je...hésita-t-il. Je vous fais confiance...mais...très bien, je vais rester.

Le regard fuyant, l'Agent s'assied sur une chaise, la tournant de trois quart pour pouvoir avoir un angle de vue convenable afin de surveiller les gestes du médecin. Pour lui, cela avait effectivement une utilité, surtout lorsqu'il était question de prostituées. Mais cette situation le gênait outre-mesure et cela devait se sentir à des lieues à la ronde tellement il semblait perturbé. Au fond, cela le rassurait, il pouvait ainsi garder un oeil sur l'ensemble de l'opération et être assuré que le médecin ne faisait pas son boulot comme Jonathan avait fait le sien...Au Yard, n'importe qui était effectivement susceptible d'être un ennemi désormais.
Pendant que le médecin demandait à Véronica d'enlever sa chaussure et son bas, Armando songea à ce qu'il venait de lui dire: « Certaines personnes ici aiment jouer avec les lois... ». Devait-il le prendre pour lui ou est-ce qu'il parlait uniquement des médecins? Faisait-il allusion à son indiscipline qui en faisait un agent quelque peu instable? Parlait-il de cette relation avec Véronica, ou du moins du fait qu'il avait ramené la belle au Yard? Non, tout ceci n'était que fabulations de sa part, le pauvre homme ne pensait qu'aux médecins qui s'amusaient de leur statu, c'était évident. Le domaine médical était effectivement très subversif. Dans un métier où le corps devient un objet, où la peau doit être dévoilée, où le sujet peut parfois être totalement passif si ce n'est inconscient, toutes sortes de dérives pouvaient effectivement prendre place. Armando fut dégoûté par cette idée.
Ses yeux tombèrent alors sur les mains de la belle Alchimiste tandis qu'elle faisait glisser son bas sur son mollet pour l'enlever. Cette vision le fascina l'espace d'une seconde avant qu'il ne détourne le regard pour observer la blouse du médecin devant elle. En vérité, il avait le regard perdu dans le vide immaculé de ce tissu tiré à quatre épingle. Cette peau de pêche, ce geste à la fois si chaste et si osé...Armando songea à la caresse qu'il avait esquissé sur la cuisse de la jeune femme dans l'East End. Son regard sombre vint observer ses propres mains sur ses genoux. Elles étaient fines et fortes, allongées comme celles d'une femme, larges comme celle d'un homme. Il avait des mains de lutteur devenu bureaucrate...

Le médecin observa alors la cheville de Véronica et Armando se força à jouer son rôle de gardien silencieux. Un cataplasme fut appliqué sur l'hématome et bientôt l'Alchimiste eu le pied bandé. Le médecin lui jeta alors un regard pour lui demander d'aller ouvrir une armoire et de quérir une béquille. Armando fit une courbette en baissant la tête avant de se lever pour s'exécuter.


- Je vous en prie, si je puis vous être utile j'en serais heureux!

Il trouva rapidement une béquille de la taille exigée pour Véronica et la ramena promptement au médecin et à la demoiselle. Enfin, ils sortirent du cabinet. Armando pris les recommandations du médecin d'un air plus sérieux que jamais.

- Je n'y manquerai pas, j'ai été bien trop négligeant, cela ne se reproduira plus...

Il salua le médecin par une nouvelle courbette et s'éloigna en tendant son bras à Véronica qui grommelait son malaise.

- Ne vous en faites pas...vous n'y êtes pour rien. Fit-il assez froidement.

Il avait hâte de quitter ces lieux, tout lui inspirait ici de la rage.

Enfin, il furent dans un cab. Les rues défilèrent à nouveau tandis qu'ils étaient secoués par les pavés de la route. Armando était silencieux. Il avait la tête tournée vers sa fenêtre pour observer les passants et éviter le regard de Véronica. Soudain, la belle brisa le silence pour lui expliquer que le premier cadavre de l'enquête était l'indien qu'ils recherchaient. Armando se retourna l'air surpris.


- Vous êtes allée voir le premier cadavre?! Mais pourquoi n'y ai-je pas pensé! Vous auriez dû m'en parler pus tôt, j'aurai ré-examiner ce corps-ci! Vous me dites que c'était notre indien? Maintenant que j'y pense, ce « clochard » avait effectivement l'air d'un étranger, je pensais qu'il venait des pays de l'Est...il doit être métissé...Il faudra que nous nous penchions sur ce cas...Nous en reparlerons...

Qu'ajouter de plus? Que Véronica avait fait preuve d'une véritable stupidité en ne lui en parlant pas plus tôt? Qu'il était furieux de réaliser qu'il était passé à côté d'une information aussi importante? Qu'il était vexé aussi de ne pas avoir pensé à ré-inspecter le premier cadavre alors qu'elle si? Non...Il allait rester courtois cette fois-ci. Ils avaient eu bien assez d'émotions pour la journée. Un silence pesant revint s'installer entre eux. Armando ne faisait aucun effort pour détendre l'atmosphère, il se contentait de rester dans son mutisme sauvage afin d'éviter de devenir hargneux avec l'Alchimiste. La perte de tout ses repères le rendait malade, il ne savait plus où donner de la tête, tout se mêlait. L'enquête, l'amour, la peur...
C'est alors que Véronica demanda ce qu'il s'était passé dans le bureau du directeur. Armando tourna lentement son visage vers elle. Il était figé dans une expression de stupeur mêlée à une gêne infinie.


- Je...commença-t-il avant de tourner à nouveau son regard vers sa fenêtre. Je préfère ne pas en parlez si vous le voulez bien...

Un silence, et puis des remords. Armando finit par faire face à Véronica.

- Écoutez, le directeur m'a demandé un rapport détaillé de l'enquête, particulièrement au sujet de Jonathan, vous vous en doutez bien, et puis il a commencé à devenir insultant envers vous...Il a eu des paroles que je qualifierais de honteuses à votre sujet. Sous prétexte que vous êtes une femme, je ne devrais pas faire équipe avec vous...Je l'ai un peu remis à sa place, si je puis me targuer d'une pareille chose...Armando soupira en se penchant en avant. Les mains jointes entre ses genoux, il hésita à nouveau. Il m'a aussi reproché mon...mon...

Manque de virilité? Manque de rigueur professionnelle ET personnelle? Non, c'était trop honteux, il ne pouvait pas dire une telle chose à Véronica. Son regard s'égara devant lui tandis qu'il modifiait sa phrase:

-...manque d'efficacité. Je ne supporte pas que l'on remettre en question mes méthodes, encore moins mes capacités!

L'Agent se passa une mains dans les cheveux. Il transpirait: le cab était étouffant, sa veste était de trop mais l'enlever n'était pas décent dans un lieu aussi confiné. Il poussa un long soupir et repris:

- Pfff...je ne veux plus mettre les pieds dans son bureau, je finirais à la Tour...

Il jeta un regard en biais à Véronica et lui sourit brièvement en se forçant.

- Je ne pourrai pas toujours vous défendre...

La moitié de ses phrases étaient à double sens. Il ne savait plus comment s'exprimer avec l'Alchimiste. Si elle devait finir en Écosse après l'enquête, il valait mieux qu'il se rassérène une fois pour toute. Le cab allait bon train, ils seraient à l'hôtel très rapidement. Contrairement à l'aller, les rues étaient clairsemées.

[HRP/Suite à l'hôtel Albany, "Quand les sentiments prennent le pas sur la raison"/HRP]


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