L'Ombre de Londres
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La capitale vit dans le chaos : les Vampires complotent toujours, les Hunters s'allient et s'organisent, les Alchimistes se révèlent, les Lycanthropes se regroupent et les Loups-Garous recommencent à tuer !

Citoyen de l'Ombre, te voilà revenu dans nos sombres ruelles...

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Forum RPG - Londres au XIXème siècle. Incarnez Vampires, Loups-Garous, Lycanthropes, Homonculus, Chimères, Alchimistes, Hunter...et choisissez votre camp dans une ville où les apparences n'ont jamais été aussi trompeuses...
 
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De curieuses nouvelles [privé]

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AuteurMessage
Gaspard de Sorel
Citoyen renommé
Gaspard de Sorel
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Date d'inscription : 19/12/2007
Race : Lycanthrope
Classe sociale : Aristocrate
Emploi/loisirs : Noble / Faire le prince
Age : 235
Age (apparence) : 34
Entité n°2 : Galyllée - Chouette Harfang
Crédit Avatar : Artbreeder
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MessageSujet: De curieuses nouvelles [privé] De curieuses nouvelles [privé] Icon_minitimeLun 6 Jan - 14:06

[HRP/ En provenance de "Retraite à la campagne" /HRP]

Le retour en fiacre avait semblé plus long à Gaspard que l'aller. Peut-être parce qu'il n'y avait plus cette attente qui le tiraillait. Seul dans la cabine, il était assit confortablement sur les coussins rembourrés de la voiture, ce qui n’empêchait pas son corps de cahoter au rythme des bosses et des creux de la route. Cette matinée était maussade et il faisait froid, André, bien emmitouflé dans son manteau d'hiver, une écharpe remontée jusqu'au nez, conduisait les deux chevaux de traie noirs, dont les pattes velues avaient tant séduit le Lycanthrope. C'étaient deux bonnes pâtes nommées Eclipse et Crépuscule, toujours à l’affût d'une pomme où d'un sucre. Le regard dans le vague, l'aristocrate repensait aux deux semaines qui s'étaient écoulées, elles l'avaient comblé. Aussi étrange que cela puisse paraître venant de cet homme terre à terre, ça avait été comme un doux rêve. Tout avait été si parfait ! Le retour à la vie mondaine n'allait en être que plus difficile. Il faudrait attendre quelques jours encore avant de proposer à Miss Thanas une nouvelle sortie en sa compagnie, pourquoi pas dans une galerie ; elle qui apprécie tellement la peinture, peut-être serait-elle enchantée par les nouveautés de l'art Londonien. Oui, c'était à envisager.
Content de cette idée, Gaspard souriait, mais en même temps, il craignait ce qui pourrait se produire si l'on découvrait qu'il avait convié une simple couturière à se joindre à lui pour une sortie. Les langues bien pendues auraient tôt fait de faire le rapprochement entre la bourgeoise invitée au bal masqué d'Alexender et la jeune femme qui l'accompagnait. Julia était loin d'être prête à se confronter au monde aristocratique et le serait-elle un jour ? Gaspard avait peur pour sa candeur, cette jeune fille était si simple, si pure, il ne voulait pas qu'elle ait à subir les remarques et les méchancetés de ses semblables. Et elle allait aussi s'attirer les foudres de demoiselles comme Anna Garden, cette effrontée qui s'était invitée d'elle même chez lui pour lui faire part de son mécontentement de ne pas avoir été invitée au Bal.
Quelle plaie ! Quelle société basée sur le paraître ! Dieu qu'il se sentait dépité face à tant de bêtises. En deux siècles rien n'avait changé ! La bourgeoisie était certes en train de grappiller les biens de la noblesse, mais c'était toujours une quête pour grimper plus encore dans les échelons du pouvoir. Société corrompue ! Pourrie ! Peu importe le lieu et l'époque !Et dire qu'il participait à cette mascarade infâme depuis sa naissance ! D'un côté il ne voulait pas que Julia soit l'objet d'un abject complot pour modifier les mœurs, mais de l'autre il aurait aimé montrer à ces aristocrates qu'il y a un monde tout différent qui s'étend à leurs pieds, qu'ils le piétinent à la place de s'y fondre. Si seulement la richesse et l'élévation n'était pas aussi désirable aux yeux des Hommes. Parfois il est possible de se contenter de petits riens, de choses simples qui peuvent ressourcer bien plus. Cependant, au fond, serait-il capable de trimer toute sa vie pour de maigres revenus sans vouloir changer sa condition ? Il avait conscience du paradoxe. Mais s'il s'en tenait à la bourgeoisie et non à la classe ouvrière, cette bourgeoisie qui n'avait de cesse de gagner toujours plus alors qu'elle possédait déjà assez pour vivre convenablement, là, ce n'était plus une question de confort mais bien d'apparence.
Gaspard repensa aux nombreuses conversations qu'il avait eues à ce sujet avec son cher Alexender. Pour tout dire, il avait essentiellement écouté les remarques de son ami, sans véritablement argumenter puisqu'il posait un regard passif sur le monde, l'observant sans chercher de solutions pour l'améliorer. L'intervention n'était pas son fort. Elle ne l'avait jamais été depuis longtemps. Mais aujourd'hui, il sentait qu'il était temps pour lui d'agir. Il ne savait pas comment s'y prendre et c'était pour cette raison qu'il avait besoin de l'avis d'Alexender, de même il ne pouvait pas partir en croisade sans avoir l’approbation de Julia. Il était bien beau de vouloir se libérer du carcan social, encore fallait-il ne pas en faire pâtir son entourage.
Leur couple survivrait-il aux regards de la société ? Serait-il assez fort pour ignorer les journalistes assoiffés ? Pour se développer comme tout autre ? Non, Gaspard en était certain, il savait que lui et Julia ne pourraient survivre sans y laisser des plumes. Et d'un autre coté, s'ils restaient discrets, en admettant que cela puisse être possible, ils se lasseraient certainement très vite de cette situation où aucun d'entre eux ne pourrait s'afficher heureux. Tous deux étaient en train de se bâtir une prison. Le Lycanthrope refusait de sortir de l'ombre pour s'élancer tête baissée dans un autre piège. Ce n'était pas ce qu'il voulait. Mais au fond, ses espérances n'étaient que peu de choses face à la réalité. Dure, froide. Tranchante.
Gaspard ne voyait qu'une solution. Il devait préparer le terrain. Il allait convaincre Julia de ses bonnes intentions, il allait échafauder un plan et le lui soumettre, si elle acceptait de le suivre dans cette folie ils n'en ressortiraient que plus forts et plus liés que jamais.
Alors l'aristocrate réfléchit.
Arrivé à la Maison des Sorel, il dit à André qu'il se trouvait dans la tour d'astronomie. C'était un lieu qu'il avait toujours trouvé propice à la réflexion. Il y avait fait des recherches, essentiellement en mathématiques et sur les astres. C'était un lieu de théories, de raison, quoique si proche des nébuleuses. C'était le lieu idéal pour contrecarrer l'ère bourgeoise et accomplir les rêves de deux âmes emplies d'amour.
Le major d'homme amena le thé à l'heure habituelle et trouva son maître assit dans le fauteuil, un peu en retrait du bureau. Une feuille vierge était posée là, l'encre sur la plume était séchée. L'aristocrate s'anima lorsqu'il l'entendit passer la porte. Il fit une place pour le plateau et André transvasa le thé brûlant dans la tasse, ajoutant un sucre.


- Merci André.

Celui-ci avait tourné les talons et s'apprêtait à quitter les lieux lorsque Gaspard continua.

- J'ai l'intention d'agir. Un frisson parcouru l'échine du major d'homme. Mais avant, il faut que je soumette mes idées. Ici, vous êtes la personne la mieux placée pour me conseiller et me donner un point de vue différent, peut-être plus lucide.

Par habitude, André plaçait deux tasses pour le thé. Pour toute réponse, il se servit lui aussi. Il prit une chaise qui reposait dans le coin de la pièce et s'assit, les yeux rivés sur son interlocuteur.

- Je vous écoute.

La théière fut un témoin attentif. Elle soutint les dires de Gaspard jusqu'à la dernière goutte, tandis qu'André faisait des remarques constructives. Il était intéressant d'obtenir un avis extérieur, celui d'une personne qui n'était ni un inconnu, ni un ami dans le sens où on l’interprète souvent. C'était l'avis d'un proche, de celui qui depuis plus d'une décennie l'accompagnait chaque jours dans l'intimité de la banalité et de la monotonie. L'intervention d'André ajouta de la finesse au plan, cet homme était d'une clairvoyance ! Dans sa jeunesse il avait dû être un Hunter hors pair. Non, il avait été, puisque l'aristocrate connaissait son passé, ils en avaient longuement discuté. Avant qu'il ne dépose les armes et ne se perde dans l’anonymat, André avait déjà exterminé un certain nombre de créatures de la nuit. Il n'était pas un habitué des Vampires, ses proies demandaient une toute autre approche, d'autres techniques : c'étaient des Loups-Garous. Le major d'homme avait tiré un trait sur son passé, se décrétant trop vieux, passant le flambeau aux plus jeunes. La preuve, quelques mois plus tôt un Loup-Garou avait ravagé la Maison, André était intervenu mais le temps l'avait rouillé, c'était bien là la preuve qu'il avait agit de manière raisonnable. Il avait fait son temps. Mais son esprit restait toujours aiguisé, clairvoyant. Cet homme était une perle.
Lorsque l'horloge de l'église sonna huit coups, leur conversation se termina d'elle même. Tout avait été dit. André reprit le service à thé.


- Le soupé sera servit dans le petit salon dans une heure quinze.

L'aristocrate acquiesça, pensif. Il devait écrire à Julia. Fort de cette intention, il s’installa face au bureau et écrivit soigneusement.

Ma Très Chère Julia,

Comment vous portez-vous ? J'ai espoir que votre retour chez vous se soit bien passé, que vous passez de bons moments avec votre famille.
Depuis votre départ de Loth, je n'ai de cesse de penser à vous et aux moments passés à vos cotés. J’entends encore votre douce voix qui m’appelle, comme si vous étiez toujours près de moi, mais lorsque je vous cherche, inlassablement, je ne trouve que l'absence. Alors je me réfugie en mon cœur, celui-ci même que je vous ai offert et vous êtes là, dans chaque battement.
Les jours passent, monotones, vides. Mais ils sont l'espoir d'une prochaine rencontre. Dans cette attente je vaque à mes occupations habituelles, mais toujours votre image s'impose à moi. J'ai quitté ma maison de campagne pas plus tard que ce matin, car je me languissais de ne plus vous voir. Me rapprocher physiquement de vous est déjà un premier soulagement, mais je ne peux me retenir de vous inviter à vous joindre à moi prochainement. Venez en ma demeure en ce dimanche, pour l'heure du déjeuner, ainsi nous aurons tous le temps de faire une promenade et ensuite de nous délasser avec une tasse de thé.
Mes amitiés à votre grand-mère ainsi qu'à votre mère. Quant à vous, Julia, mes sentiments vous accompagnent.

Votre Gaspard.


Le Lycanthrope relu sa lettre avec un œil critique et considéra qu'elle était convenable. Sa calligraphie était implacable, mais il lui semblait qu'il manquait quelque chose pour qu'elle soit plus personnelle. Soudain, le leva et farfouilla dans les divers tiroirs. Mais où était-elle donc passée ? Il n'allait tout de même pas déranger André pour ça. D'ailleurs, il allait bientôt être l'heure de descendre au petit salon. Gaspard réfléchit et conclut que la salle d'eau était encore sa meilleure option. Sans plus de difficulté il trouva ce qu'il cherchait, alors, positionné devant le miroir, il attrapa une mèche de ses cheveux perdu dans l'épaisseur et coupa. La paire de ciseaux avait fait son œuvre. Dans les grandes mains du Lycanthrope se trouvait un présent pour son aimée. Elle qui appréciait tant passer ses doigts fins dans les flammes, elle aurait tout à loisir de les toucher.
Gaspard fit un crochet par sa chambrer et retourna dans la salle d'astronomie, où plaça la mèche dans un petit mouchoir brodé à ses initiales. Il s'occupa de l'enveloppe et déposa le tout à l'intérieur. Heureux de son attention, l'amoureux prit son épître, éteignit les bougies de la pièce et descendit au rez de chaussez où il dîna.


*
***

Le lendemain la lettre fut envoyée ; Ce même jour où Gaspard prit enfin le temps de lire son courrier et le journal. Il y avait essentiellement des invitations formelles que Gaspard lu distraitement, sachant qu'il répondrait à la négative à nombre d'entre elles. Plusieurs d'entre elles concernaient des dates déjà révolues, cependant l'une d'entre elle l'interpella. Elle était écrite de la main même du Comte Keïsuke, c'était une invitation à la première de Coriolan de Shakespeare, adaptée par ses soins. Sur l'instant Gaspard regretta de ne pas avoir pu assister à la représentation qui avait dû être grandiose, puis il haussa les épaules et décacheta une nouvelle enveloppe. Il y avait aussi une lettre en provenance d'Amérique, écrite par celui qui gérait à sa place sa compagnie de bateaux sur le Mississippi. Quentin Roux l'informait sur le déroulement du trimestre passé, les progrès de leur entreprise et les différents problèmes qu'il avait rencontré. Il n'y avait pas de quoi s'inquiéter, c'était l'essentiel.
Une fois les réponses écrites et le courrier rangé ou mit dans la corbeille à papier en vue d'une incinération future, Gaspard observa la pile de journaux. Plus de deux semaines de nouvelles. Il n'allait pas tout lire bien sur, seulement s'informer des quelques premières pages. La matinée se termina sans qu'il eût atteint la moitié et il délaissa la suite pour plus tard. A la place il prit le temps d'aller flâner au Nina's park où il profita d'un jour de redoux. Ses pensées tendues vers Julia avec qui il aurait aimé partager ce moment.

C'est donc deux jours après son retour à la capitale que l'aristocrate apprit que la représentation à laquelle il avait été invité par le Comte avait eu une fin tragique. La gazette de Londres informait qu'il y avait eut un incendie criminel et que le théâtre avait du être évacué. Ils allaient même jusqu'à dire qu'il y avait eu attentat. Gaspard était absorbé par ce qu'il lisait. S'en prendre au Lord chéri de la reine, en présence même de celle-ci ! Mais la suite fit bondir le Lycanthrope de sa chaise. Alexender ! Ce n'était pas possible. Qu'avait-il tenté ? C'était une histoire de... fou. Gaspard dévora les journaux qu'il avait sous la main. Plus il en lisait, plus il était effaré. Le Lord avait été blessé, il y avait des morts dont Thaddeus et Arriette Grey. Comment cela avait-il pu se produire? Et surtout, en quoi Alexender était-il impliqué ? Le Lycanthrope n'avait pas revu son ami depuis le Bal où Sarah avait été victime d'un Vampire. Il ne voyait pas du tout le lien entre ces deux affaires, excepté cette Spencer dont Alex c'était amouraché et cette demande en mariage du Comte Keï pour cette même jeune fille le soir même du drame. Il devait y avoir autre chose. Il fallait qu'il réussisse à joindre Alexender. Mais s'il était recherché, en fuite, il aurait de grosses difficultés à le retrouver. C'était presque impossible ! Oh dans quel pétrin sans nom son ami s'était-il fourré ? Tout Scotland Yard était à sa recherche, ainsi qu'à celle de ce Raphaël Veneziano. Qui était cet homme ? Deux semaines à la campagne et voilà le résultat : une ville tout en émois, des gens effrayés de sortir, l'autorité sur les dents et un Lycanthrope perdu dans toute cette agitation, mais bien décidé à en apprendre plus.
Malheureusement, si l'aristocrate s'intéressait de trop près à cette affaire, il allait rapidement avoir de très gros ennuis. C'était certain. Son amitié avec Alexender Von Ravellow était connue de tous. Il allait devoir la jouer fine. Inconsciemment Gaspard avait commencé à faire les cent pas dans la pièce. Tout se compliquait. Pour trouver une piste il pouvait essayer d'engager un détective privé, ou encore quelqu'un de bien moins fréquentable. Il avait aussi la possibilité d'enquêter lui même avec discrétion. C'était encore la manière la plus sure pour qu'on ne vende pas la mèche sur son compte, mais s'il se faisait prendre la main dans le sac, s'en était fini de lui. De sa réputation. De sa relation avec Julia.
Alexender n'hésiterait jamais à le secourir. Dans une telle situation il se battrait becs et ongles pour l'aider du mieux qu'il le pouvait. Alors que son ami avait besoin de lui, Gaspard refusait de lui faire défaut, même si maintenant, il avait plus à perdre que jamais.

Pour commencer, Gaspard partit se réfugier dans son bureau secret. Il y déplia une carte de Londres qui datait de 1840. Peu de choses devaient avoir changé en si peu de temps. Il inspecta la carte, notant minutieusement sur un petit calepin les nombreux lieux où pouvait se cacher le Hunter. Il avait à peine analysé la moitié de la carte qu'il décréta que c'était peine perdue. Alexender pouvait se trouver n'importe où : dans une crypte, dans une maison abandonnée, chez d'autres Hunters, dans un entrepôt du port, voire même un mausolée, c'était bien son genre. Il y avait aussi des cachettes innombrable dans les bas fonds de la ville et plus loin encore, il y avait aussi de fortes chances qu'il ait quitté la ville, voire même le pays. Ça aurait été la première chose que Gaspard aurait fait s'il avait soudain été découvert. Fuir et ne pas hésiter à mettre des mers, océans ou montagne entre lui et ses poursuivants. Mais Alexender n'était pas ainsi, il n'abandonnait jamais. Quel homme borné !
Excédé, l'aristocrate frappa de ses grandes mains à plat sur la table qui couina de déplaisir. Comment trouver un homme que même Scotland Yard ne parvenait pas à attraper ? La chasse à l'homme n'était pas son fort, surtout que Londres n'était pas un terrain connu. Il n'avait jamais fréquenté que les quartiers aristocratiques et s'était rarement aventuré au-delà de ceux de la petite bourgeoisie. Il n'avait pas été attiré par la puanteur.
Le sang battait aux tempes du Lycanthrope. Il enrageait. L'impuissance le rendait nerveux et une migraine commençait à pointer le bout de son nez.


- Non ce n'est pas le MOMENT ! Gronda-t-il entre ses dents, un murmure qui prit de l'ampleur et aurait presque résonné en écho sur les murs si la pièce n'avait pas été tant remplie.

Gaspard porta ses doigts ses tempes qu'il massa avec force. Il n'y avait aucun moyen de trouver Alexender rapidement, il faudrait un miracle et il ne pensait pas qu'un quelconque dieu puisse entendre les prières d'une créature contre nature.


- Mais bon sang, qu'as-tu fais Alex ?

C'était ça, la Question. Qu'est-ce qui avait bien pu le pousser à attenter à la vie du Lord Keïsuke ? S'il avait bien lu les journaux, c'était à cet aristocrate renommé que Alexender et son acolyte s'en étaient pris. D'ailleurs il n'avait aucune idée de qui pouvait être cet homme dont le nom exotique lui rappelait l'Italie. De toute façon ce n'était pas une bonne piste, il était lui aussi recherché donc forcément introuvable. Sinon quelqu'un pouvait essayer de leur faire porter le chapeau. Mais en son fort intérieur Gaspard était certain que son ami y était pour quelque chose. C'était une tête brûlée ! Mais pourquoi faire un tel carnage en public ? Il se rappelait de son ami plus mesuré et calculateur. C'était étrange. Le Comte était-il la véritable cible, ou n'était-il qu'un dommage collatéral, déchaînant les foules par le biais des journaux pour retrouver deux assassins ? Le Lycanthrope ne pouvait emmètre que des suppositions, il n'avait rien pour s'orienter dans ce ramassis d'informations. C'était aussi pour cette raison qu'il désirait plus que tout retrouver Alexender. Celui-ci devait éclairer sa lanterne. Gaspard ne pouvait pas se résoudre à croire que c'était du à la simple folie meurtrière d'un homme. Il devait y avoir une explication logique. Il le fallait. Il se sentait dans la peau d'une mère effrayée par l'éventualité que son enfant ait pu faire quelque chose de mal.
Soudain le Lycanthrope tiqua. Des corps calcinés. Oui ! C'était un Hunter, il vouait sa vie à pourchasser les monstres de la nuit et un moyen radical pour venir à bout d'un Vampire était d'utiliser le feu. Cependant cette information ne l'aidait pas vraiment. Gaspard doutait que son ami ait pris la peine de mettre sa tête à prix pour autre chose que pour l'extermination des Vampires. Quelque chose avait mal tourné pour que tout aille si loin. Sept morts. C'était énorme ! Fou. Et cette migraine qui ne cessait de s'intensifier ! Ah qu'il était bien à Loth ! Dans la méconnaissance de la situation il n'avait pas eu à s'en faire. Maintenant il s'inquiétait et s'entêtait à reconstituer un puzzle dont il manquait des pièces et dont certaines avaient certainement été trafiquées ou volontairement détruites.
Et que se passerait-il s'il retrouvait Alexender et que celui-ci lui apprenne des choses qu'il ne voulait pas entendre ? Serait-il encore prêt à l'aider ? L'aristocrate avait un peu peur de ce qu'il pourrait découvrir en se lançant dans cette entreprise. Il savait que son ami avait une part sombre en lui et il craignait de devoir affronter un nouveau démon. Son esprit sinueux lui imposa l'image de son frère de sang rongé par la folie. Il avait dû prendre ses responsabilités et lui imposer le silence. Il ne voulait pas avoir à revivre une épreuve similaire. Il n'en aurait pas la force.
Rongé. Les questions ne cessaient de se multiplier, enfantant les unes après les autres d'autres interrogations, de nouveaux doutes. C'était insupportable. Il devait savoir !
Cette fois Gaspard perdit son sang froid et dans sa rage il projeta à terre tout ce qui se trouvait sur la table. Le papier se déchira, l'encrier se brisa et déversa son noir contenu sur la dalle nue, grandissant comme un miroir de ténèbres toujours plus profond. Le boîtier à plumes s'éleva dans l'air avant de s'écraser durement contre une étagère, la gravité fit son œuvre, une des charnières se brisa et le bois se fendit. Dans sa chute la boite avait déséquilibré d'autres objets, qui finirent eux aussi à terre tandis que le Lycanthrope, pas encore satisfait de son œuvre, agrippait les rebords de la table et la retournait avec force. Ce fut l’apothéose. Un ballet désorganisé. Le meuble percuta une des nombreuses étagères, heureusement posée contre le mur, dont le contenu se répandit en cascade vers le sol dans un brouhaha assourdissant. Haletant Gaspard avait le visage rougit par la colère. Pas calmé pour un sou, il agrippa à deux mais un pied de la table et l'arracha, puis il martela l'étagère qu'avait percuté la table jusqu'à ce que la fatigue lui fasse lâcher son arme de fortune, elle même anéantie sous les coups. Il avait le corps raidit par l'effort, les mains sur les genoux il tentait de reprendre son souffle, une goutte de sueur glissa dans ses yeux et tandis qu'il fermait les paupières sous l'effet de la brûlure, il sentit qu'il revenait à lui.
C'était un carnage.
Subitement, il pensa à André, puis il se souvint, il s'était rendu au marché vers la fin de l'après midi. Il ne tarderait pas à rentrer, mais au moins, il n'avait pas assisté à ça. Quelque part, l'aristocrate se sentit soulagé et la honte s'insinua en lui.
Mais sa colère n'était pas retombée, même s'il redevenait plus lucide. L'homme se redressa, avala une grande goulée d'air et porta une main endolorie à son front. La migraine n'était pas passée, elle atteignait seulement son paroxysme. C'était à peine supportable. Ébloui par la lumière il baissa la puissance de la lampe à huile, ainsi presque dans l'obscurité il se sentit mieux.
Qu'est-ce qui lui arrivait ?


*Tu t'es laissé entraîner par tes peurs, Ambre.*

Galyllée n'avait pas tord. Qu'il pouvait être impulsif parfois ! Dans sa folie passagère il avait été jusqu'à laisser filtrer ses pensées à travers ses murailles mentales, si bien que ses entités avaient assisté à tout. C'était le bouquet ! Gaspard trouva un endroit vierge ou il put s'asseoir et s'adosser au mur. L’apparition de la chouette l'avait immédiatement calmé. La colère s'était enfuie à l'approche du majestueux volatile, ne restait donc que la honte, la fatigue et la peur, toujours tenace.

*Que s'est-il passé ?* Demanda Œil de Lune, qui connaissait la réponse comme les deux autres.

Mais il est souvent plus facile de comprendre toute la profondeur d'une situation lorsqu'elle est racontée, pour ne pas se voiler la face. Le regard de Gaspard se brouilla. Ca n'aurait pas dû se passer ainsi ! Il aurait pu être présent... Puis la vision du Lycanthrope se stabilisa. Il se trouvait maintenant en compagnie de ses entités, dans leur tanière, leur nid, à l'abri dans un monde qui leur appartenait et respirait la sécurité.


*J'ai parfois des difficultés à me contenir lorsqu'il s'agit d'un de mes proches.* Marmonna le bicentenaire, gêné par son affirmation. Il se sentait toujours dans la peau d'un gosse pris en faute lorsque Œil de Lune et Galyllée se réunissaient ainsi pour qu'il vide son sac. C'était toujours la même chose. Il avait beau être intelligent, avec des trais de génie, il n'en restait pas moins un homme avec des sentiments. Des doutes. Toujours à chercher si sa voie est la bonne, s'il n'avait pas bifurqué de sa route pour s'embourber dans la simplicité. Ses entités l'aidaient à tracer le chemin.

*Tu dois faire un travail sur toi. Apprendre de ton passé. Tu dois réussir à te contenir pour ne pas mal agir*

C'était la voix chantante de Galyllée qui avant emplit l'air, immédiatement suivie d'une réponse rauque, tranchante :

- Ce n'est pas la peine d'enfoncer des portes ouvertes ! Je sais tout ça !

Les entités se regardèrent furtivement. Dans leurs yeux s'établit une conversation inconnue de leur hôte. Gaspard s'était levé. Il marchait à grandes enjambées. Il avait besoin de faire sortir toute cette frustration. A grand renforts de bras et de signes, il continua sur le même ton, tandis que ses entités le suivaient. Œil de Lune trottinait à sa gauche, Galyllée posée sur son échine, dodelinant à la mesure de ses pas.
Le décor qui les entourait se modifia. D'une forêt dense, semblable à celle qui entourait le château du Duc de Mornel dans sa jeunesse, laissa sa place à un territoire ensablé, où l'ocre et la terre étaient assoiffés. Le vent soufflait, entraînant le sable sur son passage, fouettant le visage de Gaspard, s'insinuant dans les poils et les plumes. Galyllée prit son envol en quelques battements d'ailes. Plus haut dans le ciel noir et sans étoiles, elle n'avait pas a subir les aléas de l'humeur massacrante du Lycanthrope. Celui-ci était d'ailleurs trop perturbé pour remarquer les changements qui s'étaient opérés autour de lui.


- … qui lui a pris franchement ? Je ne comprend pas, ça m'énerve ! Cette rage qu'il a à combattre les Vampires, elle est tellement malsaine qu'elle va finir par avoir raison de lui. Est-ce qu'il se rend compte au moins qu'il n'est qu'un Humain ? Mais non, Môsieur préfère affronter le danger fièrement sans imaginer les conséquences déplorables... Sept morts Galyllée ! Tu imagines ? Et si la rage de mon meilleur ami avait engendré la mort de nombreux innocents ? Je n'arrive pas à m'y faire ! Une part de moi est certain de l'importance du travail d'Alexender et qu'il n'a rien à voir avec ces morts, mais d'un autre coté j'ai l'impression que cette histoire est allée bien trop loin, qu'il a dépassé ses propres limites et qu'il est prêt à y laisser sa vie.
Tu comprends ? Je ne veux pas qu'il se perde comme tant d'autres avant lui. Toutes ces histoires. Les Hunters finissent rarement leur vie paisiblement comme peut le faire André, lui il a su s'arrêter avant que ça ne tourne mal pour lui. Il a su dire stop. Mais Alex ne saura jamais s'arrêter. Et je ne veux pas qu'il meurt comme un sale chien décharné dans un égout et que sa dépouille soit profanée par les rats. Ca me serait insupportable...


*Tu sais bien qu'il n'y a pas que ça... *

L'homme se retourna vivement vers Œil de Lune, piqué au vif, prêt à le contredire. Mais il se ravisa. C'était vrai. Il devait au moins reconnaître que la mort d'Alexender n'était pas la seule chose qui l'inquiétait. *Accepte-le, ça n'en sera que plus simple. Après tu aura les idées claires*, le ululement de l'Harfang n'était qu'un encouragement de plus pour appuyer ses paroles.

- Mais c'est si égoïste ! Se plaignit Ambre dans un soupir.

*Il te pousse à faire preuve d'amour, ce n'est pas une si mauvaise chose.*

Le Lycanthrope s'arrêta soudain de marcher. Son regard était perdu dans le lointain, dans les années passées, dans la tristesse présente et à venir. Ses bras reposaient le long de son corps, déchargés de la colère qui les avaient animés jusqu'ici. C'était le temps de l'acceptation.

*Je ne veux pas qu'il meurt pour ne pas être à nouveau seul.*

C'était aussi simple que ça.

*Le temps a eu raison de tous mes proches. En ce sens, l'immortalité est un fardeau plus qu'une bénédiction. Aucun homme ne devrait vivre des années ainsi, parce qu'il perd petit à petit ce qu'il est, ce qu'il a bâtit. Si Alexender m'abandonne, j'aurai encore fait tout ça pour rien. Je serai le seul qui reste, le seul à se souvenir encore et encore que je n'ai pas eu assez de cran pour agir et me battre à ses côtés dans cette lutte qui n'est pas la mienne. Je regretterai de ne pas l'avoir soutenu assez. Mais en même temps, ce n'est pas moi, je ne veux pas renier qui je suis. Devrais-je me lancer dans une quête meurtrière comme lui, pour ne pas avoir de remords par la suite ?* Gaspard fit une longue pause. *Je ne sais plus où j'en suis.*

Le vent était tombé. La nuit avait retrouvé ses étoiles et un feu crépitait maintenant devant l'homme qui s'assit en tailleur. Œil de Lune vint s'allonger près de lui et posa sa grosse tête sur ses genoux. Galyllée fondit sur eux et se posa en douceur. Le Lycanthrope la laissa grimper sur son avant bras et de sa main libre il lui caressa son plumage d'hiver.

*J'ai cette boule qui m'enserre la gorge depuis que j'ai appris qu'il était en danger. Je n'arrête pas de m'imaginer le pire, au-delà qu'il puisse avoir dérapé, je crains pour sa santé. Même si je ne suis pas disposé à lui prêter main forte dans son combat, je suis capable l'aider à se soigner et à mettre en place un nouvel armement. Je ne sais pas. Suis-je vraiment capable de l'aider ? Croyez-vous qu'il ait besoin de moi ?*

*Ambre, on a tous besoin d'un ami sur qui se reposer lorsque tout va mal. D'après ce que l'on sait, Alexender s'est mis dans une situation difficile et c'est là je pense qu'il aimerait t'avoir à ses côtés. Il n'a certainement pas besoin de toi pour se battre, il est bien assez grand pour le faire seul, il a peut-être d'autres allier qui ont eux aussi voués leur vie au combat. Ce n'est pas ta place. Tu es fait pour le soutenir et le conseiller, pas pour manier une arme. Je ne pense même pas qu'il ose un jour te demander de faire ça. Il connaît tes principes.* Gaspard acquiesça d'un signe de tête. Galyllée avait raison. Encore une fois. Il déposa son front contre une aile de son entité. Elle avait toujours su le réconforter dans ses moments de doutes.

*Et s'il a fait quelque chose de mal ? Que je n'arrive pas à concevoir, comment vais-je faire ? Je...* Il s'interrompit, Œil de Lune venait de lui prendre la main dans sa gueule en effectuant une légère pression.

*Il n'est pas sous ta responsabilité comme l'était Hippolyte. Il a son propre libre arbitre. Il ne met pas en danger qui nous sommes. Raisonne-le si tu t'en sens le besoin, mais ce n'est pas à toi d'agir. Il est ton ami, mais pas de ta race. Tu n'as pas à lui imposer notre mode de vie où à te sentir coupable de ses actes.* Gaspard savait déjà tout ça. Mais il se sentait rassuré, comme déchargé de ses obligations. Tout ceci lui avait fait du bien. Il était heureux de sa condition. Avoir pour lui deux consciences, c'était la preuve qu'il ne serait jamais complètement seul.

La discussion se poursuivit, moins grave. Les trois âmes décidèrent à l'unisson qu'ils allaient rechercher Alexender avec toute la discrétion qu'ils étaient possible d'avoir. Même si cela allait prendre du temps, ils retrouveraient leur ami et l'aideraient au mieux. Gaspard aurait ses réponses et ferait ce qu'il avait toujours fait : soutenir ses proches et leur prodiguer les meilleurs conseils.

Lorsque l'aristocrate sortit de son état de transe, il faisait jour au dehors. Il ne l'apprit pas grâce à la lumière, puisqu'aucune fenêtre n'avait été placée dans la pièce et le système d'aération ne donnait sur le sous sol. Un tunnel avait été creusé, reliant la maison à une sortie bien plus loin. C'était pratique pour le Lycanthrope, ainsi il pouvait se faufiler hors de la maison sans qu'on soupçonne son départ. Ses escapades animalières passaient toujours inaperçues. L'horloge, encore intacte, lui apprit qu'il était sept heures et des broutilles. Son estomac appuya l'affirmation des aiguilles. Sans un regard pour les dégâts qu'il avait fait la veille, il sortit de son bureau secret et quémanda à son major d'homme une solide collation. Il fallait nourrir son homme, surtout quand celui-ci allait passer les prochaines nuits à survoler la capitale à la recherche d'une piste.

Gaspard prévint André de la dure réalité des choses. Celui-ci accueillit la nouvelle avec une moue désapprobatrice. Le Sieur Ravellow allait entraîner son maître dans de sales draps, c'était certain. L'aristocrate rassura le vieil homme, il serait très discret et il ne ferait rien d'inconsidéré.
Le soir même, le Lycanthrope prenait la forme de Galyllée pour mettre à exécution son plan de sauvetage. En quelques battements d'ailes, il se retrouva au châtelet de son ami. André vit la chouette Harfang haut dans le ciel, se mêlant aux nuages bas pour plus de discrétion. Il était inquiet, mais il avait confiance. Il avait été flatté que cette tête pensante fasse appel à lui pour ce qui était de ses intentions pour Julia. Mais là, il aurait aussi aimé que Sieur Sorel partage ses réflexions avec lui. Il aurait peut-être été capable de lui venir en aide. Enfin, s'il pouvait fouiner de son côté et trouver quelques miettes croustillantes, il n'hésiterait pas.



*
***

Ce que personne n'avait vu, c'était la lettre mal rangée par le major d'homme qui avait tenu la maison pendant l'absence de Gaspard de Sorel. Un certain Frank, pourtant toujours pointilleux d'habitude. Malencontreusement la lettre de Sarah Spencer n'avait pas rejoint les autres. Pressé de retourner à la lecture du journal, l'homme avait emporté la lettre avec lui. Il l'avait posé distraitement sur l’accoudoir du fauteuil et en se relevant, l'enveloppe avait glissé entre le coussin et le bras du meuble.
Un fâcheux problème.


De curieuses nouvelles [privé] Gaspar10


Dernière édition par Gaspard de Sorel le Lun 10 Fév - 10:57, édité 1 fois
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Gaspard de Sorel
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MessageSujet: Re: De curieuses nouvelles [privé] De curieuses nouvelles [privé] Icon_minitimeJeu 9 Jan - 2:13

Un bruissement de feuilles accompagna l’atterrissage de Galyllée. Posée sur les branches d'un grand chêne, ses yeux brillants observaient le Châtelet de Alexender Von Ravellow. Dotés de ces deux astres, Gaspard n'avait pas à se soucier qu'il fasse nuit noire, qui plus est le ciel était nuageux et la lune absente. Cela jouait d'ailleurs en leur faveur, ainsi la grande chouette serait encore plus discrète, car si elle n'avait pas le blanc plumage des mâles, elle restait tout de même assez claire à cause de l'hiver. Sa nouvelle mue était sur le point de se déclencher, mais en attendant ils allaient devoir faire avec. En plus de sa vision nocturne, Galyllée était dotée d'un regard perçant, alors même à une bonne distance de la demeure, elle y voyait très bien, tandis qu'un homme n'aurait distingué que des formes floues, elle pouvait discerner le blanc de leurs yeux.
De là où il se trouvait, le Lycanthrope observa les nombreux va et vient. C'était les agents du Scotland Yard, tous vêtus de leur uniforme identique très reconnaissable. Un costume sombre dont la veste à manche longue était piquetée de gros boutons à l'allure argentée, une ceinture boudinait leur taille au dessus de leurs hanches et le col remonté enserrait leur cou d'une manière certainement peu agréable. C'était sans évoquer leur couvre chef, une casquette à visière frappée de l'écusson de la police, certains la portaient à merveille, d'autres non, surtout ceux dont la nature avait été particulièrement généreuse au niveau de leurs extrémités sensitive sonore. Le reste de la tenue semblait moins gênante à porter, c'était un simple pantalon à coupe droite, reposant sur des bottes de cuir méticuleusement cirées. Chaque homme était armé d'une matraque, de manière assez aléatoire certains portaient en plus de ça une épée courte ou un pistolet à percutions, parfois même les deux.
Quelques hommes patrouillaient autour de toute la propriété et d'autres étaient postés devant les portes principales du châtelet. S'il se risquait à entrer, ça ne serait certainement pas par là.
Les yeux jaunes de la chouette s'élevèrent vers la toiture. Entrer par une fenêtre mal fermée, désoclée, une lucarne entrouverte, c'était toujours une solution valable. Et il aurait tout le temps de se promener dans la grande demeure pour y trouver des indices. Il ignorait quoi chercher exactement, mais au moins quelque chose qui lui indique la venue, même passagère, de son ami en ces lieux. Gaspard imaginait difficilement Alexender supporter d'être désarmé, il savait qu'une pièce secrète renfermait tout son attirail, s'il parvenait à s'y faufiler, il en saurait plus. Le moindre indice comptait. Et même si les lieux avaient étés fouillés, c'était une cachette bien dissimulée, il y avait peu de chance qu'un des membres de Scotland Yard soit tombé dessus par simple chance.
Galyllée fit plusieurs fois le tour du Châtelet du Céans à la fois pour trouver par où entrer, mais aussi pour vérifier que personne ne se trouvait à l'intérieur. A ce qui lui semblait, la demeure était vide, les agents ne semblaient même pas s'être installés dans les cuisines pour y faire leur pièce de repos. C'était parfait. Pendant sa ronde, ils avaient vu une possible porte d'entrée. Souplement, le majestueux oiseau se posa sur le petit balcon que possédait la tour d'astronomie. Ils restèrent là un bon moment afin de ne pas attirer l'attention sur eux, agissant comme l'aurait fait tout autre animal. L'endroit était bien trouvé, à l'abri des regards au dessous et assez grand pour que Gaspard puisse reprendre forme humaine si la porte ne s'ouvrait pas sous la pression du corps de la chouette. Pendant ce temps, ils continuèrent leurs observations. Au dehors rien ne semblait bouger, au dedans c'était un véritable tombeau.
Le Lycanthrope décida qu'ils avaient assez attendu, tapis au ras du sol, il retrouva forme humaine. Partiellement du moins. La dissemblance était subtile. Ses yeux n'avaient plus leur lueur ambrée, l'un était devenu vert et le second argenté. Gaspard avait emprunté à Œil de Lune ses capacités de vision, ainsi que son ouïe très développée, en effet ses oreilles s'étaient très légèrement allongées et un fin duvet s'était formé sur leur extrémité. Ce qui était le plus visible restait son visage qui s'était allongé afin de décupler ses sens olfactifs, là aussi de fins poils étaient apparu, son nez s'était épaté, son extrémité s'était assombrie et semblait plus luisante. Si un quelconque inconnu l'avait vu ainsi, il aurait été traité de monstre, de bête de foire consanguine bonne à divertir un public malsain. Son apparence était très troublante entre ses yeux vairons et son visage déformé, sa position accroupie aux aguets du moindre danger.
S'il n'avait vu personne à l'intérieur de la demeure, le bicentenaire restait pourtant sur ses gardes. Il était très possible que des agents aient été dépêchés à l'intérieur avec l'ordre de rester extrêmement discrets pour surprendre un quelconque intrus qui serait passé au travers de leurs filets. C'est donc avec d'infinies précautions que Gaspard poussa avec sa main droite le battant de la porte fenêtre en espérant qu'elle s'ouvre sous la pression, ce qu'elle avait refusé de faire lorsqu'il était sous sa forme de chouette, même si elle avait assez bougé pour qu'il garde espoir. Après quelques tentatives à différents endroits, la fenêtre s'ouvrit avec un très léger grincement, le Lycanthrope la retint pour qu'elle ne percute rien, puis il entra à pas de loup, toujours à ras du sol. Il repoussa le battant sans le bloquer. Il avait supposé juste en se disant qu'il n'y aurait pas de verrou ici.
Avant tout, il inspecta la pièce. Elle semblait ne pas avoir été visitée depuis longtemps. Elle comportait quelques meubles et surtout de nombreux instruments d'astronomie, dont une lunette vétuste dissimulée sous un drap autrefois blanc, parsemé de poussière. Avec précaution, Gaspard traversa la pièce jusqu'à la porte qui n'était pas fermée à clefs. Il l'ouvrit avec un grand renfort de délicatesse et jeta un œil de chacun des cotés du couloir. L'endroit semblait vide, mais il fit marche arrière pour se remettre debout et dans le doute il usa de ses sens accrus pour s'assurer d'être seul. Aux aguets il écouta. Excepté son propre cœur, il n'entendait aucun battement, seule la demeure était douée de sa propre vie. Craquements du plancher. Grincements des poutres. Rien d’inquiétant. Ensuite il passa son nez dans l'interstice de la porte et renifla. Vieux bois. Poussière. Moisissure. Petits rongeurs. Nouvelle bouffée. L'odeur d'Alexender persistait partout, celle de Suzanne et Marguerite étaient elles aussi présentes. Un soupçon de cire brûlée. De la lavande. La mort. Cessant soudainement ses recherches Gaspard fronça le nez, écœuré. Pourtant ce n'était pas l'odeur habituelle d'un corps en décomposition, c'était autre chose qu'il n'avait que très rarement senti. Il ne parvenait pas à mettre le doigts dessus. Jusqu'à ce que la lumière se fasse et que ses yeux s'arrondissent par la surprise. Il devait quitter les lieux au plus vite. Rebroussant chemin, il effaça toute trace de sa venue. De nouveau sur le balcon il retrouva la forme d'une Harfang des neiges et s'envola à tire d'ailes.
Des Vampires.
Le Châtelet était habité par des suceurs de sang, ces êtres que son ami haïssait tant. Lorsqu'il aillait l'apprendre il serait furieux. Gaspard était maintenant certain que tout avait à voir avec des Vampires, mais ce qui l'étonnait c'était leur nombre. Il en avait sentit plusieurs. Le Hunter serait-il tombé sur tout un clan ? Ca expliquerait pourquoi tout avait tourné aussi mal pour Alexender. Peut-être qu'il ne s'attendait pas à une aussi grande population de longues dents. Et si il était recherché à la fois par le Yard et des créatures surnaturelles, il était décidément dans une terrible situation.
Le Lycanthrope se sentait impuissant, mais cela ne fit que l'encourager à en apprendre plus encore. S'il le pouvait, il tenterait de concocter une porte de sortie à Alex. Un moyen de quitter le pays où de s'éloigner quelques temps de la capitale. Il pouvait mettre en place quelques cachettes où il serait en sécurité, il pourrait effectuer un roulement entre elles pour brouiller les pistes. C'était, de l'avis de Gaspard, ce qui restait encore le mieux à faire à son ami, émietter des indices à divers endroits pendant qu'il prenait des dispositions pour s'enfoncer plus encore dans la clandestinité.

La chouette survolait Londres toujours prête à glaner de nouvelles informations sur le chemin du retour. Mais rien ne l'interpella. C'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Après avoir regagné le bureau secret par les sous terrains, Gaspard reprit forme humaine. Pendant la journée il avait commencé à ranger les traces de sa vive colère. La pièce avait meilleure allure, mais ce n'était pas le cas de l'étagère qu'il avait assommée de coups. La table avait disparu, de même pour la plus grande partie des objets brisés. La chaise encore intacte supporta le poids de son nouvel occupant qui avait pris place en poussant un long soupir. La situation ne s'améliorait pas. Il bailla ouvertement tout en étirant ses muscles. Il allait aller retrouver son lit et prendre du repos. Il devrait être frais et dispos pour continuer ses recherches le lendemain. Surtout qu'il allait perdre un temps précieux à se rendre au Fitzrovia pour ne pas déroger à ses habitudes et paraître suspect. Il ne craignait pas trop d'être mis à mal par les autorités puisque son absence de la capitale pendant près de deux semaines faisait de lui un innocent, mais il ne préférait pas tenter le diable. Celui-ci infestait les rues. Il profiterait de son bain de foule pour écouter les différentes rumeurs sur les derniers événements, il était certain que les salons étaient infestés de conversations sur le sujet, au moins il n'allait pas s'ennuyer.
Et puis, se rendre au Fitzrovia lui rappellerait de bon souvenirs. Sa première rencontre avec Julia Thanas. Lorsqu'il avait pour la première fois croisé ses yeux d'azur. Il se souvenait qu'avant même leur premier échange verbal, c'était ces deux perles qu'il avait remarquées à travers tout le Salon, alors que ses douces lèvres évoquaient l'existence de créatures fantastiques sorties des cauchemars d'enfants fiévreux.
Julia.
Gaspard sourit malgré la fatigue et l'anxiété. La revoir l'aiderait sûrement à se sentir mieux. Enfin, il éprouverait en même temps de la culpabilité de ne pas mettre tout en œuvre pour retrouver Alex. Mais l'envie d'être près d'elle était tenace. Il voulait au moins baiser son front comme il aimait tant le faire. La sentir proche. Présente. S'il avait encore été dehors, il n'aurait pu se contenir d'aller se poser près de sa fenêtre. Qui sait, elle n'aurait peut-être pas tiré les rideaux, ainsi il aurait pu la contempler dans son sommeil. Veiller sur ses nuits. Espérer partager ses rêves. Demain il irait voir comment elle allait. Juste quelques minutes, pour se rassurer.
En sortant de la bibliothèque, le Lycanthrope partit s'offrir un en-cas nocturne aux cuisines. En descendant il remarqua une lueur qui s'échappait de la pièce, dont la porte était juste entrebâillée. Son major d'homme avait du prévoir qu'il rentrerai tard, affamé et il devait lui avoir laissé de quoi se sustenter. Décidément, cet homme pensait toujours à tout. Reconnaissant, Gaspard entra dans la cuisine avec un léger sourire. Il y trouva bien une lanterne allumée, un repas froid, mais aussi André assoupit sur une chaise, la tête reposant sur ses bras croisés. Paisible. L’aristocrate s'arrêta aussitôt à la fois heureux de voir qu'il avait toujours quelqu'un sur qui il pouvait compter, à toute heure de la journée, mais aussi chagriné d'être rentré si tard. Le pauvre homme devait être épuisé pour s'être ainsi laissé emporter par Morphée. Sans bruit le bicentenaire s'approcha et avec douceur il posa sa main sur la frêle épaule de son major d'homme. Celui-ci reprit lentement conscience, il comprit vite où il se trouvait, se frotta le visage comme pour en faire partir la fatigue, puis il se massa le cou.


- Merci d'avoir veillé André, vous pouvez rejoindre votre lit si vous le souhaitez. Ce n'était qu'une suggestion, mais au regard que lui lança le quinquagénaire il n'était pas question qu'il s'en aille sans avoir eut un compte rendu détaillé de ce qu'avait découvert Gaspard. Avec de l'amusement dans les yeux, il répliqua : Très bien. Je vais nous préparer du thé, alors qu'André esquissait un geste pour se lever il l'arrêta de suite, laissez moi faire, je ne suis pas un expert mais je suis capable de faire bouillir de l'eau.

- Si Monsieur insiste...

Le Lycanthrope leva les yeux au ciel, tandis que son interlocuteur s'installait dans une position plus confortable, impatient d'en savoir plus. Il s'occupa de faire chauffer l'eau, après avoir laissé peser un long silence pour réfléchir à ce qu'il allait dire, il commença :

- Je suis allé au Châtelet du Céans, comme prévu il est entouré par les agents de Scotland Yard. Ils sont à l’affût du moindre geste. Néanmoins j'ai réussi à me faufiler à l'intérieur de la demeure et ce que j'y ai trouvé va vous glacer le sang. Sans chercher à faire peser le suspense, il enchaîna dans un murmure. J'y ai senti des Vampires. Plusieurs, je ne peux pas être très précis puisque je ne les ai pas vu. J'ai préféré quitter les lieux aussi vite que possible de peur qu'ils ne me repèrent. Jusqu'ici je n'avais pas mesuré l'ampleur du problème. Alexender... sa situation est pour le moins inextricable. Ces créatures n'auront de cesse qu'en obtenant sa mort, j'en ai peur.

André avait ressentit un frisson lui parcourir l'échine à l'évocation du mot Vampire. Il savait très bien tout ce que cela signifiait. Il connaissait les dangers et les enjeux de la traque. Il eut un reniflement de dégoût. La partie allait être difficile, il faudrait jouer finement. Il répondit à voix basse.

- Sieur Ravellow a d'autant plus besoin de votre aide. De la notre. Gaspard haussa les sourcils, quelque peu étonné. Ne prenez pas cet air, je ne vais pas vous laisser vous débrouiller seul avec cette histoire. Je ne vais pas renier mes convictions et puis, j'ai de bons restes. Oui bon, je suis rouillé, mais c'est une mécanique, un peu d'huile et la machine retrouve sa jeunesse. A nous deux, je pense que nous pourrons couvrir plus de terrain et je suis plus discret qu'un aristocrate.

Le-dit aristocrate avait une mine contrite. Il n'avait pas l'intention de rallier à lui d'autres personnes. Lui-même, c'était bien assez. Son major d'homme n'avait pas à se sentir obligé d'intervenir, il n'avait qu'à continuer comme si de rien n'était. Entrant dans une intense réflexion, Gaspard sortit le service à thé, il opta pour un Lapsang Souchong puis il versa l'eau fumante dans la théière en porcelaine. Durant tout le temps de l'infusion, personne ne pipa mot. Ensuite, il déversa le chaud liquide dans chacune des tasses. A la naissance des volutes une surface rougeâtre teintait la tasse, le thé fumé rappelait au Lycanthrope la couleur du sang diluée dans l'eau. Clignant des yeux, il éloigna cette image incongrue. Hippolyte avait cette fâcheuse tendance à lui revenir trop souvent en mémoire ces derniers jours. Il s'assit à coté d'André, celui-ci reprit très sérieux :

- Vous ne pensez tout de même pas que vous êtes en pouvoir de m'interdire toute intervention ?

- En effet. Murmure net, transpirant la contrariété.

- Alors ne faites pas comme si vous étirez en mesure de me faire changer d'avis. Je n'ai pas décidé de reprendre les armes, seulement de mener ma petite enquête de mon côté. Même si cela représente un certain danger, il reste très minime. Qui prêterait attention à un simple domestique ?

Contraint d'acquiescer Gaspard hocha la tête. Il prit un biscuit sucré dans la coupelle que le major d'homme avait préparé à son attention et le dévora en une bouchée.

- Vous n'avez rien d'autre à nous apprendre ?

- Rien. C'était une escapade avortée, je voulais trouver une trace ressente du passage de Alexender, Suzanne ou Marguerite, mais j'ai à peine pu pénétrer dans le châtelet grâce à ... Il laissa sa phrase en suspend, effectuant un moulinet de la main. André savait à quoi son aîné faisait allusion. Et puis, je ne pense pas que l'un ou l'autre se serait risqué d'entrer avec tous les gardes, excepté s'il y a un passage secret. Je l'ignore. Et si tel est le cas, j'espère qu'ils n'ont pas été repérés par les créatures. Sinon je ne donne pas cher de leur peau.

André entendait le désarrois dans la voix de l'aristocrate. Il vit son regard s'assombrir, son visage se fermer, ses trais se durcir. Il était à nouveau absorbé par ses pensées. Sa mâchoire s'était carrée au point qu'il devrait en avoir mal, à force. Ses sourcils étaient froncés, des rides s'étaient formées à la naissance de son nez. Sa bouche était pincée en un trait fin, incolore. André comprenait qu'il puisse être inquiet pour son ami. Le contraire aurait été étrange.
Depuis qu'il le connaissait, l'aristocrate n'avait entretenu aucun lien particulier, avec personne, excepté avec ce Hunter et lui même, mais différemment. C'était un homme solitaire, difficile à cerner. Il s’enveloppait d'une muraille impénétrable, affichait au monde une personnalité factice, construite de toutes pièces. Par le passé leur rencontre avait été entièrement calculée et s'était soldée par l'embauche du major d'homme auprès du jeune expatrié français. L'un avait besoin d'un emploi, le second d'une personne efficace aux manières irréprochables, capable de discrétion et de conserver pour soi chaque parcelle d'intimité de son maître. André joua son rôle à merveille, allant jusqu'à taire sa propre histoire à l'aristocrate qu'il servait fidèlement. Ce n'est que par un malheureux hasard que le major d'homme vit son masque se fissurer. Poussé à sortir de son rôle lors d'une attaque à mains armées, il fit ce qu'aucun homme non entraîné aurait pu accomplir. Il se défendit de manière redoutable, mettant les vagabonds en déroute, après quoi une discussion s'imposa.
Sans cesse aux côtés du Lycanthrope, André avait compris depuis un certain temps déjà que celui-ci avait un secret sur la conscience, il l'avait deviné grâce à d'infimes indices, qu'il n'aurait pas pu voir s'il n'avait pas été formé à lire entre les liges. Jusqu'ici, en deux cents ans de vie, aucun autre serviteur du Lycanthrope avait eut le moindre soupçon sur son appartenance à l'espère humaine, celui-ci restait toujours sur ses gardes, en conservant une existence équilibrée et pour tout dire très commune. Puisqu'il était certain de ne pas avoir à faire à quelqu'un de maléfique, André continua à le servir sans chercher ni comprendre véritablement ce qu'il était.
Ce jour là, avec d'infinies précautions, en tournant longuement autour du pot, le major d'homme lui apprit ce qu'il avait été, un traqueur d'hommes-bêtes sanguinaires incapable de contrôler leurs pulsions lorsque la Lune luisait ronde comme une mère. C'était un ex-Hunter. Un chasseur d'êtres maudits par les dieux et les hommes, entraîné dans l'ombre par une élite, voué à éradiquer une vermine toujours plus consanguine, vorace, cruelle et inhumaine. Comme il s'y était attendu, l'aristocrate ne paru pas véritablement choqué « d'apprendre » l'existence des Loups-Garous, par contre il resta muet de surprise tandis que son esprit s’imprégnait du reste des informations. Il avait eut besoin d'un long moment pour distiller et classer toutes ce qu'il venait d'entendre, s'inquiétant pour sa propre sécurité et celle de sa race. Puis il avait tourné la page et maître comme serviteur avaient continués leur bonhomme de chemin, plus proche qu'auparavant.
Ce n'est pas de son plein grès que le Lycanthrope confia ce qu'il était à André. Il s'en rappelait comme si cela c'était passé hier. Un moment terrifiant.
Le major d'homme sortit de ses souvenirs. L'aristocrate avait repris la parole, un autre biscuit en main.


- Le problème c'est que depuis l'arrivée de Alexender à Londres, je n'ai pas pris le temps de m'entretenir avec lui sur ses projets. Je me suis laissé entraîner par les événements ; la joie de le revoir et ma rencontre avec Julia m'ont aveuglées. A nos retrouvailles il avait été blessé par un Vampire, je ne sais plus précisément ce qu'il en était, de même pendant le Bal masqué Miss Spencer a été vidée de son sang par l'un d'entre eux, ils sévissent autour de nous sans cesse. Gaspard secoua la tête. Nous avons un peu discuté, mais il n'en est rien ressortit sur ses intentions dans l'avenir. Et maintenant je me rends compte que si je ne m'étais pas rendu à Loth, peut-être aurais-je pu le voir et éviter tous ces événements.

- Nous devons rester concentrés sur le présent, Monsieur. Pas sur ce qui aurait pu se produire. Le quinquagénaire avait parlé d'une voix douce, mais ferme, pour rappeler à l'aristocrate où étaient leur priorités.

Gaspard porta le thé à ses lèvres. Il avait eu le temps de refroidir, si bien que le liquide était à la température idéale. Il reprit contenance. Il avait été piqué par la remarque. Fondée. Véridique. Il n'arrivait pas à se concentrer. Comme la veille il sentait une migraine commencer à lui barrer le front. Cette fois il n'allait pas laisser la colère l'emporter. Il reposa la tasse qui tinta lorsqu'elle percuta la soucoupe.


- Vous avez entièrement raison, soupira l'aristocrate. Je crois que mon inquiétude m'empêche d'avoir les idées très claires.

- Il n'y a rien à dire de plus ce soir. Allons nous coucher. André prenait rarement des initiatives, mais il sentait qu'il n'y avait que de bonnes heures de sommeil qui parviendraient à remettre son maître d'aplomb. La nuit est porteuse de conseils. Demain tout semblera plus clair et il sera encore temps de nous remettre au travail.

Sans un mot, comme un assentiment, Gaspard termina son breuvage. Le major d'homme fit de même et tous deux sortirent de la cuisine ensemble en laissant ainsi le service à thé. Avec un regard entendu et le souhait de prendre chacun un bon repos, ils se quittèrent. Le Lycanthrope regagna sa chambre. Il se changea vite, se revêtit d'une chaude chemise de nuit et se glissa sous les couvertures fraîches. Son esprit préoccupé sombra dans le sommeil et il rêva.


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MessageSujet: Re: De curieuses nouvelles [privé] De curieuses nouvelles [privé] Icon_minitimeMar 14 Jan - 14:50

Deux yeux fixaient la pénombre. De temps en temps leurs paupières clignaient. Tout était calme, paisible. Il était possible d'entendre la respiration régulière de l'homme allongé dans le grand lit et le frottement discret de la peau contre le drap doux. Si ses yeux n'avaient pas été ouverts, quiconque aurait pu croire qu'il dormait profondément. Mais tel n'était pas le cas. Gaspard était bel et bien éveillé, il patientait depuis un moment déjà, que son cœur se calme, car même s'il réussissait maintenant à contrôler son souffle, il ne parvenait pas à réduire les puissants battements de tambours dans sa poitrine. C'était une histoire de minutes et tout rentrerait dans l'ordre. En attendant, il souffrait.
Il avait rêvé cette nuit, comme bien souvent. Cependant ses songes s'étaient assombris jusqu'à le contrarier, le torturer, lui couper le souffle, puis l'expulser du sommeil. Il s'était réveillé poisseux, haletant, avec un terrible sentiment d'impuissance. A la seconde où il s'était arraché des bras de Morphée, il a su que ce n'était qu'un rêve, qu'il était dans sa chambre, seul. Il avait pourtant l'impression que tout était réellement arrivé, alors que sa raison lui répétait qu'il n'avait fait que dormir. Petit à petit des détails se dissipèrent, mais le principal restait là, comme un sale goût dans la bouche, indélébile dans sa mémoire. Maintenant qu'il avait la conscience claire, que son sang ne bouillait plus dans ses entrailles, il continuait de revoir par parcelles de microsecondes des images de ce rêve. C'était son inquiétude pendant la journée qui l'affectait autant. Il avait vécu tout un condensé de ses craintes entremêlées à son passé.
Il s'était vu donner le coup de grâce à son jeune frère, celui-ci s'était soudainement métamorphosé en Alexender. Le visage recouvert de sang. Son ami avait prononcé des paroles maintenant perdues dans l'oubli mais qui l'avaient abattu. Tout était confus, mais là, il se sentait comme broyé par un étau. Puis Gaspard avait entendu Julia hurler et s'enfuir. Il revoyait les pupilles de ses yeux s'agrandir de peur. L'image était nette, trop pour n'être que le fruit de son imagination. Comment oublier ? Elle avait eu ce même regard lorsqu'il s'était emporté contre elle dans la bibliothèque, peu après leur rencontre. Que de regrets ! Ensuite il l'avait poursuivie sans la trouver. En pistant ses traces il s'était fait surprendre par un Loup-Garou. Il se souvenait avoir fui devant le danger, laissant Julia aux bons soins de la nature. Sans que cela ait de sens, le décor avait changé. Encerclé par des Vampires sans visage, Gaspard n'avait plus de porte de sortie. Il était sur le point de se faire vider de son sang. Horreur. Respiration erratique. Vie vaine. Pensées brouillées. Regrets, à nouveau. Il avait entendu une détonation. Il avait sursauté et s'était réveillé.
L'aristocrate eut un rictus. Il avait beaucoup à faire aujourd'hui. Il n'avait pas de temps à perdre avec un cauchemar infondé, fruit de son esprit préoccupé. Il expira bruyamment, porta ses mains à son front, enfonça ses doigts dans la masse rousse de sa chevelure jusqu'à ce que ses paumes reposent sous sa tête lourde. Ce n'était qu'un mauvais rêve. Les minutes passèrent sans qu'il ne parvienne à se convaincre de bouger. Son esprit toujours ailleurs. Enfin, Gaspard s'étira, puis il fit peser sur ses avants bras tout le poids de son large torse. *Allez*.
Comme un coup de fusil il s'extirpa des couvertures et toujours assit, posa ses pieds nus sur le tapis rêche, mais beau, qui faisait office de descente de lit. Il se leva, rajusta quelque peu sa chemise de nuit et se dirigea vers la commode sur laquelle était posée une bassine pour la toilette. Il trempa ses mains dans l'eau froide de la veille, s'aspergea le visage, puis le tamponna avec un linge doux. Un peu plus frais, il s'attela à choisir sa tenue qu'il déposa convenablement sur une chaise. Ceci fait il décréta qu'un bon bain ne serait pas de refus. Il consulta l'heure. André serait levé. Gaspard enfila sa robe de chambre et descendit, il trouva le major d'homme dans la cuisine. Ils échangèrent quelques banalités, sans évoquer les événements de la veille. L'aristocrate demanda à ce qu'on lui prépare un bain, tandis qu'André ajoutait que la collation matinale de Monsieur était au petit salon et que la boisson allait arriver.
Le Lycanthrope s'installa à la table basse et se prépara tranquillement des tartines de beurre à la confiture de mirabelles. Le journal du jour n'avait pas encore été livré, si bien que l'aristocrate se laissa reposer contre le dossier du fauteuil. Il entendit comme un froissement de papier, inhabituel. Il fit un autre mouvement, mais plus rien. Son imagination devait lui jouait des tours. Cela lui fit penser que Julia allait peut-être lui donner réponse dans l'après-midi. Son visage s'éclaira.


- Je vois que Monsieur est de bonne humeur ce matin, dit André pour annoncer sa présence.

Il posa le service à thé sur la table et servit l'aristocrate. Celui-ci s’avança sur son siège et il entendit à nouveau un craquement. Sous le regard intrigué du major d'homme, il se leva et contempla le fauteuil. André s'approcha.


- Quelque chose doit s'être glissé entre les coussins.

- Je vais y regarder tout de suite, ajouta André.

Alors que Gaspard se reculait, le quinquagénaire s'agenouilla et exécuta une fouille minutieuse du siège. Il glissa ses mains dans les interstices, les sourcils froncés. Après quoi il en dégagea une petite enveloppe épaisse. Il n'en connaissait pas le cachet, ni l'agréable calligraphie, mais elle était adressée à Monsieur Gaspard De Sorel. Sans attendre il se releva et tendit l'objet à son propriétaire, qui la prit avec douceur, sans se soucier pour le moment de la bizarrerie de trouver du courrier sous son postérieur. Sans plus attendre il décacheta l'enveloppe et en sortit le papier s'y trouvant, il le déplia et regarda immédiatement qui en était l'expéditeur. Le Lycanthrope ne cacha pas son étonnement, Miss Spencer lui avait écrit tantôt.
Avant de débuter la lecture, il se rassit sur le fauteur, pendant qu'André repartait s'occuper de l'eau qui bouillait dans la cuisine. Il regarda ensuite la date de l'envoi de la lettre. Il réfléchit. Elle avait dû arriver à peine deux jours après son départ pour la campagne. Misère. Il se sentait à nouveau mal, comme à son réveil. Pourtant ce n'était qu'une lettre, rien de plus. Il secoua la tête et commença à lire :


Cher Monsieur de Sorel,

Veuillez pardonner mon manque de civilité, mais je prends quand même l'audace de vous écrire ces mots malgré notre certain manque de familiarité. L'urgence de la situation et le manque de ressources dont je puisse disposer m'ont fait tourner vers vous le regard du dernier espoir.


Gaspard tiqua aux mots « urgence » et pire encore à « dernier espoir ». Cette jeune femme semblait beaucoup dramatiser la situation. Que lui voulait-elle ? Question qui reçu un éclaircissement dans la phrase qui suivait.

Je vous écris pour vous parler d'une personne qui nous est chère à tout les deux : le Sieur Ravellow.

Là, l'inquiétude du Lycanthrope monta d'un cran. La lettre datait de près de trois semaines et Alexender avait déjà eut des problèmes à ce moment là ? Non. Après tout, peut-être que ce n'était qu'une banale histoire de couple. Connaissant son ami, celui-ci avait peut-être éconduit la demoiselle et celle-ci venait lui demander son soutient. *Oui, ça doit être ça,* s'affirma Gaspard pour se convaincre qu'il n'avait pas laissé son ami dans une terrible situation, alors que lui-même prenait du bon temps.
Il reprit la lecture. Au fur et à mesure des mots, ses yeux s’écarquillèrent de surprise. De peur. Sa gorge se serra. Ses mains tremblaient légèrement. Il en porta une devant sa bouche, avachi tel un vieillard. Grâce à cette lettre, il apprit qu'il aurait pu empêcher la suite des événements. Tandis qu'il laissait la feuille retomber sur la table basse et se tâcher sur de la confiture, il laissa sa tête retomber dans ses mains ouvertes, les coudes durement enfoncés dans ses cuisses.


Suite à certains événements que je ne pourrais que qualifier d'extrêmement fâcheux et dramatique, je crains qu'il ait besoin de vous plus que jamais. Je me crois dans l'obligation de vous apprendre qu'il a été séquestré par d'horribles individus qui lui ont sans doute fait subir d'affreux tourments. Ces bandits sont du même « type » que ceux qui m'ont attaqués lors du bal masqué il y a quelques mois.
Depuis je n'ai pu que constater l'affreux état dans lequel notre ami a été plongé. Pour être entièrement honnête avec vous, je le fais un souci immense pour lui. Le connaissant, il risque de faire quelques folies qui pourraient lui être fatale.
Je m’enquiers auprès de vous afin de vous demander la faveur ultime de bien vouloir prendre de ses nouvelles. Votre nature si calme pourra sans doute tempérer ses ardeurs.
Avec mes sincères remerciements,
Mlle Sarah Spencer.


Alexender avait de graves problèmes avec les Vampires. Il avait dû être maltraité, pire encore, torturé. Mais il en était ressortit en vie. C'était le principal. Vivant et certainement encore plus décidé à éradiquer la race vampirique. Toute cette folie, cet attentat, ces morts, c'étaient des actes de détermination et de détresse. La preuve que le Hunter tentait le tout pour le tout. *Par tous les Saints...* La culpabilité revenait hanter Gaspard au grand galop. Il se faisait les mêmes reproches, avec plus de force encore. Là, il ne pouvait plus se trouver aucune excuse, il avait faillit à son rôle. Il n'avait pas été présent lorsque son ami avait besoin de son soutient, de ses soins, de ses conseils. S'il avait pu lui murmurer des mots d’apaisement, rien de tout ceci ne se serait produit. Il repensa à sa conversation nocturne avec André, où il s'était blâmé pour son départ à Loth. Il laissa échapper un rire rauque, étranglé. Ses reproches étaient fondés. Comment pouvait-il se considérer comme l'ami d'Alexender, alors qu'il n'avait pas été présent pour lui ? Voilà ! Voilà ce que c'était que de prendre des responsabilités envers autrui, on finissait toujours par le regretter.
En cet instant, Gaspard ne ressentait aucune colère. C'était la mélancolie même qui venait d'étendre à nouveau son voile sur lui. Vilaine habitude dont il avait toujours eu des difficultés à se débarrasser, revenant toujours à l'assaut, et telle la marée à son plus haut coefficient, elle avait raison des digues qu'il avait érigées. L'eau est un élément d'une force invraisemblable, s'infiltrait partout, profitant de la moindre fissure pour se déverser et noyer son esprit. Son échec était cuisant et son sentiment d'incapacité le brûlait cruellement. S'il se laissait emporter par les flots, il lui serait impossible de se racheter, il sombrerait et seul l'avenir savait combien de temps il resterait ainsi, tel une statue, muet, obligé de céder sa place à l'une de ses entités pour reprendre goût à la vie. Bicentenaire, il ne l'était pas vraiment. Au final, il avait déjà fui le Temps pour ne pas devenir définitivement fou ;Le Temps était un ennemi, mais il était à la fois ce qui guérissait des pires maux.
Gaspard devait se reprendre. Il n'avait d'autre choix. Il s'était engagé. Mais c'était difficile. Il se sentait fébrile, maladif. Une fois encore il était assaillit par les doutes et ça le paralysait. Comme toujours. Il se morigéna mentalement, imaginant parfaitement les remarques qu'auraient pu lui faire Œil de Lune et Galyllée. Ce fut suffisant pour qu'il décrispe ses muscles. Il eut mal sur le moment, puis ce fut mieux. Le pire c'était l'engourdissement dans sa jambe gauche. En attendant que les fourmis viennent dévorer ses muscles, il s'adossa au fauteuil. Il avait un air débraillé qui ne lui ressemblait pas. Ses cheveux retombaient mollement sur son front, dissimulant ses sourcils, projetant des ombres sur l'ambre de ses yeux vides. Son menton reposait sur son torse velu. Sa chemise de nuit était mal fermée et laissait voir ses habits de nuit. Ses deux jambes écartées étaient posées à angle droit, immobiles. Lorsque la douleur devint plus forte, les les poings de Gaspard se fermèrent. Il détestait cette sensation. Quand ce fut passé, il attrapa la lettre, la remit dans son enveloppe et la déposa dans l'une de ses poches. Il n'avait plus faim, mais il devait se nourrir, ne serait-ce que pour ne pas attirer les regards d'André. Il ne lui dirait pas ce que contenait la lettre, c'était personnel. Son fardeau à lui seul. C'est donc sans appétit que l'aristocrate mangea ses tartines, utilisant le thé pour avaler les bouchées les plus récalcitrantes.

Enfin, Gaspard se leva et se rendit à la salle d'eau où le major d'homme avait préalablement déposé ses vêtements du jour. Son état de confusion avait duré assez longtemps pour que André termine de faire bouillir l'eau. La baignoire de cuivre était remplie et près d'elle étaient posés deux seaux d'eau chaude pour qu'il puisse ajuster la température à sa guise. Du bout des doigts, l'aristocrate jugea si le liquide était à son goût. Encore un peu trop chaud, mais supportable.
Il se dévêtit comme un automate, l'esprit ailleurs. Il posa ses vêtements en un amas informe sur un meuble, peu soucieux qu'ils se froissent, contrairement à d'habitude. Puis, entièrement nu, il mit un pied, puis deux, dans la baignoire. Il attendit que son corps s'habitue à la chaleur, puis il s’immergea petit à petit. La sensation de brûlure n'était pas très agréable, mais elle passa rapidement et pendant cet instant, il se sentit bel et bien vivant. Malgré son état, le monde continuait de tourner. Il devait arrêter de tout dramatiser ainsi. Les bras posé sur chacun des côtés de la baignoire, Gaspard s'intima l'ordre de garder l'esprit clair.
Cette lettre n'avait rien changé, sinon qu'il n'avait pas été là au bon moment. Il devait arrêter de se fustiger, ce n'était pas ça qui lui ramènerait Alexender. Bref. Sarah lui avait confié que d'autres Vampires s'étaient attaqués à son ami, cette confirmation écrite allait dans le sens de ce qu'il avait conclu la veille, lorsqu'il s'était introduit furtivement dans le Châtelet du Céans. Peut-être que s'il parvenait à joindre Miss Spencer, il aurait des réponses claires. Enfin ! C'était une lueur d'espoir. Si elle lui avait fait part de ses craintes pour Alexender, c'est qu'elle était forcément au courant de certaines de ses intentions. Il faudrait qu'il en ait le cœur net. Malheureusement, il avait cru comprendre que la jeune Sarah était au couvent. Il ne pourrait pas avoir d'entrevue avec elle puisqu'il n'était ni un membre de sa famille, ni un proche. S'il lui envoyait une lettre, elle serait certainement lue par d'autres personnes avant, alors il devrait trouver une bonne excuse pour la lui envoyer et trouver les mots justes pour que ses sous-entendus soient incompréhensible, excepté pour elle. Le bain l'aidait à se détendre et à réfléchir. Il se félicita d'avoir décidé d'en prendre un dès son réveil.
L'esprit du Lycanthrope s'attarda un moment sur Sarah Spencer. D'après son épître, elle éprouvait une affection certaine pour Alexender. Et ce devait être réciproque. Son ami était un coureur de jupons, mais il était aussi capable d'éprouver des sentiments plus aboutis que le désir instantané. La demoiselle était en ce moment dans un couvent, il était fort probable qu'elle n'éprouve pas l'envie de se marier avec le Comte Keï, malgré la place de choix qui s'offrait à elle. Elle devait nourrir de fort sentiments envers Alexender pour passer à côté d'une si belle occasion de conclure un mariage aussi prometteur. Mais ce n'était qu'une supposition. Ce qui semblait étrange à Gaspard, c'était le rapprochement qu'il devait faire entre cet hypothétique triangle amoureux et les Vampires qui étaient mêlés à tout ça. L'attentat contre Jiromaru Keïsuke était-il un moyen de faire d'une pierre deux coups ? Faire enrager la haute société en même temps que de faire le ménage chez les créatures nocturnes. C'était bien le genre d'Alex.

Pas un seul instant il vint à l'esprit de l'aristocrate que le Comte puisse être intimement mêlé à cette affaire. Pour lui, c'était tout simplement inenvisageable. Un favori de la Reine Victoria, un Vampire, mais quelle idée saugrenue. Non, cela échappa bien évidemment à Gaspard De Sorel.

L'aristocrate tentait de se vider l'esprit. Il respirait lentement, orientant ses pensées vers des sujets d'insouciance. S'il avait pu faire taire ses sentiments, pour ne faire appel qu'à la raison, il l'aurait fait sans hésiter. Éprouver, dans un moment comme celui-ci, c'était s'affaiblir inutilement. Il devait avoir l'esprit clair, le cœur léger, la détermination du fer. Penser de manière rationnelle, mathématique. Mais il était incapable de changer ce qu'il était. Toute cette pagaille le rendait nerveux. Si seulement Julia avait été là pour le rassurer, peut-être se sentirait-il mieux. Cependant elle n'était pas là, elle était à l'abri. Fort heureusement. C'était un soulagement de la savoir loin de tout ça, insouciante, élaborant des créations textiles, travaillant son savoir faire et son imagination. De plus, lui aurait-il avoué cette faiblesse de tempérament ? Il l'ignorait. Confier son désarrois, c'était en quelque sorte s'émasculer, il n'avait aucune envie de paraître fragile. Il avait un rôle à tenir. Non, la présence de Julia n'y changerait rien.
Gaspard immergea sa tête sous l'eau, mouvant son corps dans la baignoire trop petite pour l'accueillir tout entier, laissant ses jambes fumantes et rosées s'extraire du récipient. Le changement brusque de température était agréable. Il ouvrit les yeux. Tout était si différent sous l'eau. Il laissa échapper quelques bulles d'air de ses poumons, qui remontèrent à la surface avec légèreté. Sa vision était floue, le plafond de la salle d'eau déformé. Sa perception visuelle perdait de son acuité, tandis que les sons sourds étaient amplifiés. S'il prenait un point de vue différent, peut-être obtiendrait-il des réponses. Créant un ample mouvent d'eau, le Lycanthrope reprit sa place assise et ingurgita de l'air à plusieurs reprises. Il avait hâte de retrouver son ami sain et sauf.
L'aristocrate s'occupa ensuite de faire sa toilette. En homme coquet, il ne lésina pas sur le savon odorant. Il lava soigneusement sa tignasse, puis il inspecta ses ongles qui avaient besoin d'être entretenus. Il se rinça, puis sortit de la baignoire. L'eau ruisselait en gouttelettes de ses cheveux détrempés, elle léchait les muscles de son corps, caressant chaque parcelle de sa peau encore chaude. Une serviette vint absorber cette amante entreprenante et bientôt toute trace d'humidité disparut. Gaspard se rasa, coupa ses ongles, coiffa ses cheveux et ses rouflaquettes, s'occupa de choses et d'autres. Fin prêt, il enfila ses vêtements, veillant à ce que son nœud papillon reste bien droit. Avant de quitter la pièce, il prit la missive de Sarah et la déposa dans la poche intérieure de son costume. Il regagna le hall d'entrée où André déposait toujours le journal. Il était maintenant arrivé. Avide de connaître les informations, le Lycanthrope s'empara du Queen's Head et partit se rasseoir dans le petit salon dont la table avait été nettoyée. La lecture n'apprit rien de bien intéressant à Gaspard. Il se dit qu'au moins Alexender n'avait pas été retrouvé pendant la nuit. C'était très bien ainsi.

Maintenant, il n'avait plus qu'à s'occuper en attendant de se rendre au Fitzrovia. Il ne parvenait pas à trouver quoi faire et tournait en rond dans la demeure, croisant à plusieurs reprise André qui se passa de tout commentaire. Il avait envie de tout et de rien à la fois. Il décida de terminer de ranger son bureau secret, cela lui occupa la fin de la matinée. Après le déjeuner, puisqu'il devait envoyer une lettre à Miss Spencer, il monta dans la salle aux étoiles et prit place au bureau. Mais ses tentatives restèrent vaines, il passa son temps à gribouiller et raturer ce qu'il écrivait. Rien ne lui paraissait assez subtile. Et puis, pourquoi le Sieur Sorel enverrait-il une lettre à Miss Spencer, tout juste fiancée au Comte Keï ? C'était absurde. Et énervant. Être obligé d'agir en douce donnait envie à Gaspard de faire tout le contraire. Enfin, avec cette histoire d'attentat, il avait eut un aperçu convainquant qu'il devait se retenir. Au final, il laissa sa main dessiner sur ses brouillons des figures sans queue ni tête. C'était encore ce qui lui était arrivé de mieux depuis le matin. Absorbé par ses coups de crayons, il cessa de penser.


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Gaspard de Sorel
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MessageSujet: Re: De curieuses nouvelles [privé] De curieuses nouvelles [privé] Icon_minitimeJeu 23 Jan - 3:56

Gaspard se sentit revigoré. Dessiner avait été comme un exutoire. Il avait oublié cette sensation de bien être que procurait la création simple et spontanée. Son esprit malade s'était trouvé un remède à ses maux sans qu'il n'en ait conscience. Intrigué par ses propres divagations, il posa enfin son crayon de papier, rassembla les feuilles recouvertes de ses quelques croquis. Il avait essentiellement copié ce qui se trouvait sous ses yeux : le sextant qui reposait sur une étagère, sa main gauche, son réservoir à encre et quelques plumes. Rien de particulier. Mais c'étaient ces petits rien qui lui avaient insufflé des forces nouvelles.
L'aristocrate rangea plus ou moins son bureau, puisqu'il avait conclu qu'aujourd'hui il ne parviendrait pas à rédiger sa lettre pour Miss Spencer. Et après le temps qu'il avait passé devant sans trouver quoi écrire, il doutait que se soit une si brillante idée que d'entrer en contact avec elle. Rentrée au couvent le lendemain de l'attentat, elle ne saurait pas où se cachait Alexender. Et puis son ami n'aurait certainement pas pris le risque de dévoiler sa porte de sortie. Trop dangereux pour la jeune femme et aussi pour lui même.
Le cœur un peu plus léger, ses tourments apaisés, il sentait qu'il pourrait enfin se laisser captiver par un bon livre. Il se rendit donc à la bibliothèque où il ne s'était pas rendu depuis plusieurs semaines. Il avait terminé la lecture du premier Faust de Goethe peu avant son départ pour Loth et depuis il n'avait pas pris le temps d'entamer la suite. Gaspard posa un genou à terre pour être en mesure de voir les titres inscrit sur la tranche des livres, quoique beaucoup n'en possédaient pas, ces derniers avaient une couverture vierge mais richement ornée et ce n'était qu'en consultant le frontispice qu'il était possible d'y trouver leur titre. Faust II faisait partie de ceux-ci. Il était dans sa version originale, datant de l'année même de son édition. Délicatement, Gaspard s'empara de l’œuvre posthume de Goethe, il prit place dans un des fauteuil près d'une des fenêtres, pour avoir plus de lumière et d'intimité, en effet ainsi positionné il n'était entouré que par des étagères emplies de livres, rempart précieux contre les distractions du monde. Ouvrir ce livre, ou n'importe quel autre d'ailleurs, c'était s'inviter dans une toute autre réalité, abandonner son identité et la troquer contre une place aux premières loges d'une vie qui n'était pas la sienne. C'était être le voyeur, comme lorsqu’il s'agissait de contempler une peinture, mais pire encore, puisqu'il n'était plus seulement question de voir, mais aussi de partager chaque faits et gestes, d'écouter chaque mots, de s’imprégner de chaque émotion. Un ouvrage renferme milles secrets et permet bien souvent d'en apprendre bien plus sur soi même que sur ce qu'il y est écrit. C'est donc prêt à faire de nouvelles découvertes que l'aristocrate passa les premières pages blanches de Faust. Il s'attarda quelques instants sur la page de titre, puis il débuta la lecture du prologue.


Prologue:

Durant sa lecture, Gaspard avait le visage fermé, concentré. L'allemand n'était pas sa langue natale, mais il la lisait bien, cependant c'était toujours un exercice qui lui demandait de l'attention car avec le temps tout évoluait et l'allemand ne faisait pas exception. Il ne s'était établit qu'une seule fois dans ce pays, pour une décennie seulement. Comme partout il s'était instruit, il avait étudié leurs coutumes, leur histoire, acquis de nouvelles connaissances et un nouveau langage. Il aimait procéder de cette manière. De plus, il trouvait très plaisant de lire un livre dans sa langue d'origine, car s'il se procurait une traduction, il y aurait forcément la trace d'un remaniement. Non, il préférait se pencher sur le travail de l'auteur dans son état brut, quitte à ne pas comprendre quelques subtilités à cause de son manque de pratique.
Pendant les heures qui suivirent, tout demeura tranquille. Seuls les sons des pages tournées berçaient l’atmosphère, accompagné de la respiration mesurée du Lycanthrope. La douce paix de la lecture. Un bienfait de la culture. Seulement, lorsque le crépuscule s'empara du jour et que la pénombre s'étendit, l'homme cessa de lire. Il lui aurai très bien pu allumer une lampe afin de continuer, mais il devait terminer de se préparer. L'heure avait bien tourné et il était temps de faire une apparition dans le Monde. Après trois semaines d'absence, il sentait que la soirée serait longue. Mieux valait ne pas y penser pour le moment.
Gaspard referma Faust après y avoir glissé un ruban en guise de marque page, puis il posa le livre sur le guéridon près du fauteuil. Ensuite il se leva et se rendit dans le couloir pour y prendre une lanterne. Il passa par sa chambre pour y changer de tenue. Il conserva sa chemise crème à laquelle il passa des boutons de manchette aux armoiries qu'il s'était crées, rappelant vaguement le blason familial, il ajouta un boléro ajusté brun, puis il opta pour sa redingote noire en velours. Il n'oublia pas de prendre sa canne épée et la cape que la famille Thanas lui avait offert, puis descendit le grand escalier et prévint André qu'il pouvait aller sceller les chevaux. Celui-ci s’exécuta,tandis que Gaspard attrapait deux pommes dans l'une des corbeilles de fruit. Sa lecture lui avait fait oublier l'heure du thé, la conséquence était qu'il commençait à avoir faim. Son petit en-cas engloutit, il se dit qu'il n'aurait qu'à profiter du buffet une fois arrivé.
En attendant le retour du major d'homme, il repensa Julia avec plus de quiétude. Il espérait bientôt recevoir une réponse à son invitation et se sentait impatient de la revoir. Elle lui manquait. Dans cette demeure il n'y avait aucune trace de son passage, tandis qu'à Loth, même après son départ Gaspard y avait encore sentit sa présence, par les différents objets déplacés, sa peinture qu'elle lui avait offerte, son doux parfum de féminité. Partout où ils étaient allés il ne s'y sentait plus vraiment seul, il y croisait son spectre de souvenir, de courtes réminiscences où il la revoyait s'émerveiller, chercher à attraper un objet hors sa de portée, écarquiller ses yeux de surprise. Mais ici, à la Maison, il n'avait pas droit à ces petits moments de bonheur passagers. Il y avait essentiellement de la crainte, de la souffrance. Tellement peu d'instants de sérénité. Il comptait bien remédier à ça. Il repensa à son « rêve » qui l'avait tant retourné. Il voulait reléguer la scène de la bibliothèque à un simple mauvais souvenir, une erreur passée, mais il n'avait rien pour la chasser. Jusqu'à ce qu'il recouvre ce malheureux moment par du pur bonheur, il ne se pardonnerait pas tout à fait sa réaction. Heureusement il n'y avait pas eut de tristes conséquences. Encore des regrets. Le Lycanthrope grimaça, depuis son retour il ne cessait d'éprouver de l'amertume, il secoua la tête comme pour chasser ces vilaines pensées. Ce soir, il allait jouer son rôle, se montrer, discuter plus qu'à l'accoutumée et il allait ouvrir bien grand ses oreilles.

André revint tandis que l'aristocrate attachait sa cape, il entra quelques secondes dans le vestibule puis en sortit avec le haut de forme de son maître entre les mains et le lui tendit.


- Au Fitzrovia ce soir ? Demanda le major d'homme.

- Oui, il faut que je fasse mon retour dans le monde des vivants. Gaspard marqua une pause. Vous n'aurez pas à m'attendre, je rentrerai par mes propres moyens.

André acquiesça en silence. Il ouvrit la porte d'entrée et laissa passer l'aristocrate, qui venait d'ajuster une dernière fois son nœud papillon devant le miroir de l'entrée. Il n'avait pas précisé la manière dont il allait revenir, l'ex hunter se demanda s'il comptait continuer à rechercher son ami ce soir après sa sortie mondaine. En fait il ne se posa pas vraiment la question, il ne pouvait en être autrement. A voir son maître tourner comme un lion en cage dévoilait bien assez de son impatience de voir la nuit tomber. André ferma la porte à clefs, avant d’emboîter le pas à Gaspard, qui se dirigeait vers le fiacre déjà prêt dans la rue.
L'aristocrate caressa les juments l'une après l'autre en leur murmurant quelques mots. Crépuscule et Eclipse semblaient s'intéresser particulièrement à ses vêtements et André en compris la raison lorsqu'il le vit sortir une petite pomme de son costume. Gaspard recouvrit le fruit de ses deux mains et après avoir exercé une pression, il se fendit en deux parts égales. Avec un léger sourire, le Lycanthrope offrit cette friandise aux cheveux qui le remercièrent par des piaffements de plaisir. Après quoi il monta dans le fiacre et s'assit près de la fenêtre dont il ouvrit le rideau. La voiture tangua légèrement lorsqu'André monta à la place du conducteur, peu après les cheveux se mirent en route et la maison disparut.
Par la fenêtre, Gaspard observa les mouvements au dehors. Il vit un allumeur de gaz s'occuper des derniers réverbères de la rue. Avec rapidité, l'homme ouvrit le conduit, souleva le couvercle du lampadaire et approcha une flamme qui s'étendit au contact du gaz, avide de brûler. Une lumière vive éclaira la pénombre, chassant les ténèbres de la nuit tombée. L'allumeur referma le couvercle, descendit de son escabeau et passa au luminaire suivant. Il n'y avait aucune difficulté à effectuer cette tâche, contrairement à la minutie qui était demandée aux allumeurs de réverbères, ceux qui dont le combustible était encore de l'huile. Londres n'avait pas encore fait installer le gaz manufacturé partout et dans les lieux les moins côtés, des hommes s'évertuaient à repousser les ombres grâce à une technologie dépassée. Il fallait un vrai savoir faire pour effectuer cette tâche à répétition, mettre à portée la lanterne se trouvant en haut du réverbère, remplacer les mèches consumées, nettoyer chaque coquille, imbiber convenablement le coton d'huile, tout en restant attentif à l'espace proche où les voitures et les passants se bousculaient. Cela demandait de l'adresse et de la concentration. Rien à voir avec la tâche mécanique de l'allumeur de gaz.
Grâce à l'éclairage de ville, la vie avait été améliorée, simplifiée. L'aristocrate se souvint qu'auparavant, lorsqu'il était encore jeune, il n'y avait que la bougie pour éclairer ses pas le soir tombé et même si certains laissaient des lanternes devant leur porte, c'était quelque chose de très rare. Lorsqu'il faisait nuit, toute lumière était un luxe que chacun ne pouvait s’offrir.
Le fiacre fit un écart pour une raison inconnue, ce qui fit sortir le Lycanthrope de ses pensées. Il s'était presque cogné la tête. Curieux il jeta un œil au dehors, mais l'incident était passé, il ne saurait pas ce qui venait de se produire. Et puis, il n'en avait cure.

Quelques minutes plus tard, la voiture s'arrêta pour de bon devant le Salon Fitzrovia. L'aristocrate enfila ses gants blancs en coton encore immaculés, l'inconvénient étaient qu'ils n'allaient pas le rester bien longtemps. Comme de coutume, André vint lui ouvrir la porte et déplia le marche pied. Gaspard descendit en maintenant son chapeau, souhaita une bonne soirée à son major d'homme dans un murmure, puis il s'éloigna la tête haute.
L'aristocrate avait fière allure, sa tenue était irréprochable, son maintient sur, sa démarche assurée. Après s'être fait ouvrir la porte, un domestique le débarrassa de sa cape et de son haut de forme, il laissa aussi la canne épée pour pouvoir avoir les mains libres durant la soirée, on lui remit un coupon où était noté le numéro qui correspondait au casier où seraient installés ses effets personnels. Gaspard le glissa précieusement dans sa poche de pantalon avant de faire son entrée dans le grand hall. A peine eut il franchit les portes que les yeux des plus curieux se tournèrent vers le nouvel arrivant. Il y en avait toujours pour s'intéresser aux allers et venues d'autrui, épiant tout les faits et gestes, racontant ensuite leurs observations à d'autres, ils étaient à l'origine des rumeurs, avérée ou déformée, infondée parfois. Le Lycanthrope décela quelques regards surpris, indifférents, enchantés. Tandis qu'il fendait la foule amassée devant les portes en faisant de-ci de-là des signes de tête appuyés en guise de salutations, Mrs Hodgkin fut la première à venir à sa rencontre, accompagnée de Miss Swanson et d'une autre jeune femme dont le nom lui était encore inconnu.


- Oh Monsieur de Sorel ! Quel plaisir de vous revoir parmi nous ! Votre absence s'est fait sentir vous savez,...

Gaspard lui souri aimablement a ce reproche de circonstance, tandis que les trois femmes effectuaient une courbette.

- Mes hommages Mrs Hodgkin. Miss Swanson. Il inclina la tête vers la troisième femme en ajoutant, Ma Demoiselle*.

- Veuillez me permettre de vous présenter ma cousine du côté de ma mère, Miss Annabelle Blair, se hâta de dire Miss Swanson. Elle est de Cambridge voyez-vous, elle est venue nous rendre visite et découvrir la Capitale. Elle est l'aînée de Mr Blair, il est le juge du Comté et de la province, c'est un oncle charmant.

- Miss Blair, c'est un plaisir. Je vous souhaite de prendre du bon temps à Londres. Pauvre enfant, elle avait l'air tout à la fois effrayée et émerveillée par ce qui l'entourait. Gaspard laissa son regard courir sur son visage. Elle devait avoir tout juste seize ans, exactement l'âge requis pour être présentée au monde. Mais l'âge ne fait pas tout, loin s'en faut. Comme il détestait ça, être un fruit de convoitise parce qu'il n'était pas marié. A son âge, il était un partit intéressant. Fortuné et toujours plus proche de la mort. Dans ce monde, être une veuve éplorée était certainement la place la plus prisée de l'aristocratie. A cause de sa condition, il ne pouvait pas prendre d'épouse. Avoir une femme lui aurait grandement facilité la vie.

- Moi de même, Monsieur. Je vous remercie, Monsieur. Elle avait la voix douce, fragile. Un oisillon hors de son nid jeté aux couleuvres. Du vrai gâchis. L'aristocrate lui accorda un sourire, puis se désintéressa de la créature aux boucles brunes.

- Alors, votre séjour à la campagne a-il été à votre goût ? Reprit Mrs Hodgkin. Les intempéries n'ont pas été trop incommodants ?

Entre les lignes cela pouvait se transcrire ainsi : qu'est ce qui a bien pu vous retenir si longtemps loin de Londres ? Certainement pas la neige non. Une femme. Dites m'en plus pour que je me hâte d'aller colporter ces mets croustillants à mes amies, pour qu'elles m'admirent et soupirent de ne pas être moi. Bla-bla-bla. Mentalement Gaspard leva les yeux au ciel. S'il avait pu ils y seraient d'ailleurs restés accrochés comme gonflés à l'hélium. Cette soirée allait être si ennuyeuse qu'il préférait ne pas y penser, tout en ne pouvant s'en empêcher. Bêtises, bêtises, âneries. Et il devrait subir ça encore des heures ? Le pourrait-il seulement ! Mais résigné et à défaut de pouvoir faire autrement, il était en train d'accomplir sa tâche. Pas de bon cœur.

- C'était ma foi très agréable. J’apprécie de me retirer du monde pour mieux l'apprécier à mon retour, se confronter à la solitude me permet de goûter avec d'autant plus de plaisirs les moments passés en bonne compagnie. Et pour ce qui est du temps, il était idéal pour la chasse. L'hiver est une saison passionnante pour qui sait lui trouver des qualités. La campagne vêtue de son manteau blanc le plus pur, c'est une image que l'on ne verra jamais à proximité de Londres. Il parlait lentement, donnant son sens à chaque mots, sa voix grave envoûtant ses auditrices comme s'il usait d'un sortilège. Gaspard jouait volontairement de son charme naturel pour attirer la sympathie de ces femmes qu'il aurait d'habitude évité comme la pire des épidémies.
Et alors très chère, qu'ai-je donc raté ? Rien j'imagine ! La vie n'est plus aussi palpitante qu'auparavant et c'est bien dommage... L’appât était lancé, le poisson allait mordre à l'hameçon sans tarder, trop heureux de se faire évider.

- Oh mais c'est qu'il ne doit pas être au courant ! S'exclama Miss Swanson en posant sa main sur l'avant bras de sa cousine, puis sur celui de Mrs Hodgkin. *Nous y voilà* pensa Gaspard.

- Quoi dont ? Ne vous faites pas prier, dites moi ! Demanda l'aristocrate, faussement intrigué et impatient.

- Je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps : le Comte Keï a demandé Miss Sarah Spencer en mariage ! Qui l'eût cru ! C'est si inattendu et si intriguant ! C'est une telle chance, un homme si bon ! S'en suivit quelques babillages infantiles et inutiles entre les deux femmes faites et la toute jeune fille, qui tentait tant bien que mal de donner un sans blanc d'avis stéréotypé. Ce n'était pas la révélation qu'avait espéré l'aristocrate, mais il s'en contenta, espérant que cela débouche sur quelque chose de constructif.

- Mais vous n'avez donc pas lu la presse Monsieur de Sorel ? Demanda alors Mrs Hodgkin.

- Et bien, en toute franchise je n'en ai pas pris le temps, vous savez bien que je suis le gérant d'une compagnie maritime en Amérique, à mon retour, m'occuper de mon entreprise m'a tellement accaparé que je n'ai eu guère un instant pour me pencher sur les journaux. Alors comme ça Londres va célébrer le mariage du Comte Keïsuke ! La famille Spencer doit être terriblement fière. Et leur fille doit certainement se féliciter d'avoir attiré l'attention de cet homme éminent.

- Oh oui ils le sont ! C'est certain ! Et Miss Spencer s'est même retirée au couvent pour prier le Seigneur, quelle fervente jeune femme ! Mais il vaudrait mieux pour ce futur couple que le mariage soit célébré dans les plus brefs délais, je ne sais pas pour vous, mais je crains que le Comte ne subisse une nouvelle attaque avant les célébrations, Miss Swanson porta sa main à sa bouche, les yeux écarquillés, ou qui sait pendant la cérémonie elle même ! Ca serait affreux !

Voyant les sourcils froncés de Gaspard, Hodgkin éclaira la lanterne de l'aristocrate ignare.

-Mais oui ! Vous avez vraiment manqué quelque chose ! Ce n'était vraiment pas le moment de s'éclipser seul, loin du monde ! Oui parce que figurez vous que le Comte Keï a subit un attentat ! Oui rien de moins que ça... Oui, Monsieur !

Le Lycanthrope écouta distraitement la suite. Cette vieille pie ne semblait pas vouloir s'arrêter de parler. Toujours à ajouter des détails, broder, aidée par ses deux consœurs. La gent féminine pouvait être si fatigante !
Tandis qu'elles lui expliquaient ce qu'il connaissait déjà, ils se dirigèrent vers le buffet, ultime soulagement de cette soirée qu'il était en train de perdre. L'aristocrate donna une coupe d'alcool à chacune des femmes, interrogeant au préalable du regard Miss Swanson pour savoir si sa cousine avait la permission de boire. Ils prirent place autour d'une table haute et continuèrent leur conversation. Mais alors qu'il jouait la comédie jusqu'ici, il entendit soudain quelque chose qui attira véritablement son attention. Tout ouï il regarda ces dames avec concentration.


- Un pamphlet vous dites ? A l'encontre du Comte et du Yard ? C'est une démarche osée ! Affirmer que ces deux figures éminentes auraient fomenté un complot, c'est presque s'attaquer à la Reine elle même... Le Lycanthrope réfléchissait à toute allure, alors qu'il ajoutait : Que pensez-vous de ces affirmations ?

- C'est un mensonge. Les racontars d'un citoyen qui a une dent contre l'autorité. Quel fou oserait croire en ces sornettes ? C'est l’œuvre d'un dégénéré, croyez-moi...

- Pourtant, j'ai entendu certains approuver ces affirmations. Des voix s'élèvent toujours plus fort depuis la parution du pamphlet. Certains sont intimement sûrs d'être manipulés et il en est né des tentions. Deux camps sont en train de se former, si personne ne calme le jeu rapidement, j'ai la nette impression qu'il va se produire quelque chose de mauvais.

L'aristocrate avait le regard plongé dans celui de Miss Swanson. Elle avait la langue bien pendue, mais aussi l'oreille aux aguets et c'était un bienfait. Ainsi sa soirée n'avait pas été totalement perdue. S'il avait regardé les derniers journaux, il y aurait lu le pamphlet depuis longtemps, mais il avait du passer outre sans y prendre garde. Ce n'était pas grave. Trop tard pour les reproches. Le lendemain il rechercherait le texte exact pour voir s'il pourrait en tirer quelque chose d'intéressant. Se baser uniquement sur les paroles de trois femmes écervelées n'était une guère très bonne idée dans immédiat. Gaspard porta la coupe de vin pétillant à ses lèvres, l'esprit en ébullition. Ce pourrait-il qu'Alexender, du fond de sa cachette, parvienne à faire paraître des articles pour discréditer ses ennemis ? Si tel était le cas, c'était un coup de maître. Semer le doute dans la population était un bon moyen de freiner les recherches et qui sait, de pouvoir un jour retrouver son titre et son rang. Enfin, il y avait bien peu d'espoir, mais c'était envisageable. Et honnêtement impossible.
L'aristocrate continua à discuter de cette affaire tout en réfléchissant. Le pamphlet mettait en doute  l'intégrité de toute l'enquête et la véracité des paroles du Comte Keï. L'homme qui avait écrit ces mots devait savoir quelque chose, forcément. S'il mettait la main dessus, il n'aurait peut-être pas Alex, mais il aurait une toute autre version des événements. Ca serait un bon commencement. Mais comment trouver une personne pareille ? Il tournait en rond. Il n'avait aucun moyen de retrouver quelqu'un, que se soit son ami ou cet inconnu, il ne pouvait pas se permettre de joindre Sarah Spencer, ni d'aller lui même chercher des informations ici et là. Il était voué à se contenter d'observer, d'attendre encore. Toujours. Ne pas se mettre en péril, c'était sa première règle. Mais comment faire alors ?
Ce sentiment d'impuissance persuada définitivement Gaspard de se rendre à Scotland Yard après en avoir terminé avec cette satanée soirée mondaine au Salon. Là bas, il pourrait entendre et voir les faits et gestes de la police. Il passerait inaperçu, n'attirerait aucun soupçon. Et s'il se passait quelque chose, il serait aux premières loges.
Deux hommes se joignirent à leur petit groupe. Ils étaient jeunes, appartenant à la haute bourgeoisie à en croire leur apparence. Ils avaient le verbe haut et l’œil appréciateur. L'aristocrate vit l'un d'entre eux glisser quelques mots à l'oreille de la jeune Blair. Décidément, elle se ferait croquer d'ici peu de temps. Un fruit à peine mûr. C'était malheureux. Et la pauvre retournerait retrouver ses pénates le bas ventre gonflé d'une nouvelle vie, abandonnant derrière elle les paillettes d'or d'un avenir satisfaisant.
Bientôt, après avoir terminé son verre, Gaspard prit congé de ces convives et partit à la conquête du buffet où une multitude de mets raffinés attendaient une dégustation. A la table prévue à cet effet, il s'empara d'une assiette de porcelaine aux contours dorés et d'une fourchette uniquement. Manger debout impliquait de devoir sacrifier l'usage du couteau, donc par la même occasion chaque plat qui demandait à être tranché. C'était dommage, mais il en avait l'habitude depuis le temps qu'il participait à ce genre de réception. Il choisit de prendre une salade de pomme de terre en sauce, qu'il accompagna de tranches de dinde coupées en morceaux. Ensuite, il s'installa près d'un mur et tandis qu'il veillait à manger le plus correctement possible en observant la salle. Il y avait du monde, mais ce n'était pas non plus un grand jour d'affluence. Les conversations étaient mesurée, il n'y avait pas de grands éclats de voix, ni de rires stridents, Dieu merci. L'atmosphère était détendue pour le moment. Encore une heure, quelques verres et il se pourrait qu'il y ait quelques débordements, d'ici là il n'y avait rien de remarquable. C'était ennuyant à mourir, de son avis du moins, parce qu'en scrutant le visage de la plupart des hôtes, ils passaient un agréable moment.
Ayant terminé son repas, l'aristocrate se débarrassa de son assiette vidée et prit un nouveau verre,  de vin rouge cette fois. Il fendit la foule et s'éclipsa vers une autre pièce qu'il espérait moins bondée. La chance lui sourit car il trouvé un fauteuil tout juste abandonné sur lequel il prit place, saluant brièvement quelques vagues connaissances. Il n'ignorait pas les gens, il ne leur accordait pas non plus assez d'importance pour aller leur parler et leur faire la conversation. Certain trouvaient sa démarche hautaine. Il n'en avait que faire. Confortablement assit comme on peut l'être sur un siège usagé, il sirota son breuvage, les yeux dans le vague.
Soudain son cœur manqua un battement. S'emballa. Était-ce elle là bas ? Ses cheveux, il avait cru les voir ! Gaspard tendit légèrement le cou, sans paraître trop indiscret.
Non.
Cette fois-ci son cœur ce serra. Il sentait tellement le besoin de l'avoir près de lui qu'il s'imaginait sa présence maintenant. La situation était grave. Il venait de confondre Julia avec une quelconque jeune femme du Fitzrovia. C'était déjà peu flatteur pour sa tendre amie, mais c'était en train de devenir une obsession pour lui. Entre les fantômes de souvenirs, les rêves et maintenant les mirages,... L'amour rend fou, il en avait la preuve. Il le savait déjà bien avant pour avoir déjà sombré par le passé. C'était il y a longtemps. Et maintenant ces vifs sentiments oubliés étaient de retour et il avait l'impression qu'être un pantin à leur merci. Il devait reprendre le contrôle sur ses émotions. Au moins sur ses réactions. Épier une jeune inconnue de la sorte n'était pas digne de lui. Il n'avait aucune circonstance atténuante, même si Julia lui manquait plus à caque seconde.
Gaspard se leva. Son verre était presque tarit. D'un pas lent, il se rendit devant la gravure de Gustave Doré qu'il regardait quelques mois plus tôt avant que Julia ne le bouscule par mégarde. C'était un paysage sombre où la nature avait repris ses droits sur les quelques ruines, vestiges d'un temps passé. Le tableau était discret, petit, outre sa beauté il représentait un objet tout particulier, puisqu'il avait assisté à sa rencontre avec la jolie bourgeoise. Un sourire étira les lèvres du Lycanthrope. Il allait acquérir cette gravure, quoi qu'il lui en coûte, il en avait largement les moyens. Lorsqu'il devrait quitter Londres pour débuter une nouvelle vie ailleurs, parce qu'il serait obligé d'en passer par là, ce serait un nouveau bien qu'il emporterait avec lui. Il rejoindrait les autres objets chers qui avaient traversé sa route pendant les deux siècles passés. Une nouvelle relique.
Un jour prochain, il abandonnerait ce qu'il avait construit ici. Sa gorge se serra. Ce n'était pas le moment de penser aux regrets à venir, mais il ne pouvait s'empêcher de sentir son ventre s'alourdir. Cette pensée ne devait plus l'effleurer, sinon elle lui gâcherait ses moments de bonheur. Sa vie toute entière. Les yeux rivés sur l'écorce Dorée, il mura ces pensées. Il les enfouit loin. Du pu déni. C'était tout du moins préférable au raz de marée qui s'abattrait sur lui s'il y pensait longuement. Et puis, il était trop tard pour faire marche arrière. Enfin, il détacha son regard du tableau et chercha des yeux l'heure qu'il était. Si peu ?
Résigné, l'aristocrate porta nerveusement sa main à ses cheveux qu'il plaqua distraitement en arrière. Il se tourna à nouveau vers la gravure pour se donner contenance. Il resta là, longtemps. Pour tous il était en train de contempler de l'art, pour lui même il observait ce qu'il aurait dû fuir pour ne pas penser à Julia. Même s'il avait voulu l'éviter, elle était partout et à la fois l'environnement hurlait son absence.
Brusquement, le Lycanthrope prit la direction du comptoir où étaient servis les alcools forts. Un léger remontant lui ferait du bien. Le garçon de salle lui servit aimablement son schnaps. Gaspard trouva que le verre était ridiculement petit dans sa main. Il en avala la moitié du contenu, grimaça légèrement, sentit la brûlure agréable de l'alcool se répandre dans son œsophage jusqu'à atteindre son estomac. Durant tout ce processus, il avait gardé les paupières closes. Il s'adonnait là à un plaisir qu'il ne pratiquait pas publiquement d'habitude. Les temps changent. Goulûment, il termina son verre. Il ne devait pas s'attarder près de cette source d'ivresse, sinon il serait incapable de mettre à exécution ses plans pour cette nuit. Il se fit violence et marcha vers le hall d'entrée. La boucle était bouclée. Il allait quitter les lieux et s'occuper de Scotland Yard.
Sans tarder, il reprit ses effets et sortit du Salon Friztrovia.


[* Dit en français]


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Gaspard de Sorel
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MessageSujet: De curieuses [privé] De curieuses nouvelles [privé] Icon_minitimeVen 7 Fév - 11:41

Par chance, l'aristocrate ne croisa personne à la sortie du Salon. Du moins, aucun individu ne vint l'importuner. Être accaparé par quelqu'un à cet instant aurait forcément repoussé encore la mise à exécution de son plan. La voie était libre. Les deux portiers faisant office de figurants, comme le petit bourgeois la figure rougie, qui tentait de reprendre ses esprits imbibés par l'alcool. L'odeur était infecte. Celui-ci n'aurait plus la possibilité de rentrer dans le Salon, à la place d'attendre ainsi et de se rendre ridicule, il aurait du prendre un fiacre et s'en aller sur le champ. Que les gens sont bêtes parfois.

Gaspard repositionna son couvre chef de sa main libre qu'il mit ensuite bien au chaud dans la poche de sa redingote et s'éloigna à pas mesurés du Fitzrovia, sa canne épée fermement tenue par sa main droite, gantée de blanc. Le temps était frisquet et le Lycanthrope regretta de ne pas avoir ajouté un foulard à sa livrée, mais il se félicitait de la cape offerte par la famille Thanas, qui était confortable et chaude. A la mesure de sa respiration, des volutes brumeuses s'élevaient et disparaissaient dans l'air du soir. Il y avait très peu de monde dans les rues à cette heure. Tous étaient bien au chaud et c'était tout à leur honneur. Mais le devoir ne craint ni le froid, ni le rhume. Chose heureuse car le Scotland Yard était à l'autre bout de la ville.

L'aristocrate remonta la grande avenue, passa devant le British Museum fermé à cette heure tardive, il bifurqua et prit une ruelle étroite qui débouchait derrière le bâtiment qui possédait un parc boisé, parfait pour s'y perdre, très adéquate pour s'y dissimuler et se transformer avec discrétion. Gaspard se faufila entre les arbres, évitant les branches basses et les racines, faisant attention à ne pas se salir. Il ne chercha pas longtemps avant de trouver un espace idéal. Il guetta les environs, s'assurant de ne pas avoir été suivit et d'être à l'abri de tous les regards. Il était hors de portée de vue, même des fenêtres du musée.
Rassuré, il se concentra. Son esprit rencontra Galyllée, ils échangèrent quelques mots, puis la magie opéra. Le corps de l'homme, ses vêtements et même sa canne épée se métamorphosèrent en une grande chouette harfang. Le processus n'avait pas été long, tout au plus quelques secondes. C'était l'avantage d'être en harmonie avec ses entités, les transformations n'étaient ni douloureuses, ni difficiles. Mais parvenir à une telle maîtrise était rare d'après les livres, c'était une fierté pour le Lycanthrope.
L'animal sautilla jusqu'à un endroit plus dégagé. Ses grands yeux jaunes luisaient dans les ténèbres et perçaient leurs secret comme si l'astre du jour rayonnait haut dans le ciel. Ils virent un mulot trop curieux pointer ses moustaches grises. D'instinct le prédateur se figea et en un mouvement rapide fondit sur la proie. Avec habileté, les serres de Galyllée se refermèrent sur le rongeur et lui broyèrent les os, après quoi le bec de la créature s'occupa de la dépouille, l'ingurgitant sans se soucier des os. Elle poussa un ululement strident, avant de s'élancer vers le ciel à grand renfort d'ailes. Lorsqu'il était sous sa forme animale, Gaspard n'avait aucune répugnance à se livrer à la chasse et à se nourrir. Dans ces moments-là, les conventions humaines n'avaient plus cours, alors qu'une personne lambda aurait trouvé ça tout à fait dégoûtant, le Lycanthrope ne faisait que répondre à des besoins. Alexender n'aurait pas compris lui non plus, même s'il était au courant de la nature différente de son ami et qu'il l'acceptait, leurs relations ne les avaient jamais amenés à parler plus en détails de ce qu'était véritablement un Lycan. Gaspard, trop pudique, n'avait pas découvert cette partie de lui-même. C'était trop intime et au delà de la dimension personnelle, il avait le devoir de protéger les secrets de sa race.

Sous la voûte céleste, la chouette harfang filait. Elle survolait les toits aux cheminées fumantes, traçant sa route tout droit vers le Scotland Yard, tantôt battant des ailes, tantôt planant posément dans l'air frais de la nuit. Haut dans le ciel elle avait l’œil acéré, à toujours l’affût d'une trace qui pourrait mener Gaspard à Alexender. Les chevelures rousses étaient ses premières cibles, mais ce n'était jamais le Hunter et bien rarement des hommes. Ses domestiques demeuraient elles aussi introuvables, il avait espéré qu'une fois la nuit tombée, elles pourraient effectuer une sortie discrète, mais soit elles ne s'y risquaient pas, soit il n'était jamais au bon endroit au bon moment. Et puis, comment l'être ? Londres était si vaste !

Espionner les enquêteurs, c'était bien la meilleure idée qu'il ait eue. Comment lui était-elle venue, il ne le savait pas, mais elle était géniale. Il se sentait brillant d'avoir pensé à ça. C'était astucieux, vraiment. S'il parvenait à écouter les conversations des personnes en charge de l'affaire, le tour était joué ; il serait tout de suite au courant s'ils étaient sur une piste, quels endroits avaient déjà été inspectés, lesquels le seraient bientôt et si, par chance, il pouvait flairer un bon coup et visiter les lieux avant eux, il pourrait peut-être trouver Alexender et le prévenir à temps pour qu'il échappe à une arrestation musclée. Ce serait génial si tout se passait ainsi. Mais en même temps, l'aristocrate ne se faisait pas trop d'illusions, il pourrait trouver le commissaire qui menait l'enquête, mais il devrait s'armer de patience pour entendre ce qui l'intéressait. Il s’apprêtait à passer les prochains jours, voire les prochaines semaines, au crochet d'un arbre, aux aguets, à entendre des conversations innombrables dont il n'avait cure, dans l'espoir de se trouver à l'instant précis qui lui permettrait de mettre la main sur son ami. C'était le meilleur de ses plans, un scénario bourré de chance et d'espoir, mais somme toute assez plausible. Gaspard s'apprêtait à livrer une rude bataille, une guerre des nerfs, une mise à l'épreuve longue et ennuyante. Cependant, il était motivé (du moins en ce premier jour d'attente), résolu à faire tout ce qu'il pouvait.

Tout proche de sa destination, la chouette fit le tour du propriétaire sous la forme de larges cercles concentriques, se rapprochant toujours plus du grand bâtiment. Son but était de trouver les divers points de vue adéquates pour veiller. Il y avait toujours un endroit où se poser, mais elle ne devrait pas attirer l'attention et changer souvent de perchoir. C'était obligé. Après ce repérage terminé, l'animal se posa négligemment sur le haut d'un lampadaire. Cette nuit ne serait certainement pas très fructueuse. Seules deux fenêtres laissaient filtrer de la lumière derrière des rideaux poussiéreux. Certains devaient terminer de rédiger des rapports ou des choses similaires. Il y avait quelques passants, mais aucun ne remarqua le volatile, pourtant imposant, qui semblait somnoler au dessus de la source lumineuse. C'était une place de choix, la chaleur qui se dégageait du réverbère était tout à fait agréable, ainsi que la hauteur qui lui permettait de surplomber la rue, et de passer inaperçue, car une place élevée procure toujours une certaine transparence.
C'est là que Galyllée fit remarquer à Gaspard qu'il y avait une niche dans le mur du Scotland Yard, celle-ci avait dû abriter une statue par le passé, mais elle était maintenant vide et proche de quelques fenêtres du deuxième étage. Un petit coin parfait et tranquille. Ils se l'approprieraient le lendemain. Petit à petit la chouette harfang allait devenir une silhouette habituelle dans les rues qui entouraient le poste de police.
Le temps s'écoula avec une lenteur grotesque d'après le Lycanthrope. Rester là à ne rien faire c'était renforcer son sentiment d’impuissance. Après trois bonnes heures, plusieurs points de vue et des flots discontinus de pensées, Gaspard se dit que cette nuit il ne pourrait rien faire de plus. S'il rentrait tout de suite, il pourrait revenir dès le lendemain matin pour quelques heures. Là ! Il y aurait du monde, de quoi se distraire et une chance, même infime, d'entendre des choses intéressantes en rapport avec ses recherches. Il avait repéré le terrain et se dit que c'était déjà une bonne chose, qu'il n'était pas véritablement en train de se tourner les pouces, que malgré les apparences, il faisait une recherche active.

Minuit sonna. Le balancement des cloches décidèrent l'aristocrate. Il n'y avait plus personne dans les locaux du Yard. Les deux lueurs aux fenêtres s'étaient altérée, puis avaient disparues. D'abord deux hommes étaient sortis, la mine endormie, ils s'étaient salués brièvement et séparés sur le pas de la grande porte. Enfin, un dernier représentant de l'ordre avait quitté les lieux en parlant avec quelqu'un qui n'était pas sortit lui. Un gardien très certainement. Combien y en avait-il ? La logique voulait qu'ils soient plusieurs, c'était une administration sécurisée à laquelle il ne fallait pas s'attaquer. Une demi-douzaine d'hommes au moins. Et puis, d'après ce que savait Gaspard, certains des hommes avaient leur domicile dans un bâtiment tout proche, ce qui était tout a fait indispensable lorsqu'il y avait une urgence nocturne.

En quelques battements d'ailes, la chouette reprit son envol. Demain serait un autre jour, avec ses bonnes nouvelles il l'espérait. Ou au moins des informations quelque peu croustillantes à se mettre sous la dent. Ça le changerait. A nouveau haut dans le ciel, Gaspard avait une vue d'ensemble des rues, mais il n'y avait personne au dehors, si peu. Alors le Lycanthrope se surprit à contempler la vue imprenable à laquelle il avait accès. Il devait être l'un des seuls à avoir pu profiter d'un tel panorama, quelques hommes s'y étaient risqués en gonflant un ballon avec de l'air chaud et s'étaient aussi élevés là, se félicitant de leur exploit, vanité des Hommes que de vouloir s'approprier des espaces qui lui sont inaccessibles naturellement. Mais il ne pouvait les en blâmer, la sensation de bien être était extrême lorsqu'il sentait le vent pur glisser sur ses plûmes, l'impression de liberté...
Apprendre à voler, c'était le rêve qu'avait fait tout enfant au moins une fois, devenu ensuite une obsession pour certains. Léonard de Vinci s'était longuement penché sur le problème, observant pendant des heures les insectes, les libellules et les oiseaux pour comprendre ce qui leur permettait de voler. La nature était toujours une source d'inspiration grandiose. D'après lui, l'oiseau était un instrument qui fonctionnait selon les lois mathématiques et l'homme n'avait qu'à mettre au point une machine susceptible de reproduire chacun de ses mouvements. Gaspard avait beaucoup lu sur ses inventions, mais ses travaux avaient échoués et jusqu'ici aucun homme n'avait pu voler à la manière d'un oiseau, peut-être n'en serait-il jamais capable. Au vu des avancées industrielles, l'aristocrate qui s'était montré septique par le passé, avait revu sa position, un jour l'homme pourrait certainement voler autrement que dans un grand ballon. L'avenir le lui dirait.
C'était l'une des choses qu'il appréciait par dessus tout. Grâce à l'immortalité, il pouvait observer tout ce que l'homme était capable de créer de bon et de beau, toujours à aller au-delà du réel, imaginant un avenir meilleur, combattant la maladie, magnifiant la réalité sur une toile de lin. Il pouvait traverser les âges et découvrir de nouvelles merveilles, parfois si grandioses qu'elles faisaient de l'ombre aux plus affreux travers humains.
De son point de vue, surplombant Londres, Gaspard avait là un bel aperçu du génie de la pensée. Il n'y avait qu'à observer tous ces chefs d’œuvres d'architecture. Tout homme aurait pu se contenter de vivre dans un lieu morne, sans beauté tant qu'il restait confortable. Mais il y avait partout des édifices plus élaborés les uns des autres, des tout en courbes et en formes diverses, harmonieuses ou plus dures. Le beau se retrouvait partout, l'art courait les rues, on le retrouvait dans les lieux de cultes, sur les façades des maisons, dans les bâtiments, en bas reliefs ou au plafond, sur des meubles sculptés, dans un tapis exotique. Haut dans le ciel le bicentenaire avait une vue imprenable sur cette effervescente expressivité. Tout autour de la Tamise, la culture s'était installée, laissant de-ci de là des espaces de verdure, créant un patchwork en deux tons.

Rasséréné par ce qu'il voyait, le Lycanthrope se laissa descendre vers le Trafalguar Square, il repéra la maison bourgeoise où vivait Julia et se posa sur la branche d'un arbre, tout proche. Comme il s'y était attendu, les volets de la maison étaient clos, mais ce n'était pas si grave. Se tenir tout proche de l'être aimé lui suffisait. Quoique, s'il avait osé, s'il avait été plus jeune, dans une autre vie, un tout autre temps, avec des obligations sociales moins exigeantes, il se serait risqué à lancer quelques cailloux sur les fenêtres pour réveiller la belle endormie, dans l'espoir qu'elle vienne montrer son joli minois aux carreaux, le voyant elle aurait ouvert la vitre et se serait penchée pour l'inviter à monter clandestinement dans sa chambre, son espace personnel. Et ils se seraient aimés, consumés, à la manière d'une Juliette et d'un Roméo, à l'aube ils se seraient séparés, pour un temps seulement, car la fatalité qui tua ces deux être n'a pas sa place dans la réalité. Ou bien la malchance aurait voulu qu'il frappe à la mauvaise porte, réveillant une mère furieuse ou une grand mère outrée. Compliquant ainsi ses rapports avec la belle famille pour longtemps. Pas de ça ce soir, même si l'envie titillait Gaspard de tenter une approche subtile. Jamais, parce qu'il n'était pas de ces hommes là. Ses intentions étaient bonnes, il voulait faire le bonheur de Julia Thanas, il pouvait lui offrir plus que tout ce qu'elle avait espéré dans ses rêves les plus fous. Un Amour véritable, agrémenté d'une vie de château, ce qui ne serait pas pour déplaire à son cœur en perpétuel émerveillement.
Silencieusement, le Lycanthrope resta un moment là, immobile. Imaginant que sa perle d'azur puisse sentir sa présence et venir à lui d'elle-même. Doux rêve d'amoureux. Il était agréable de s'imaginer pareille histoire, mais simplement impossible que ça se réalise. Ce qui était vrai cependant, c'était qu'ici au chevet de sa douce l'aristocrate sentait la pression sur ses épaules disparaître, un peu. Il profita de cet instant de quiétude. L'amour rend aveugle dit-on, c'est indéniablement une vérité, mais c'est un filtre qui s'étend plus qu'à la vue, il prend possession des pensées et des espoirs, s'infiltre dans la destiné et modifie une personnalité. Il attaque la raison qui s'effrite au profit de la sentimentalité. A chacun de voir si c'est une bonne chose.

En paix, Gaspard quitta les lieux.

Il rentra par les souterrain chez lui, reprit forme humaine et sans plus de cérémonie il partit rejoindre les bras de Morphée, priant silencieusement pour ne pas faire à nouveau un cauchemar. Voilà où pouvait mener l'amour, à craindre tellement qu'il en gangrenait les rêves.


Peut-être Dieu l'avait-il entendu. Gaspard s'éveilla le lendemain matin l'esprit reposé. Il n'avait pas fait de malheureuse rencontre durant la nuit. En fait, il ne se souvenait même pas avoir rêvé du tout pendant ces quelques heures de repos. C'était un soulagement. Une journée qui commençait bien, du moins mieux que la veille.
Le Lycanthrope se leva, fit sa toilette et se vêtit comme le jour précédent. Il prit son petit déjeuner dans le petit salon, respectant ses habitudes. Après avoir terminé, il demanda à André, qui était venu débarrasser la table basse, de prendre place sur l'un des fauteuils. Il lui fit un résumé détaillé de ce qu'il avait vu et entendu lorsqu'il était au Fitzrovia, il omit les longues brides de conversation inutiles et termina sur une demande :


- Vous m'avez proposé votre aide dans cette... enquête. Face à lui, André acquiesça en silence, prêt à tout entendre. Vous pourriez me faire gagner un temps précieux en épluchant les journaux à la recherche du pamphlet dont je viens de parler. Il faut que je sache précisément ce qui y est dit, de plus la personne qui a écrit ces lignes sait des choses qui nous sont cachées. Est-ce qu'il vous serait possible de faire des recherches dans les prochains jours sur l'identité de cet inconnu ? Il pourrait se révéler être une source inestimable d'informations.

Le major d'homme frottait ses mains l'une contre l'autre, il semblait réfléchir.

- Oui bien sur, je vais m'occuper de ça sans tarder. Et s'il est possible d'en trouver l'auteur, je me démènerait pour qu'il vous accorde une entrevue. Il va sans dire que cette personne a déclenché un beau désordre, toute la haute société est en train de se diviser en deux clans opposés, si c'était là son but elle a eut le nez fin. Discréditer un Comte et le Yard, les fervents opposants de Messire Von Ravellow, c'est un trait de génie.

L'aristocrate sourit, il avait pensé exactement la même chose.

- J'aimerai aussi que vous vous occupiez de quelque chose d'une nature totalement différente. Hier j'ai décidé de faire l'acquisition d'un tableau qui se trouve au Fitzrovia, c'est une gravure de Gustave Doré, vous ferez tout ce qu'il faut pour qu'on me l'accorde, n'hésitez pas à faire grimper les enchères si on vous en refuse la vente. Je le veux à n'importe quel prix.

- Très bien Monsieur.

André était un habitué de ce genre de transactions, l'aristocrate était un amasseur d'objet d'art, il faisait diverses acquisitions chaque mois. Tantôt des ouvrages, tantôt des tableaux. Quelques sculptures parfois pour agrémenter le jardin. Son dernier achat était un miroir qu'il avait découvert dans une boutique d'antiquaire. Le major d'homme était souvent amené à s'occuper des formalités et son employeur avait toute confiance en lui pour cette tâche.

- Je suis heureux que vous fassiez appel à moi pour vous venir en aide. Je ne parle pas du tableau, mais pour rechercher le journaliste. Je suis d'avis que vous avez raison de déléguer, ce n'est jamais bon pour un homme de vouloir toujours tout assumer seul et de porter un fardeau trop encombrant découle souvent des erreurs, même des meilleurs. Il suspendit sa phrase, laissant son interlocuteur peser le poids de ses paroles, y ajoutant un regard emplit de sous entendus qui faisaient référence à son passé. Ainsi, il sous entendait qu’il parlait en connaissance de cause. Vous n'êtes pas seul et s'il est possible de trouver où se trouve votre ami, nous y parviendrons. Nous sommes des hommes d'expérience, nous savons bien qu'on ne peut rester indéfiniment terré, si il y a une chance pour qu'il soit encore à Londres en ce moment, nous trouverons une piste.

Le visage de Gaspard refléta sa surprise. Il n'avait décidément pas l'habitude de tant de franchise et de spontanéité de la part de son major d'homme. Cela faisait des années qu'ils entretenaient uniquement des rapports maître serviteur, conformément à ce qu'ils étaient aujourd'hui et ce qu'ils devaient montrer au monde. Bien sur, il arrivait parfois qu'ils fassent quelques entorses à la règle, mais dans l'ensemble ils étaient toujours restés dans leur rôle respectif. L'homme avait définitivement laissa sa vie derrière lui et semblait apprécier ses fonctions auprès de l'aristocrate. Depuis que Gaspard avait mêlé de lui même André à sa vie personnelle, celui-ci s'accaparait une place pour laquelle il n'était pas destiné. Initialement. Mais le Lycanthrope devait bien avouer qu'il lui était reconnaissant de faire plus qu'acte de présence, ses paroles n'étaient pas dites en l'air, il voulait s'investir pleinement. S'ils n'avaient pas étés séparés par la table basse, il se serait laissé emporter par la gratitude qu'il ressentait soudainement, en lui posant une main sur l'épaule, mais il se contenta d'un chaud regard de remerciement.

- C'est ce qui me fait peur justement. Nous ne sommes que deux à vouloir le retrouver et assurer sa sécurité, s'il ne fait ne serait-ce qu'un petit écart de conduite, il sera immédiatement repéré et il est bien peu probable que nous soyons les premiers à déceler son erreur. Il n'a pas seulement le Yard et ses hommes à ses trousses, mais aussi des Vampires. Quelle chance avons-nous de gagner la partie ? Voilà, il recommençait à voir tout en noir. Mais en même temps, il était réaliste. Il se reprit. Merci André. D'être là et de vous investir autant. Je suis touché, mais pas surprit au final.

- Monsieur a raison de ne pas se faire d'illusions. Mais rien de tout cela n'arrête vos recherches ou votre motivation, c'est ce qu'il faut retenir. Il accepta l'aimable remarque avec un sourire. Et après avoir quitté le Salon, des choses intéressantes ?

- Bien peu à vrai dire. Il baissa la voix. J'ai été voir quels étaient les meilleurs endroits pour observer le Scotland Yard en toute discrétion. J'y suis resté quelques heures pour avoir un aperçu du fonctionnement de cette administration. Je pense y retourner dans la journée, pour observer les vas et viens, repérer qui est qui, écouter des bribes de conversations et voir ce que je peux en conclure. Il faut que je vois qui est en charge de l'affaire et m'échiner à espionner ses faits et gestes, de toute façon je vais laisser les choses se faire, laisser la police mener son enquête à ma place et intervenir lorsqu'il sera temps, dans le meilleur des scénarios je pourrais tirer Alexender d'un mauvais pas. Avec votre aide.

Le major d'homme acquiesça. L'idée n'était pas mauvaise. Prendre les informations à leur source et dérober le fruit des recherches sous le nez de la police. C'était osé. Si cette approche fonctionnait, ils pourraient rire plus tard d'avoir mouché le Yard. Mais l'heure était encore loin d'être aux réjouissances.

- Il me vient une idée. Pourquoi, je ne sais pas, dites moi ce que vous en pensez, pourquoi vous n'iriez pas au poste directement ? Pas pour chercher délibérément des informations sur Messire Ravellow, mais pour y déposer une plainte quelconque ou exprimer votre mécontentement. Ainsi vous pourriez faire le tour du propriétaire en toute légitimité et aucun soupçon ne se porterait sur vous. Il suffit de trouver une bonne excuse pour vous y rendre et le tour est joué.

Le bicentenaire dévisagea André, impassible. Puis ses lèvres s'étirèrent un en sourire qui découvrit ses dents.

- C'est une idée de génie ! Souffla Gaspard. Que ferais-je sans vous mon brave ? C'est brillant ! Je suis jaloux de ne pas y avoir pensé moi même.

Tels deux vieux complices, les hommes se penchèrent l'un vers l'autre, préparant leur tentative avec soin. Le major d'homme était heureux d'avoir eut une idée pareille, il se sentait d'autant plus utile. De son coté le Lycanthrope était soulagé de ne pas avoir à vivre seul cette épreuve. Il était très reconnaissant envers André qui en plus de lui donner une aide précieuse, lui offrait le Scotland Yard sur un plateau d'argent.


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Gaspard de Sorel
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MessageSujet: Re: De curieuses nouvelles [privé] De curieuses nouvelles [privé] Icon_minitimeMar 25 Fév - 19:52

Tandis que Gaspard et André étaient en train de parachever quelques détails de leur plan, quelqu'un frappa à la porte d'entrée. Soudain, le major d'homme reprit son rôle. Son visage se métamorphosa en l'espace d'une demi-seconde. Ses traits étaient devenus plus solennels, distants. Neutres. Il avait perdu cette étincelle qui animait ses yeux quand il se creusait les méninges. L'aristocrate consulta l'horloge sur le buffet, les aiguilles indiquaient qu'il était onze heures à peine, donc trop tôt pour une visite, mais c'était le moment idéal pour recevoir du courrier. Toujours assis, le Lycanthrope était néanmoins à l'écoute de ce qui se disait dans le hall. Il se sentait impatient. Physiquement cela se traduisait par un tressautement régulier de ses jambes qui canalisaient la pression qu'il ressentait et l’empêchait de se lever pour aller arracher les lettres des mains du coursier. Parce que d'après ce qu'il entendait, il avait deviné juste. Il se passa distraitement la langue sur les lèvres, avant d'en mordiller la plus basse avec nervosité. Il sentait les battements de son cœur s'affoler, l'impatience le lisait aussi dans les paumes moites de ses mains, ou dans le sursaut qu'il eut lorsque la porte se referma avec un claquement sec. Il se recomposa tant bien que mal un air indifférent, tandis que André revenait au petit salon. S'il remarqua son trouble, le major d'homme n'en laissa rien paraître, il était bien trop professionnel pour se le permettre.
Les yeux de Gaspard étaient rivés sur l'unique enveloppe que lui tendait maintenant André. Il déglutit bruyamment. Sa gorge était sèche. Jusqu'ici, rien ne lui indiquait de quel destinataire elle émanait. Il n'y avait aucune façon de le savoir, c'est pourquoi il n'aurait pas du emmètre de suppositions et se sentir aussi tendu. C'était à n'y rien comprendre. Depuis quand la réception du courrier lui faisait elle perdre autant ses moyens ? Cette lettre pouvait être une simple invitation, pas de quoi en faire une maladie. Pas la peine de se mettre dans tous ses états. Son manque de sommeil devait être une des causes de son trouble. A moins qu'il regarde les choses en face et qu'il accepte la situation telle qu'elle était vraiment. Il était pris à la gorge. Entre les espérances de l'amour et la détresse de sombres nouvelles. Devant cette lettre, les convictions de l'aristocrate s'étaient envolées soudainement. Quelques minutes plus tôt, il était rasséréné d'avoir André à ses côtés, un allier de taille dans ses recherches, son seul allier pour être franc, donc d'autant plus précieux et irremplaçable. Il s'était senti soulagé d'avoir cette épaule sur laquelle prendre appui dans ces sombres moments de doute, nombreux, puisqu'il était ce genre d’être à trop penser, à envenimer ses craintes de lui même, alourdissant son fardeau par faiblesse. C'était ce qu'il faisait à cet instant même, se mettre la pression alors qu'il aurait simplement pu attendre patiemment. Il n'en était plus capable, pas depuis qu'il s'était rattaché au monde réel, pas après s’être laissé emporter à aimer à nouveau. Encore moins après avoir agit avec conviction.
Détaché depuis si longtemps des troubles humains, Gaspard tentait de s'adapter aux couleurs vives de la vie, aux saveurs enivrantes qui explosaient de toutes parts, aux sentiments éprouvés par les mortels chaque jour. Si commun pour chacun, tellement fort pour lui qui les avait rejetés, très longtemps. Il s'était tenu à l'écart, se couvrant d'un voile transparent qui lui faisait voir le monde en noir et blanc. Ce n'était pas tout à fait exact, car parfois il distinguait quelques touches de couleurs, de-ci, de-là, vers lesquelles il se sentait attiré désespérément, tel un insecte qui s'approche de la lumière. La science, l'astronomie, les avancées technologiques, la médecine, l'art. C'étaient pour lui des sources d'intérêt sans fin, toujours trop rare dans le monde. Un jour, il y avait distingué une flamme bleutée, la beauté faite femme. Julia. Elle avait déchiré le voile désaturé qui couvrait ses yeux, modifiant sa perception. Tout avait alors changé et il avait du s'adapter. Il était encore dans cette phase de transition qui lui faisait sentir tout trop durement. Il n'avait plus le temps d'analyser posément ou de se rétracter. Il devait agir vite. Il n'était plus hors jeu. Il était temps

Le Lycanthrope tendit la main vers son courrier. Elle tremblait, mais à peine. Il la prit et l'amena devant ses yeux, en se passant la langue sur les lèvres. Pour plus d'intimité, le major d'homme se retira de lui-même, laissant son maître qu'il sentait tendu à ses affaires personnelles. Il avait reconnu l'expéditeur et imaginait que l’aristocrate désirerait lire seul ce que le billet contenait.
Gaspard retint son souffle, jusqu'à ce qu'il puisse lui même lire son nom sur le papier. Cette calligraphie soignée il aurait pu la reconnaître entre mille, sans exagérer. Julia avait cette manière si particulière de former ses « G » qu'il n'aurait pu la manquer. Son visage figé retrouva vie, il respira à nouveau normalement, trop heureux de recevoir enfin une réponse. Les commissures de sa bouche s'étaient surélevées pour former un léger sourire. Il retourna l'enveloppe et la décacheta avec précaution. Ceci fait, il en sortit la lettre qu'il déplia. Il se sentait bien plus serein, ses mains avaient cessé leur tremblement maladif et le son des tam-tams s'était calmé. Il débuta la lecture de la lettre.


Mon tendre ami,

J'ai été si ravie que vous m'écriviez enfin que j'ai pensé succomber de bonheur en trouvant votre lettre ce matin. Depuis que je suis revenue à Londres, le temps ne m'a jamais paru plus sombre et la vie plus terne. Pourtant, je vais bien, rassurez-vous, et ma famille est entièrement dévouée à ma santé et à mon humeur. La boutique que nous tenons prospère toujours et les clients sont d'ailleurs particulièrement aimables en ce moment.

Mais Loth me paraît déjà loin, trop loin, comme un rêve qui s'estompe dans la nuit et que je crains d'oublier tant il m'est cher. Un étrange climat s'est installé dans notre capitale durant notre absence. Un climat de suspicion et de haine. Les masques que portent les gens dissimulent très mal leur effervescence et leur malignité. Ils se repaissent des dernières nouvelles, toutes aussi sulfureuses les unes que les autres, et je ne sais plus si je dois prendre position ou non.

Êtes-vous au courant pour Monsieur Von Ravellow, votre ami ?


Gaspard cessa de lire. Il était contrarié. Autant il s'était délecté du premier paragraphe écrit par sa belle, autant il avait sentit à partir du second que la suite n'allait pas lui plaire. En effet, il n'était pas enjoué. Cette lettre aurait dû le ressourcer et à la place il y était fait mention de Alexender, lui rappelant qu'il ne parvenait pas à retrouver son ami, qu'il l'avait laissé sombrer alors qu'il avait besoin de lui. Il avait fait passer un amour avant l'autre. Secouant la tête, il retourna à sa lecture.

Lorsque que j'ai lu le journal à ce sujet, je n'ai pu m'empêcher de songer à notre première rencontre et à son arrivée chez vous...J'espère que vous comprenez quelque chose à toute cette histoire et que vous ne pouvez pas être inquiété à votre tour. Vous perdre, alors que je viens de vous trouver, mettrait fin à mes tristes espérances et à mes vœux les plus chers.

A nouveau, le Lycanthrope sentait la colère refaire surface. Il respira calmement, tentant de se calmer les nerfs. Il en était incapable. Sans poursuivre la lecture de la lettre, il se leva et posa l'enveloppe et son contenu sur la table basse. En quelques enjambées il avait quitté la pièce. Il monta les escaliers quatre à quatre et partit s'enfermer dans la salle de musique où il ouvrit la fenêtre en grand. Ses mains se refermèrent sur la ferronnerie du petit balconnet qu'il enserra avec force pour s’efforcer à s'apaiser. Il faisait gris au dehors, les nombreux nuages filaient dans le ciel bas et le vent s'engouffrait dans la pièce, agitant les cheveux flamboyant de Gaspard, dont la tête baissée sur ses mains blanchies ne laissait pas percevoir son visage, ni ses iris ambrées qui dévoilaient tant de sentiments inavoués. La mâchoire serrée, la bouche du Lycanthrope était déformée en un rictus peu avenant qui découvrait ses dents. Sa lèvre tressautait, enragée. Dans sa tête défilait la dernière phrase de Julia : « Vous perdre, alors que je viens de vous trouver, mettrait fin à mes tristes espérances et à mes vœux les plus chers ». Il porta son poing serré sous ses narines, dissimulant sa bouche. Il ne devait pas se laisser aller. Deux fois en une semaines, se serait sa perte. Comment en était-il arrivé là ? Il ne se reconnaissait plus.
Un croassement étouffé émana de sa gorge, puis s'éleva en un rire incontrôlé, fêlé. Terriblement résigné. Dépliant ses doigts, Gaspard passa sa main dans ses cheveux, puis vint la replacer sur son visage fouetté par le vent froid.
Julia l'avait comprit elle aussi, sans discerner toute l'ampleur du problème et ce que ça impliquait, qu'il allait devoir faire un choix. Entre son amour pour elle et celui tout différent qu'il portait à Alexender. Lequel allait prévaloir sur l'autre ? C'était un dilemme impossible à résoudre. Dans les deux cas, il était perdant et il décevrait une personne qui lui était chère. Si seulement il pouvait remonter dans le temps ! Ce n'était pas a première fois que cette pensée lui venait à l'esprit, elle était toujours là quand il regrettait fermement quelque chose.
Lamentable soupir. Détestation.
La colère qu'il ressentait envers son ami était toute révélatrice. S'il n'était pas venu à Londres, rien de tout ceci ne serait arrivé. Il s'était mêlé de tout. Il s'était même arrangé pour que sa relation avec Julia prenne de la vitesse, alors qu'il était parfois mieux de prendre son temps pour pouvoir s'adapter tranquillement. Après tout, ils auraient eut tout le temps pour se revoir, mais Alexender avait accéléré la danse, les poussant dans les bras l'un de l'autre sans réfléchir. À présent, Gaspard se trouvait dans une situation intenable. Et il s'en rendait compte maintenant, s'il ne devait faire qu'un choix, il savait vers qui il se porterait. Et son cœur peiné pleurait d'avance cette décision.
Le bicentenaire releva les yeux, les portant vers le lointain horizon. Il sentait quelque chose se briser en lui, parce qu'il savait que quoiqu'il fasse, il allait amèrement regretter son choix et qu'il haïrait la personne avec qui il allait rester. Plus rien ne serait jamais plus comme avant. C'était ça, de s'investir. C'était le prix à payer lorsque l'on délaissait le précieux siège du spectateur. Il arrivait des choses. Parfois, on ne les désirait pas. On ne les contrôlait pas.
L'heure était à l'acceptation.
Cachée derrière sa main, la douleur sur le visage du Lycanthrope ne pouvait se lire. Elle était dévorante. Mêlée à une forte colère et les prémices de la haine. Peu importe le temps qu'il lui restait, il allait être confronté à ce choix affreux qui le rendrait fou. Quelques jours plus tôt, lorsqu'il avait perdu pied pour la première fois, ce n'était qu'un commencement. Il avait ressentit une rage sans nom, mais là c'était bien pire. Il sentait le désespoir l'étreindre.
Alors ses pensées, hachées, résonnèrent dans le monde des esprits.


*Oeil de Lune, Galyllée, je crois que j'arrive à mon point de rupture. Tout a été trop vite, je n'arrive pas, je ne le supporte pas. Tous ces sentiments en moi. Je ne peux pas. Oh misère, c'est arrivé si vite, je n'ai rien vu venir. Aidez-moi, je vous en prie. Donnez-moi la force de poursuivre, je ne peux pas disparaître comme ça.*

Les paupières intensément closes, le Lycanthrope venait de refermer la fenêtre. Il menait un combat de titan. Il était sur le point de prendre la fuite, d'abandonner tout ce qu'il possédait à Londres, ce qui lui restait de ses autres vies, ce qu'il avait encore à construire ici. Il se forçait à rester dans cette pièce, dans sa maison, où il se sentait en paix et en sécurité en temps normal. Il n'avait qu'à attendre, sa sérénité allait revenir. Mais il devait à tout prix s'interdire de quitter Londres, sinon il n'y reviendrait plus. C'était trop. Trop de pensées, trop de sensiblerie. Il ne voulait décevoir personne.
Il n'y avait plus que du silence autour de Gaspard, debout adossé au mur attenant à la fenêtre, il souffrait sans un bruit. Son visage était crispé, ses poings serrés, son souffle profond. Tous ses muscles étaient bandés, avec pour seul ordre de rester dans cette même position. Dans son esprit, Galyllée venait de débuter une douce mélodie avec sa voix humaine. Comme une mère vient consoler son enfant lorsqu'il tombe et s'écorche le genou, l'entité soufflait un baume réparateur sur Gaspard, pour qu'il se relève à nouveau et continue sa route.


*Plume, plume, plumette,
Portée par le vent gris
Grimpe dans le nid,
La place y est douillette,
Loin froid de la nuit.
Plume, plume, plumette,
Le temps d'un songe
Enlace mère chouette,
Elle te berce si bien.
Dors,
Plume, plume, plumette,
Pour qu'au matin,
Tu prennes ton envol.*


Plusieurs fois, la chouette chantonna de sa voix murmurante les paroles de la berceuse qui avait ce fabuleux pouvoir d’apaiser le bicentenaire. C'était magique de voir que des mots aussi niais parvenaient à tranquilliser une si vieille âme. Peu à peu, Gaspard s'était détendu, il avait glissé contre le mur et se retrouvait maintenant assit, une jambe tendue devant lui, l'autre pliée. Il profitait de cet instant paisible, oublieux de ses soucis. Il resta longtemps ainsi, sans penser à rien. Profitant de la présence rassurante de Œil de Lune et Galyllée à ses côtés. Il était comme anesthésié.
Puis s'en suivit un monologue du Lycanthrope à ses deux entités. Il leur dit tout ce qu'il avait sur le cœur. Habituellement, ils devaient toujours lui soutirer des informations pour connaître ses véritables états d'âme. Mais cette fois, c’était un flot constant de paroles sur tout ce qu'il pensait et ressentait. Quand les mots tarirent et que la mélancolie menaça de prendre possession de Gaspard, ce fut aux totems de s'exprimer. Ils le poussèrent à reprendre pied. A vivre au jour le jour, à profiter de l'instant, à la manière des humains. Il avait le droit de vivre. A prendre les choses comme elles venaient, à leur rythme et à accepter ce qui était, parce qu'il n'avait pas le pouvoir de les changer. Il devait réapprendre à vivre dans le temps, laisser passer certaines choses qu'habituellement il aurait voulu analyser longuement. Il était de nouveau dans la course et se devait de s'adapter. Il devrait rester à Londres parce que des humains comptaient sur lui et qu'il y était émotionnellement attaché. Il n'allait pas disparaître comme lors de ses jeunes années, quand sa condition d'immortel menaçait de faire souffrir les siens. Il n'y avait rien de comparable. S'il s'enfuyait maintenant, il délaisserait Julia et Alexender pour le mauvaises raisons. Tous les deux, sans espoir de retour en arrière. Et s'il laissait faire le temps. Doucement. Rapidement. A son rythme propre. S'il laissait le temps décider pour lui. Peut-être qu'il n'aurait pas à faire de choix cornélien. Œil de Lune ne cessait de lui répéter qu'il n'y avait rien de meilleur que de se laisser porter, de lâcher prise et de vivre. Il ne demandait pas à Ambre de ne plus penser aux conséquences de ses actes, mais de laisser le hasard faire les choses sans s'opposer à lui. Partir loin de Alexender, son seul ami, loin de Julia, qui l'avait comme ramené à la vie, ce n'était pas d'après le loup une bonne solution. Grâce à ces deux humains, le Lycanthrope retrouvait sa place parmi les hommes, dans la société. S'il partait maintenant, quand oserait-il se mêler à nouveau à l'humanité ? Il devait seulement retrouver son équilibre, dans cet univers qu'il avait évité pendant longtemps.
Les heures passèrent. Gaspard écoutait ses entités lui prodiguer leurs conseils et leurs encouragements, tandis qu'il n'émettait aucune objection, contrairement à son habitude. Il commençait à croire qu'ils avaient raison. Il venait d'arriver à la croisée des chemins. Il avait le choix entre deux voies bien distinctes : une voie droite, simple et lumineuse, tout tracée de fil blanc, au dehors du monde. Et un autre chemin. Celui-ci était sinueux, semé d'autres croisements qui multipliaient les rencontres et les possibilités. Il lui serait impossible de s'imaginer un avenir fixe. S'il s'engageait sur cette route, son destin lui serait caché, il devrait vivre au jour le jour, subir les aléas de la vie, les joies et les peines. Il risquerait de tout perdre à chaque instants, ou encore de gagner plus encore que ce qu'il possédait déjà. Quelques images lui virent à l'esprit et lui firent envie. Il y avait de l'espoir. Toujours. Dans cette voie incertaine, il pourrait se battre pour donner une chance à son couple, tout en aidant son ami. S'il s'investissait ainsi, il prendrait des risques, mais s'il regardait la monotonie dans laquelle il vivait, il n'avait peut-être rien à perdre excepté sa sécurité. S'il se laissait aller, s'il replongeait au cœur du temps, il vivrait. C'était effrayant et tentant. Il devait faire son choix. Il voulait retrouver Julia. Auprès d'elle, ses doutes s'amenuisaient. Elle était un baume d'une extrême efficacité sur ses craintes, comme si sa simple présence repoussait les sombres racines du destin qui auraient pu l'étreindre. Le bicentenaire, ainsi posé, était en train de prendre pleinement conscience de ce qu'il perdrait s'il abandonnait maintenant, sans s'être battu. Ce n'était pas juste une question de relations, il n'aurait plus alors aucun contrôle sur sa propre vie, sur ses envies et ses espoirs, il n'y aurait plus rien. Il ne serait plus qu'un observateur qui devrait vivre par procuration, incapable de se lancer dans l'inconnu. S'il se repliait sur lui-même, il n'oserait plus laisser le hasard guider sa route. Il perdrait tout à la fois, vivant à regrets.
Gaspard prit enfin conscience que ce n'était pas ce qu'il désirait. Il craignait ce qui pourrait se passer dans l'avenir, mais s'il pouvait se produire des faits affreux, il pouvait aussi lui arriver de très bonnes choses. S'il acceptait la souffrance, il pourrait vivre des instants d'intense bonheur. Il suffisait de s'en donner les moyens. Scientifiquement parlant, il était bien plus probable qu'il ressente de bonnes choses s'il s'en donnait la peine, qu'en rejetant toute possibilité d'éprouver des sentiments. Il y aurait des jours avec, des jours sans. Il faudrait les accepter les uns et les autres.
La peur n'évite pas le danger. S'il prenait des précautions, sans se laisser submerger, il pourrait se donne une chance de reprendre le cours d'une vie normale. Plus ou moins. Il se remémorait souvent ses jeunes années avec envie, mais s'il s'en donnait les moyens, il se créerait de nouveau souvenirs tout aussi forts. Avec le temps, la plupart des peines passaient, tandis que le bonheur lui, restait gravé dans sa mémoire. Il n'avait pas toujours vécu de bons moments, pourtant il en avait oublié beaucoup.
La perspective de redevenir un homme de son temps lui semblait toujours plus alléchante. Rassuré par ses entités, il envisageait ce qu'il avait fui depuis longtemps. Il s'était tenu assez à l'écart, il avait aussi le droit de vivre comme tout le monde. Après tout, il avait rencontré d'autres membres de sa race qui y parvenaient sans mal. Quoique ces derniers n'avaient pas joué aux alchimistes, il n'étaient pas devenus immortels, donc ils n'avaient pas cette difficulté à s'intégrer dans la société pour en sortir discrètement quelques années plus tard pour ne pas être découverts. Cependant, s'il le voulait véritablement, il pourrait allonger son séjour à Londres en se vieillissant peu à peu. Si ses cheveux prenaient une teinte argentée au fil des années, il garderait sa couverture. Rasséréné par cette perspective, il laissa ses pensées dériver vers Julia.

Pourtant, rien n'avait changé. La situation restait la même. Depuis le début de cette semaine chaotique, Gaspard piétinait, malgré ses efforts. Cependant, sa crise passagère lui avait donné comme un coup de fouet. Il envisageait l'avenir d'un œil nouveau. Il allait reprendre sa vie en main. Il allait agir dans le monde, quitte à se brûler les ailes. Mais il conserverait toujours une marge d'erreur qui lui assurerait la sécurité. Il était décidé à redevenir un homme social. Ça n'allait pas être aisé, on ne changeait pas sa façon de vivre en un claquement de doigts, cependant il s'en sentait capable. Avec de la volonté, il parviendrait à ses fins. Il demanderait Julia en mariage, quoiqu'en pense l'aristocratie. Il lui donnerait tout pour faire son bonheur et la protégerait autant qu'il le peut des langues venimeuses. Ensemble, ils parviendraient à affronter l'opposition. Si tant est qu'elle accepte sa demande. C'était un risque à prendre. Mais il doutait qu'elle refuse cette opportunité. Après ces deux semaines à Loth, leurs sentiments l'un pour l'autre n'avaient fait que se renforcer. Le Lycanthrope était confiant sur au moins ce point-ci.

Gaspard se releva. Ses courbatures le firent grimacer. Il ne savait pas combien de temps il était resté là avec Galyllée et Œil de Lune, mais assez longtemps pour que le jour commence à décliner. Le Lycanthrope pesta intérieurement. Il avait totalement perdu la notion du temps. Son estomac par contre, était en train de lui rappeler qu'il avait sauté un repas. André allait se poser des questions, sans pour autant le lui dire. Peu importe. Revenu à lui, il voulait lire la fin de la lettre de sa douce amie. Il quitta donc la salle de musique, prit les escaliers et retrouva la missive dans le petit salon, là où il l'avait laissée, même si la table avait été débarrassée. Il s'assit et recommença la lettre à son début, puis découvrit la suite.


Comme vous, je me languis de nos retrouvailles. Vous savoir désormais si près de moi me bouleverse de joie et si les manières et ma mère ne me retenaient pas, je serais déjà dans vos bras pour savourer de doux instants à vos côtés.

Ces quelques phrases confortèrent Gaspard dans sa démarche. Il devait cesser de s'inquiéter. Il avait maintenant hâte de la retrouver. Avoir été aussi près d'elle hier soir, sans qu'elle ne le sache, n'était plus assez. Il voulait être à dimanche pour partager avec elle les joies de leurs retrouvailles. Si elle acceptait son invitation. Il reprit donc la lecture.

Je viendrai vous rendre visite en votre demeure, ce dimanche, comme vous m'y invitez, et ce sera avec un grand plaisir. J'espère que nous aurons l'occasion de nous détendre un peu et de goûter à nouveau aux aimables conversations que seul l'amour sait si bien étendre sur les cœurs.

Ma mère et ma grand-mère me demandent de vous transmettre leurs sincères salutations ainsi que leur respect le plus profond. Vous serez toujours le bienvenu dans notre famille, si humble soit-elle.

Avec mes sentiments les plus tendres,
Julia Thanas


De son pouce, l'homme effleura le nom de sa bien aimée, tendrement. Il soupira d'aise. Son cœur était plus léger. Dimanche, Julia et lui partageraient des instants de bonheur. Il en tremblait presque d'impatience. Oublieux pour quelques minutes ses tracas, il se laissa rêvasser les yeux perdus dans le lointain.
Gaspard interrompit finalement ses pensées lorsqu'il sentit à nouveau son estomac gronder. Il était bien temps de manger quelque chose de consistant. Il se leva, dans le couloir, il sentit une odeur alléchante venir de la cuisine, il y trouva André occupé à lire les journaux. Celui-ci avait déjà la tête tournée vers la porte lorsque l'aristocrate l'avait passée. Il l'avait entendu venir. Le major d'homme reposa sa lecture, après l'avoir soigneusement plié, puis il s'activa à mettre de l'eau sur le poêle, pour agrémenter la collation qu'on venait de le lui demander.
Le Lycanthrope prit une chaise et le questionna :


- Vous avez commencé vos recherches ?

André acquiesça. Il termina de découper quelques morceaux du gâteau qu'il avait préparé pendant l'après-midi et laissé au chaud pour le servir encore tiède et moelleux. D'un geste habile, il déposa une tranche dans une assiette à dessert et la posa devant l'aristocrate avec une cuillère.

- De la marmelade, Monsieur ?

- Non merci, cela suffira. Répondit Gaspard en attrapant la cuillère et en coupant un morceau de gâteau. Il le porta à ses lèvres, en apprécia le goût et lorsqu'il eut terminé sa bouche, il reprit. Délicieux, André. Avant de continuer en silence.

- A votre service. Il marqua une pause. J'ai trouvé ce que vous recherchiez. Le pamphlet. Il retira une feuille volante de l'un des journaux qu'il avait lu plus tôt et déposa le texte devant l'aristocrate en tapotant la feuille du bout des doigts. Après l'avoir lu, je ne suis plus étonné que ceci ait déclenché autant de vagues dans la haute société.

Le Lycanthrope sourit. Alors qu'il avait passé son après-midi à tergiverser, son major d'homme n'avait pas chômé lui. Il le remercia et débuta la lecture de l'article tout en dégustant le fabuleux gâteau d'André, toujours aussi doué en cuisine.

Spoiler:

Sa lecture terminé, Gaspard resta un moment le regard dans le vide. Avant de parcourir à nouveau la page. Il mit un peu d'ordre dans ses pensées puis déclara :

- J'ai la nette impression que ce citoyen soucieux de la vérité a écrit ces quelques mots pour mettre en doute la culpabilité de Alexender plus que celle de ce Raphaël Veneziano. Comme s'il lui importait plus que l'un s'en sorte que le second. A n'en pas douter, cet homme doit être un allier d'Alex. Mais qui ? Je l'ignore totalement. Ce qui est rassurant au moins, c'est de savoir que quelqu'un d'autre que nous cherche à lui venir en aide.

Le major d'homme écouta les conclusions de Gaspard. Il était d'accord avec lui sur ce point. Au moins, s'il parvenait à retrouver ce mystérieux auteur, il ne serait pas face à un ennemi.

- D'après ce que j'ai pu voir, ce bout de papier a été glissé dans plusieurs types de journaux, je l'ai en quelques exemplaires. Aucun journal digne de ce nom et lu par l'aristocratie n'aurait accepté de publier un tel pamphlet, qui remet en doute l'autorité des forces de police, le Comte Keï et critique de manière sous-jacente la Reine. Celui qui a fait ça devait être accompagné par d'autres pour pouvoir s'assurer que tous auraient accès à sa critique. Le travail a du être faramineux.

Le Lycanthrope hocha la tête. Au moins, il savait que quelqu'un d'autre œuvrait dans l'ombre de Londres pour leur ami commun. Il se demanda si ce n'était pas un autre Hunter. En fait, il n'avait aucune idée de qui cela pouvait être. Mais il se sentait rassuré pour Alexender.
Gaspard confia à André que ce soir encore il irait veiller au Scotland Yard. Il termina sa collation, après avoir engloutit la moitié du gâteau, puis il se retira dans ses appartements où il se prépara à sa sortie nocturne. Il avait décidé de continuer ses recherches et de laisser derrière lui ses doutes. S'il parvenait à retrouver Alex, tant mieux, sinon il rongerait son frein sans pour autant que cela ne gâche sa vie. Il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour conserver près de lui Julia et son ami.


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Gaspard de Sorel
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MessageSujet: Re: De curieuses nouvelles [privé] De curieuses nouvelles [privé] Icon_minitimeJeu 6 Mar - 4:30

La chouette revint au nid le lendemain seulement, alors que la nuit était bien avancée et que la plupart des hommes dormaient d'un sommeil profond. Elle avait entendu une conversation intéressante, grâce à un heureux hasard. C'était dans la toute fin de l'après-midi, à l'heure où la soirée étend son voile d'ombres sur la ville. Il lui était parvenu quelques bribes de paroles qui lui avaient d'abord parues anodines. Puis Galyllée avait compris qu'il était question de Alexender Von Ravellow, l'aristocrate déchu. Avec une discrétion toute volatile, elle s'était fondue dans le paysage pour en entendre le plus possible.
Les forces de la police semblaient resserrer leurs filets en plusieurs endroits. Il se préparait quelque chose pour bientôt, cependant ils ne dirent ni où, ni quand. C'était troublant. Gaspard prit son mal en patience et attendit, mais il n'en apprit pas plus, que ce soit de la bouche des deux interlocuteurs ou d'autres membres du personnel. Lorsqu'il n'y eut plus de lumières aux fenêtres, la chouette repartit, laissant l'aristocrate sur sa faim, indécis quant à la tournure des événements.
Exténué, mais l'esprit bouillonnant, le bicentenaire sentit le sommeil le fuir pendant des heures. Il ne cessait de ressasser les informations qu'il avait glané au cours de son enquête. Il avait fini par se convaincre que si le Scotland Yard recherchait aussi vivement Alexender dans Londres, c'est qu'il ne faisait aucun doute qu'il s'y trouvait encore, quelque part, terré à attendre son heure. En ce moment même, l'étau se resserrait sur lui. La police semblait avoir des pistes probantes. Suffisamment en tout cas pour que deux de ses membres soient assez en confiance pour parler ouvertement de l'affaire sur les pavés sales de la rue. Divins informateurs. Si Gaspard avait connu leurs noms à tous les deux, il avait entendu l'un nommer le second M Sweets, retrouver le nom du premier était dans ses cordes ; et s'il s'était sentit d'humeur joyeuse, il leur aurait bien fait parvenir à chacun un billet anonyme les remerciant de leur sollicitude. Jamais ils n'auraient compris de quoi il en retournait, peut-être se seraient-ils mépris sur le commentaire et l'auraient attribué à une autre personne. L'esprit somnolent, l'aristocrate se promit que s'il retrouvait Alexender grâce aux babillages de deux sous-gradés, il mettrait à exécution ses remerciements. Sur ces pensées emplies d'espoir, le Lycanthrope s’endormit.

Gaspard s'éveilla tard et pleinement reposé. S'en suivit le ballet immuable du levé, toilettage et prise du petit déjeuner. Lorsqu'il croisa André, il lui confia, entre deux bouchées de tartines de pain grillé sur feu de bois, qu'aux dernières nouvelles le commissaire en charge de l'enquête avait diverses pistes plus précises en ce qui concernait le fugitif Ravellow. Il lui répéta mot pour mot la conversation des deux policiers, le tout avec un sourire confiant sur le visage. S'il continuait à veiller, dans les jours qui allaient suivre, il connaîtrait tout des secrets du Scotland Yard et pourrait les devancer. S'il en avait l'opportunité, il tirerait Alexender de ce mauvais pas. Il priait pour que cela fut possible.

Après sa collation, l'aristocrate rédigea un court billet à l'intention de Julia :


Ma tendre Amie,

C'est avec plaisir que j'ai reçu la confirmation de votre venue dimanche. La hâte de vous revoir en est redoublée.
Je suis heureux que vous vous portiez bien. De même je remercie le Ciel que vous ayez une famille si prévenante à votre égard, ainsi lorsque je ne peux veiller sur vous, je vous sais entre de bonnes mains.
J'ai en effet apprit dans les journaux ce qui c'est produit durant notre absence à Loth. Je ne peux que m'inquiéter de ces nouvelles, malheureusement, sinon quoi je ne serai pas un ami fidèle, cependant je vous demanderais de ne pas vous en faire de votre coté, car Alexender est un homme plein de ressources. Il saura rétablir la vérité sur cette affaire. Car je suis certain qu'il est loin d'être l'homme qui est décrit dans les journaux. Il y a méprise ou machination. Peu importe. Cela n'aura aucune conséquence sur la relation que nous entretenons maintenant et pour notre avenir. N'ayez crainte, vos espoirs sont les miens et j'espère que d'ici peu, nos vœux se réaliseront.

Recevez mes pensées les plus tendres,
Votre Gaspard.


Il relu sa missive avec un sourire. Il espérait ne pas en avoir trop dit sur ses intentions prochaines. Il avait planté une graine, elle allait peu à peu germer dans l'esprit de Julia, sans qu'elle n'ait véritablement conscience de ce qui l'attendrait dimanche. Peut-être lui viendrait-il une idée, sans qu'elle ne sache si c'était bien là que son amant avait voulu en venir. Peut-être cela passerait-il inaperçu. Cela n'avait pas une grande importance. Leur destin commun serait bouleversé en ce dimanche.
L'aristocrate cacheta l'enveloppe à la cire, y posa le sceau de sa famille. André donnerait la lettre au petit coursier qui leur amenait le journal chaque matin, avec une pièce pour sa peine. Ainsi, Julia recevrait quelques tendres mots de Gaspard dans l'après-midi si tout se passait bien.
Il s'arracha de son siège, alla trouver son major d'homme pour lui confier son billet, puis se rendit dans la bibliothèque. Il retrouva Faust là où il l'avait laissé, sur le guéridon, auprès du fauteuil confortable sur lequel il s'installa. Entre son pouce et son index il prit le ruban qui faisait office de marque page et d'un habile coup de main, il ouvrit le livre. Il déposa le ruban sur la petite table de bois et s'offrit tout entier à la lecture, cette distraction tant chérie. Ce n'est qu'au son des cloches sonnant midi qu'il referma l'ouvrage de Goethe et se rendit au salon pour y prendre son déjeuner.
Ceci fait, il prévint André qu'il passerait toute son après-midi et une grande partie de la soirée à veiller. Celui-ci lui confia que de son coté, il allait en profiter pour se rendre au Fitzrovia pour acquérir le tableau convoité par l'aristocrate. Sans un mot de plus, ils se séparèrent, tous deux espérant que l'autre parviendrait à accomplir sa tâche.
Ce fut la première après-midi que passa le Lycanthrope dans le quartier du Scotland Yard et ce fut bien plus mouvementé que les soirées précédentes. Il y avait un va et vient incessant. Il assista à diverses prises de bec, à des conversations insignifiantes, à quelques mondanités, mais rien de remarquable. C'en était presque désespérant. Mais Gaspard avait relégué ses mauvaises pensées au placard. Il était à l’affût des moindres informations, même minimes. Il revit le collègue de M Sweets et apprit qu'il se nommait M Eatman lorsque celui-ci se fit héler par un autre membre de la police. Il écouta attentivement leurs paroles, mais ce n'était que des salutations en bonne et due forme, qui dérivèrent sur un sujet plus personnel sans intérêt pour l'aristocrate. Il prit son mal en patience, mais rien de fructueux ne vint pimenter sa veille. La journée s'étira. A la nuit tombée, le Lycanthrope continua ses rondes, discutant de tant à autre avec ses entités.
Depuis sa crise de nerfs du jour précédent, il avait abaissé ses barrières mentales et partageait avec elles chacun de ses faits et gestes. Ils restaient le plus souvent muets, mais de temps à autres ils échangeaient quelques paroles sur ce qu'ils observaient, brisant la monotonie du guet. Œil de Lune trouvait que cette chasse était terriblement longue et le gibier trop rare pour que se soit intéressant. Il aurait préféré se rendre directement dans le poulailler à la place d'observer la basse-cour ainsi sans grand succès. Mais puisque ce n'était pas sa traque, il laissait à Ambre le choix de l'angle d'attaque, sans pour autant se passer de faire des commentaires très personnels. Cela distrayait Gaspard. Ouvrir à nouveau son esprit en continu avec ses entités avait du bon, il pensait à autre chose et cela chassait de longs moments de remise en question ou de solitude. De leur coté, Galyllée et le loup étaient rassurés d'avoir accès aux réflexions de leur hôte. Ils étaient inquiets pour sa santé, même s'ils ne voulaient pas le laisser paraître, afin de ne pas le contrarier. La chouette était plus posée que son acolyte, elle soutenait pleinement la démarche de son protégé et alla même jusqu'à lui déconseiller de mettre à exécution une partie du plan qu'il avait mit en place avec le major d'homme. A ses yeux, porter plainte directement dans le Scotland Yard en cette époque troublée ne ferait qu'attirer l'attention sur eux. Se pavaner dans la peau d'une chouette harfang devant cette administration était déjà bien suffisant. Si par un heureux hasard quelqu'un faisait le rapprochement entre la venue de l'aristocrate et le volatile aux plumes blanchâtres, ils seraient dans de beaux draps. Bien sur, elle avait conscience que cette probabilité était infime, voire presque inexistante, mais elle l'estimait trop grande. Point. Après réflexion, Gaspard confia à ses entités qu'il ne tenterait cette approche que s'il n'arrivait à aucun résultat d'ici la moitié de la semaine suivante. Si d'ici là il restait bredouille, il tenterait sa chance. Il avait espoir de ne pas avoir à en arriver là. D'après les dires de M Sweets et M Eatman, il doutait que son attente fut encore longue.

L'avenir lui donna raison.

Le lendemain soir, tout bascula. Il y avait eut du mouvement toute la journée et il y avait dans l'atmosphère un goût d’excitation que le le Lycanthrope n'eut aucun mal à sentir. A en croire son instinct il se tramait quelque chose dans les couloirs de la police londonienne. Le cœur battant, Gaspard attendait que son impression se concrétise. Quand vint l'heure de la fermeture du Scotland Yard au public, il restait dans les locaux bien plus de monde que les autres jours et il continua d'affluer des hommes en uniformes. Au rez-de-chaussez des lampes à huiles éclairaient les fenêtres d'une grande salle qui donnait sur une rue adjacente. Les rideaux n'étaient pas tirés, si tant est qu'il y en ait, ainsi tous pouvaient voir l'agitation qui régnait à l'intérieur. Posé sur une branche d'arbre, Galyllée avait les yeux rivés sur les tables rassemblées au centre de la pièce, elle y discernait une carte de la ville où se trouvaient posés des icônes en bois, mais celles-ci étaient trop nombreuses pour qu'elle puisse en comprendre la teneur. Elles étaient posées sur divers endroits de la carte, sans autre information. Le Lycanthrope supposa qu'elles représentaient des lieux déjà visités au vu de leur abondance. Il n'était pas certain que cette réunion tardive concernait son affaire, cependant il le sentait au fond de ses entrailles. Tout ceci concernait Alexender.Le bicentenaire sentait la pression monter en lui. Il s'intima de prendre du recul et de patienter pour que ses doutes se confirment. En attendant il continua ses observations. Il émit l'hypothèse que les icônes n'étaient pas la destination que les hommes allaient prendre ce soir, il y avait bien trop de lieux pour cela.
La salle continua de se remplir, si bien que les fenêtres furent occultées par des corps amassés, ce qui empêchait maintenant Gaspard de voir la carte convenablement. Contrarié, il changea de point de vue, mais le problème restait le même. Après un moment encore, un homme entra dans la salle suivit de quelques autres. Tout portait à croire que c'était l'homme de la situation, car chacun abandonna sa conversation pour se tourner vers cette figure d'autorité. Le Lycanthrope imaginait bien le silence qui régnait maintenant dans la pièce. Enfin, le haut gardé prit la parole. Malheureusement, il était impossible d'entendre ce qu'il disait et peu importe l'angle de vue que prenait la chouette, elle ne pouvait voir convenablement ses lèvres bouger pour comprendre le sens de ses phrases. A force de persévérance elle réussi à obtenir la confirmation qu'il était bien question de Alexender Von Ravellow, car par trois fois elle vit ce mot s'inscrire clairement sur les lèvres de l'inspecteur en chef.
Gaspard se sentait agité. Il aurait voulu en apprendre assez pour devancer ces hommes. Se rendre en quelques battements d'ailes à leur destination et y retrouver son ami, si il était bien là où le supposaient le Yard. Ainsi, il lui éviterait de se faire prendre au dernier moment. Il était l'ultime rempart entre la prison et Alexender. Il devait garder son calme et tout donner pour lui offrir une échappatoire salvatrice, si elle se présentait. Dieu, si seulement cela pouvait être possible !

La réunion s'étira sur quelques heures, mettant à mal la patience du bicentenaire. Lorsqu'elle prit fin, la salle se vida peu à peu. Il était tard et au dehors il n'y avait aucun bruit notable. Ainsi, Galyllée prit son envol dès qu'elle entendit des voix ; elles provenaient de la cour intérieure, celle près des écuries. La chouette décrivit un cercle dans le ciel nuageux et le posa sur le toit du bâtiment. Les hommes se rassemblaient. Tous abordaient une mine sérieuse. Il y avait peu de conversations, mais les hommes en dirent assez pour confirmer que cette opération concernait bien l'aristocrate déchu : ils pensaient bien avoir repéré le fugitif. Ils lui avaient attribué un petit nom peu reluisant, et pourtant très reconnaissable, qui fit grimacer Gaspard ; entendre son ami traité de la sorte n'était pas pour lui plaire. Il devait faire avec, alors il laissa de coté sa sensiblerie. Les policiers s'affairaient à préparer leurs montures avec la tranquillité toute relative ressentie avant une bataille. La tension se lisait sur leurs visages. Cette descente allait être mémorable. Deux fiacres étaient en train d'être préparés sous les lumières des lanternes et au vu du nombre de chevaux qui étaient en train d'être scellés, il y avait de quoi inquiéter davantage le Lycanthrope. Le Scotland Yard devait avoir reçu des informations très précises pour mettre autant d'hommes sur le coup, même si cette affaire était de notoriété publique, que la Reine cautionnait les recherches, ainsi que le Comte Keïsuke, jamais ils n'auraient élaboré pareille entreprise s'ils ne se sentaient pas proche du but.
Les préparatifs prirent fin. Le convoi était prêt à partir. Cependant, les hommes ne semblaient pas encore prêt à se mettre en marche. Qu'attendaient-ils ? Gaspard l'ignorait. Quand enfin les policiers mirent le pied à l'étrier, il ne fut pas plus avancé, car il n'avait ni vu, ni entendu quoi que ce soit de notable. Il supposa alors qu'ils avaient l'intention de passer à l'offensive en plein cœur de la nuit, lorsque tous seraient occupés à dormir, là où Alexender serait certainement le plus vulnérable. C'était futé. D'une logique implacable. La pression ressentie par le Lycanthrope ne cessait d'augmenter, il sentait son sang bouillir. Son attitude se reflétait dans les mouvements de la chouette qui ébouriffait ses plumes plus que de coutume et ne tenait pas en place. La discrétion n'était pas le point fort de cette soirée, mais grâce à son apparence de volatile, personne ne s'attarda sur la présence d'une chouette au comportement étrange. Les entités elles même sentaient l'heure du verdict approcher et l'impatience de Gaspard se propagea en elles. Les trois esprits tergiversaient fébrilement, guettant la moindre opportunité de glaner une information de dernière minute.
Comme s'ils avaient reçu l'ordre de ne pas dévoiler leur destination, les hommes n'abordèrent jamais ce sujet. Rien ne filtra, ce qui augmenta la frustration que ressentait l'aristocrate. Enfin, les portes de la cour s'ouvrirent pour laisser passer le convoi, qui s'avança dans la nuit dans un silence de mort. Seuls le bruit des roues et des sabots battant les pavés rompaient la monotonie de la nuit. Plus un mot ne fut prononcé. Les hommes se tenaient droit sur leurs montures et se transmettaient des informations grâce à des signes.

Sous les nuages épais, Galyllée avait pris son envol. Ses battements d'ailes lui permettaient d'aller bien plus vite. Pour ne pas distancer le fruit de son intérêt, elle effectuait de larges cercles dans le ciel et elle se posait parfois de-ci, de-là, pour ne pas être repérée à force de voler. Mais personne ne se serait intéressée à elle ce soir. Les hommes étaient focalisés sur leur mission et n'avaient pas la tête à lever les yeux pour contempler les cieux chargés de pluie. Leur route les menèrent sur les bords de la Tamise, dont ils suivirent le cours sans la traverser. Petit à petit, il devint clair pour Gaspard qu'ils se dirigeaient vers l'East End, un quartier malfamé dans lequel il s'était toujours abstenu de se rendre, mais qui devait constituer un abri intéressant pour un criminel en fuite. Il vit apparaître les abattoirs qui le révulsèrent lorsqu'il pensa à la manière dont y étaient traités les bêtes. Un ululement strident lui échappa et emplit la nuit noire. Galyllée était bien plus en colère que lui lorsqu'elle voyait avec quelle indélicatesse l'humanité traitait le bétail qui la nourrissait et Œil de Lune partageait son avis. Ils détournèrent vite leur attention sur ce qui les avait poussés à venir ici, évitant de se lancer dans un vain débat, puisqu'ils n'étaient pas en mesure de changer les actes de barbarie des hommes.
Le convoi ralentit lorsqu'il arriva sur l'avenue de Whitechapel Road. Même à cette heure tardive, il y avait un sans blanc d'activité dans ce quartier. C'était un lieu qui répugnait Gaspard, non pas parce qu'il était fréquenté par des petites gents, mais à cause des mœurs légères apparentés à cet endroit et aux nombreux crimes qui y était perpétrés. A la vue des autorités, les quelques âmes errant sur le bord de la route disparurent, trop heureuses d'échapper à une aussi grande force armée. Car les hommes n'étaient pas venus les mains vides, ils avaient tous une matraque sur eux, ainsi qu'une arme à feu ou une arme blanche, parfois même les deux à la fois. Ils stoppèrent leur avancée près de ce qui paraissait être une maison close, au vue de la lanterne. Ils mirent pied à terre sur les pavés inégaux, entre les déchets et la malpropreté, fronçant le nez devant ce spectacle rebutant, peut-être gênés par l'odeur de quelques immondices. Avec un intérêt non feint, la chouette se posa sur le haut d'une cheminée, le cœur battant la chamade.
Il avait rapidement fait le tour du pâté de maison, mais il n'avait aucun moyen de se glisser discrètement dans la bâtisse. Il sentait une boule lui enserrer la gorge et le faire peiner à respirer. Galyllée lui intima de garder son calme, ce qu'il tentait de faire tant bien que mal. Si Alexender était bien ici, il était arrivé trop tard. Un ordre retentit. Déjà, les policiers pénétraient dans le lieu malsain, sous les cris mécontents des femmes qui y travaillaient. Tout se passa très vite. Ce fut un débordement de violence qui ne fit qu'augmenter l'appréhension du Lycanthrope. Il entendit tirer des coups de feu, il vit des inconnus passer entre les mailles du filet et s'enfuir à toutes jambes dans la rue, s'éclipsant grâce à leur connaissance incontestée du terrain. Les yeux jaunes de la chouette avaient suivis ces personnes jusqu'à ce qu'il apparaisse que ce n'était pas Alexender. Gaspard ne voulait pas perdre une miette de ce qui se déroulait sous ses pieds, il était prêt à intervenir à tout instant, dans le cas où son ami sortirait subitement du bâtiment, prêt à créer une diversion pour lui donner l'occasion de prendre la fuite. Mais rien ne vint. Alors, il espéra secrètement que le Scotland Yard ait été sur une fausse piste, qu'il se soit fourvoyé et que Alexender soit en sécurité ailleurs.

Le destin en avait décidé autrement. Bientôt les forces de police ressortirent de la maison close avec plusieurs personnes menottées fermement, en poussant des ordres féroces, tandis que les prévenus se débattaient et criaient à pleins poumons, recevant pour leur peine des coups pour les faire taire. Peu à peu, un calme relatif s'installa dans la rue. Enfin, Gaspard sentit son cœur rater un battement et se fendre. Un poids alourdit ses entrailles et s'il avait été sous sa forme humaine, ses jambes auraient fléchit, le laissant agenouillé et abattu. C'était Suzanne. Travestie en homme certes, mais bien la jolie Suzanne, la domestique de Alexender. Alors tous les espoirs de l'aristocrate volèrent en éclats. Si cette femme était ici, son ami devait lui aussi se trouver dans les locaux. Comme pour enfoncer le clou, deux hommes bien bâtis sortirent dans la rue, portant chacun à bout de bras un homme encagoulé menotté dans le dos qui semblait avait perdu connaissance. La chouette détourna les yeux. S'en était trop pour Gaspard, qui se retint de crier sa rage, sa colère et la peine infinie qu'il ressentait. Il s'agissait bien de son ami.
La partie était finie. Ils avaient perdus. Lamentablement. Le jeu du chat et de la souris était terminé. La proie était tombée dans les mailles du filet. Le prédateur avait vaincu, comme bien souvent.

L'espoir avait définitivement abandonné Gaspard. Sa quête avait été vaine. Son ami était pris, il était perdu. Il allait être jugé et pendu. Il n'y aurait pas de justice pour lui. Les journaux avaient fait un portrait tellement noir de sa personne qu'il n'y avait aucune possibilité pour que le peuple s'élève contre la décision de la Cour, comme c'était parfois le cas. Le pamphlet de cet illustre inconnu n'y changerait rien. Bien tenté. Mais inutile. Tout comme les actes du bicentenaire. Il aurait la conscience tranquille, sachant qu'il aura fait tout son possible pour donner à Alex une seconde chance. Était-ce vrai ? Pouvait-il se féliciter d'avoir tenté le tout pour le tout ? Non. Pas le moins du monde. Il avait fait ce qu'il avait pu, dans les limites qu'il s'était fixées. Maintenant que son ami était fait prisonnier, le Lycanthrope regrettait amèrement ses précautions, même s'il les savait justes. Il était partagé. De toute manière, comme le lui souffla Œil de Lune, il était trop tard pour les remords, ce qui était fait, était fait. Se focalisant sur cette pensée, Gaspard se fit violence et donna le meilleur de lui même pour ne pas sombrer. Il allait à nouveau suivre le convoi et il veillerait à agir s'il trouvait une opportunité pour faire sortir Alexender in-extremis de ce bourbier. Il doutait profondément que cela fut possible et les faits lui donnèrent raison.
Lorsque le prisonnier principal fut bouclé à double tours dans le fiacre de la police, celui-ci s'ébranla, escorté par la moitié des forces présentes pendant la descente nocturne. Le reste s'occupa des autres membres retrouvés dans ce lieu malsain, entassant tout ce beau monde dans le second fiacre, arrêtant toute personne suspecte et leur faisant subir un interrogatoire musclé à la vue de tous, pour juger s'ils devaient arrêter plus de monde ou non.
De son coté, Gaspard abandonna cette scène avec la nausée. Il suivit la voiture où se trouvait son ami. Les ailes lourdes, Galyllée se posa enfin lorsqu'ils atteignirent la Tour de Londres. Ainsi,c'était vraiment terminé.

L'aristocrate pensa avec amertume à M Sweets et à M Eatman. Ces deux informateurs lui avaient permis d'assister à l'arrestation de son plus cher ami. Le destin était cruel, car il s'était promis de leur envoyer une lettre de remerciement si leur babillage lui permettait de retrouver Alexender. Et en effet, il avait pu remettre la main sur lui, en de fâcheuses circonstances. Mais il tiendrait parole. Fichu destin. Son esprit dériva ensuite sur le tableau qu'il avait acquit pas plus tard que la veille. André tait parvenu à négocier le prix de la toile et elle se trouvait maintenant en sa possession. Mais il n'avait que faire de cet art, aussi grandiose fut-il, alors que son ami était mené à une mort certaine à l'instant. Ce tableau n'était rien, comparé à ses souvenirs et à l'amour qu'il éprouvait pour Alex. Le tableau n'était pas vivant, il ne renfermait pas la vie, il ne pouvait pas remplacer l'affection.

Gaspard resta là, à regarder le fiacre se faire avaler par la prison. Son ami disparu de son champ de vision. Il se sentait comme en état de choc. Trop d'émotions le parcouraient pour qu'il puisse leur donner à toutes des noms, une provenance et une signification. Il était pétrifié. Atterré. Qu'allait-il devenir sans Alexender ?


[HRP/ Fin de ce RP, ça a été un vrai plaisir de jouer Gaspard de cette manière et j'espère que mon monologue vous aura plu autant qu'à moi ! La suite prochainement à La Tour de Londres "Plumes entre les barreaux". /HRP]


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