Alexender y était enfin parvenu. Il avait réussit le pari qu’il s’était donné d’accomplir. En apprenant cette magnifique nouvelle, Gaspard sentit une énorme joie emplir son cœur. Certes, cela ne concernait que le hunter, mais il savait à quel point sa réussite importait. De plus, c’était tout de même un bon geste pour l’humanité que d’être venu à bout de Lilian et de ses acolytes. Gaspard se retint tout de même de le féliciter, car ne n’était pas de bon cœur qu’il les avait tous assassinés.
Les deux amis mouraient de faim, ce qui n’empêcha pas Alexender de sortir une blague d’extrême mauvais goût. Gaspard en l’entendant, lui lança un regard flamboyant et serra les dents. Comment pouvait-il croire que… Mais il voulait rire, c’était une vieille boutade. Cela vexa tout de même l’aristocrate, pour quelques secondes seulement. D’une certaine manière, il était vrai que Julia avait quelques charmes et ne lui semblait pas hostile… Cependant ce n’était même plus la peine d’y penser après cette entrevue de la nuit.

- Oui, tu as peut-être raison… J’agirais selon la possibilité. Après tout avec toute l’expérience que j’ai acquise en plus de 200 ans, je peux bien improviser une nouvelle fois.

Ils sortirent tous deux du passage secret et le lycanthrope le referma, tout en écoutant attentivement les propositions d’Alexender.

- J’ai déjà pensé à la menacer, mais cela ne mènerait à rien. Et puis, je n’ai pas envie de lui infliger ça, c’est pas dans mes habitudes… Le pire, c’est que je ne sais pas si elle c’est retrouvé là par hasard ou non. Des humains qui combattaient pour les vampires, ce n’était pas nouveau, mais apparemment ils proliféraient. Je me demande comment des hommes peuvent s’acoquiner avec ces saletés.

La chemise. Gaspard avait oublié la chemise. Il fit un sourire penaud, mais il semblait qu’Alexender y attachait moins d’importance qu’à son manteau de cuir. Heureusement d’ailleurs, sinon les deux amis se seraient vite retrouvés armes en main.
Une fois le déjeuné servit et la porte du petit salon fermée. L’aristocrate s’assit et avant de commencer son repas il regarda par la fenêtre. Il pleuvait encore, mais l’orage s’était calmé. Julia pourrait rentrer chez elle. A cette pensée, il sentit son cœur se serrer légèrement, il commençait à s’attacher à la jeune humaine. Et d’après Alexender, les vampires se multipliaient dans Londres.
Gaspard soupira et commença à manger. Puis il pensa qu’il devait expliquer pour quelle raison une bourgeoise était entre ses murs. Il commença donc un récit ordonné, donnant parfois quelques impressions précises sur telle ou telle chose.

- Finalement, hier au soir Julia est venue m’apporter un présent de la part de sa famille pour l’avoir sauvée. Je peux te dire que j’étais un peu honteux de devoir accepter. D’ailleurs je lui ai fait remarquer. Je ne vois vraiment pas l’intérêt d’offrir des cadeaux quand on sauve la vie d’une personne. De simples remercîments suffisent… ou un mariage, dit-il en repensant aux anciennes pratiques. Enfin, voila, tu es arrivé juste au moment ou elle devait partir. La suite, tu la connais.

Gaspard trempa son pain tartiné dans le café et en engloutit la moitié en une bouchée, il faillit s’étouffer parce qu’il en avait mit trop.

- Je suis bien content que tu sois revenu, avoua-t-il.

Leur repas, fini les deux amis remontèrent l’escalier et retournèrent au passage.

Alexender affichait un air soucieux depuis qu'ils avaient quitté le petit salon: il s'étaient certes restaurés mais son épaule le lançait et des questions flottaient dans son esprit. Lorsqu'ils repassèrent dans le couloir pour se rendre à la bibliothèque, il remarqua un détail étrange: le vase qu'il avait vu en descendant était tourné, il en était persuadé car la plante tournait ses feuilles du côté inverse de celui où il l'avait vu la première fois. Il tourna la tête pour voir s'il n'y avait pas des pas au sol ou d'autres signes suspects mais bien vite il continua de suivre son ami comme si de rien était.
Il ne pouvait s'empêcher de penser aux Vampires...Ces créatures ignobles qui s'infiltraient dans les maisons ou rôdaient la nuit dans les rues pour assassiner des proches...La pire crainte d'Alexender était bien de perdre Gaspard ou des personnes qu'il connaissait même seulement de vu: il avait un devoir envers elles et même tous ceux qu'il n'avait encore jamais croisés de ses pas. Son but était d'éliminer cette race infâme et il réussirait ou perdrait la vie.
Il soupira: quel idiot, les Vampires étaient plus subtile que cela, jamais ils n'auraient laissé ce genre de détail trahir leur présence...C'était sûrement André qui était passé par-là ou...cette femme...Maintenant qu'il y pensait, elle les espionnait peut-être toujours ? Au fond de lui il en doutait mais cela était une hypothèse plausible d'autant qu'il ne la connaissait pas du tout.

Arrivé dans le bureau de Gaspard en sa compagnie, il se rassit dans un fauteuil en prenant garde à son sabre et se décida à poser ses questions.

- Tu m'a l'air fatigué mon ami...Je sais que tu m'a veillé mais il y a autre chose...Tu as des soucis en ce moment ? Tu ne m'a toujours pas expliqué pourquoi tu t'étais qualifié de "loque" tout à l'heure...Cela concerne tes recherches ou bien d'autres problèmes ?

Les yeux fixés sur Gaspard, il attendit une réponse l'air bien décidé à en avoir une. C'était le seul homme en qui il pouvait avoir confiance et c'était, à bien réfléchir, son seul véritable ami: qu'il le veuille ou non, Alenxender comptait bien prendre autant soin de Gaspard qu'il prenait soin de lui-même.

Le Lycan s'assit sur le siège de son bureau. Son bon vieux siège. Et puis, Alexender posa les questions qu'un ami se devait d'aborder.
Fatigué, oui. A un point que personne ne pouvait s'imaginer. Personne sauf ceux qui vivaient des siècles, comme les vampires. Et encore, eux étaient faits pour vivre éternellement, ce qui n'était pas le cas de Gaspard. Les Lycanthropes n'étaient pas censés vivre plus d'une vie humaine, l'aristocrate grâce à ses recherches assidues, avait trouvé un remède contre la fatigue des transformations et une sorte d'élixir de vie éternelle. Certes, cela représentait de nombreux avantages et il avait toujours accepté les petits inconvénients, comme le fait de devoir changer de nom, mais cette vie, si longue...
Gaspard soupira et détourna les yeux. Il se sentit soudain mélancolique et blasé.

- Des soucis, oui comme il y en a toujours eût, tu sais avec mon passé, il faut toujours que je fasse attention,.. parfois cela me pèse. Il soupira de nouveau et dodelina de la tête. Et puis ces derniers temps, je me sens de plus en plus détaché, comment dire... J'ai du mal à rester moi-même, tu connais ma passion pour les livres, et bien je n'en lis presque plus. Je sors tout les soirs dans les salons, alors que avant cela n'arrivait qu'une à deux fois par semaine. Je m'attache à de petits détails.

L'aristocrate se demandait si sa prochaine confession ne paraîtrait pas étrange aux yeux de son ami. Vu comme il était partit, il préférait tout dire.

- Tu vois, Julia. Oui encore elle, Gaspard esquissa un maigre sourire. Au commencement, au salon Fitzrovia, je n'avais pas fait attention à elle, j'avais simplement croisé ses yeux si bleus... Mais c'était la seule chose qui m'avait marqué. Mais étrangement, je n'avais pas pu me retirer ce regard de la tête, à la fin elle m'est rentrée dedans... Enfin, ce que je veux te dire, c'est que d'habitude, je ne fais pas attention aux femme, je les trouves belles ou non, comme tous les hommes. Mais cette fois ci, elle est restée dans mes pensées...

Gaspard laissa sa tête aller contre le siège et il se passa les deux mains dans les cheveux. Il se sentait bête à raconter cette sensation qu'il avait ressentie pour une demoiselle. Lui, un vieux, commençait peut-être enfin à s'intéresser à la gent féminine. C'était tellement paradoxal.

- Donc voila, j'ai l'impression d'avoir changé de personnalité en un rien de temps. Mais le pire, c'est que j'ai... je me sens vieux Alex, tellement âgé. Le temps passe et je ne change plus physiquement et mentalement j'accumule les vies. Parfois, je ne me reconnais même plus.

L'aristocrate leva les yeux vers son confident, ce qu'il n'avait pas fait une seule fois depuis qu'il parlait. Il se sentait perdu. Ses yeux exprimaient l'incompréhension et l'impuissance. Gaspard se demandait ce qui pourrait le faire sortir de cet état qui ne lui plaisait pas. Il commençait à se sentir de trop dans ce monde, dans ces avancées technologiques, dans les changements de mœurs, d'états d'esprit...

- J'ai l'impression d'être un fantôme qui s'aperçoit que le temps avance sans lui. Il soupira une nouvelle fois et ferma les paupières. Voila pourquoi je me traite de loque. Je me sens comme un mort vivant.

Ces derniers mots dits, Gaspard se tue, soulagé de s'être confié, même s'il savait que Alexender ne pourrait apporter ni réponse ni échappatoire à son état. En fait la dernière chose à faire était se donner la mort. Et cela, l'aristocrate refusait de le faire, malgré ce qu'il ressentait, il aimait vivre. Il aimait ses escapades nocturnes quand il se transformait en loup, et il voulait un jour parvenir à se métamorphoser en chouette. L'aristocrate appréciait des personnes dans ce monde. Alexender, André,... Julia? Il en revenait souvent à elle en ce moment. Et il ne comprenait pas ce qui en était la raison. Ce n'était pourtant qu'une femme ordinaire, mais une demoiselle qu'il appréciait et qui lui avait comme on dit: tapé dans l'oeil. Mais, il ne voulait pas encore se rendre à l'évidence. Oui, il aimait vivre. Cependant depuis quelques temps, il se sentait... mal.

Alexender fronça les sourcils aux paroles de son ami. Ce n'était pas la première fois qu'il lui disait que son âge lui pesait et qu'il avait du mal à vivre correctement à cause de son passé. Il commençait à aller de plus en plus dans les salons...dénigrait les livres...Oui en effet cela n'était pas bon signe chez lui...
Le Hunter ne savait que faire pour Gaspard. Il connaissait son lourd secret, ce passage, son âge, quelques grandes lignes de son passé mais il ne pouvait pas l'aider de manière concrète. Tout ce qu'il pouvait faire c'était animer son quotidien, lui changer les idées et lui permettre de se confier. Pour ses expériences, il pouvait lui servir d'assistant de temps en temps mais il n'avait pas son savoir et ne pouvait pas par conséquent réellement le faire avancer.

Lorsque Gaspard lui parla de Julia, Alexender se surpris à sourire. Le Lycanthrope était-il enfin tombé amoureux ? Cette jeune femme que lui même n'avait qu'aperçut était effectivement bien jolie et le Hunter ne doutait pas qu'elle pouvait faire tourner la tête du plus censé des hommes. Il n'avait fallu qu'une soirée au Fitzrovia pour qu'elle s'encre dans les pensées de son ami...Gaspard était amoureux, tout le lui indiquait dans ce qu'il venait de lui avouer...Depuis ses mots, son hésitation jusqu'à ses regards, sa nervosité...

Alexender se redressa dans son siège et joignit ses mains pour y poser son menton.

- Allons mon ami...Ressaisis-toi: je ne peux certes pas savoir ce que ça fait de vivre aussi longtemps mais je pense que tu peux surmonter le temps en le tuant de la manière qu'il te plait le plus. Si tu préfères les salons aux livres en ce moment, alors sors dans les salons. D'un côté cela t'arrache à ta solitude...Oui Gaspard tu es un peu trop seul dans ce manoir...Je comprends que la présence soudaine d'une femme dans ta vie te déconcerte.

Avec un sourire, le Hunter se leva et donna une tape sur l'épaule de l'aristocrate.

- J'irais lui parler si cela ne te dérange pas. J'ai dû l'effrayer hier et j'aimerais lui présenter mes excuses et quelques politesses que je lui dois.

Alender laissa ses yeux se promener sur les affaires de Gaspard sur son bureau et sur ses étagères. Il bailla jusqu'aux larmes et s'étira en grognant de douleur. Il se massa un peu l'épaule et soupira. Le Hunter ne trouvait rien à dire de plus à son ami. Comme il venait de lui dire, il ne savait pas ce que cela faisait d'être aussi vieux...

- Allez, viens tu ferais mieux d'arrêter de revenir toujours ici. Tu as tendance à t'enfermer tu sais...J'aime beaucoup ce bureau mais je ne pourrais pas y vivre...Remontons et tâchons de nous montrer courtois et plus vivants !

Il saisit l'aristocrate par les épaules et le secoua doucement.

- Car tu vis Gaspard, tu vis alors que tu devrais être dans un caveau à l'heure qu'il est ! Allons pense que cette vieillesse, même si elle est lourde à supporter, est une chance que n'auront jamais les hommes comme moi et que ta longévité te permettra d'accomplir d'immenses choses !

Avec un rire suivit d'un toussotement, Alenxender lâcha son ami et commença à s'éloigner vers la sortie du bureau. Il se retourna et écarta les bras d'une manière théâtrale:

- Regardes-moi si je ne suis pas une loque ! Je ne peux pas bouger le bras sans souffrir, j'ai attrapé froid et j'ai aucune femme chez moi ! J'ai faillit me faire tuer par un humain alors que j'ai anéanti une horde de Vampires à la Nouvelle-Orléans et ma chemise est déchirée ! J'ai qu'une envie là c'est dormir mais vois, je marche, j'ai encore un peu d'énergie à revendre et je ne laisserais aucun pessimisme m'en extirper ne serait-ce qu'une once !

Avec un air coquin, il tendit un doigt en avant:

- Toi, je vais te faire danser...

Il s'enfuit en courant dans l'escalier pour remonter vers l'ouverture du passage. Intérieurement, Alexender se sentait vidé de ses forces: il avait sommeil et il avait perdu beaucoup de sang. Sans le laisser paraître, il pouvait tomber à tout moment d'autant qu'il se malmenait à force de bouger, faire de grands gestes et maintenant courir...

Un livre fit vibrer l'air et arriva droit sur Gaspard. Alexender sortit de l'ombre et dans la lumière du jour levant, il s'avança un autre livre à la main. Il le feuilleta rapidement et le referma pour montrer la couverture à son ami: il était intitulé "Mythes et légendes: les Lycanthropes".

- Si tu ne lis plus depuis un moment, qui est donc venu fouiller dans tes étagères ?

Le Hunter était un expert pour repérer les étrangetés et les détails qui faisaient avancer les enquêtes. Grâce au tapis froissé et à l'avancée particulière d'un livre mal rangé dans les rayons, il avait vite réalisé qu'à cet endroit, où il comptait se cacher pour surgir devant Gaspard, s'était tenue une personne très récemment et avait lu discrètement des ouvrages spéciaux. Il approcha de Gaspard et soupira en secouant son livre.

- Je crois que nous allons avoir plus de problèmes que prévu avec cette demoiselle...

Alexender alla remettre son livre dans le rayon d'où il l'avait tiré et revint l'air grave.

- La vérité vaudrait peut-être mieux que le mensonge en effet.

Conscient que ce nouveau coup allait agir sur le moral de son ami, Alexender appela André d'une voix forte. Le domestique ne tarda pas à arriver, il était tôt mais il était levé depuis un moment et c'était normal.

- André, va réveiller l'invitée de Gaspard et fais-la déjeuner: nous devons lui parler.

Le domestique jeta un regard interrogateur à son maître mais s'exécuta. Le Hunter jeta un regard à Gaspard, lui tourna le dos et fit mine de lire les tranches des ouvrages de la bibliothèque. Etrangement, sa main gauche n'arrêtait pas de tripoter nerveusement le manche de son catana.

- Ne t'en fait pas peut-être qu'elle n'a rien découvert...à part l'existence du passage je veux dire...Ha il me semblait bien que j'avais entendu du bruit tout à l'heure ! Cette jeune femme est bien curieuse...

Il fit face à Gaspard et lui sourit l'air impatient:

- Je ne sais pas où tu l'as dégoté celle-là mais elle est bien gênante...

Le Lycan, qui s'était attendu à une attaque, se retourna et attrapa le livre au vol, un peu surprit. Comment osait-il jouer avec mes livres! L'air faussement furieux, Gaspard dévisagea son ami, cependant celui-ci semblait préoccupé. L'aristocrate fronça les sourcils, il lut la couverture du livre que lui montrait Alexender, puis la sienne: "Rumeurs sur les êtres de la nuit". Qu'il lisait ou non n'était pas le problème, il n'avait pas touché à ces livres sur les Lycathropes depuis son arrivée à Londres, dernièrement il s'intéressait plus aux livres stellaires, même s'il était vrai que sa passion pour la lecture s'était amoindrie.
Gaspard haussa les épaules et écouta le verdict du Hunter. S'il disait vrai, Julia pourrait représenter plus de problèmes qu'il n'aurait crus aux premiers abords. Elle mettait sa vie en danger pour une simple histoire de livres. L'aristocrate croisa les bras, toujours silencieux, les lèvres pincées. Comment était-elle tombée sur ces livres? Ils n'étaient pourtant pas ce qui pourrait intéresser une jeune femme, à moins qu'elle n'ait des choses à cacher. Elle lui avait dit qu'elle avait été attaquée par des vampires. Elle était peut-être devenue l'une des leurs... Non, il l'aurait sentit, du moins elle ne se serait pas laissé faire par de La Phalère. Julia était surement curieuse, comme il l'avait pu le remarquer, peut-être qu'elle n'avait rien à se reprocher... Cependant, Gaspard en doutait. Il regarda son ami remettre le livre à sa place et posa le sien sur un meuble. Il s'en occuperait plus tard.

- Comment veux tu que je lui dise qui je suis?! En plus d'être choquée elle saurait ce que peu de personnes savent en ce monde, la vérité sur ma race doit rester cachée aux yeux de tous. C'est notre seul moyen de survivre.

Tandis que l'aristocrate pesait le pour et le contre d'un possible aveu, André entra dans la bibliothèque. Devant son regard interrogateur, Gaspard acquiesça d'un signe de tête. Il se demandait vraiment comment faire pour éviter un scandale. Pouvait-il vraiment avoir confiance en Julia? Au fond de lui, il ne pouvait penser qu'elle pouvait le trahir, cependant il ne la connaissait pas et il savait que les apparences sont trompeuses et que le coeur ne voit pas toujours tout. Gaspard est un homme qui pense d'abord avec sa tête et celle-ci lui disait qu'il lui faudrait se méfier.
Devant le sourire de Alexender, le Lycan soupira, embarrassé et amusé.

- Les femmes sont toutes les mêmes, curieuses et en plus de cela, Julia est intelligente. Elle doit avoir comprit. Et dire que tu veux te marier, tu n'imagines même pas les problèmes que cela va t'apporter. A mon avis, renonce si tu trouves déjà que la demoiselle est gênante, parce qu'il y en a des pires.

En fait Gaspard ne savait pas grand chose des femmes, mais ce qu'il avait apprit, c'est qu'elles aimaient parler et fouiner.

- Ne perdons pas de temps, allons au Salon, elle nous y rejoindra bientôt. Et puis, tu pourras rester assis, tu me fais penser à un mort-vivant, dit il avec un sourire ironique. A peine arrivé dans l'escalier, il se retourna vers Alexender. Tu comptes toujours t'excuser devant elle pour ton intrusion sanglante d'hier?

Trois coups furent donnés à sa porte et quelqu'un tenta d'entrer mais une chaise empêchait quiconque d'ouvrir a porte. Julia se réveilla en sursaut.

Après son escapade dans la bibliothèque, elle s'était enfermée soigneusement et s'était assise sur son lit recroquevillée sur elle-même en se tenant les genoux. Elle avait longtemps songé à s'enfuir, à disparaître de cette maison. Sa fatigue l'avait quitté et sa nervosité augmentait comme à chaque pré-pleine lune ce qui l'empêchait de dormir tranquillement. Rapidement elle avait ressassé tout ce qu'elle avait vu, entendu et lu la dernière soirée et cette nuit. Gaspard, tout d'abord, si charmant et pourtant si ferme et dur...c'était un homme qui l'attirait fortement et attisait de plus en plus son intérêt. Malgré sa façon rude de l'avoir congédiée, elle ne pouvait lui en vouloir. Après tout elle avait découvert une chose qu'elle n'aurait jamais du voir...Ce passage...Que cachait donc la bibliothèque ? Et puis...ces livres sur les légendes, les êtres de la nuit et cette race dont elle n'avait jamais soupçonné l'existence...Gaspard avait bien des secrets, cela le rendait encore plus mystérieux...
Ensuite cet homme étrange, habillé de cuir, portant un sabre et parlant de Vampires...Un tueur, fidèle ami de son hôte, à qui elle n'avait même pas parlé tant il avait besoin de soins en arrivant...Cette blessure, ce sang, ce regard...

Apparemment elle s'était endormie et lorsqu'elle entendit la voix du domestique à travers la porte, elle émergea et se leva quelque peu affolée pour enlever la chaise qui la bloquait. Comment allait-elle expliquer cela au domestique ? Avec un petit sourire forcé, elle le laissa ouvrir la porte et la saluer.

- Bonjour mademoiselle, excusez-moi de vous lever si tôt mais Monsieur Sorel et Monsieur Ravellow voudraient s'entretenir avec vous. Le déjeuner...je vous l'apporte ici ou vous viendrez au petit salon ?
- Ha...heu...amenez-le ici s'il vous plait, répondit-elle gênée.

Une fois André partit, la jeune femme se lava le visage dans une bassine d'eau prévue à cet effet sur sa commode et se recoiffa les cheveux. Elle les éleva et redressa son corsage: elle avait dormi toute habillée et portait exactement les vêtements de la veille, cela l'embêtait car elle étouffait un peu dans son corset et de ne pas avoir dormit en chemise de nuit, elle se sentait pressée et mal à l'aise.
Le domestique revint avec un plateau et Julia attendit qu'il soit partit pour manger. Elle avait de l'appétit et le pain était bon. Quand elle eut fini son déjeuner, elle attendit en rassemblant les miettes dans un coin du plateau, on pas que cela aiderais les domestiques à le nettoyer mais cela lui passait le temps et était presque mécanique tant elle était plongée dans ses pensées.
André réapparu bientôt et pria Julia de le suivre. Il l'emmena alors dans le Salon où l'attendaient son hôte et son ami. Lorsque le domestique les laissa après une courbette, Julia se sentit abandonnée et, tremblante, elle fit une brève révérence la tête baissée et les joues empourprées, sans prononcer mot. Elle s'attendait à quelques sermons et à être de nouveau congédiée, mais de la maison cette fois-ci, avec une menace mauvaise si elle parlait à quiconque du passage dans la bibliothèque. Elle avait envie de partir et donc d'être mise à la porte ne la gênait pas mais c'était la colère de Gaspard qui l'effrayait: elle ne voulait pas le revoir mécontent d'elle, cela la brisait au plus profond d'elle-même, le décevoir lui en coûtait...

Une fois qu'ils furent dans le Salon, Gaspard s'assit sur un fauteuil et parla peu, trop préoccupé par ce qui allait se passer pendant leur entrevue avec la demoiselle Julia. Il hésitait encore à lui raconter la vérité et en même temps, il pouvait se permettre de ne dire qu'une partie de la vérité, ainsi la jeune femme serait peut-être assez en confiance pour ne rien dévoiler. C'était une solution envisageable, mais tout dépendait de leur entrevue. L'aristocrate ne voulait pas non plus la terroriser, car c'était la meilleure manière de la faire perdre ses moyens, de plus ce n'était pas dans ses habitudes de martyriser une Dame, même s'il avait quelque grief contre elle. La présence d'Alexender n'arrangerait peut-être pas les choses, car elle serait certainement intimidée, mais Gaspard ne voulait pas le mettre de le côté, d'ailleurs il lui serait utile, il en était sur. Enfin pour le moment, il avait plutôt l'air d'un cadavre, pensa le lycanthrope en lui jetant un oeil.
L'aristocrate pensif, s'enfonça dans son siège et se passa la main sur le menton, où poussait quelques poils. Il n'avait même pas prit le temps de se passer un peu d'eau sur le visage, encore moins le temps de se raser, ni de se changer.
On frappa à la porte, André apparût, puis Julia. L'aristocrate se leva, comme il le devait. Il sentit son coeur s'accélérer. Avait-elle vraiment trouvé qui il était? Cela l'effrayait grandement. Il s'éclaircit la gorge.

- Approchez, dit-il d'une voix neutre, une fois qu'elle fut à quelques mètres d'eux, il tendit la main vers son ami. Voici Alexender Von Ravellow, un ami de longue date, que je n'ai pu vous présenter correctement hier soir.

Gaspard aurait aimé retourner une nuit en arrière, pour tout recommencer et éviter cette scène. Mais cela était impossible, il le savait. Il proposa un siège à la jeune femme et reprit place sur son fauteuil.

- Comme vous avez pu vous en apercevoir, il est venu blessé, parce qu'il est un chasseur de Vampires. Cet homme est un Hunter. Il traque les races de la nuit, mais Alexender ne s'occupe que des suceurs de sang, pas des Loups-garous,... ni des Lycanthropes.

A ce mot, l'aristocrate posa son regard dans les yeux de Julia, pour deviner si elle avait comprit. Mais il ne savait s'il pouvait trouver une réponse exacte. Il n'était pas devin, et encore moins doué pour sonder les regards d'autrui.

- Nombre de mes livres parlent de ces êtres, n'est-ce pas? Sans laisser à Julia le temps de répondre, il continua en faisant attention à rester neutre. Oui, je sais que vous en avez feuilleté quelques-uns,... Mais ce n'est pas le plus important. Puis-je savoir ce que vous faisiez à me suivre jusqu'à la bibliothèque? Et pour quelle raison vous y êtes resté pour y lire?

Il aurait bien ajouté "mes livres", mais il ne voulait pas paraître trop dur. Ce n'était pas là le but de la manœuvre, le lycanthrope voulait juste savoir s'il pouvait faire confiance à cette demoiselle et connaître l'étendue de ce qu'elle avait découvert. Souvent, entre deux paroles, Gaspard posait les yeux sur Alexender, comme pour se rassurer et savoir s'il n'oubliait pas quelque chose.

Julia frémit lorsque Gaspard s'adressa à elle: sa voix était si douce et pourtant si grave, si neutre...Elle leva la tête, croisa brièvement le regard du Hunter lorsqu'il fut présenté et, gênée, elle regarda ses mains qui se tenaient l'une l'autre devant ses jupons. Oui elle avait compris qui il était mais lorsque Gaspard lui parla de ce qu'il chassait, il posa sur elle un regard si insistant qu'elle leva ses yeux bleus dans ceux de l'aristocrate.
Elle saisit avec effroi ce que signifiaient ces mots: Gaspard savait qu'elle avait lu cette nuit des ouvrages sur ces créatures, il savait qu'elle avait encore fouillé dans ses affaires et, qu'au lieu de regagner sa chambre comme il lui avait demandé lorsqu'il l'avait surprise derrière lui au moment où il avait ouvert le passage secret, elle était était restée dans la bibliothèque pour lire.
Les questions qui suivirent confirmèrent ce qu'elle pensait: il savait...
Ses yeux se remplirent de larmes et, malgré cela, elle trouva enfin le courage de répondre au bout d'un long moment silencieux.

- Je...Je suis désolée monsieur Sorel...dit-elle d'une voix tremblante.

Elle chercha à se calmer en promenant ses yeux sur les meubles de la pièce et en évitant le regard de l'aristocrate et celui de son compagnon mais un sanglot lui monta dans la gorge: il valait mieux qu'elle dise la vérité, elle savait que c'était ce qui était préférable en général. Même si elle allait certainement être soumise à des questions gênantes, elle se décida à dire la vérité:

- Je...Je me suis réveillée et j'ai voulu quitter votre maison...C'est à ce moment là que je vous ai vu aller à la cuisine et retourner vers la bibliothèque. Vous aviez l'air pressé, j'étais curieuse...Ho Monsieur Sorel excusez-moi je vous en prie...Je suis une étourdie...Je n'aurais jamais dû quitter ma chambre, je n'aurais pas dû vous suivre et découvrir ce passage...Ho je vous jure que je ne dirais rien à personne je vous en prie...Je...lorsque vous m'avez laissée dans la bibliothèque, je n'ai pas pu m'empêcher de lire quelques uns de vos livres...Je ne les ai pas abîmés je vous le jure...Je ne faisais que les lire...J'aime beaucoup les légendes et les...êtres de la nuit m'intriguent: je voulais en apprendre un peu plus sur eux...

Julia tremblait encore plus qu'à son arrivée dans la pièce et sa voix chevrotait: elle était prise de sanglots, elle se sentait observée, elle se sentait jugée comme une petite fille qui avait franchit l'interdit et à qui l'on préparait une sentence. Elle avait peur...Peur de la colère de Gaspard, peur de son ami qui portait toujours son sabre, peur de ce qu'elle avait entendu: elle ne les connaissait pas, elle était sans défense et n'importe quoi pouvait lui arriver maintenant. Jamais elle ne pourrait avoir la force de leur échapper s'il se jetaient sur elle, jamais, même en cette période où ses sens se surdéveloppaient et sa force augmentait, jamais elle ne pourrait leur faire face s'ils venaient à être violents avec sa personne. Elle commençait à s'imaginer les pires choses et ses yeux cherchaient maintenant un échappatoire au cas où elle aurait à fuir. Chaque objet pourrait lui servir, chaque meuble, chaque fenêtre...Julia commençait sérieusement à s'affoler intérieurement et cela se traduisait dans ses yeux humides...

Un long silence suivit les questions de l'aristocrate, qui sentit la pesanteur de l'attente alourdir ses épaules. Il se demandait s'il y était bien prit et en même temps, ça se passait encore bien pour le moment. Mais, il se sentait toujours partagé en deux. Et si Julia s'était retrouvé la par hasard? Non, elle avait délibérément lu des livres dans sa bibliothèque, mais était-ce la un crime assez grave pour lui faire subir un pareil interrogatoire? Peut-être, enfin grâce à lui, ils pourraient être fixés. Gaspard, l'esprit encombré par ses réflexions, se sentait seul dans la pièce, si bien que quand la demoiselle prit la parole d'une vois chevrotante, il la regarda un peu perdu. Etrangement, il sentit son coeur se serrer, quand il regarda la regarda, elle semblait si embarrassée et pâle qu'il du se retenir de la réconforter, comme l'aurait fait un homme de classe. Après un nouveau silence, Julia reprit la parole dans un sanglot, là le Lycanthrope détourna le regard gêné et attristé de sa façon d'agir. C'était impardonnable de traiter une femme de cette manière, et pourtant il continuait, car c'était pour le bien de sa race. Pensée fort égoïste. Il se promit intérieurement, qu'une fois cette scène terminée, il ferait tout pour se racheter, même si la demoiselle était coupable et avait tout apprit sur lui.
Gaspard cessa de réfléchir et écouta avec une grande attention la jeune femme, mettant de côté ses sentiments et tentant de paraître objectif. Elle semblait bouleversée, désolée et désireuse de se faire pardonner. Son récit semblait véridique, et puis, comment remettre en cause une personne qui sanglotait devant vous? L'aristocrate ne savait plus comment réagir, elle avait voulu quitter sa maison, alors qu'elle se serait retrouvé face à un danger plus grand: les Vampires. Pourquoi vouloir affronter la nuit, alors qu'elle était en sécurité ici? Elle se sentait peut-être mal en sa compagnie, ou pour une raison inconnue, elle devait les quitter. Et après s'être fait congédier aussi froidement par Gaspard, comment avait elle pu trouver le courage de lire, à deux pas de lui? Elle devait vraiment vouloir apprendre des choses sur les Lycanthropes, mais que pouvait-elle chercher? De simples informations, ou de quoi les combattre ou les chercher?
L'aristocrate avait la gorge sèche, il déglutit puis prit la parole.

- Aviez-vous peur de quelque chose pour vouloir quitter ma maison en pleine nuit? Je ne veux pas être indiscret, mais seulement comprendre. Vous m'avez suivit par curiosité et avez découvert une chose, dont jamais vous n'auriez du connaitre l'existence, c'est proprement humain. Cependant, la chose est faite, je demande juste des explications. Et puis, sachez que je ne vous blâme pas d'avoir lu,... Le ton de Gaspard ce fit un instant plus amical. Quand il y a des livres, je ne peux m'empêcher de les feuilleter. Se rendant compte de son "erreur", il tenta de reprendre une voix neutre. Que pensez vous qu'il se cache derrière les murs de ma bibliothèque?

Le Lycan se leva et dirigea ses pas vers un meuble, derrière le siège de Julia. Il y avait une cruche d'eau, il prit un verre et le remplit de moitié, ensuite il retourna près de la jeune femme et lui tendit.

- Buvez, vous irez mieux après.

Il espérait que l'eau lui ferait du bien, et qu'en même temps, son geste apaise quelques peu l'état de Julia. L'apeurer ne servirait à rien. Gaspard reprit place dans son siège et reprit la parole.

- Comme je vous l'ai dit le mal est fait, je n'attends de vous que votre silence sur ce qu'il c'est passé cette nuit me convient parfaitement. Séchez vos larmes, je n'aime pas vous voir ainsi.

L'aristocrate n'en pouvant plus d'afficher autant de réserve, avait brisé la glace et s'adressait à la demoiselle comme la veille, avec moins de distance.

Julia était réellement intimidée par la situation et lorsque Gaspard radoucit sa voix et lui tendit un verre d'eau pour la rassurer, elle se crispa quelque peu avant de prendre le verre en main.
Elle s'essuya les yeux plusieurs fois mais ses larmes ne cessaient de revenir. Qu'allait-elle pouvoir répondre à l'aristocrate ? Qu'elle avait tenté de quitter la maison parce qu'elle était à un jour de la pleine lune et qu'elle savait que ses instincts commençaient à revenir? Qu'elle ne pouvait dormir tranquillement et qu'elle recherchait l'air frai à cause de sa véritable nature et de l'approche de sa transformation ? La pauvre bourgeoise se sentait coincée...Quel mensonge pourrait-elle bien pouvoir inventer pour s'en sortir?

La jeune femme porta à sa bouche le verre mais ses tremblements c'étaient faits tels qu'elle ne parvint qu'à boire une infime gorgée d'eau. Gênée, accablée de chagrin et de honte, Julia hoqueta et posa le verre à terre par précaution avant qu'un mauvais geste ne le renverse.
En se redressant, elle croisa les yeux de Gaspard qui lui parlait avec plus de douceur et sentit alors monter en elle une pointe de colère. Comment pouvait-il la tenir là, sous son regard et celui de son ami alors qu'elle était visiblement à bout ? Comment osait-il lui infliger plus de culpabilité et de honte qu'elle n'en pouvait supporter ? Il voulait des explications, cela était légitime, mais elle n'avait rien volé, rien brisé...Elle avait juste découvert un stupide passage dans la bibliothèque ! Ho qu'elle maudissait sa curiosité! Qu'elle haïssait cet interrogatoire...ces murs...ces hommes...

Ses joues encore très humides se colorèrent cette fois par colère et sa nervosité atteignit un point qu'elle n'aurait jamais atteint si la pleine lune n'était pas pour ce soir.

- Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? dit-elle d'une voix tremblante. Que je vous ai volé quelque chose ? Que je vais crier dans tous les salons que Monsieur Sorel a un passage dans sa bibliothèque ?! Que vous y éleviez des rats ou que vous y entreposiez les cadavres de ses chasses nocturnes m'est égal ! dit-elle en désignant le dénommé Alexender d'un coup de tête. Je me fiche des choses que vous cachez derrière vos livres tout comme je me fiche de vos fausses gentillesses !

Prenant soudainement conscience de ses paroles et de son ton, Julia se leva en plaquant une main sur sa bouche. Sans pouvoir contrôler ses gestes, elle renversa le verre au sol et recula pour s'agripper au dossier de sa chaise d'une main.

- Ho ! Non...Je ne voulais pas dire cela...gémit-elle. Ex...excusez-moi...Ho pitié...Laissez-moi m'en aller...Ho s'il vous plait...

Julia glissa le long du siège et enfoui son visage dans ses mains. Recroquevillée sur elle-même on aurait dit une folle ou un esclave terrifié qui tente de se cacher et de se protéger des coups de son maître.

- S'il vous plait...

Un long moment suivit les dernières paroles de l’aristocrate, sans que personne n’émette le moindre son, Gaspard eût donc tout le temps de penser à de nouvelles questions qu’il aimerait poser. Le silence de la jeune femme lui convenait, il avait comprit qu’elle était à bout, et qu’elle n’avait rien fait pour lui nuire, elle n’était coupable que de curiosité. Mais une dernière interrogation subsistait : qu’avait-elle découvert. La réponse fût donnée peu de temps après.

Julia reprit soudainement des couleurs et parla. Dans sa voix bien que tremblante, résonnait de la colère, ce qui ne surprit pas l’aristocrate. D’après ce qu’elle dit, le Lycan conclut qu’elle n’avait rien découvert de sa nature, son énervement soudain transportait les vérités et la hargne qu’elle avait cachée jusqu’alors et rien de trop fatal ne sortit de sa bouche. Le fait de l’avoir ainsi fait mijoter, avait produit une réaction agressive, incontrôlable, où Julia avait craché ce qu’elle voulait taire. Deux ou trois rumeurs insignifiantes. Gaspard se rassura, mais les derniers mots de Julia l’affligèrent, bien qu’il n’en montra rien. Il n’avait pas bougé, était resté de marbre, ses yeux eux même s’étaient posés sur le sol, comme perdus dans le vague. Il aurait pu se lever, s’énerver et même corriger la jeune femme pour son impertinence, mais ce n’était ni son genre, ni le moment.
Il n’avait que ce qu’il avait mérité: méprit et colère pour l’avoir ainsi traité. Pourtant, la soirée avait si bien commencé ! Et sa fin résonnait sombre et aussi grave que la dernière note d’un piano. Gaspard ne s’en faisait pas pour sa réputation, il s’en fichait royalement, il était seulement triste, car il aurait pensé que sa relation avec Julia se serait affermie, qu’ils auraient pu se voir dans des Salons pour parler de choses et d’autre, d’art et de musique. Il serait peut-être allé la voir dans sa boutique. Mais ce n’était plus que volutes de fumées, un avenir incertain, non: impossible.

Julia c’était levé, excusée pour ce qu’elle avait dit, recroquevillée sur elle-même, derrière le fauteuil et c’était tout. Après quelques secondes, l’aristocrate réagit enfin. Son regard était morne quand il jeta un œil à Alexender, puis à la jeune femme cachée derrière le siège. Il se sentait mal et étouffé dans son rôle d’interrogateur sans pitié. Il aurait voulu se jeter aux pieds de Julia, lui caresser les cheveux, la réconforter, s’excuser, lui dire qu’il avait été obligé de lui faire subir toute cette mascarade, pour savoir si elle ne savait pas. Gaspard aurait voulu être lui-même, mais c’était impossible, il ne pouvait être lui qu’en étant seul. Il soupira et ne prit même pas la peine de se lever. Que dire ? Une modeste excuse ne changerait rien à la situation, cependant, c’est avec une certaine douceur qu’il parla :

- Quittez cette maison comme bon vous semblera, le jour est venu et les Vampires sont dans leurs cercueils, ils ne peuvent plus rien contre vous.

Il se leva et fit tout pour ne pas regarder la jeune femme.

- Je n’aurais pas voulu que cela se passe ainsi, sa voix semblait étouffée.

Gaspard n’en pouvait plus, il fallait qu’il prenne l’air, qu’il sorte d’ici. Il aurait tout donné pour être à des lieues de sa maison, sous la forme de son entité loup à gambader dans la nature. Libre de touts cette vie qui lui pesait.
Maintenant qu’il avait apprit que Julia ne savait rien, il s’en voulait d’avoir agit ainsi, avec autant d’égoïsme, tant de froideur. Mais avait il vraiment eût le choix ? Oui, il aurait pu laisser la jeune femme penser ce qui lui plaisait et qi elle n’était jamais revenue, si elle avait tout raconté à quelqu’un,… Personne ne l’aurait cru. Ils l’auraient prit pour une folle, elle n’aurait pas pu en parler. Gaspard sentit un poids alourdir son estomac : il n’aurait jamais du agir ainsi, c’était la peur qui l’avait poussé et voila ce qu’il en résultait. Il se sentit tellement idiot ! Ses poings se serrèrent et ses ongles s’enfoncèrent dans sa peau. L’aristocrate marcha rapidement jusqu’à la porte du Salon et appela André, qui arriva sans plus attendre. Il lui murmura quelques explications et le somma d’obéir à Mademoiselle Thanas.

Il se dirigea ensuite vers l’escalier, mais il s’arrêta. Alexender avait raison, il comptait trop sur son antre secrète, il en oubliait presque la vie. Il revint sur ses pas et passa dans le petit Salon, sans en fermer la porte. Il marcha jusqu’à la fenêtre et posa son front contre les carreaux. Il ferma les paupières. Il était fatigué.

Alexender fut surpris par l'énervement soudain de la jeune femme. Elle cracha des paroles furieuses à Gaspard et rejeta sa gentillesse avec tant de haine que le Hunter se redressa sur son siège prêt à intervenir si elle levait la main sur son ami ou si l'inverse venait à se percevoir. La tension était montée d'un cran de manière rude et Julia leur apparue si brusque et soudainement si effrontée qu'Alexender tiqua d'incompréhension. Les derniers mots de la jeune femme frappèrent le Hunter: nul doute que ces paroles allaient affecter Gaspard.
Soudain, Julia sembla se rendre compte de son comportement déplacé et excessif mais sa réaction ne fut pas de simples excuses: elle s'effondra, tremblante et épleurée.

Le Hunter se leva alors ne sachant que faire ni que dire. Son ami, tout aussi choqué, mit fin à la discussion et quitta le Salon. Alexender eu un mouvement pour l'arrêter mais il arrêta son geste: il ne ferait qu'accentuer la peine ou la colère du lycanthrope avec ses paroles.

Au bout d'un moment d'hésitation, Alexender s'approcha de Julia et s'accroupit devant elle. Il cherchait ses mots: jamais une telle situation ne s'était présentée à lui...Il savait parler avec les femmes mais les réprimander n'était pas dans ses habitudes tout comme il ne savait pas les consoler pour des choses importantes. Avec maladresse, il tenta de l'aider:

- Allons Mademoiselle...Relevez-vous...André va vous raccompagner...

Le Hunter savait que la bienséance n'autorisait pas ce geste mais avec fermeté il attrapa la jeune bourgeoise par les épaules et la releva. Surpris par ses tremblements, il laissa une de ses mains sur ses épaules au cas où elle défaillirait et chercha son regard en lui tendant un mouchoir à dentelles.

- Séchez vos larmes, Gaspard et moi-même ne vous voulons aucun mal. Oubliez ce passage, il est utile à mes soins mais ne constitue pour vous qu'un détail de cette maison.

Alexender lâcha Julia et s'éloigna dans la pièce. Il jeta un regard à André sur le seuil de la porte montrant clairement qu'il ne maîtrisait pas la situation et qu'il était conscient qu'il tronquait la vérité.

- Nul ne doit savoir que je suis soigné ici car si les Vampires l'apprenaient, ils envahiraient aussitôt la maison de notre ami. Ne lui en voulez pas...Ses questions ne se voulaient pas oppressantes mais pour sa sécurité et la mienne, nous avons besoin de votre silence.

L'aristocrate plongea ses yeux bruns dans ceux de la bourgeoise et lui sourit.

- Gaspard n'élève pas des rats et puis sachez que même si je le voulais, je ne pourrais pas garder le cadavre d'un Vampire...

Avec un petit rire destiné à détendre l'ambiance, il tapota la poignée de son sabre.

- L'argent les réduit en cendre...

Pendant qu'il tentait de calmer Julia et de la rassurer, Alenxender priait pour que Gaspard ne se soit pas jeté d'une fenêtre ou enfermé dans son bureau. Même s'il connaissait assez bien son ami, les réactions du lycanthrope pouvaient être aussi surprenantes que folles... D'un côté Julia et lui avait cela en commun: ils étaient imprévisibles et avaient des attitudes parfois similaires à celles des animaux, du moins, c'était l'image qu'il avait de son ami sachant sa race et l'image que venait de lui évoquer Julia en moins d'un quart d'heure...

Les derniers mots de Gaspard glacèrent le sang de Julia toujours effondrée au sol. Elle non plus n'aurait jamais voulu que cela se passe ainsi, elle regrettait tellement ses actes et ses paroles ! Le regard de l'aristocrate et son ton lorsqu'elle avait découvert le passage la hantait. Elle aurait tellement aimé que tout ceci ne soit jamais arrivé et qu'ils soient toujours à table, tranquillement installés l'un en face de l'autre à s'échanger des idées et discuter tout simplement...Elle aurait tant voulu être partit avant qu'Alexender n'arrive !
La jeune bourgeoise entendit les pas de Gaspard sur le sol s'éloigner: il quittait la pièce, s'en allait et la laissait seule, avec André et son ami ! Elle avait tellement dû le décevoir, elle devait lui paraître si pitoyable que sa vue l'insupportait ! A cette idée les sanglots de Julia se firent plus terrible et si sa colère était passée, elle laissait place au plus grand désespoir.

La voix grave du Hunter et le contact physique qui suivit crispa Julia prête à se défendre contre quelqu'un de qui elle ne devait pourtant pas avoir peur. Remise debout, elle chancela un instant et les paroles de l'aristocrate glissèrent sur elle comme si elle était faite de verre et les mots d'eau. Elle releva la tête et en hoquetant toujours, elle accepta le mouchoir qu'il lui tendait. Il fallait qu'elle se calme. Les deux hommes ne lui voulaient aucun mal, du moins c'est ce qu'ils avançaient...
Le dénommé Alexender tenta de la rassurer et de lui expliquer que le passage leur servait de lieux de médecine, que si Gaspard l'avait ainsi questionnée, c'était pour leur garantir une sécurité dont ils avaient besoin et pour être certains que les êtres de la nuit n'apprendraient rien sur son existence.
Julia se sentait si honteuse de son comportement et pourtant...la colère remonta une nouvelle fois en elle...Elle aurait bien giflé cet homme et ce serait bien enfuie en courant...
L'homme lui paru alors si détendu que son excès de colère reflua en elle et qu'un vague sourire fendit son visage si triste. Oui, elle se doutait bien que Gaspard n'élevait pas des rats et elle savait que les Vampires craignaient l'argent et que cela les réduisait en cendre...

- Je ne savais pas que votre sabre était en argent...fit-elle d'une petite voix enrouée, les yeux posés sur la poignée que tenait la main de l'homme.

Elle leva son regard et croisa celui d'Alexender. A sa façon, il était aussi impressionnant que Gaspard et elle détourna bien vite ses yeux vers ceux d'André qui attendait patiemment des ordres.

- Je...André, mon manteau est sur mon lit...

Le domestique acquiesça d'un signe de tête et parti chercher le vêtement blanc à bordure en fourrure.

- Monsieur Ravellow..., fit-elle en reportant son attention sur Alexender. J'aimerais...Je...Je suis tellement confuse...Dites..Dites à Gas...heu Monsieur Sorel que je...

André revint et Julia n'eut pas le courage de finir sa phrase, ses yeux en avait déjà dit assez long sur ce qu'elle voulait faire passer à Gaspard. Elle enfila son manteau et suivit André jusqu'à la porte. Avant de monter dans le fiacre, elle s'inclina légèrement devant Alexender les yeux remplis de larmes et ordonna à André de l'emmener à Trafalgar Square. Avant de fermer les rideau, elle jeta un dernier regard au Hunter...elle aurait certainement aimé parler avec cet homme si les circonstances avaient été différentes...

C'est donc plein de regret que Julia quitta la maison des Sorel.

[HRP/ suite à Trafalgar square, Maison de Julia Thanas, post "Une nuit infernale"/ HRP]

Alexender regarda s'éloigner le fiacre et croisa une dernière fois le regard triste de Julia. Il avait parfaitement compris ce qu'elle n'avait pas réussi à lui exprimer entièrement dans le Salon car, si elle était étrangement nerveuse et surprenante dans son caractère, c'était une femme et ses yeux exprimaient ce que les mots ne pouvaient pas. Ainsi Gaspard avait-il fait tourner le joli coeur de la demoiselle...Une petite pointe de jalousie piqua Alexender: au lieu de se lamenter et de rester enfermé dans son bureau, le Lycanthrope pourrait se faire une vie un peu plus heureuse...Il en avait l'occasion ! Mais le Hunter savait que l'âge de Gaspard et son projet ne pouvaient accepter une vie en couple...Au fond, il le plaignait bien plus qu'il ne le jugeait...

Avec un soupire, Alexender rentra et se mit en quête de son ami. Sa blessure le lançait atrocement depuis un quart d'heure mais il tentait de l'ignorer autant que sa fatigue. La première idée qui lui vint était bien sûr que le Lycanthrope se serait réfugié dans son bureau ou dans sa chambre. Pourtant, étrangement, il le trouva dans le Petit Salon. Le Hunter hésita: Gaspard, la tête contre une fenêtre, semblait à bout. Il ignorait si sa compagnie serait repoussée ou si au contraire elle serait la bienvenue...
Finalement, Alexender ne pu se résoudre à laisser Gaspard à ses pensées: il préférait encore risquer une dispute plutôt qu'attendre que l'aristocrate ne daigne bien sortir de son état mélancolique tout seul avec quelques pensées malades et dangereuses. Mais peut-être qu'il était un peu trop paranoïaque sur les bords...Peut-être que Gaspard était tout simplement soulagé de voir Julia partir et qu'il se tournerait vers lui avec un grand sourire...Quoique cela lui paraissait un peu utopique...

- La voilà partit, son silence presque juré, Gaspard...

Il avança sans chercher à alléger ses pas sur le plancher et se plaça à moins d'un mètre derrière son ami. Après un soupire destiné à occuper son manque de paroles, il approcha encore de Gaspard et posa une main qui se voulait amicale et compréhensive sur son épaule.

- Allons, oublis-la elle ne nous causera plus de soucis.

Le Hunter sera fortement l'épaule de Gaspard et lui murmura plus près de son oreille:

- Elle est maladroite mais ne voulait pas dire cela...Elle est bien consciente de ta bienveillance et voudrait certainement mille fois s'excuser mais elle craint ton regard...Après tout c'est normal ! s'exclama-t-il en tournant Gaspard sur lui-même pour voir son visage, T'as de beaux yeux !

Avec un sourire involontairement crispé par la douleur de sa blessure, Alexender continua:

- Allez, qu'as-tu prévu de faire aujourd'hui à part te morfondre ?

Gaspard restait immobile à penser à sa bêtise, pourquoi avait-il réagit ainsi? Il aurait peut-être du garder son sang froid et ramener, comme Alexender l’avait fait, Julia jusqu’au fiacre. Il avait manqué de politesse, mais aurait-il au moins pu rester en place à la regarder partir? Non certainement pas, il avait bien fait de venir ici, au moins il y était seul et pouvait se faire tous les reproches du mondes, qui d’ailleurs ne changeraient rien à ce qui s’était passé. Avec un peu de chance, ce soir il pourrait prendre sa forme animale et gambader loin d’ici, loin de cette maudite ville. La où personne ne lui ferait la conversation, ne le blâmerait de sa nature, n’épierait ses gestes,… Ah! Comme il se sentait mal! Le sommeil l’appelait et pourtant, il n’avait aucune envie de s’endormir. Ce qu’il aurait aimé, appart être ailleurs, ça aurait été d’être assit à parler avec son ami de leurs vies. Mais, pour cela, il aurait fallut que Alexender ne soit pas aussi mal en point. L’aristocrate se palpa le flanc, sa blessure avait disparue, mais celle du hunter restait encore vive et drainait son énergie. Gaspard devrait surement le faire aller dormir, lui qui détestait perdre son temps à se reposer.
Le lycanthrope entendit le fiacre s’éloigner et peu de temps après, Alexender pénétra dans le Petit Salon. Gaspard ne se retourna pas, mais entrouvrit les yeux. Il fallait qu’il se reprenne et qu’il cesse de faire l’homme blessé, ce n’était pas son genre, il n’allait pas se ruiner la santé pour une femme. Mais quelle femme! Pourquoi donc s’entendait-il plus avec cette bourgeoise, qu’avec des femmes de son rang? De toute façon il ne s’était jamais bien débrouillé avec le sexe féminin, il n’y avait jamais prêté de réelle attention depuis qu’il avait passé la trentaine, alors pourquoi maintenant? Mademoiselle Thanas était simplement belle, jeune, attirante, elle avait des doigts magnifiques, mais ce n’était rien comparé au fait qu’elle reconnaissait l’existence des êtres de la nuit, elle en avait même rencontré et s’en était sortie. Ce n’était pas une femme comme les autres. C’était certainement pour ça qu’il l’aimait bien, juste parce qu’elle avait ce point commun avec lui, pour rien d’autre. Rien. Il ne voulait reconnaître son penchant pour la jolie demoiselle, il inventait donc toute sorte d’excuse pour ce dire que tout tait impossible. Trop vieux, trop buté, trop lycanthrope… Etait-ce vraiment insurmontable. Pour lui, ça l’était.
Alexender parla et Gaspard se contenta d’un très léger haussement d’épaule. Oui elle était partie et avec elle un secret trop gros pour elle. L’aristocrate avait peur qu’elle ne parle, mais au moins, elle n’avait pas découvert qui il était.
Le lycanthrope apprécia la main amicale qu’avait posée Alexender sur son épaule, elle le réconforta, ses paroles par contre lui firent serrer les dents. Comment l’oublier? Mais il avait raison, c’était le meilleur remède à son mal. Il y travaillerait. Il parviendrait à oublier ces yeux et même cette blessure qu’il avait reçue pour elle. Il effacerait ses souvenirs et reprendrait sa vie d’entant. Gaspard sentit alors le souffle de son ami près de son oreille. Et toutes les résolutions qu’il avait pise à l’instant même s’envolèrent. L’aristocrate se laissa détourner de la fenêtre et sourit faiblement.

- Les tiens ne sont pas mal non plus,… Dit il en fixant les yeux d’Alexender. Mais ils demandent le repos et non de papoter sagement avec moi. Après une pause il continua : Je compte bien aller te mettre au lit, avec des claques s’il le faut, après cela, j’irais moi-même me reposer et je ne te ferais pas le plaisir de me morfondre.

Il soupira. Oui, finalement il irait se coucher, après un peu de sommeil, ses pensées seront plus claires. Il se dirigea avec Alexender vers l’escalier.

- Tu crois que je la reverrais ?

Cette question lui avait brûlé les lèvres et il n’avait pas pu la retenir. Cependant, il aurait bien voulu la garder pour lui seul. Il se sentait dans la peau d’un adolescent qui pense à sa Juliette. C’était idiot.

- Oublis ce que je viens de dire…

Alexender se renfrognât lorsque Gaspard lui parla de dormir: il fallait encore s'abandonner à cette perte de temps ! Ce n'était pas en se prélassant dans les draps agréables de son ami qu'il allait faire avancer ses missions, ses papiers administratifs, ses lectures, ses pas de danse ou encore ses discours de philosophie ! Ce n'était pas en se reposant qu'il allait faire annoncer et préparer son prochain bal et ce n'était pas non plus de cette manière que ses projets de fontaine allaient s'achever ! Mille fois il aurait préféré que le Lycanthrope lui demande d'aller faire un tour dans son jardin ou qu'il lui confit quelques tâches à faire au niveau des paperasses de son domaine !
Mais il fallait qu'il se rende à l'évidence: ils étaient tous les deux fatigués à l'extrême et la douleur lancinante de sa blessure lui rappelait assez que dormir était la meilleur des choses pour quelqu'un dans son état physique. Ha qu'il abhorrait cet état de faiblesse !

- Que ne donnerais-je pas pour avoir entre les mains une fois de plus cet énergumène...grogna-t-il d'un air maussade. Le tuer une seconde fois me soulagerait certainement !

Il parlait du Vampire, qu'il avait tué avec difficultés la veille, dont un de ces acolytes humains avait soigneusement traversé de par en par son bien-aimée épaule gauche et l'avait ainsi plongé dans ce lamentable tourbillon de pensées austères et de souffrances véritables. Plus il chassait les créatures de la nuit et plus il les haïssait. C'était clair: Alexender ne vivait en bon aristocrate le jour que pour mieux les chasser en terrible assassin la nuit.

- Humph ! Je suppose que tu as raison...finit-il par accepter avec un soupir. Dormons nous seront sûrement mieux disposés en fin d'après-midi ou ce soir pour discuter tranquillement autour d'un repas.

Avec un sourire résigné, il donna une tape sur l'épaule de son ami et l'accompagna tandis qu'il allait vers l'escalier qui menait à l'étage. Les dents serrées discrètement par une indicible douleur et le corps tendue, Alexender commença à monter les marches magnifiques lorsqu'il s'arrêta dans un rire véritable: la question soudaine de Gaspard ne faisait que confirmer ses idées quelques peu déplacées qu'il avait depuis l'interrogatoire, (ainsi nommait-il maintenant l'entrevue désastreuse avec la jeune Julia). Il allait répondre lorsque son ami lui dit d'oublier. Le Hunter attrapa la manche de son ami et lui dit d'un ton jovial:

- Que j'oublie quoi ? Que mon plus proche ami se tourmente pour la plus jolie bourgeoise que j'ai eu l'occasion de voir jusqu'ici ? Certainement pas ! Hahaha ! Bien sûr que tu la reverra ! Allons tu le sais bien ! Même si elle garde quelques griefs contre toi, tu pourra toujours la retrouver dans un salon, l'inviter ou lui rendre une visite imprévue si tu connais son lieu de résidence!

Décidément Gaspard se faisait du soucis pour peu de chose...Les femmes avaient bien des côtés incompréhensibles mais pour ce qui était des relations mondaines, Alexender les connaissait parfaitement. Une idée qui germait dans son esprit depuis un moment lui revint subitement en tête...Il se mordit la lèvre inférieur avec un sourire et un regard enjoué: oui, il savait que faire pour aider son ami sur ce plan là...D'ailleurs il commençait à être un peu jaloux du Lycanthrope...Certes leur rencontre c'était faite sur un duel malheureux et c'était terminée sur des cris et des pleurs mais au moins lui avait rencontré quelqu'un...
Avec un soupir nostalgique, le jeune aristocrate (dont le catana balançait avec un cliquetis régulier le long de son flanc), fini par atteindre le pallier supérieur. Il lança un regard amusé à Gaspard et lui fit un signe quelque peu martial pour le saluer.

- Aller dors tranquille gentil Roméo...Ta Juliette te reviendra comme le vent s'en va et nous caresse les cheveux au moment où on ne l'attend pas...

Laissant Gaspard à ses pensées, le Hunter pénétra dans la chambre d'ami qu'il prenait toujours lors de ses visites. Il appréciait le calme sain qui y régnait et admirait particulièrement un grand miroir dans lequel il pouvait se voir depuis les pieds jusqu'à la tête.
Après avoir posé rapidement contre un fauteuil son catana et enroulé la chaine et la lanière de cuir autour d'une pointe du dossier, il enleva la chemise balnche de Gaspard et grogna: heureusement qu'il s'était tenu de manière à ne pas l'avoir collée contre lui sinon elle aurait été souillée à un point qu'elle se serait trouvée irrécupérable même pour André !
Sa blessure s'était remise à saigner abondamment et à travers les bandages de son ami, le sang commençait à filtrer dangereusement. Le visage blême, il retira ses bottes et ses gants de cuir noirs, se lava le visage et les mains dans une petite bassine, ôta son pantalon et termina son petit rituel en risquant un coup d'oeil au miroir. Il avait vraiment une sacrée plaie et ses bandages ne tiendraient plus longtemps, non pas que Gaspard était mauvais médecin mais bien parce que le sang détendait les bandes de coton et desserrait le tout.
Bon gré mal gré, il s'assit sur le fauteuil et entreprit, avec une serviette qui était destinée aux invités, d'éponger son épaule et de presser la blessure. Il resta ainsi un long moment et faillit tourner de l'oeil plus d'une fois. Finalement, il s'affaissa et s'endormit la tête en arrière, la serviette sanglante sur les genoux et une main enroulée autour de son catana près de lui: ses dernières forces l'avaient quitté et c'est ainsi, à la seule lueur d'une bougie, qu'il commença à prendre un repos douloureux.

Gaspard s’était demandé si son ami allait accepter de dormir, mais finalement il acquiesça, certes à regret, mais c’était le principal. Ses blessures ne se refermeraient pas s’il restait éveillé à bouger, d’ailleurs elles n’étant même pas recousues, il faudrait qu’un médecin s’en charge rapidement pour que la plaie soit propre. L’aristocrate se demandait comment on pouvait autant détester le sommeil et tous ces petits moments à ne rien faire, juste à laisser son esprit divaguer à sa guise, sans l’entraver. C’était une chose fort reposante, que le hunter ne s’accordait que rarement et avec des remords. C’était peut-être parce que lui, en tant que lycanthrope centenaire, il ne voyait pas l’intérêt de s’activer autant à une tâche, étant donné qu’il avait le temps. D’une certaine manière, même dans sa jeunesse, il agissait ainsi et restait bien souvent amorphe, sauf quand il s’agissait d’apprendre de nouvelles choses sur l’alchimie, ou la médecine, ou encore les arts… Oui, en effet, c’était le temps qui l’avait rendu comme ça. Gaspard pinça les lèvres, puis se dit que ce n’était pas plus mal, il ne s’imaginait pas en ce moment en train de vivre à la cadence d’Alexender et puis, il n’avait pas de but. Il n’en avait plus. Il faudrait peut-être qu’un jour, il s’en donne un pour réapprécier pleinement la vie.
Comme il avait changé pendant toutes ces années ! Jamais il ne s’en était autant aperçut qu’aujourd’hui, lui qui croyait être resté immuable, ne l’avait été que de son corps, son esprit lui avait lentement mué, il avait muri, s’était transformé, et ce n’était pas encore terminé, tout cela ne faisait que commencer. Il restait à accepter cette nouvelle forme de lui-même et le tour serait joué. Vu ainsi, la chose paraissait facile, mais elle était loin de l’être, car étrangement cette nouvelle part de lui-même l’effrayait un peu. L’inconnu s’ouvrait à lui, encore plus improbable que précédemment. Il sourit intérieurement, après tout, il n’était pas seul, Œil de Lune et Galyllée étaient là pour l’aider.
Alexender l’attrapa par la manche, changeant soudainement de ton. Il avait certes raison, mais les choses ne seraient peut-être jamais plus comme avant, car il était certain qu’un mur de verre, incassable, se serait formé entre eux à cause de cette histoire de bibliothèque. Quelle sottise d’avoir agit ainsi. Mais au fond, il espérait que son ami ait raison, car la compagnie de la jolie bourgeoise l’enchantait, ça aussi il devrait l’accepter. Se serait dur, car il n’était pas le genre d’homme qui s’intéresse aux femmes, donc il ne savait pas vraiment leur parler, sauf dans la société, ce qui était différent des relations plus… intimes. Et puis il n’était sure de rien, il ne savait même pas quel genre d’affection il éprouvait pour elle. Peut-être un sentiment protecteur, rien de plus.

- Oui, si tu le dit. Répondit l’aristocrate, pas réellement convaincu.

Il se demanda soudain si Alexender n’appréciait pas autant que lui le joli minois de Julia, ce ne serait pas étonnant et même plutôt normal, en plus qu’ils étaient dans la même tranche d’âge. Gaspard vit soudain différemment son ami, il était en train de le pousser dans les bras d’une femme, qu’il visait peut-être lui-même et ce n’était que par pure galanterie qu’il lui remontait le moral ainsi. Le hunter cherchait depuis un certain temps chaussure à son pied, sans pourtant trouver la pantoufle qui lui siérait. Mais comment pourrait-il associer vie de couple et vie nocturne ? Se serait soit une relation de mensonge, soit qu’il lui dirait la vérité, auquel cas il se mettrait en danger et sa dulcinée avec. Sur ce point, les deux amis se ressemblaient, car ils avaient tous deux des secrets à garder précieusement, ce qui les empêchaient de vivre des histoires d’amour stables et de longue durée.
Gaspard ne se rappelait même plus la dernière fois qu’il avait touché une femme, pas depuis qu’il était à Londres, il en était certain. Sa dernière relation remontait à ses longues années passées au bord du Mississipi. Ca ne lui manquait pas, il trouvait que c’était bien trop de problèmes, pour bien peu de choses : plaisirs de la chair, et des sentiments forts et enivrants. C’était bon, mais pas assez pour l’empêcher d’apprécier sa liberté.
Le Lycanthrope était resté en bas de l’escalier, sur la première marche, la main posée sur la rampe ouvragée, quand son ami soupira. Il releva les yeux et ne put s’empêcher de sourire.

- J’espère bien que le vent sera plus une douce bise qu’un blizzard, mais l’avenir nous le dira.

Alexender partit dans sa chambre et Gaspard monta au premier étage, il passa devant la porte de son ami et la regarda un instant sans bouger. Il espérait qu’il se portait bien, car jusque là, la mine d’Alexender était pâle, maladive. On y lisait fatigue et souffrance retenue, même s’il s’était efforcé de ne rien laisser paraitre, il devait vraiment être mal en point.
Finalement, le Lycanthrope marcha jusqu’à sa propre chambre et referma la porte de chêne derrière lui, sans bruit. C’était une grande pièce, toute en longueur, propre et bien rangée. Trois fenêtres éclairaient la pièce, et deux d’entre elles donnaient sur la rue, des rideaux obstruaient la vue des passants, ainsi Gaspard pouvait regarder ce qu’il se passait dehors sans être vu. Au fond de la pièce trônait un lit deux places, avec au dessus un tableau représentant un paysage imaginaire. Ce n’était pas le seul, mais il était pour l’aristocrate le plus beau de tous ceux qu’il possédait à cet étage. Il y avait d’autres objets d’art, disséminées dans toute sa chambre, sur de vieux meubles authentiques et de grande beauté. Au sol, le parquet était parfaitement ciré, d’un bois rare. Obligatoirement, il y avait un meuble où des centaines de livres se superposaient, certains plus précieux que ceux qui étaient dans la grande bibliothèque.
Il était ici chez lui, en sécurité entre ses murs familiers, pour se reposer. Il tira un siège et commença à se dévêtir, il jeta un œil sur sa blessure, mais elle n’était plus visible, il ne restait qu’une petite égratignure. Il mit ensuite sa tenue de nuit et ouvrit son lit, les draps venaient d’être lavés et c’est avec un plaisir certains qu’il se pelotonna dans les couvertures. Allongé sur le dos, il remarqua qu’il n’avait même pas fermé des rideaux de nuit, il dormirait quand même ainsi. Cependant il ne fermait pas les yeux, qu’il braquait sur le plafond blanc, pensant encore et toujours à ces derniers jours.
Après un certain temps, il repoussa ses idées et se résigna à s’endormir. Après quelques heures de repos, il se sentirait de nouveau sur pied et frai. D’ailleurs, il faudrait qu’il se lave après son réveil, il en avait bien besoin. Lentement, il se laissa glisser dans un sommeil sans rêve, réparateur.

Quand il rouvrit les yeux, le ciel commençait déjà à s’assombrir, la nuit arrivait et c’était la pleine lune. Il sentit un frisson lui parcourir le dos. Ca allait encore être une nuit sanglante et meurtrière.
L’aristocrate ne prit même pas le temps de s’habiller, il mit seulement sa robe de chambre et descendit, il trouva André dans le Petit Salon qui lisait dans un fauteuil, à son approche le major d’homme se leva avec un petit sourire.

- Je vois que vous avez meilleur mine.

Gaspard le lui rendit.

- Merci. J’aimerais que tu me fasses un bain. Le Lycan se frotta les mains. As-tu vu Alexender ?

- Non, il n’est pas descendu, je vais vous préparer ça tout de suite. Dit il en reposant son ouvrage sur l’étagère. J’ai aussi prit soin de laver quelques vêtements de Monsieur Ravellow.

Gaspard inclina la tête, pour dire qu’il avait entendu, puis laissa André vaquer à ses tâches. Il espérait que son ami se soit un peu remit de sa nuit. En attendant de pouvoir se laver, il remonta et partit entra dans la salle de musique où quelques instruments onéreux étaient entreposés. Il avait apprit à jouer du piano durant sa jeunesse, ainsi que du violon et de la guitare. Dernièrement, il s’était acheté un harmonica, qui était plutôt considéré comme un beau bijou que comme un instrument à part entière. Il avait aussi apprit à en jouer, c’était un objet qu’il aimait vraiment, petit et facile à transporter, de plus le son qu’il donnait lui plaisait vraiment.
Mais ce soir, c’était du piano qu’il voulait entendre. Il ferma la porte derrière lui, normalement cela ne devrait pas gêner le sommeil de son ami. Il s’assit ensuite sur son tabouret et ouvrit le boitier qui protégeait le clavier. Il positionna ses doigts et réfléchit à la mélodie qu’il allait jouer, puis laissa ses mains s’exprimer d’elle-même.

[HRP: Pour celui qui veut, j'ai la musique qu'il joue sur son piano: https://www.youtube.com/watch?v=IZW6CZ8PeAk&feature=related]

[dsl de jouer André mais RP oblige ^^' / pendant que Julia se trouve à Trafalgar square, Maison de Julia Thanas, post "Une nuit infernale"]

André était réapparu en ouvrant discrètement la porte. Il se tint droit les mains dans le dos et attendit avec nostalgie que Gaspard termine sa magnifique mélodie. Quelle était triste...L'aristocrate devait être encore dans un de ces moments où pour lui tout semblait gris et froid. Après tout, il était revenu blessé un jour plus tôt d'un duel sans honneur, la veille il avait retrouvé un ami cher blessé à son tour et apparemment la jeune femme qu'il avait raccompagné jusque chez elle les tourmentait à sa manière...
C'était précisément pour elle qu'il attendait sagement l'esprit vaquant au rythme des claires notes que jouait son maître mais c'était aussi pour le bain. Cette pensée le fit sourire.

Au bout d'un moment, Gaspard achevât son air et André s'avança de quelques pas en toussotant pour signaler sa présence et surtout montrer qu'il avait quelque chose à dire.

- Hum! Pardonnez-moi Monsieur Sorel mais votre bain est prêt, annonça-t-il avec un sourire bienveillant sûr que l'eau était à la température parfaite. Ha oui j'ai omis de vous confier ceci tout à l'heure à votre réveil.

Le majordome tendit à l'aristocrate une ruban bleuté où le reflet des lampes faisait chatoyer la fine soie.

- Mademoiselle Thanas m'a demandé de vous remettre ses excuses et elle a dit souhaiter récupérer ceci quand l'occasion se présenterait à elle...ou à vous.

La chose était dite, tournée ainsi elle atténuerait certainement la mélancolie de Gaspard mais en plus elle l'incitait à lui aussi faire quelques pas en direction de la réconciliation.

Des cauchemars auraient pu s’emparer du sommeil d’Alexender mais c’est dans les ténèbres que son esprit se perdit durant de longues heures. De temps à autre ses yeux se crispaient sous l’effet d’un mal être ou d’une douleur inconsciemment perçu par son corps. Cependant, une douleur bien plus aiguë le réveilla. Il sentit couler le long de son torse son sang et, complètement endolori, il grogna tout en tentant vainement de trouver la force d’éponger sa plaie et d’éviter que quelques gouttes écarlates ne glissent le long du siège et n’atteignent le tapis ou le plancher. Il se mit alors à tousser. Le fleuret qui avait pénétré ses chairs était passé entre l’omoplate et le cœur, heureusement plutôt loin de ce dernier, mais apparemment la cruelle lame avait effleuré suffisamment son poumon gauche pour qu’il crache du sang à cette heure…Suffoquant, meurtri au plus profond de lui-même, Alexender passa ainsi de longues et éprouvantes minutes à vomir sa souffrance sous forme de filets visqueux et sombre. La bassine devant lui déjà teintée de rouge avant son sommeil se fit encore plus sombre à mesure que la sueur inondait le front du Hunter et que son visage perdait ce qui lui restait de couleur.
Combien il maudissait ces êtres ! Combien il aurait voulu être dehors, chez lui ou mieux en compagnie de Gaspard dans un de ses salons au lieu d’être là, pantelant et faible, malade et retourné de fureur contre lui-même !
Au bout d’un moment d’extrême écœurement et d’indescriptibles douleurs, Alexender perdit conscience. La fièvre l’avait atteint, il n’y avait pas d’autre explication. La plaie n’était pas recousue et il fallait absolument qu’il voit un médecin pour arrêter de perdre du sang et, avec, toujours un peu plus de vitalité.
C’est au bout de nouvelles heures de sommeil peu mouvementé qu’il se réveilla de nouveau. Le corps, raide et froid, le sang séché et coagulé autour de sa plaie formant un immonde amas noirâtre et le palais irrité, Alexender se redressa et se leva dans le noir : la bougie était morte depuis longtemps. Trébuchant, il réussi à aller ouvrir les rideaux et la fenêtre. La pâle lumière du soir l’éblouit presque et, une main sur le front, il respira l’air frai qui s’engouffrait dans la chambre et l’aérait autant qu’il redonnait vie au Hunter. La tête lui faisait mal et que dire de sa blessure si ce n’est qu’il n’avait jamais jusqu’ici reçu un tel coup !? Il en aurait encore pour longtemps avant de pouvoir bouger son épaule sans souffrir ou craindre que sa peau ne se déchire à nouveau ! Cette perspective déprimait Alexender. Ce soir serait la pleine lune : le moment où ses pires ennemis sortaient encore plus que d’habitude et où ils se livraient à la guerre nocturne contre d’autres créatures dont il connaissait la malédiction. Il allait devoir renoncer à cette sortie comme celle du lendemain et celle d’après et encore…Jusque quand cet état qui le réduisait à une larve allait-il entraver ses projets ?
Après avoir ruminé ces sombres pensées, le Hunter se résolu à se laver un minimum. Il essuya le sang séché qui collait à ses muscles, épongea le tour de sa plaie sans se risquer à la toucher pour éviter qu’elle ne se remette à saigner, le décrassa ensuite les mains et, avec les plus grand mal, il tenta se serrer son épaule avec les bandages souillés de Gaspard qu’il avait ôté.
Son incapacité à ce niveau là l’affligea : sa souplesse qui n’était déjà pas extraordinaire était en plus gênée par la douleur. Avec rage, il abandonna sa tâche et entrepris d’aller voir Gaspard. Il avait du mal à demander l’aide d’autrui et répugnait à réveiller les gens mais son cas était grave, il fallait bien qu’il se rende à l’évidence…

Chancelant de temps à autre, toujours trempé de sueur et la respiration grave, il sortit de sa chambre et s’arrêta sur le pas de sa porte : une musique don les douces notes étaient étouffées lui parvenait. Heureux de savoir ainsi son ami déjà levé, il se dirigea vers la salle de musique. Il ouvrit la porte peu après que la musique n’ai cessé et retrouva du même coup André et Gaspard. Chose étonnante : il avait laissé son sabre dans sa chambre.
Avec un sourire forcé, il salua son ami et le domestique :

- Bien le bonsoir messieurs…Gaspard tu joues toujours aussi mal : la preuve…tu attires les rats mal rasés comme moi !

Sans se rendre compte que sa boutade pourrait assimiler également André à un rat, Alexender se concentra sur ce qu’il était venu quérir : de l’aide qui se faisait urgente. Ses membres tremblaient légèrement et son visage était celui d’un mort. Il fallait agir vite ou cette fois le Hunter allait devoir abdiquer pour de bon.

- Mon ami…si tu pouvais…mes bandages se sont défaits et un peu d’alcool serait le bienvenu pour endormir la douleur…fit-il les dents serrés et ayant clairement des difficultés à se tenir debout et droit.

Alexender suivit son ami sans trop se rendre compte qu'il ne marchait pas droit du tout. Il avait besoin de sommeil et de soins urgents malgré sa forte constitution et sa grande volonté. Heureusement, Gaspard savait prendre des décisions. Se raccrochant de temps à autre à l'une de ses manches, Alexender lui laissa en toute confiance prendre la direction des opérations. De toute façon, ses forces l'abandonnaient complètement et, une fois assit, il sentit qu'il ne pourrait plus se relever sans tomber. La tête sur le côté et les yeux presque clôts, le Hunter marmonna des brides de phrases:

- Dégâts...dégâts...j'suis..ruine...

Il ne sentait plus rien d'autre que son épaule qui le lançait atrocement et dans sa gorge un goût de sang lui revenait. La piètre bandelette qu'il avait réussit à rattacher seul fut enlevée et l'horrible blessure mise à nue. Sans les soins de la veille prodigué par Gaspard, nul doute que son sale aspect aurait été dix fois pire. La fièvre coulait sur le front du Hunter qui se mit à gémir inconsciemment. Il ne s'entendait pas respirer comme un mourant ni n'entendait ce que lui disait Gaspard.
Alexender perdit conscience une nouvelle fois.
Après quelques minutes de néant, il se remit à tenter de parler sans réussir pour autant à ouvrir les yeux:

- ...une aiguille...alcool...

Il désirait plus que tout inhiber la douleur et fermer la plaie. Sans cela, son calvaire allait continuer ainsi indéfiniment. Aidé...Impuissant...Comme un enfant il confiait son salut à son ami...et cela résonnait dans son esprit comme les cloches des églises annoncent l'avancée d'un cercueil.

Une fois que Alexender fut assit, Gaspard le sentit partir, il était au bord de l’inconscience, sinon totalement absent. Ce n’était pas pour réjouir son ami, qui se faisait un sang d’encre pour lui. Voir une personne à qui l’on tient dans cet état n’est pas la meilleure chose que l’on puisse vivre. D’une certaine manière, l’aristocrate avait plus peur de faire une bêtise basique de médecine, que de faire mal à son patient, car il le savait, Alexender aurait mal.

- Je vais te remettre sur pied, tu vas voir… Marmonna-t-il ne sachant pas vraiment s’il allait l’entendre.

La plaie était mauvaise, mais pas non plus dans le pire des états, il n’y avait encore rien de vraiment dramatique. Ce n’était pas comme si la blessure avait viré au noir et qu’il en sortait un pus jaunâtre en grande quantité, mélangé à du sang. Non rien de tout cela, seul du sang coagulé ou gluant apparaissait sur l’épaule, devant ou derrière. Gaspard ne pouvait dire si des os avaient étés touchés, mais comme Alex bougeait encore son bras, il supposait que rien n’avait été trop endommagé.
Pendant qu’il émettait ces quelques réflexions, le Lycan avait entreprit de laver la blessure comme la fois précédente, avec même un plus grand soin. Le hunter gémissait parfois dans son sommeil fiévreux, mais il était encore impossible de l’endormir, il faudrait encore attendre un petit moment. Un tout, petit, moment.
Parfois, Gaspard parlait tout haut, réconfortant son ami, qui ne pouvait certainement pas l’entendre. D’une certaine manière, entendre sa propre voix l’aidait à se calmer et à relativiser. Ce n’était pas bien dur de recoudre une personne, il n’était pas encore mort…

- Tiens bon espèce d’idiot, bougonna Gaspard dans ses dents, y a plus qu’à te recoudre et t’iras mieux alors patiente, t’as que ça à faire, patienter…

L’aristocrate avait finit de laver la blessure et il avait déposé à grosse dose de l’alcool sur un chiffon, avec lequel il finissait de nettoyer le tout. Il regarda le visage du hunter sui se figeait dans la douleur de son sommeil, mais continuait de lui faire subir son calvaire. Ensuite, il se leva et partit rapidement vers l’escalier en colimaçon, il descendit et parcouru les étagères, il prit une dose de drogue qu’il avait dans le rayon des médicaments. Avec cela, Alexender ne sentirait plus rien, il serait un peu comme dans un autre monde, pour un certain temps seulement. Car à son réveil, et il y en aurait un, il souffrirait certainement le martyr, pour que finalement tout s’apaise avec le temps. Au passa, Gaspard farfouilla et trouva une boite à aiguilles avec du fil. Il ne savait plus pourquoi il avait mit ça spécialement ici, peut-être que c’était aussi à cause d’une blessure.
Le Lycan remonta les marches deux à deux et retourna au chevet de son ami, il n’avait pas bougé, mais ne semblait pas aller mieux non plus. L’un des point positif était tout de même que le sang ne coulait plus de la plaie, c’était une bonne chose. Il prit une fiole qui trainait dans le bureau et y mit de l’eau, elle n’était pas très propre, mais il n’avait plus le temps de jouer. Il mit de la poudre dans ce verre improvisé et en fit boire à Alexender, qui en laissa la moitié couler sur son menton. L’aristocrate l’essuya avec sa manche, quand il considéra que Alexender avait assez but. Il attendit un moment, pour que la drogue fasse effet, puis avec précaution, Gaspard s’assit avec son tabouret devant son blessé et passa le fil dans son aiguille. Avec des gestes lents, il s’approcha de la plaie, tint fermement l’épaule d’une main et planta son objet dans les chairs de son ami, sans faire attention à sa réaction, s’il en avait eut une, l’aristocrate recousu la première plaie, sans grande difficultés. Le travail était propre et précis. Ensuite, il entreprit de faire de même dans le dos du hunter, mais la tâche se révéla plus périlleuse, car le dossier du fauteuil gênait ses mouvement et que la peu du blessé était tendue. Finalement, il réussi à refermer le tout, mais il sentit que de grosses gouttes de sueur perlaient sn front, tellement il s’était concentré et avait ressentit de l’appréhension. Mais maintenant, c’était terminé. Gaspard nettoya une nouvelle fois le tout, car du sang s’était remit à couler, puis il fit de nouveaux bandages. Il décida de laisser son ami se reposer sur la chaise pour le moment, l’aristocrate se cala donc contre le bureau et attendit.
Quand Alexender se réveillerait, il lui donnerait à boire quelques décoctions aux plantes qui avaient pour effet de calmer la douleur et d’apaiser la fièvre. Pour le moment, il entamait sa seconde nuit de veille auprès de son ami. Il n’avait même pas faim bien qu’il commençait à se faire tard et qu’il avait raté le déjeuné et le diner.
Au bout d’un certain temps, il repensa à ce que le major d’homme lui avait donné, sa main gauche vint fouiller dans sa poche et trouva le petit ruban. Il était soyeux et beau à regarder, d’un bleu magnifique, mais qui n’égalait pas les yeux de sa maîtresse. Il espérait la revoir, pour simplement lui parler et s’excuser. Il s’en voulait de son comportement si déplacé, il espérait ne pas trop l’avait fait souffrir, car ce n’était pas là son but. Loin de lui cette intention, ce qu’il aurait voulu, c’était passer quelques soirées en sa compagnie à échanger des idées, rien de plus. Mais le destin en avait voulu autrement. Le destin, il n’y croyait pas et pourtant il espérait qu’une quelque force lui permettrait de la revoir. Après tout, ce ruban ne confirmait-il pas l’envie de la demoiselle de le revoir un jour ? Bien sur que si. Ils se révéraient, le contraire aurait été absurde. Il fréquentait les salons et elle aussi, il connaissait son lieu de travail et elle son lieu de résidence, rien ne pouvait les empêcher de se revoir.
Un marmonnement le sortit de ses songes. Alexender était encore fiévreux et il serait certainement mieux dans un lit. Gaspard appela donc André et tous deux le portèrent jusqu’à la chambre d’ami où il avait dormi durant la journée. Le Lycan posa près de lui quelques médicaments, puis sortit de sa chambre en fermant la porte en silence.
Alors, il n’était plus fatigué, le bain était froid, jouer d’un instrument aurait peut-être gêné le peu de sommeil dont disposait son ami. La lecture ne l’attirait pas ce soir. Gaspard descendit finalement les escaliers et partit sur la terrasse, derrière sa maison. L’air du soir le rafraichit et contrairement à la veille il ne pleuvait pas. D’ailleurs la ronde Lune n’était que rarement cachée derrière un moutonneux nuage. L’aristocrate s’assit sur un banc et contempla le ciel, pensif.