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Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42]

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Gaspard de Sorel
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Gaspard de Sorel
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MessageSujet: Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Icon_minitimeVen 9 Mai - 8:44

[HRP/ En provenance de la Tour de Londres, Plumes entre les barreaux avec Alexender /HRP]

Dans le lit des invités, Alexender Von Ravellow, aristocrate déchu, en fuite, recherché par les autorités et les Vampires, se tenait allongé abandonné au sommeil, toujours fiévreux mais certainement mieux installé que dans la prison de laquelle il venait de s'échapper grâce à l'intervention inespérée de son meilleur et fidèle ami, Gaspard de Sorel, lui même assoupi dans un large fauteuil amené près du lit, le menton appuyé sur son torse, la respiration profonde. Ce repos était tout mérité. Après des jours entiers de recherche, des nuits blanches, des hauts et des bas, la crainte mêlée à l'espoir, le Lycanthrope était enfin parvenu à ses fins, il avait retrouvé son ami, mais le destin avait voulu qu'il arrive trop tard et que le Scotland Yard l'arrête sous ses yeux. Il avait assisté impuissant à la scène, vu le corps inconscient du Hunter, encagoulé, être enfermé dans un fiacre qui avait directement pris la direction de la Tour de Londres pour l'y emprisonner. Abattu, mais pas vaincu, le bicentenaire avait tenté le tout pour le tout, en prenant les précautions qui étaient de mise, il avait entrepris de trouver la cellule qui renfermait son ami et par quelques tours de passe passe l'en avait fait sortir. Cela n'avait pas été simple. Les retrouvailles avaient été prenantes et ils ne s’étaient pas échappés sans séquelles : Alexender avait empiré l'état d'anciennes blessures tandis que Gaspard s'était cassé le bras gauche. Leurs corps étaient recouverts de crasse et de bleus, leurs visages même endormis reflétaient leurs souffrances, mais ils étaient enfin saufs et en sécurité, c'était tout ce qui comptait vraiment.
Dans le chambranle de la porte, André venait d'apparaître. Il resta là, à observer ces deux hommes éclairés par une lampe à huile, dans le silence le plus total. Il passait chaque quart d'heure veiller sur leur sommeil et vérifier qu'ils n'avaient pas besoin de son aide. Comme à chaque fois, il entra dans la pièce à pas de loups et s'approcha de la table de chevet où reposait une bassine d'eau, d'une main il retira le linge humide qui recouvrait le front de Alexender, de l'autre il vérifia sa température en pinçant les lèvres. Il était toujours chaud, mais au moins, la fièvre n'empirait pas. Le major d'homme trempa le tissus dans l'eau puis l'essora avant de le replacer sur le visage du malade et de s'écarter. Le pauvre homme allait avoir besoin de beaucoup de repos. Même si André n'avait pas vu l'étendue des blessures du Hunter, il les imaginait sans mal. Il attendait que celui-ci se réveille pour il administrer de nouveaux calmants et par la même, éveiller Monsieur Sorel pour le tenir informé de la situation. Il leva les yeux vers son employeur. Son visage était au trois quart dans la pénombre, seuls ses trais les plus marqués étaient bien visibles, sa tempe, le creux de son œil, l'arrête de son nez et l’arrondit de son menton, le reste demeurait dans l'ombre, caché à sa vue. Mais André devinait qu'il n'était pas en forme. Il n'était pas dans un état aussi préoccupant que son ami, mais aurait besoin de soins lui aussi.
Le major d'homme était en grande forme ce matin. Il ne s'était pas sentit aussi vivant depuis des lustres. En fait, ce réveil impromptu lui rappelait ses jeunes années, lorsqu'il était lui même un chasseur de monstres. Ce temps était fini, mais c'était une piqûre de rappel qui lui faisait accepter d'autant plus sa nouvelle position. Il avait fait le bon choix de s'écarter de cette vie mouvementée à temps, alors qu'il commençait à perdre de l'efficacité tandis que son expérience était à son comble. C'était si bête : alors qu'il était au sommet de son art, son corps ne se révélait plus être capable de suivre l'esprit acéré qu'il transportait. Ironie ! Il se demandait ce que déciderait de faire Alexender Von Ravellow après tout ceci. Il était recherché et c'était un frein à ses actions nocturnes, déciderait-il lui aussi de stopper cette purification du monde Humain ? André n'en avait décidément aucune idée. Mais pour le moment, il serait à l'arrêt complet, sous peine rendre son dernier souffle, terrassé par une maladie, ce qui était peu reluisant pour un combattant.
En toute discrétion, le major d'homme quitta la chambre du convalescent.

Il fit d'autres aller et retour, répétant ses gestes et retournant ensuite à ses autres occupations. Enfin, il trouva Gaspard en train de s'éveiller alors qu'il plongeait le linge dans l'eau. Un mouvement lui fit lever les yeux vers l'aristocrate qui esquissa le geste de se lever, les yeux rivés sur le tissus humide, mais il arrêta son geste avec une grimace de douleur. André appliqua le linge sur le front du malade, puis fit le tour du lit pour se mettre aux cotés de son employeur qui lui indiqua la porte d'un regard. Acquiesçant, il ôta la couverture des épaules du grand roux et celui-ci se leva en produisant un grondement sourd. Puis ils quittèrent tous deux le chevet d'Alexender. Gaspard indiqua la porte de la bibliothèque que le major d'homme ouvrit et referma à demi derrière eux, au cas où leur invité s'éveillerait.


- Prenons un siège, murmura Gaspard de sa voix ronronnante encore sous les effets du sommeil.

Tous deux s'assirent et s'observèrent silencieusement, jusqu'à ce que l'aristocrate reprenne la parole.


- Je crois qu'il est de coutume de remercier ceux qui nous viennent en aide comme vous l'avez fait André. Merci pour votre intervention, vous avez été rapide et efficace, vous n'avez pas posé de question et vous êtes resté calme. Vous êtes vraiment quelqu'un d'unique et vous avez toute ma confiance.

Le major d'homme hocha simplement la tête, appréciant ces mots comme des fabuleux cadeaux. Il était au service du noble depuis des années maintenant, mais ces dernières semaines les avaient étonnement rapprochés plus qu'il aurait pu penser cela possible. Il vivait corps et âme pour son nouveau rôle et voir que ses efforts étaient appréciés à leur juste valeur était sans nul doute une juste rétribution.

- Monsieur va-t-il m'expliquer ce qu'il s'est passé cette nuit ? Vous ignorez certainement que l'emprisonnement de Monsieur Ravellow est dans tous les journaux de ce matin, son évasion va être un scandale.

Pendant un instant le visage de Gaspard refléta son étonnement, mais après tout c'était plus que logique que l'arrestation de son ami soit dors et déjà à la une des journaux. Bien sur tous n'auraient pas l'information puisque les faits s'étaient passés tard dans la nuit, mais certains auraient eut tôt fait d'ajouter une nouvelle page avec en gros titres l'arrestation du fameux terroriste. Le Lycanthrope sourit tristement.

- Demain va être une bien sombre journée pour le Scotland Yard, les journaux vont les poignarder d'avoir laissé s'échapper le criminel n°1. Quant à ce qui s'est passé cette nuit... je vais essayer de vous résumer ça, mais avant j'aurais bien besoin de mes calmants, le petit déjeuner pourra attendre, mais pas ça.

Alors que l'aristocrate s'installait plus confortablement, André partit chercher de quoi soulager la douleur de son employeur. Il revint vite Gaspard avala ses médicaments dès qu'il les eût entre les mains. Il avait mal certes, mais il avait la chance de pouvoir se guérir bien plus rapidement que la moyenne. Déjà il savait que son corps était en train de combattre activement son mal, il sentait que ses os étaient en train de se ressouder petit à petit, d'ici quelques jours il n'aurait plus une trace de cette chute sur son corps. Il en resterait le souvenir désagréable. Cette terrible impression de tomber, il ne l'avait jamais ressentie aussi sûrement que cette nuit, car d'habitude il ne prenait pas autant de risques et grâce à ses ailes il n'avait jamais eu à craindre la pesanteur. Cette expérience lui laissait comme un goût amer dans la bouche.
André toussota. Le Lycanthrope retourna à la réalité et croisa son regard. Il avait dû se perdre dans ses pensées, assez longtemps pour que son major d'homme prenne la peine d'intervenir.


- Monsieur ne devrait-il pas aller prendre du repos ? Nous pourrons parlementer de tout ceci quand vous serez plus en forme.

- Non, laissez. Je réfléchissait c'est tout, se justifia l'aristocrate. Et bien, je pense que c'est le moment de tout vous dire, du moins ce que je sais...

Ainsi, le noble raconta plus ou moins en détails la veille : son enquête au Scotland Yard, la découverte d'une mission d'importance qui avait pour cible le terroriste tant recherché, quelques détails pour donner de l'ampleur au tout, l'attaque des forces armées dans la maison close, son impuissance face à tout ceci, sa recherche de son ami dans la Tour, leur fuite et leurs déboires, jusqu'à ce qu'il retrouve André. Il savait tout. De l'usage de l'alchimie jusqu'à l'utilisation de ses pouvoirs raciaux. Bien entendu, le major d'homme n'en savait pas plus sur la lycanthropie de Gaspard que Alexender, il ne connaissait que ce que son employeur lui avait révélé, peu de choses, ainsi que ses propres suppositions et connaissances en la matière. Ex Hunter il ne s'était jamais penché sur la chasse des Lycanthropes, il n'en avait jamais ressentit le besoin. A ses yeux, la légende et les faits les dépeignait comme des êtres relativement normaux, sociaux, qui tentaient de se fondre dans la masse et non de détruire comme pouvaient le faire les Loups-Garous et les Vampires. Il avait la preuve vivante sous les yeux d'une personne saine d'esprit et équilibrée.
L'aristocrate termina son récit. Il sentait son attention décliner, il était fatigué et la douleur sourde de son épaule lui donnait parfois la nausée. Le meilleur moyen de combattre son mal aurait été de laisser la place à une de ses entités, ainsi il se serait reposé pleinement dans le monde des esprits et aurait pu focaliser toute son attention sur sa guérison. Mais il devait rester alerte, il devait donner à Alexender des soins appropriés. D'ailleurs il était temps de retourner à son chevet.


- Allons voir comment il va, souffla le Lycanthrope en se relevant.

Une fois debout, il posa sa main valide sur le dos du fauteuil. Voilà qu'il avait des vertiges, c'était très désagréable. Une fois la sensation passée et un coup d’œil à son major d'homme pour lui assurer que tout allait bien, ils retournèrent à la chambre d'ami. Peut-être s'était-il réveillé. Gaspard était vraiment inquiet pour lui. Son état de faiblesse à la prison ne laissait rien présager de bon et leur dégringolade n'avait rien fait pour arranger sa santé.
C'est en retenant son souffle qu'il entra dans la chambre faiblement éclairée. Les lourds rideaux étaient tirés, mais maintenant que le jour s'était pleinement fait, des rais de lumière filtraient par endroits et quelques sphères lumineuses s'étalaient dans la pièce telles des soleils minuscules.


Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Gaspar10
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Alexender Von Ravellow
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MessageSujet: Re: Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Icon_minitimeMer 21 Mai - 13:28

[HRP/ Depuis la Tour de Londres, Plumes entre les barreaux/HRP]

Dans l'obscurité de la ruelle où il avait été laissé par son ami, Alexender avait perdu tout sens des réalités. Son esprit divaguait déjà à cause de la fièvre qui brûlait son front mais aussi à cause de ses côtes meurtries qui lui laissaient un goût de sang dans la bouche. Il n'y avait aucune parcelle de son corps qui ne le tiraillait pas. Le moindre mouvement lui coûtait, sa respiration même paraissait une épreuve et ses pensées ne cessaient de se mélanger dans un flot continu de soupirs et de grincements de dents. Que pouvait-il faire ? C'était fini, jamais il ne pourrai aller plus loin.

Gaspard s'était éloigné et le néant l'avait gagné. Où allait donc son ami ? Sans doute chercher de l'aide...Que lui avait-il dit ? Il n'avait pas compris. Tout devenait flou autour de lui, c'était inutile de lutter. Dans son dos, le filet d'eau qui coulait le long du mur contre lequel il se tenait maintenant lui paraissait presque tiède. Son corps brûlait. Lui qui avait frissonné un instant auparavant au sommet de la Tour, dans la brise matinale que lui avait offert le Lycanthrope, s'imaginait maintenant dans une bouche infernale où s'activaient mille fourneaux. La fièvre...C'était cette humidité, ce cachot, cette obscurité, c'était la profondeur de ses blessures, la fatigue qu'il avait accumulée ce dernier mois, l'alcool ingurgité la veille...Tout avait conduit son corps à cette débâcle.

Rageant, le Hunter tenta de se redresser mais ses membres ne le portaient plus. Ses bras et ses jambes tremblaient comme des feuilles dans une tempête. La descente de la Tour et le passage des grilles du parc maudit l'avaient littéralement vidé de ses forces. Brusquement, il se retrouva à nouveau face contre terre. Les lèvres posées sur les pavés, il se recroquevilla comme il l'avait déjà fait dans sa geôle. Gaspard était parti...Avaient-ils fait tout cela pour rien ? C'était si frustrant...
Alexender ferma les yeux alors que le jour se levait pour de bon et que, déjà, quelques volets claquaient contre les façades qui s'animaient.

Pendant son inconscience, le jeune aristocrate déchu ne sentit même pas que son ami le soulevait pour le faire monter dans un fiacre. Il ne pu tenter de l'aider à soulever son poids. Ses yeux restèrent fermés mais il s'agitait et parlait. Dans son délire, le nom de Sarah ne cessait de revenir, celui de Katherine aussi, celui de Stan et de Romerta. Il s'adressa à Raphaël, comme s'il avait été présent, pour lui faire des remontrances concernant Eulalia. Il l'avait « abandonnée », tout était de sa faute ! Pourquoi avait-il bu à son cou ? Au bout d'un moment, il fit un mouvement qui ressemblait à une courbette et se tue. Ses doigts ne parvenaient pas à s'agripper à son ami.
Dans le fiacre, sa tête ne cessait de ballotter de part et d'autre de son cou. Il murmura encore quelques mots, notamment au sujet de l'état de sa cape de bal qu'il regrettait d'avoir ruinée dans un incendie, alors qu'il ne portait certainement pas sur lui en cet instant... Puis il se rendormit pour de bon.

Dans l'esprit d'Alexender, des cauchemars grandirent. Il vit Suzanne et Marguerite violentée par des hommes qu'il comprit être des geôliers, puis Romerta qui les attrapait par les cheveux. C'était une traîtresse...Et pourquoi Stan ne réagissait-il pas ? Tout se mélangeait dans sa tête. Il revit le pauvre Thaddeus Grey transformé en pantin, il imagina sa femme étranglée par Raphaël, et cette panthère noire qui ne cessait de lui attraper le pantalon pour l'empêcher d'avancer ! C'était rageant ! Son Bloody Rose crachait le feu, son sofa était taché de sang, pourquoi Katherine voulait-elle le faire ici ? Ses courbes s'affaissèrent, ses cheveux noircirent, Sarah le giflait. Suzanne appelait au secours. Un inconnu portait un haut de forme noyé par la pluie. La chandelle s'éteignit...

Combien de fois Alexender s'était-il retrouvé allongé dans un lit qui n'était pas le sien après avoir poussé son corps à l'excès ? Ces derniers temps, cette désagréable sensation de mourir et de ressusciter était devenue courante. D'abord dans le manoir de Raphaël, puis chez Eulalia et maintenant...où était-il ?
Ouvrant doucement les yeux, il fut d'abord incapable de discerner quoi que ce fût dans la demi pénombre qui l'environnait. Un voile lui brouillait la vue, il avait l'impression de sortir d'un bain brûlant. Tout son être avait soif, sa gorge était sèche et sa peau le tiraillait comme s'il avait reçu un coup de soleil sur sa totalité. Et ses côtes ! Il toussa en se redressant de quelques centimètres sur l'oreiller qui trônait sous sa tête.


- Gaspard?

Sa voix était courte et rauque. Un bout de tissu humide roula de son front sur son torse. Lentement, comme un enfant qui s'éveille, il plia le bras droit et tendit ses doigts pour le ramasser. L'étoffe était aussi bouillante que lui...Il avait l'impression que sa tête allait exploser, c'était comme s'il avait été concassé à coup de mortier. Soupirant, le Hunter abandonna son bras le long de son corps souffrant, serrant un peu le tissu humide. Le pire était sans doute l'état de ses côtes. Un goût de sang restait collé à sa bouche, c'était désagréable au possible et il souffrait de toute la cage thoracique. Toussotant, il finit par utiliser le tissu afin d'essuyer les lèvres. Du sang coagulé, de la terre sèche, de la crasse...Il le souilla bien vite et jeta dessus un regard dégoûté. Il sentait aussi mauvais que la geôle dans laquelle il avait été balancé la veille et tout lui demandait un effort phénoménal. Sa jambe droite tremblait comme s'il venait de courir sur une longue distance avant de s'arrêter soudainement. Ses nerfs étaient à vif.

Refermant les yeux, Alexender grogna. Qu'allait-il faire maintenant ? Il était sans aucun doute chez Gaspard...Son ami avait donc réussi à le ramener sain et sauf de la Tour...C'était un véritable exploit ! Mais il ne pouvait pas rester là indéfiniment. Son ami risquait non seulement sa réputation, ses biens, son titre, Julia mais aussi sa vie. Le Hunter ne pouvait accepter que le Lycanthrope soit mouillé plus avant dans cette affaire. Lui qui avait prévu de ne plus impliquer ce dernier dans ses histoires, voilà qu'il se retrouvait en fuite, installé dans un de ses lits...Non, décidément, rien ne s'était passé comme prévu depuis le théâtre...

Avec amertume, le jeune homme se remémora à nouveau tout ce qui s'était passé. Sa gorge se serra et ses yeux pleurèrent sa déception, sa rage et sa détresse. Comment avait-il pu en arriver là ? Lui qui luttait dans l'ombre, sous couvert de bal et de causeries de salons, se retrouvait sans titre, pourchassé, détruit par un Vampire. Pour son âge, il avait déjà vécu tellement d'atrocités ! Il n'en pouvait plus. Il avait la cruelle impression que quoi qu'il fasse tout tournait inévitablement au drame. La Nouvelle Orléans, sa famille, son arrivée en Angleterre, sa vengeance, son retour, les pièges des longues dents, Sarah, le Comte, le théâtre, Romerta...Il n'en pouvait plus, non. Il aspirait maintenant à la paix, de toute son âme. S'il voulait que cet enfer cesse il devait abandonner la lutte. Mais comment le pourrait-il ? Il avait une mission, sa seule raison de vivre était sa vengeance, la destruction de toutes ces créatures ignobles, ces suceurs de sang ! Et Sarah ? Que pouvait-il faire désormais ? Jamais ils ne pourraient être ensemble. C'était maintenant impossible. Il devait l'oublier. La sauver du Comte, oui, mais l'épouser n'était plus qu'un rêve dont les lambeaux s'éparpillaient.
Que faire ?

Gaspard et André entrèrent dans la pièce. Alexender tourna son visage vers eux. Son état était pitoyable mais de toute évidence son ami avait également souffert. Passant sur son visage le tissu humide pour chasser ses larmes et reprendre un semblant de constance, le Hunter grogna :


- C'est à cette heure-ci qu'arrive le thé ? Hé ben...c'est pas trop tôt...haha...

Alexender toussa brusquement, comme si parler avait réveillé ses côtes cassées. Il cracha un peu de sang dans le tissu et sourit d'un air malade à son ami.

- Tu m'as encore malmené...quel sagouin!

Laissant sa tête reposer complètement sur l'oreiller, le Hunter tendit faiblement à son ami le tissu.

- Et toi... ? Comment vas-tu ? Je..je suis si désolé de t'être tombé dessus...Haa...Je crois qu'André va m'achever...Fit-il en faisant allusion à l'état du morceau de tissu. J'ai besoin d'un bain...mais avant je vais dormir encore un peu, tu veux bien?

Son regard s'attarda légèrement sur le Lycanthrope et ses yeux se fermèrent. Alexender ne réussit pas à converser, il était trop épuisé pour cela. Ce n'est que le soir, vers 18h40, qu'il s'éveilla. Avec l'aide d'André et de Gaspard, il réussit à enlever ses vêtements poisseux.

- Brûle-les...je ne...veux plus jamais sentir cette odeur...

Après maintes difficultés, Alexender fut amené jusqu'à une baignoire remplie d'eau tiède. Le contact avec le liquide lui arracha un grognement de douleur. L'état de son corps faisait peur à voir. Son plexus avait un bleu qui virait au noir, un magnifique reste de la balle qu'il avait reçue au théâtre et que les pouvoirs d'Eulalia eux-mêmes n'avaient pas pu soigner entièrement. Son torse était entièrement ankylosé et des hématomes violacés striaient ses côtes sur sa droite. En tout, ils comptèrent trois côtes cassées, c'était difficile pour lui de bouger sans risquer une perforation du poumon. Sur le dessus de son crâne, un léger cran se rouvrait. Voir un médecin devenait urgent. Mais comment le pourrait-il ? Sa tête faisait la une des journaux et, même s'il n'avait pas encore eu les nouvelles du jour, le Hunter ne doutait pas que son évasion faisait déjà scandale dans toute la capitale.
Avec une éponge moelleuse et beaucoup de savon, Alexender fut bientôt débarrassé de la crasse qu'il traînait depuis la veille. Ses plaies légères comme les griffes qu'il avait sur les jambes et les mains à cause de leur atterrissage dans les buissons épineux de la Tour furent nettoyées à l'alcool. Le sang qui coulait de son cran à la tête coagulait très bien ce n'était pas grave, une simple pression dessus avec du coton suffit à stopper l’hémorragie nouvelle due à l'eau chaude. Pour ses côtes et son plexus, ce fut plus compliqué. Il fallait bander l'ensemble de son torse et ils faillirent manquer de tissus. Un onguent fut appliqué sur les hématomes avant de placer les bandes puis, uniquement vêtu d'un caleçon bouffant, le Hunter se laissa de nouveau emporter par le sommeil.
Tout au long de ces opérations, il n'avait pu parler. Bien sûr, il avait tenté quelques boutades et grogné sa douleur, mais la fatigue lui rongeait les sens et il fallait qu'il se concentre pour aider au mieux le Lycanthrope et son majordome, ce qui était difficile avec ses étourdissements réguliers.


****************


Le lendemain fut plus facile. Alexender s'éveilla vers 11h20. Il se sentait mieux : la fièvre avait nettement baissée et le parfum qui planait dans la chambre lorsqu'il ouvrit les yeux le rassura. Il ne sentait plus l'immonde cellule de la Tour. Ses bandages tenaient bon et ses côtes le faisaient moins souffrir ainsi maintenues. André avait fait un travail formidable. D'ailleurs, le vieil homme lui apporta un peignoir sur sa demande et l'aida à se relever. Ce n'était pas une bonne idée de déambuler si vite après une pareille aventure, mais Alexender restait impossible à garder immobile.


- André...merci...Où est Gaspard ? Il faut que je mange quelque chose...

Pour que son état s'améliore, il fallait que le Hunter se sustente. Arrivé dans un petit salon, il s'assied avec précaution sur une chaise où André posa un coussin avant de l'aider à s'installer. Un bout de pain dans une main, une cuillère à soupe dans l'autre, le jeune homme tenta de manger ce que le majordome lui proposait mais rien n'avait l'air de vouloir descendre dans sa gorge. Il saisit les journaux et fut choqué des gros titres. Il demanda à André de lui donner tous les journaux qu'il pouvait sur la semaine, celui de la veille, ceux des jours précédents...Il avait besoin de vérifier si ses collègues n'avaient pas laissé de petites annonces pour communiquer avec lui...

[voir les Journaux]

Alexender ne trouva rien d'intéressant pour lui, mis à part le fait que son arrestation avait été évidemment amplement développée pour faire briller le Yard et que sa fuite avait retourné tout le monde. Quelque part, il jubilait d'avoir réussi à glisser entre les griffes de la police et des Vampires...Mais Gaspard avait risqué tellement gros!
Au bout d'un moment, il apprit que Suzanne, Marguerite et Romerta avaient été arrêtées et placées à Coldath Field...C'était quelque chose! Au moins étaient-elles encore en vie! Mais comment les sortir de là?
En tous cas, au sujet de sa fuite, rien n'avait été dit sur l'utilisation d'Alchimie...Tout était encore filtré...

Lorsque Gaspard fut à ses côtés, Alexender se força à parler. Ils avaient tant de choses à se dire ! Bégayant un peu, trébuchant sur les mots, le Hunter essaya de rassembler ses idées tout en mangeant.


- Tu es fou d'être venu me chercher...Kof, kof. Tes pouvoirs sont...toujours aussi étranges...et impressionnants...Tu m'expliqueras un jour? Kof. De mon côté, depuis le bal, tout a été de travers...

Comment lui dire ? Devait-il tout lui raconter ? C'était si humiliant, si risible...Et puis, s'il apprenait tout, sa sécurité était d’autant compromise qu'il risquait de vouloir l'aider d'avantage. Alexender hésita. Il ne voulait pas mentir à son ami, surtout pas après l'exploit qu'il venait de réaliser grâce à son aide. Ne venait-il pas e lui sauver la vie ?

Finalement, le Hunter repoussa son assiette et se mit à tout raconter à Gaspard. Il n’omit rien, rien si ce n'était Kate, la sorcière qu'il avait consultée par deux fois. C'était volontaire. Il ne voulait pas que le Lycanthrope puisse le prendre pour un fou qui croyait aux pouvoirs de divination...
Il lui expliqua ainsi comment avec Sarah ils s'étaient rapprochés après l'incendie du petit salon et leur transfusion, comment il avait compris que le Comte était un Vampire qui la poursuivait de ses avances, pour son sang et sans doute pour satisfaire ses envie lubriques. Il lui exposa comment il s'était fait avoir comme un enfant lorsqu'il était sorti boire dans un salon, frustré de ne pas avoir de nouvelle de la jeune femme, avant de se faire piéger dans les égouts par un certain Sébastian Angelstone à la solde du Comte. Cette horrible scène fut longuement décrite au Lycanthrope. Le faux lord les avait rejoint pour jouer avec sa vie et lui annoncer qu'il détenait Sarah de son plein gré. Alexender expliqua avec difficulté cette dure épreuve à son ami : l'obscurité, la peur de la mort, la détresse dans laquelle il s'était trouvé...Jamais il n'avait éprouvé une telle angoisse. Sarah avait été dès lors entre les mains de son rival à cause d'un genre de pacte. Son récit était confus, lui-même avait bien du mal à ressembler les morceaux. Mais il était certain qu'il avait été sauvé à sa sortie des égouts par une femme dans la rue, qu'il avait été soigné par cette dernière et qu'il avait par la suite monté un plan avec d'autres Hunters. Il expliqua à Gaspard comment il avait rencontré Eulalia Grey, une jeune Huntress qui poursuivait une Vampire sur les toits, puis Raphaël et Stan, comment ils avaient éliminé la-dite Vampire ensemble, comment Sarah les avait rejoint dans leur combat contre le Comte malgré son pacte. Il lui révéla même que Raphaël était un Vampire et que son lien avec Eulalia et leurs disputes avaient bien failli les mener au carnage...Puis il finit par expliquer comment leur plan pour faire évacuer le théâtre et tuer le Comte avait complètement raté à cause notamment d'une Vampire du nom de Fiona.
Bientôt, Gaspard fut au courant de tout : du mariage annoncé, de la fourberie des longues dents, des morts des parent Grey, de ses propres élèves, d'autres Hunters qui les avaient rejoints... ; puis de leur fuite, des soins d'Eulalia, de leur dispersion dans les bas fonds...Raphaël avait disparu avec une certaine Aria; Stan et une nouvelle arrivante, Katherine - une Lycanne rencontrée alors qu'il retrouvait Stan par chance dans une ruelle - l'avaient rejoint chez les prostituées de Romerta et le Yard était arrivé...Ses domestiques et la maquerelle étaient maintenant à Coldath Field mais il n'avait aucune idée de la situation des autres...


- Voilà...voilà comment je suis arrivé dans la Tour...C'est un échec sur toute la ligne...Je ne sais plus quoi faire...Suzanne et Marguerite sont enfermée à Coldath Field, Romerta aussi, je ne sais pas ce que sont devenues ses filles...Stan et Katherine ont peut être aussi été pris, je ne sais pas, ce n'est pas dans le journal. Raphaël doit être encore planqué dans l'East End...Eulalia est chez elle sous surveillance. Sarah...Son regard se fit vague. ...doit déjà être en train de choisir sa robe...

Posant une main sur son côté droit, Alexender grimaça. Ses côtes l'empêchaient de respirer correctement. Il serra les dents et continua:

- Tu vois...la situation n'a jamais été pire...Je ferai bien de repartir à la Nouvelle Orléans...Londres ne m'aura jamais autant donné de cauchemars...

Évidemment, Alexender plaisantait, à Londres il avait toujours eu sa place, mais aujourd'hui, quelque chose de vrai sonnait dans ses paroles : il était fatigué de luter et, pour la première fois de sa vie, l'envie de fuir les responsabilités qu'il s'était imposées le prenait. Lui qui détestait l'inaction et toute forme de faiblesse, était descendu au plus bas. Son corps n'était plus en état de combattre et son esprit commençait à souffrir lui aussi. Malgré ses alliances, malgré leurs espoirs, tout avait été ruiné par mille imprévus. Comment espérer remonter la pente après cela ?

- Je n'ai plus rien mon ami...Ni châtelet, ni fortune, ni armes...Mes domestiques sont prises, mes compagnons de bataille sont morts, prisonniers ou dispersés...J'ai entraîné tellement de personnes dans ma chute... ! Il faut que cela cesse...Qui suis-je pour espérer regagner quoi que ce soit ? Je ne suis rien, je n'ai même plus assez de souffle pour parler...

Abandonner n'était pas dans la nature d'Alexender, mais cette fois-ci il devait bien s'avouer vaincu. Ce qui le dégoûtait le plus, c'était d'avoir fait tant de promesses à Sarah pour en arriver finalement à la conclusion qu'ils ne pourraient jamais être ensemble. Son envie de tuer le Comte restait la plus puissante de toute, pour la libérer, pour tenter encore de l'obtenir, mais, au fond, il commençait à se demander si ce mariage n'était pas inévitable. Peut-être qu'il les aiderait même à avoir la tête de ce cinglé ? Mais Sarah serait alors sacrifiée...Que lui ferait donc vivre le Vampire ? Certainement des horreurs...Il ne pouvait s'y résoudre !
Prenant sa tête dans ses mains en gémissant, le Hunter se mit à trembler de rage et de tristesse. Face à Gaspard, il n'avait plus aucune retenue. Ses larmes coulèrent le long de son nez et s'écrasèrent doucement sur la table.


- Je ne sais plus quoi faire ! Je ne sais plus quoi faire...J'aimerai m'endormir...ne jamais me réveiller...

Crispant ses doigts dans ses cheveux flamboyants, il serra les dents et ragea:

- Je vais le tuer...le tuer...le tuer...le TUER ! Il m'aura tout pris ! TOUT!

Ses pensées revinrent sur Gaspard et la peur le prit. Il lui lança un regard presque horrifié.

- Non pas tout...mais ça ne saurait tarder...Il faut que je parte d'ici...Tu es en danger avec moi...André aussi...Tout ceux que j'approche...

Laissant son regard dans le vide, Alexender eut un moment d'absence. Que devait-il faire ? Où pouvait-il aller ? Abandonner les siens était la seule solution...Mais c'était d'une lâcheté ! Qui s'occuperait de Sarah ? Qui tuerait le Comte ? Et Suzanne et Maguerite, Romerta...que deviendraient-elles s'il s'enfuyait ? Non, il ne pouvait pas s'éloigner de Londres. Il devait combattre, encore...

- ...encore et toujours...Je suis...fatigué...Finit-il par dire en mettant sa tête dans ses bras. Fatigué...

****************

Le sur-lendemain, la fièvre d'Alexender reprit. Toute la matinée, il délira au sujet de tout ce qui l'avait touché ces dernières semaines. En fin d'après-midi, lorsqu'il fut plus stable, il s'assied sur un fauteuil et, un verre de lait dans une main, il réussit à tenter une discussion plus légère, plus mondaine que la veille.

- Et toi... ? Qu'as-tu fais depuis le bal ? Tu as vu Julia ? J'espère qu'elle va bien...?

Mais derrière ces mondanités, Alexender était bien trop soucieux pour se préoccuper des amours de son ami. Tout semblait se passer à merveille avec la petite couturière, c'était bien...mais tellement loin de ses problèmes...


Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Ban_al10
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Gaspard de Sorel
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MessageSujet: Re: Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Icon_minitimeMer 11 Juin - 9:35

L'inquiétude que ressentait Gaspard de Sorel pour son ami était grande. Elle l'avait accompagnée à chaque instants. Même lorsqu'il était en train de raconter les fameux événements à André pour le tenir au courant de leurs mésaventures, il n'avait cessé de se faire du mouron. L'état d'Alexender était pour ainsi dire critique, il était fiévreux, délirant et ses blessures étaient graves. Il lui aurait fallu le meilleur médecin de Londres, enfin même un docteur de moindre envergure aurait fait l'affaire, mais la situation actuelle ne leur permettait pas ce luxe, il y avait tout autant à perdre en prenant le risque de dévoiler la position du Hunter à un inconnu, car si celui-ci révélait où il se trouvait leur folie n'aurait servit à rien et sauver Alexender in-extremis de la mort n'aurait fait que prolonger ses souffrances avant qu'il ne trépasse la gorge enserrée d'une corde rêche. Ils devraient faire avec les moyens du bord, c'est à dire un major d'homme dévoué, bercé dans l'art de soigner ses propres blessures lorsque lui même exerçait la profession de chasseur, efficacement dans l'attente de recevoir des soins plus appropriés de la part d'un médecin qualifié. Et d'un autre côté il y avait Gaspard qui s'était longuement renseigné sur le sujet comme autodidacte mais qui n'avait jamais exercé ce qu'il avait appris sur de véritables victimes, sans compter que depuis le temps, deux siècles étaient passés et les avancées en la matière s'étaient régulièrement accrues. Bien sur ce savoir allait tout de même leur être très utile, ainsi que son passé parmi une tribu d'amérindiens, en plus de ce qu'il savait des herbes médicinales grâce à sa connaissance de la nature... Mais il craignait que cela ne suffise pas.
Le bicentenaire n'avait jamais vu son ami dans un tel état de faiblesse, même lorsqu'ils étaient encore en Amérique, ou ici lors de leur rencontre inattendue quand Alexender était venu frapper à sa porte blessé après une chasse qui avait plutôt mal tourné dans la capitale, mais non, jamais il n'avait autant déraisonné. Son sommeil était très agité, des paroles fusaient dans l'air, sans queue ni tête pour son auditoire, il parlait de cape, de feu, d'une panthère,... C'étaient des cauchemars. Sous ses paupières closes, ses yeux s'agitaient en tous sens et sur son front des plis d'inquiétude se formaient, remplacés par la rage ou la peine. Cela n'avait rien de reposant pour le blessé et Gaspard avait aussi hésité à le réveiller pour le tirer de ces sombres rêves, avant de tomber lui aussi dans le sommeil. Mais il avait renoncé à faire revenir Alexender à la conscience car il se doutait que endormi ou non, il serait poursuivit par de monstrueuses pensées et assoupi, il était moins sujet à la douleur physique.
Le Lycanthrope repensa au retour en fiacre où son ami n'avait cessé de prononcer le prénom de Sarah, elle était le leitmotiv qui ponctuait ses phrases ; il y avait tant de douleur dans sa voix quand il l'évoquait que Gaspard se demandait si son ami n'avait pas enfin trouvé la femme qui ferait battre son cœur éternellement. Cela se pourrait-il ? Dans son inconscience il avait aussi nommé d'autres personnes qui étaient inconnues du bicentenaire, mais dont il avait précieusement conservé les noms en mémoire pour,... dans le cas ou,... Mieux valait qu'il n'y songe pas, c'était bien trop difficile... Déjà il sentait son cœur se serrer, ses entrailles s'alourdir et le besoin de vengeance le consumer, lui qui était si pacifiste d'habitude savait qu'une passion destructrice naîtrait en lui si son unique ami perdait la vie. Il serait très certainement vite ramené à la raison, mais la colère latente resterait là, toujours. Et ces personnes à qui son ami s'adressait : Stan, Katherine, Romerta, un certain Raphaël ou encore Eulalia dont il avait déjà parlé alors qu'ils étaient dans la Tour de Londres, ces hommes et ces femmes pourraient lui permettre d'assouvir sa soif de justice s'il venait à s'arracher à son animalité, à abandonner sa raison pour n'être plus mené que par les pires trais de la race humaine. Il ne serait plus lui même, jusqu'à ce que l'équilibre soit rétablit et là encore, il vivrait avec les séquelles d'avoir succombé à la rage, comme par le passé quand il avait estropié son frère sans espoir de guérison. Il ne devait pas en arriver là, c'est pourquoi il fallait tout mettre en œuvre pour remettre Alexender sur pieds et c'est avec cette ferme intention qu'il passa la porte de la chambre d'ami, pour trouver le blessé éveillé.

Éveillé et malheureux comme les pierres.

D'un geste, Alexender passa le tissu tâché de sang sur son visage pour y effacer les traces de sa faiblesse et prendre la parole d'une voix enrouée, teintée d'humour comme toujours dans les pires situations. Mais Gaspard n'avait nullement envie de plaisanter en cet instant. Si la toux n'avait pas arrêté son ami, il lui en aurait fait la remarque, l'heure était grave, ne s'en rendait-il pas compte ? Bien sur que si, l'aristocrate le savait, mais il venait soudainement d'éprouver une sourde colère, grondante, envers cet homme totalement démuni. Une rancœur qu'il avait supposé éprouver quelques jours plus tôt, quand il avait décidé de faire une croix sur l'amour. A ce moment là, il avait choisi de venir en aide à Alexender, délaissant l'espoir qu'il avait de concrétiser ses vœux avec Julia Thanas la jeune et jolie couturière. Il savait que quoi qu'il fasse, il serait dans l'impasse et qu'il viendrait à détester son choix, quel qu'il fut, ainsi que la personne qu'il avait décidé de suivre. En cet instant, il en voulait considérablement à son ami pour l'avoir arraché à sa belle. S'il n'était pas revenu traîner dans ses pattes, s'il était resté en Amérique,... oui après tout il y en avait tout autant des Vampires sur l'autre continent, pourquoi s'exiler ici ? Il venait de lui pourrir l'existence, d’annihiler ses chances avec la femme qui l'avait enfin fait sortir de sa mélancolie, il avait finalement la possibilité de vivre et Alexender venait de la lui arracher... En éprouvait-il du remord ? Peu importait, la fureur de Gaspard n'en tiendrait pas compte. Les dents serrées, il ne fit pas un geste lorsque le hunter cracha ses poumons, tandis que André s'approchait prêt à toutes les éventualités. Il s'avança pour poser une partie de son poids contre le dossier du fauteuil qui se tenait près du lit, se tenir debout lui était difficile, mais en cet instant il refusait de montrer la moindre faiblesse, sa fierté l'en empêchait, sa colère aussi.
Malmené ! Le Lycanthrope leva les yeux au ciel, puis les ferma. Il ne put empêcher ses lèvres de se tirer en un sourire. Malgré tout ce qu'il éprouvait d'amertume, cet homme parvenait encore à lui faire ressentir une certaine joie, fugace, mais un instant de paix appréciable, inattendu. Un peu calmé, Gaspard reposa son attention sur le blessé, serrant de sa main valide le bois du fauteuil pour conserver sa concentration sur quelque chose de matériel, sinon quoi il aurait pu gémir de douleur.
Alexender s'enquit de sa santé et s'excusa de lui être tombé dessus lorsqu'il avait lâché prise. Une petite blague, encore, son intention de prendre un bain. Une idée on ne peut plus raisonnable, sa mauvaise odeur emplissait la pièce comme un fumet détestable, Gaspard n'y avait plus fait attention jusqu'à ce qu'il entre à nouveau dans la chambre d'ami et il avait froncé le nez, quelque peu dégoûté.


- André brûlera le linge, d'ailleurs l'idée n'est pas si mauvaise, on va te faire rôtir pour chasser l'odeur nauséabonde que tu dégages, de son coté André n'esquissa même pas un sourire, inébranlable, toujours dans son rôle de major d'homme modèle. Et moi je m'en sortirais. Dors maintenant, tu en as bien besoin, mais avant, reprend un peu de ce médicament.

Incapable de le faire lui même, Gaspard laissa André porter la décoction préparée plus tôt à la bouche du malade, qui retombait déjà dans les bras de Morphée, pour lui éviter de souffrir plus qu'il ne pourrait le supporter. Il y avait ajouté de quoi assommer son ami pendant quelques heures, jugeant que le sommeil serait bien plus réparateur s'il était plus profond et moins délirant. A son prochain réveil, lorsqu’il serait nettoyé de haut en bas, il faudrait l’ausculter minutieusement pour définir quelles seraient les blessures à soigner en premier, celles qui présenteraient les plus gros défis et mettaient en danger sa santé. Il devait y avoir beaucoup d'égratignures, de dommages superficiels, des hématomes à foison au vue des coups portés par les forces de l'ordre et des chutes qu'il avait enduré. Le Lycanthrope espérait seulement que l'addition de tous ces maux ne rendent pas la vie plus dure encore à son ami et que ses blessures pourraient se résorber complètement, il imaginait mal Alexender continuer la chasse avec des cotes trop fragilisées ou pire encore un poumon prêt à se perforer au moindre choc.

L'aristocrate sortit de la pièce dès que son ami eut l'air à nouveau endormi. Il devait se sustenter et prendre lui aussi du repos dans un lit, bien plus approprié qu'un fauteuil cela va sans dire. Le calmant qu'il avait pris ne faisait pas encore son effet, il se sentait nauséeux, mais il savait qu'il mourrait de faim, déjà après un bon repas il serait plus à même de profiter de quelques heures de paix. Il se dirigea vers la volée de marches pour se rendre au petit salon, y attendre que son domestique lui amène un petit déjeuner de guerrier, cependant il s'arrêta près des escaliers le regard baissé vers le sol, sa vue se brouillait par instants ou se dédoublait, il n'aurait pas la force de descendre, ni de remonter et risquait de tomber en aggravant ainsi son cas. Il poussa un soupir contrarié.


- Amenez mon repas dans le bureau, je vais vous y attendre.

- Bien Monsieur.

André se rendit au rez-de-chausser alors que Gaspard longeait presque les murs pour se rendre dans le bureau où il s'affala précautionneusement sur une chaise. Déjà il se sentit mieux. Ne pas être épié par son major d'homme était une sorte de soulagement, il n'aimait pas que l'on voit ses faiblesses. Bien sur il savait que André n'en toucherait pas un mot, mais il avait sa fierté. Satané humanité. Ses entités auraient préféré qu'il ne reste pas seul car elles ressentaient la douleur lancinante qui malmenait leur hôte, elles voyaient clairement son mal et jugeaient qu'il aurait du dès qu'ils étaient rentrés laisser sa place à l'un d'eux pour se guérir dans le monde incorporel. Il avait refusé, bien entendu, préférant garder un œil sur Alexender, expliquer la situation à André, s'occuper d'autrui au mépris de sa propre santé. Là encore elles étaient prête à le sermonner pour les pensées qu'il avait. En effet, la vue des lettres sur le bureau avait rappelé au bicentenaire que pas plus tard que demain il avait un rendez-vous galant avec Julia. C'était un nouveau coup porté à son moral. Cette fois il ne rejeta pas la faute sur son ami, mais sur lui même. Il aurait du annuler cette entrevue dès l'instant où il avait décidé de rechercher Alexender, maintenant il allait devoir trouver une excuse de dernière minute qui ferait beaucoup de peine à celle qu'il aimait et qui ne donnerait pas une bonne image de lui auprès de sa belle famille. *Enfin, ex future belle famille* pensa-t-il le cœur gros.
Même si les choses se passaient pour le mieux, que son ami disparaissait de la circulation pour son propre bien et le sien, que les autorités ne retrouvait jamais son complice, est-ce qu'il pourrait prendre le risque de mettre en péril la crédibilité de Julia Thanas ? Si un jour tout ceci venait à se savoir, sa vie serait fichue, elle perdrait tout : sa nouvelle place dans la société sans même pouvoir retrouver celle qu'elle avait avant, elle subirait sans cesse les conséquences d'actes extérieurs qui n'avaient rien à voir avec elle, mais qui terniraient l'image de la boutique familiale. Elle avait tout à y laisser pour y gagner quoi ? L'amour ? Quelle belle affaire... Gaspard savait que sa fatigue décuplait son amertume, mais il ne voulait pas se leurrer avec de belles espérances, s'il voulait préserver cette femme, il devait s'en écarter. Elle ne comprendrait pas, le haïrait. Elle aurait raison. Elle en aurait le droit. En l'accompagnant à Loth sans la présence d'un chaperon elle avait déjà pris des risques conséquents, mais sa confiance envers l'aristocrate droit qu'était le Sieur Sorel était sans faille, elle ne se serait jamais imaginée répudiée sur le chemin du mariage. Oui ! Et dire que le lendemain il avait eut l'intention de lui faire sa demande ! Malheur aux cœurs heureux... Le héros de cette pièce refusait que le cinquième acte fasse de sa vie un drame à la Shakespeare, il préférait de loin abandonner là, pour ne pas que la vie de Julia ne soit un enfer permanent. A nouveau il refusait de vivre, car la vie avait son lot de possibilités infinies et là, décidément, il y avait un pourcentage trop fort de chances que cela tourne mal. Pas de risque, pas de peine. Non, ceci était faux, là son cœur souffrait le martyr, cette décision déchirait son être, il exécrait sa faiblesse, sa peur. Et encore une fois il retournait dans tous les sens les choix qui s'offraient à lui, mais toujours il portait sa préférence sur la sécurité. Pourtant il avait décidé de délaisser cette vilaine habitude, il s'était fait violence en décidant d'avancer, cependant il ne voulait pas mettre en péril l'existence de Julia. Était-ce là une excuse pour rester seul et malheureux ? Toujours caché, à dissimuler ses secrets, se pourrait-il qu'il craigne que cette femme découvre ce qu'il était et que cela le freine inconsciemment ? A bien y réfléchir, c'était une possibilité. Alors qu'il était en train d'en prendre conscience, André s'éclaircit la gorge, plateau en main, il se tenait tout proche de l'aristocrate qui ne l'avait pas entendu arriver et qui eut un sursaut.


- Mhhh... Ce bras va m'en faire voir, je le sens, souffla Gaspard entre les dents en libérant le bureau de son coude valide où André déposa le repas composé d'un thé fumant, de quelques gâteaux secs, de pain et de fromage.

- Si vous me laissez vous apporter quelques soins, vous vous sentiriez peut-être mieux par la suite, tenta le domestique en jaugeant du regard la réaction de l'aristocrate.

Celui-ci leva les yeux vers André, impassible. Plus il attendrait, plus son bras subirait les séquelles de sa chute. Oui s'il le fallait il allait laisser le major d'homme y regarder de plus près, mais le cœur n'y était pas. Il craignait la douleur qui résulterait des soins. D'un mouvement de la tête il acquiesça.


- Allez chercher le nécessaire et installez le tout dans la salle d'eau, nous soignerons Alexender là bas aussi après son réveil. Je vais manger ceci et je vous rejoins pour... une délicieuse séance de torture.

André quitta la bureau. Gaspard se retrouva à nouveau seul. Il commença à manger et comprit après la première bouchée à quel point il était affamé. Il dévora le repas en entier, soupirant d'aise quant il eut terminé. La nourriture avait un bienfait sur le corps et l'esprit, c'était une fois encore prouvé. Pendant ce repas, il avait repensé à Julia, il comptait lui écrire une lettre où il inventerait un empêchement de dernière minute qui ne soit pas trop étrange, en lui proposant de reporter leur entrevue à la semaine suivante. L'estomac plein, il se sentait plus optimiste sur la situation et espérait pouvoir trouver une solution ou du moins il se laissait le temps de réfléchir, il prendrait une décision, mais ce n'était pas le moment de faire ça sur un coup de tête. L'esprit quelque peu apaisé sur ce point, c'est un peu plus léger qu'il prit place sur le tabouret de la salle d'eau pour se faire soigner par André. Il s'était délesté de ses vêtements, fait une rapide toilette car son odeur à lui aussi laissait à désirer, un mélange de crasse et la fragrance persistante de la peur flottait sur lui. Plus propre, il était enfin prêt à souffrir un peu plus, mais heureusement les calmants avaient depuis commencé à faire leur effet. Il s'était vêtu d'un nouveau pantalon de toile légère qui flottait sur lui sans frotter sur les hématomes qui recouvraient sa cuisse gauche. Torse nu, il avait laissé ses yeux se poser sur son reflet dans le miroir. Il avait des cernes sombres sous les yeux, il remarqua un bleu sur sa pommette, né de la chute très certainement, il le frôla du bout de l'index et le retira bien vite à cause de la douleur, amis aussi par surprise. Il venait enfin de remarquer qu'il avait gardé jusqu'ici ses griffes, trop éreinté pour y prendre gare avant, il contempla sa main le temps d'un instant. Même pendant son repas, il n'avait rien vu. C'était irresponsable d'avoir conservé une telle apparence, heureusement que c'était à peine visible, mais il était sur que cela n'avait pas échappé à André. Il n'en avait rien dit, mais qu'avait-il bien pu en penser ? Quelque peu inquiet, Gaspard tourna la tête vers son domestique qui l'attendait patiemment près du tabouret. Maintenant il le voyait douter. Il se sentit très mal à l'aise. Il détestait qu'on puisse le voir user de ses capacités, même devant un homme dont il savait qu'il garderait cela pour lui. Contrarié il se détourna pour retrouver totalement sa forme humaine. Il s'intima l'ordre d'oublier sa bêtise et reporta ses yeux sur son reflet.
Sa joue allait passer par toutes les couleurs. Il ne fallait pas qu'on le voit comme ça, s'il venait à sortir de chez lui cette semaine, il devrait maquiller sa peau pour dissimuler ses blessures, ou les faire passer pour un accident, une mauvaise chute du haut des escaliers peut-être... C'était loin d'être dans ses habitudes, il avait peur que cela attire l'attention, non à la limite il y aurait moins de difficultés à rester cloîtré chez lui pendant le semaine que de se faire passer pour bien portant. Par chance son bras s'était cassé convenablement, il n'y aurait pas besoin de replacer les os dans le bon angle, ce qui était déjà un soulagement. Et grâce à ses pouvoirs de guérison, il serait à nouveau sur pieds en quelques jours pour son rendez-vous avec Julia.

Avec détermination, il laissa son corps entre les mains d'André qui s'occupa de lui palper le flanc gauche pour vérifier qu'il n'y avait pas de côte fêlée ou cassée. Gaspard le laissa opérer en sachant pertinemment qu'excepté son bras, il ne s'était rien brisé, Œil de Lune s'était occupé de sonder son corps pour lui, mais il n'avait pas envie d'expliquer cela à son major d'homme, il préférait encore souffrir en silence sous la pression de ces doigts. Par contre il se laissa aller à quelques exclamations grossières lorsque son domestique lui appliqua un onguent sur ses hématomes, en précisant qu'il n'y avait rien de dirigé directement contre sa personne, mais que c'était toujours un soulagement de juger dans ces moments là. Sa remarque tira un sourire à l'ex hunter qui approuva en lui racontant une anecdote de son passé, chose rare chez lui. En fait, aucun d'entre eux ne s'était jamais appesantit sur leur histoire personnelle, ils respectaient l'intimité de chacun et en savaient bien assez pour cohabiter. Mais après les événements de ces derniers jours, Gaspard commençait à voir son major d'homme sous un nouveau jour, jusqu'ici il le considérait comme un homme rangé, un domestique et n'avait pas cherché plus loin, il n'avait jamais eut à le faire. Mais il avouait sans rougir que son aide avait été précieuse. Il avait apprécié son implication, sa volonté de se mouiller autant que lui, il n'avait pas hésité une seconde, il avait donné de son temps, de sa personne, ils avaient mis en place des plans ensemble et il lui avait même demandé son avis en ce qui concernait Julia. André était en train de se faire une place à ses côtés toute différente de celle qu'il avait par le passé, ce n'étaient la que les prémices, cependant il en voyait déjà les contours se tracer, indélébiles. Ce compagnon de route fantomatique prenait de la consistance même s'il restait toujours en retrait, il était là, attentif, prêt à agir. Gaspard se demandait même si la semaine qui s'était écoulée n'avait pas finalement remémoré des moments forts de sa vie à son major d'homme, le sortant lui aussi de la monotonie dans laquelle il s'était dissimulé. Il avait l'air d'y prendre goût. Bien sur, le Lycanthrope ne s'avança pas à lui en faire la remarque, un jour prochain, très certainement.

Après la douleur, vint le temps du réconfort. André avait bloqué l'épaule de Gaspard avec des bandes pour qu'elle ne bouge plus, ainsi il avait moins mal et ne risquait plus d'empirer les choses. Il lui ordonna de ne pas le déranger, sauf cas d'urgence, si Alexender avait un problème par exemple, mais que peu importait la situation il ne devait pas pénétrer dans la chambre une fois qu'il y serait enfermé. Le domestique obtempéra et partit vaquer à ses propres occupations, restant toujours aux petits soins avec l'ami de son employeur.
Enfin soigné, l'aristocrate fit un nouveau crochet par le bureau, il devait envoyer un billet à Julia dès maintenant, il était déjà bien tard pour annuler, mais s'il ne le faisait pas tout de suite la jeune femme risquait de ne pas recevoir l'information à temps et de venir tout de même à la Maison des Sorel. Ça serait une très mauvaise surprise de la trouver devant sa porte alors qu'un criminel activement recherché était logé chez lui. Il ne pouvait pas remettre ça à plus tard, même s'il aurait aimé s'abandonner au repos à l'instant. Résigné, Gaspard s'assit à nouveau face au bureau, il découvrit que André avait déjà débarrassé le plateau repas, décidément cet homme était partout à la fois, à croire qu'il avait un don d'ubiquité. *Bon*. L'aristocrate ouvrit l'encrier, s'empara d'une plume et d'un papier, puis commença à inscrire la date. Il tapota le porte plume contre sa joue, songeant à ce qu'il allait pouvoir inventer comme excuse et faire en sorte que son amie ne s'inquiète pas outre mesure. Elle le serait, mais il ne voulait pas qu'elle se rende malade avec tout ceci. Pas à cause de lui. On entendit plus alors que le grattement de l'acier sur le papier.


Ma tendre Julia,

J'espère que vous m'excuserez de vous prévenir aussi tard, mais je me vois dans l'obligation de repousser notre rendez-vous qui devait se tenir demain. Acceptez-vous qu'on le reporte à dimanche prochain dans les mêmes termes ? Il me peine de vous demander cela, je suis navré de ne pas pouvoir vous voir dès demain, mais il se trouve que j'ai un empêchement de dernière minute qui requiert toute mon attention. Je vous prie de ne pas vous inquiéter, cela concerne mes investissements dans le Mississipi, rien d'irrémédiable, cependant je dois me pencher cette affaire sans plus attendre et j'ai bien peur que la semaine entière ne soit consacrée à ce sujet.
J'ai dans l'espoir que vous me pardonnerez mon incongruité, sachez que vous restez la reine de mes pensées et que notre prochaine rencontre vous surprendra de plus d'une façon, en bien je le précise.  Mes yeux sont impatients de croiser à nouveau votre regard azuré dans lequel j'aime à me perdre, en écrivant ces lignes mon esprit succombe à l'impression que vous vous tenez devant moi et que je vous dis ces mots alors que votre parfum embaume la pièce. C'est la magie de la correspondance, toujours elle rapproche les absents, un beau mirage éphémère dans une mer d'encre noire, une lecture apaisante dans laquelle on se replonge au grès de ses envies pour palier au manque de l'être tant aimé. Car je vous aime Julia Thanas et c'est sur ces mots plus puissants que tous que je prend congé.
Bien à vous,

Gaspard De Sorel.


L'homme posa sa plume et relu sa lettre. Il s'était laissé emporter. Il avait parsemé sa missive de son amour et d'un espoir improbable. Il était toujours aussi indécis. Tantôt il se persuadait que la meilleure solution était de se séparer de Julia, mais dès qu'il avait l'occasion de calmer ses ardeurs, elles ne faisaient que redoubler d'intensité. Il ne pouvait pas l'abandonner. Il ne voulait pas passer à coté de sa chance, délaisser le bonheur qu'ils pourraient vivre tous deux. Désirait-il vivre à jamais avec ses regrets ? Mais les regrets n'étaient-ils pas mieux que la peur de voir sa fortune basculer ? Toujours partagé, jamais en paix. Gaspard sentait qu'il allait prendre une décision sur un coup de tête. Dimanche prochain, il ferait sa demande à Julia, il se laisserait tenter et savourerait son bonheur.
A ses yeux, tout se jouait selon ses règles. Il n'imaginait pas que la jeune femme puisse refuser ses avances. Pourquoi le ferait-elle ? C'était une chance pour elle, pour eux. Après leur séjour à Loth, il ne pouvait en être autrement. En fait, l'aristocrate pensait avoir déjà trop attendu pour proposer ces fiançailles. Il aurait même du rencontrer la famille Thanas pour faire sa demande officielle avant d'en toucher un mot à sa petite perle, mais pour une fois il ne voulait pas faire selon les convenances. C'était une histoire entre Julia et lui. Elle dirait oui, avec les yeux pleins de larmes, elle se blottirait dans ses bras le souffle court, trop heureuse pour dire un mot de plus. Déjà Gaspard pensait que tout était joué, il ne restait plus qu'une chose : qu'il prenne définitivement sa décision, qu'il ose !
Une douleur ramena l'amoureux à la réalité. Il prépara l'enveloppe, y déposa la lettre et la laissa sur la bureau. Du haut des escaliers il appela André, qui sortit de la chambre du malade, inquiet, il pensait que l'aristocrate était déjà couché, mais il ne semblait pas encore avoir rejoint son lit. Le bicentenaire lui demanda de faire porter la lettre qui se trouvait sur le bureau à Julia Thanas dans les plus brefs délais, après quoi il réitéra sa demande qu'on ne vienne pas le déranger.

Une fois seul, le Lycanthrope prit la forme d'Oeil de Lune. Celui-ci n'aimait pas particulièrement se retrouver dans des espaces clos toutefois comme la situation l'exigeait il n'y vit pas d'objection. Il trottina dans la chambre pour trouver se familiariser avec l'endroit, il huma les rideaux et s'assit sous un rai de lumière pour profiter de la chaleur du soleil, il décida ensuite de s'allonger pour prendre du repos lui aussi, optant pour le tapis puisque Gaspard lui avait interdit de prendre place sur son lit.
Ce dernier se trouvait dans le monde des esprits où la douleur qu'il ressentait était amoindrie. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour concentrer son énergie sur sa guérison, après quoi il s'était laissé emporter par le sommeil, trop heureux d'être en sécurité et de ne plus souffrir. Perchée sur une branche d'arbre, Galyllée veillait sur son petit, attentive à sa respiration. Ils se trouvaient dans une clairière, le soleil brillait haut dans le ciel, Ambre était allongé sur un lit de mousse, le haut du torse dans l'ombre et le reste de son corps réchauffé par l'astre du jour. C'était un lieu paisible. Une petite brise agitait parfois les herbes folles, mais on n'entendait aucun son. Le Lycanthrope s'était coupé de la réalité, il régénérait ses blessures grâce à ses pouvoirs, inconscient de ce qui se jouait dans le monde des Hommes.

Gaspard se réveilla en entendant des coups frappés à la porte. Œil de Lune était déjà assit près de la sortie, prêt à laisser sa place à sa forme humaine quand son hôte serait sortit de ses songes. Déjà il le sentait en meilleure santé. Il aurait préféré qu'il continue de se régénérer, mais il savait que, quoi qu'il dise, Ambre n'en ferait qu'à sa tête puisqu'il était libre de ses choix. Sa part animale ne comprenait pas toujours les actes du Lycanthrope, mais à force de cohabiter ensemble il avait appris à se fier à l'instinct de l'humain qui faisait toujours passer le bien du groupe avant le sien. Le chasseur faisait partie de leur meute, il avait droit à leur considération et leur soutient, c'est pour cette raison que le loup ne rechigna pas à céder sa place, sans faire une remarque.
L'aristocrate se métamorphosa, se réadapta à sa forme tangible, puis ouvrit la porte. André lui confia que Monsieur Ravellow était réveillé et qu'il partait de suite lui préparer un bain, comme il le lui avait demandé. Le sommeil avait revigoré le Lycanthrope et c'est avec un sourire las, mais plus frais, qu'il se rendit dans la chambre d'ami, où il trouva Alexender toujours affaibli. Ensemble ils le dévêtirent, enfin ce fut André qui fit le plus gros du travail, heureusement qu'il était présent et efficace sinon quoi la tâche aurait été plus ardue encore, puisque le Hunter n'avait pas plus de forces qu'un nourrisson aux premiers jours et qu'avec un seul bras valide, Gaspard n'était pas très efficace. Le rouquin prit son bain et ils découvrirent tous à quel point son corps avait pâti de ses mésaventures, c'étaient bien plus que de simples hématomes qui le recouvraient, il y avait des coupures et des blessures qui avaient dû être recousues. La vision de la balafre formée après le passage de la balle tira un grognement mécontent au Lycanthrope, elle n'était même pas encore cicatrisée. Le corps de son ami n'avait plus rien d'attirant et semblait le faire souffrir dans le moindre de ses mouvements, un lutteur de combats de rues aurait déclaré forfait depuis longtemps avec des blessures pareilles, mais Alexender continuait à se malmener, mais pourquoi ? Gaspard faillit le lui demander là, de but en blanc, mais il se ravisa, ils auraient le temps demain ou encore après, quand ils seraient seuls et lorsque l'un d'eux ne serait pas nu comme un vers. La toilette se révéla une épreuve, longue et douloureuse, au fur et à mesure André ajoutait de l'eau chaude pour que leur protégé ne prenne pas froid et enfin le Hunter fut débarrassé de la poussière, de la sueur, du sang et des odeurs qui le recouvraient. On le sortit de la baignoire qui méritait maintenant d'être récurée à fond, puis ils s'occupèrent de lui prodiguer des soins. Cela pris du temps, mais avec leur connaissances commune et leur habileté, Alexender reçu ce qu'ils pouvaient faire de mieux. Toute cette opération s'était déroulée dans un grand calme, tous s'étaient affairés pour agir au mieux, au plus vite et puis l'heure n'était pas à la discussion, ils étaient fatigués, chacun semblait tourné vers ses propres pensées et le travail qu'il avait à accomplir. Pourtant il ne régnait pas de tension dans la salle d'eau, tout était simplement calme.

Une fois que l'infirmerie de fortune fut nettoyée pour la forme, le major d'homme aidé par Gaspard, ramenèrent Alexender à sa couche où ils le laissèrent sombrer à nouveau dans le sommeil après lui avoir fait ingurgiter de nouveaux calmants.

André s'éclipsa après avoir avertit Gaspard que sa lettre avait bien été envoyée. Celui-ci retourna dans sa chambre sans éprouver le besoin de manger. Il retrouva le monde des esprits, pendant qu'Oeil de Lune reprenait sa place sur le tapis au pied du lit.


*
***


Le lendemain les pouvoirs du Lycanthrope avaient largement fait leur œuvre. Ses égratignures avaient toutes disparues, il ne restait pour le moment que quelques tâches plus sombres sur sa peau ; déjà ses hématomes perdaient de leur couleur, celui sous son œil avait largement dégonflé, avec une nuit de guérison en plus il serait totalement résorbé quoique certainement encore douloureux au toucher. Son bras cassé n'avait quant à lui pas montré de véritable amélioration, les os ce n'était pas une mince à soigner, mais d'ici quelques jours lui pourrait à nouveau le bouger.
Gaspard se réveilla donc sur un tapis d'humus au bord d'un ruisseau, il s'étira, ici il pouvait fermer son esprit à la douleur et c'était une bénédiction de ne pas avoir à ressentir les palpitations lancinantes dans ses membres brisés. Son sommeil avait été paisible. Il avait dormi tout son soûl, loin des tracas de la réalité. Son retour en fut d'autant plus difficile. Une fois métamorphosé, sa douleur lui arracha une plainte. Le jour devait être levé depuis longtemps, ce qui signifiait que sa dernière dose de calmants remontait à plus de douze heures. Assit au pied du lit, le cou reposant sur l'édredon de plumes, il grimaçait, les yeux fermés, sa main serrant sa cuisse dans l'attente que la sa souffrance s'apaise. Ah il était bon de ne plus rien ressentir, mais quand le mal s'éveillait à nouveau, d'un coup,... c'était aussi fort que lorsqu'il avait ressentit le choc. *Saint Mère de Dieu, faites que cela cesse !*. Sa respiration saccadée donnait un honnête aperçu de son malaise. En lui, Œil de Lune le sommait de le laisser revenir. Têtu, Gaspard refusait, alors que Galyllée le traitait d'inconscient. Trop préoccupé pour se battre, l'aristocrate coupa tout bonnement les communications avec ses entités, se retirant dans sa partie intime et ne laissant plus filtrer une seule information dans un sens comme dans l'autre. Habituellement il n'allait pas aussi loin, mais il ne parvenait pas à faire l'effort d'un juste milieu.
Une fois sa phase de réveil achevée, le Lycanthrope ne se sentait pas véritablement mieux, mais au moins il ne suffoquait plus. Il se releva tant bien que mal, avec lenteur et traversa le couloir jusqu'à la chambre d'Alexender qu'il trouva vide. Panique instantanée, son cœur était bouleversé, puis la raison lui murmura qu'il devait être ailleurs dans la maison, que si le Yard avait fait intrusion chez lui ils ne seraient pas passés à côté d'un loup en train de dormir dans une chambre sans le mettre en cage, cette sale bête.

Le Hunter était déjà descendu, assisté par André qui était aux petits soins avec l'aristocrate déchu, répondant à la moindre de ses attentes comme s'il était son maître. Il lui déconseilla d'en demander trop à son corps, puisqu'il n'était pas encore remis de ses blessures et que la fièvre risquait de remonter, mais ses paroles tombaient dans l'oreille d'un sourd. Alors le major d'homme se demanda si lui aussi, à cet âge, il s'était montré aussi insouciant...
A la demande d'Alexender, il expliqua à leur hôte que Monsieur prenait encore du repos dans sa chambre, que depuis la veille il ne l'avait pas vu, mais que s'il le désirait il pouvait lui annoncer son réveil. Après quoi André prépara un déjeuner léger, idéal pour reprendre des forces, mais pas excessivement copieux. Malgré tout, le hunter ne semblait pas prêt à se nourrir et préféra se pencher sur les journaux. Au vue de son expression, il avait tout l'air d'être étonné de ce qu'il put y lire.
Respectant l'intimité de l'invité, André s'éclipsa.

Après avoir doucement descendu les marches, Gaspard se dirigea vers le petit salon où il trouva Alexender installé sur une chaise, rehaussé d'un coussin, des journaux entassés face à lui, un bol de nourriture boudé posé un peu plus loin. Il le salua et s'enquit de sa santé, puis s'assit sur un siège de l'autre coté de la table. André ne tarda pas à faire son apparition les bras chargés d'un plateau de nourriture variée, il servit l'aristocrate et proposa à Alexender un autre bol de soupe chaude qu'il échangea avec l'autre.
Tandis qu'ils mangeaient, son ami sembla assez en forme pour parler et désireux de lui expliquer ce qu'il s'était passé depuis le bal masqué. Et dire qu'ils ne s'étaient pas revu depuis ! Et que tant de choses s'étaient passées...
Aujourd'hui, il ne se sentait plus en colère, tout semblait être rentré dans l'ordre. Quoique, il s'était tout de même permis de se retirer dans un coin de son esprit inaccessible à ses totems, preuve qu'il n'était pas totalement dans son assiette.


- Oh ça oui, je dois être fou, ça ne fait même aucun doute et la vieillesse n'arrange rien, dit Gaspard avant d'engloutir le contenu de sa fourchette.

Pendant qu'il mâchait il se donna le temps de la réflexion. Donner des mots à ses pouvoirs ? Ils n'en seraient que moins impressionnants. Mais après tout il était quand même temps qu'Alexender sache à qui il avait à faire, ce dont il était capable. Ils n'avaient jamais vraiment abordés le sujet. La pudibonderie de Gaspard devait en être l'une des causes. Mais il y avait peut-être aussi de l'appréhension, son ami comprendrait-il ce qu'était vraiment être un Lycanthrope ? Il savait qu'il le voyait comme une étrangeté de la nature, lui donner les ficelles de ses pouvoirs pourraient très bien lui paraître trop gros à avaler. Mais maintenant qu'il le lui demandait, c'était peut-être qu'il était enfin prêt à entendre ces révélations sur ses « étranges » facultés, comme il les appelaient si bien.


- Oui. Si tu veux en savoir plus je te ferais comprendre comment tout cela fonctionne, je te montrerais, quand nous irons mieux et que nous aurons le temps,...

Gaspard savait qu'en disant ça, il remettait encore ces révélations à plus tard. D'une part l'instant était mal choisi pour aborder ses particularités, ils étaient blessés, fatigués, d'autre part cela demanderait du temps et des métamorphoses, puisqu'il s'était coupé du monde des esprits, ce serait impossible. Et lui donner des cours sur l'alchimie alors qu'il avait un bras inutilisable rendait la chose impraticable. Bref, ses démonstrations n'étaient pas faisable en ce jour.
De son coté, Alexender aborda les déboires de sa vie avec hésitation d'abord, puis dans un flot continu de paroles sous le regard captivé du Lycanthrope. Ainsi il lui confirma que Sarah et lui étaient bel et bien en couple, qu'alarmé de son absence il s'était laissé piéger par un Vampire à la solde du Comte Keï qui faisait lui aussi partie des être de la nuit. Gaspard fut choqué de cette révélation, ce personnage énigmatique était un pilier central de Londres, un proche de la Reine Victoria, il devait être terriblement habile pour cacher aussi bien son jeu ! C'était un ennemi puissant, Alexender avait peut-être tenté de ferrer une proie trop grosse pour lui et à la place de laisser tomber il s'était acharné, voilà ou cela l'avait mené, aux portes de la mort ! Mais pourquoi ? Pour Sarah bien sur, l'élue de son cœur, le Vampire l'avait entre ses mains, c'était un affront pour son ami et une humiliation, le Comte apparaissait comme le pire rival qui soit : il le privait de Sarah Spencer et représentait tout ce qu'il détestait le plus au monde. Le Hunter prit son temps pour décrire comment Angelstone s'était joué de lui et tout ce qui s'était passé ensuite. Gaspard sentait toute la difficulté de raconter ceci, lui même avait du mal à l'entendre, il éprouvait une grande compassion pour son ami, sa peine était la sienne, il partagea ses angoisses et sa détresse. Cette expérience avait été éprouvante, mais ce n'était pas terminé.
Par chance, une jeune femme était venue au secours d'Alexender. Elle lui avait sauvé la vie, que Dieu ait son âme. Le Hunter s'était remis de ses blessures, puis il avait recommencé la traque accompagné par d'autres chasseurs, ensemble ils avaient occis une Vampire, puis accompagnés par Sarah ils s'étaient décidés à s'attaquer au Comte Keï pendant une représentation au théâtre. Alexender détailla tout, tandis que Gaspard buvait ses paroles, oubliant jusqu'à la douleur qui le lançait sans cesse. Leur plan avaient échoué, il y avait eut des morts, des désillusions, une fuite salvatrice et des blessures profondes. Heureusement qu'Eulalia Grey avait pris soin du Hunter, mais celui-ci semblait faire peu cas de sa propre santé. Gaspard le sentait à bout, il avait vécu tant de mauvaises choses en si peu de temps, c'était compréhensible. Il y avait tant d'amertume dans sa voix. Et lui, pendant ce temps il roucoulait avec Julia à Loth, alors que son ami aurait vraiment eut besoin de lui. C'était inacceptable.
Le Hunter lui appris qu'il avait retrouvé un compagnon alors qu'il se cachait chez les prostituées, Stan Calder et qu'il avait rencontré une Lycanne. Cette révélation fit froncer les sourcils de Gaspard. Un membre de son espèce prenait part aux affrontements des Hunters ? Il était étonné. Contrarié. Cela ne lui inspirait pas confiance. Il n'appréciait pas que les Lycans prennent part aux combats inter-espèces, il était contre leur implication. Ils devaient laisser la nature faire les choses, ils n'avaient pas à agir de la sorte. De même, cette Katherine lui semblait trop imprudente, sans même connaître ses compagnons elle avait révélé ses dons. Quelle folie ! N'avait-elle eut aucune éducation ? Gaspard laissa ses pensées à plus tard, car il entendait dans les intonations d'Alexender qu'il était inquiet pour ses amis. Il ne savait pas ce qu'il leur était arrivé. Le Lycanthrope comprenait bien cette situation pour l'avoir lui même vécu. C'était un questionnement de chaque instants et des reproches, sans cesse. Il ne pouvait faire que des suppositions. Il lui était impossible d'en savoir plus, il était souffrant et recherché. Son moral était au plus bas, mais au moins, il était vivant. C'était un homme à terre, accablé, que la vie poignardait encore : Sarah allait se marier au Comte, cette femme pour qui il s'était battue rendait les armes. Enfin, il n'était pas possible de lui en vouloir, elle n'avait pas le choix dans cette affaire. Comment pourrait-elle s'opposer à la volonté d'un Vampire ?


- Je ne sais pas quoi te dire mon ami, je comprend tes craintes et je compatis à ta douleur, je ne sais que trop bien ce que l'on ressent lorsque nos proches sont ainsi en danger. La situation est mauvaise, c'est un fait, mais tu dois d'abord penser à te remettre de tes blessures, regarde toi, tu n'arrives à respirer qu'à grande peine. Pour l'instant, il faut que tu fasses profil bas, tant pour toi que pour les autres. Les rechercher ne ferait que les mettre en danger et toi avec. Gaspard pensait secrètement que la fuite de son ami ne serait pas une si mauvaise chose. Et pense à Sarah, elle doit avoir lu les journaux elle aussi, elle doit être soulagée de te savoir loin de la Tour de Londres, elle peut au moins se consoler en sachant que tu es sauf, quelque part. Il pensa à la lettre qu'elle lui avait écrite, il faudrait la faire lire à son ami. Sais-tu que j'ai reçu une lettre de Sarah ? Oh elle n'est pas récente, en fait elle doit correspondre à la période qui a suivit ta convalescence après le piège d'Angelstone dans les égouts, lorsque j'étais à Loth. Elle s'inquiétait tellement pour toi... Je te la ferais lire, elle est dans le bureau.

Alexender se lamenta de ce qu'il avait perdu. C'était un homme mis à nu, blessé physiquement, moralement et dans son cœur. Il avait vu trop d'horreurs en peu de temps et il en portait la responsabilité.

- Les hommes et les femmes qui t'ont suivit l'ont fait de leur plein grès, tu n'es pas responsable d'eux, ils savaient pertinemment dans quoi ils s'engageaient. Se sont des Hunters, ils connaissent les risques. Il y a toujours des dommages collatéraux, quelque soit le combat que l'on mène. Gaspard soupira. Et moi je n'ai pas été là lorsque tu en avais besoin, je fais un bien piètre ami... Me le pardonneras-tu un jour ? L'aristocrate s'inquiétait vraiment, il se sentait terriblement fautif d'être passé à coté de ces événements. Il se le reprochait sans arrêt. S'il avait été là, peut-être que les choses auraient tourné autrement...

Alexender était atterré. Il recouvrit son visage entre ses mains, tremblant et sans retenue il laissa couler le désespoir qui l'emplissait. Gaspard n'était pas étonné qu'ils en arrivent là. Il était surpris que son ami soit parvenu à se retenir de se laisser aller aussi longtemps. Il avait raconté son histoire avec difficulté, mais sans déverser sa peine. Récapituler ce qu'il avait définitivement perdu était le coup de grâce, au point qu'il en perde le goût de vivre.


- Il y a de quoi se laisser abattre... Tu dois continuer ton dessein Alexender et ne pas laisser ces échecs te vaincre, ils doivent te rendre plus fort. Il faut apprendre de nos erreurs, se sont elles qui nous forment le plus.

Son ami s'arrachait les cheveux, rageur. Gaspard sentait sa haine pour le Comte irradier, il voudrait se venger, il n'aurait de cesse qu'en éradiquant ce Vampire de la surface de la terre, mais si plusieurs Hunters avaient échoué dans cette tâche, comment changer la donne ? Mais alors que le Lycanthrope pensait son ami trop focalisé sur ses propres déboires, il s’avéra qu'il était encore capable de raisonner, il n'était pas encore aveuglé par la vengeance.
L'aristocrate savait que son ami avait raison, il devait partir d'ici pour son salut et le leur. Ils n'étaient pas en sécurité ensemble, dès qu'il irait mieux il devrait quitter la Maison des Sorel, sa retraite ici n'était que provisoire. Alors qu'Alexender avait l'air absent, Gaspard lui répondit :


- N'imagine pas que je vais te laisser t'en aller dans ton état. Je vais t'aider, André est là en connaissance de cause, nous avons choisi de t’amener ici et tu y restera jusqu'à ce que l'on juge que ton état sera stable. Après, il faudra te trouver un endroit où te refaire une santé, définitivement et où tu pourras repartir sur de bonnes bases. Ne perd pas espoir mon ami ! Finit-il par dire alors que le Hunter s'affalait sur la table en marmonnant qu'il était fatigué. Tu es en vie, tu es libre, tu vas prendre le temps de réfléchir posément à tout ça, plus tard...

Gaspard supposa que ses paroles étaient tombées dans l'oreille d'un sourd, car son ami semblait s'être endormi. Cela tira un sourire mi amusé, mi triste à l'aristocrate. Le récit conté par Alexender n'avait pas fini de tourner dans son esprit et de lui donner à réfléchir. Il était tout ce qui lui restait, cela le réconfortait, d'une certaine manière, il se disait qu'ainsi il avait fait le bon choix en se compromettant de la sorte.
L'aristocrate réveilla son ami, juste le temps de l'aider à monter jusqu'à sa chambre. Il partit chercher la lettre de Sarah qu'il déposa au chevet du malade pour qu'il puisse là lire s'il le voulait à son réveil. Ensuite il reprit une dose de médicaments et discuta de la situation avec André, ils parlèrent des solutions qui s'offraient à eux, des éventuelles échappatoires que pouvait avoir Alexender, de ce qu'ils pourraient faire de leur coté pour brouiller des pistes. Puis trop fatigué pour continuer, Gaspard repartit se terrer dans sa chambre où il se reposa sous sa forme humaine, refusant d'entrer encore en contact avec ses entités et de subir leurs questions et remarques cinglantes. Là, il voulait dormir, pas devoir faire son propre plaidoyer.


***

Les jours suivants se ressemblèrent, Gaspard et Alexender se reposaient une grande partie de la journée et ne descendaient au petit salon que pour les repas. Le bicentenaire passait son temps libre à veiller son ami, assistant à ses délires et à ses moments de semi-conscience. De son coté il avait rouvert son esprit à ses totems. Comme il s'y attendait il y eut une conversation sans fin à propos de sa santé qui se termina sur conseils et des des silences contrariés puisque chacun voulait avoir raison, mais ils avaient l'habitude et la situation finirait par se tasser comme toujours.

Un soir, tous deux installés sur des fauteuils, Alexender semblait être dans une phase où il était redevenu lui-même, il engagea la conversation sur un sujet qui fit pincer les lèvres à Gaspard : Julia Thanas. Tout d'abord, celui-ci haussa les épaules, cherchant ses mots. Il aurait voulu parler de ces deux semaines idylliques qu'il avait passé avec la couturière loin du monde dans sa demeure secondaire, mais à quoi bon raviver de tels souvenirs heureux ? Tout était si changeant, si incertain, lui même ne savait plus où il en était, il oscillait entre des instants d'espoir et de doute, c'était intenable. Alors à quoi bon revenir sur le sujet ? Mais Alex n'était au courant de rien, il pouvait bien lui raconter quelques anecdotes, cela les occuperaient tous les deux.


- Des mondanités mon ami, ma vie n'est que mondanités ! A vraie dire, il s'est passé tellement d'événements ces derniers jours que je ne sais plus vraiment ce qui s'est passé il y a quelques semaines. La monotonie de la vie à Londres, tu vois... Au moins toi tu sais mettre du piment dans ta vie, n'est-ce pas ?

Gaspard aborda ensuite le sujet de Julia et dans sa voix persistait cette petite étincelle qui lui faisait croire que tout n'était pas perdu, mêlée à des tonalités plus graves, plus troublées.

- Julia semble se porter à merveille, après le bal nous nous sommes retirés à Loth où nous avons coulés des jours heureux. La vie à la capitale me paraît maintenant bien fade face aux souvenirs que j'ai de notre séjour là-bas.

Sans le vouloir, sans même s'en rendre compte, Gaspard raconta sa retraite. D'abord il s’était exprimé avec une voix monocorde, comme si cela ne le touchait pas, puis entraîné par ses souvenirs, ses émotions, il mit de la vie dans son récit. Il revivait ces jours passés en la présence de Julia, s'était un plaisir à double tranchant qu'il prenait, mais dans l'instant il n'en avait cure. Il se sentait mieux et reprenait courage.
Gaspard expliqua que depuis leur retour de Loth, ils ne s'étaient pas revu, qu'il était prévu qu'ils se rencontrent à nouveau dimanche prochain à la Maison des Sorel. Il omis de préciser qu'elle devait initialement venir pendant le dimanche de leur convalescence, pour ne pas mettre son ami mal à l'aise. Puis vint le moment où l'aristocrate hésita. Il voulait annoncer ses projets à Alexender, mais il avait peur de raviver en lui de mauvais souvenirs, Sarah, le Comte, ses échecs. Non, il valait mieux attendre, c'était plus sage. Et puis le Hunter paraissait si absent, il ne voulait pas le troubler plus qu'il ne l'était déjà.


***

La semaine s'écoula sans souci particulier. Gaspard se sentait de mieux en mieux, ses capacités de régénération avancés étaient grandioses, déjà ses os étaient en train de se ressouder et il avait nettement moins mal. Excepté son bras brisé, le reste de ses blessures étaient toutes guéries. C'était en train de devenir un rituel, chaque matin il consultait les journaux pour prendre connaissance des nouvelles concernant le Yard et l'avancée des recherches concernant la fuite du fugitif. Il était heureux de constater que leur enquête semblait stagner, c'était une bonne affaire pour eux. Alexender se remettait lentement de ses blessures, mais la fièvre semblait être définitivement tombée, pour le moment du moins. C'était à surveiller. Lorsqu'il se sentirait prêt, ce qui ne saurait tarder, il prendrait le large, l'aristocrate engagea justement une conversation à ce sujet lorsqu'ils se tenaient ensemble pendant un repas du soir :

- J'ai pensé, enfin il faut que tu me donnes ton avis là dessus, mais je présume que c'est une solution acceptable... Comme tu dois t'écarter de Londres pendant un certain temps, que penses-tu de loger à Loth ? Ah, non ! Tu ne peux pas dire non ! Ajouta Gaspard avant que son ami ne refuse de but en blanc. Tu pourrais demeurer caché dans une aile de la demeure, terminer de te refaire une santé, sortir la nuit et même le jour avec un déguisement. Il faudrait rester discret bien sur pour ne pas éveiller les doutes des domestiques qui habitent plus loin dans le domaine et qui gardent un œil sur Loth, mais je suis certain que tu pourrais t'y sentir à l'aise. Tu n'aurais personne pour te dicter tes actes, tu pourrais prendre du recul sur la situation. Le Lycanthrope se tue quelques instants. Qu'en dis-tu ?


Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Gaspar10
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Alexender Von Ravellow
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MessageSujet: Re: Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Icon_minitimeMar 24 Juin - 17:41

Grâce à l'humour et aux soins de son ami, Alenxender fut rapidement mis sur le chemin de la guérison. Les blessures du corps serait lentes à se résorber et il garderait de nombreuses marques de ses terribles aventures, mais le pire était sans aucun doute les blessures qui avaient meurtri son esprit. Toutes ces images qui lui traversaient la tête, tout ces doutes, toutes ces craintes, ces questions qui se bousculaient au seuil de son âme ! Comment les évacuer ? Comment se relever lorsque l'on a glissé la moitié de son être dans le lac noirâtre du désespoir ? Ce ne serait pas comme ses hématomes, passés du noir au mauve et déjà devenus jaunes, prêts à disparaître pour de bon, non, ce serait comme ce coup au poitrail, cette balle glacée qui avait transpercé son plexus au théâtre : ce serait une guérison lente et douloureuse qui lui laisserait une affreuse cicatrice dont la chair palpitante resterait sensible à vie.

Plutôt mourir que souffrir ? Non.
Alexender se battrait, il était né pour cela, jamais il n'avait abandonné la vie depuis qu'il y avait goûté, et ce malgré avoir reçu les coups les plus durs que puisse connaître un homme de son gabarit. Bon vivant, chasseur de cœurs, enjoué, toujours enthousiaste, riche et pédant...son ancienne image avait longtemps dissimulé son moi profond, son autre, ce Hunter aigri et violent, complètement aveuglé par la vengeance et la haine. Cette facette ne ressortait que dans ses moments de solitude, la nuit, lorsqu'il traquait sans relâche ceux qu'il considérait comme d'abominables rebuts de la création. Il ne la montait jamais en public, jamais en plein jour, et même son ami, Gaspard, ne l'avait jamais connu sans son masque clownesque, même dans les pires moments de leur existence commune. Mais, aujourd'hui, il avait perdu son faciès de porcelaine et, même s'il faisait encore des efforts pour sourire et plaisanter, il avait déjà rejoint sa véritable nature pour ne plus revenir vers celle qu'il s'était construite en publique. Il n'allait plus fuir, il n'allait plus jouer. Sarah avait tout bouleversé. Elle avait ravivé son pessimisme abyssal, réveillé son esprit et son véritable cœur.
Il ne mourrait pas en vain, jamais, et ce désespoir serait pour lui la flamme qui attiserait son four de métal et de vapeur. La machine était en place, les rouages s'imbriquaient les uns dans les autres, il n'avait plus beaucoup de choix : il devait périr et se laisser aller à la plus horrible des fins en luttant comme un chien contre un ours, un démon, le Comte, là, maintenant, ou attendre pour se reforger une vie, se réincarner en lui-même, en son autre, en ses dernières forces, ses véritables forces et songer à une victoire.
Inutile de le nier : Alexender avait changé et la voie qu'il prenait désormais marquait un tournant des plus décisifs dans sa vie, pour son futur et celui de ses proches. Jamais plus il ne serait le même.
Brûler ses vêtements, ou du moins ce qu'il en restait, et porter du linge propre après un bon bain, quoique difficile à prendre, fut pour lui le premier pas vers la convalescence et cette nouvelle peau qu'il désirait enfiler. Malgré le regard dur que lui jetait régulièrement Gaspard, Alexender se sentait soutenu et surtout entre de bonnes mains. En ces lieux, il se savait en sécurité. Car, même si le Yard pouvait à tout moment décider de fouiller les manoirs de toute la ville, il avait l'impression de se trouver chez des parents, dans un coin retiré, loin de ce monde sanglant, dans un paradis familial où il pouvait s'assoupir sur un édredon tiède et rassurant après un voyage de longue haleine. D'ailleurs, il doutait sincèrement que le royaume permette la descente du Yard dans les demeures des aristocrates de la trempe et du statut de « Sieur de Sorel ». Le seul élément qui l'inquiétait, c'était que leur amitié était connue de tous et que si une telle mesure était finalement prise, ce serait sans doute l'un des premiers lieux à être fouillé. Alexender priait pour que son ami n'ait aucun soucis particulier et il espérait que l'absence du Lycanthrope dans la société ne serait pas remarquée outre mesure. Car si finalement c'était bien Gaspard qui jouait l'infirmière - avec André, ce brave majordome, qui s'occupait sans dire mot de cet invité porteur de crasse et de malheurs – le Lycanthrope avait lui aussi été durement touché par son sauvetage improvisé. Même s'il le cachait avec un certain tact, il était évident que son corps avait souffert. Son bras en écharpe le confirma dès le premier jour, ses quelques grimaces discrètes aussi. Mais Alexender fit comme s'il n'avait rien vu. Ce n'était évidemment pas pour éviter la compassion, mais bien par respect. Son ami n'avait sans doute aucune envie d'en parler et raviver les moments difficiles de sa libération n'aurait fait que les enfoncer tous deux d'avantage dans leurs inquiétudes et leurs douleurs. Aussi le Hunter s'était-il contenté de lui demander régulièrement s'il se trouvait bien, s'il avait dormi comme un loir ou s'il avait bien mangé. Jamais ils ne s'appesantirent sur leurs blessures respectives, c'était un geste de pudeur pour tous les deux. Alexender se plaignait beaucoup, cela avait toujours été, il détestait la société et rageait volontiers contre tout ce qui le faisait sortir de ses gonds, mais dès qu'il était blessé, physiquement ou mentalement, il évitait le sujet car cela le renvoyait à sa faiblesse et lui faisait honte, cela le gênait et ses gémissements étaient ainsi souvent involontaires. Il avait toujours préféré serrer les dents et sortir des idioties pour détendre l'atmosphère plutôt que de pleurer sur son genoux, son épaule ou son doigt de pied en miettes. Évidemment, dans la situation actuelle, il lui était impossible de ne pas montrer sa souffrance et cela l'exaspérait d'autant plus qu'il eut besoin d'aide pour tout durant les deux premières semaines qu'il passa chez Gaspard. Pour le lever, pour se laver, pour s'habiller, manger, boire aussi parfois, pour ingérer les médicaments que son ami lui offrait, pour aller soulager sa vessie...Il se sentit assisté, diminué comme un enfant qui n'avait vu qu'un printemps. Heureusement, Gaspard et André le connaissaient assez pour comprendre que le silence valait mieux sur ces détails de la vie de tous les jours et le Hunter ne ressentit jamais cette désagréable impression d'attirer sur lui la pitié. Cela aida sans doute son rétablissement et son humeur.


- Me rôtir avec le linge ? Pourquoi pas... ? Je crois que je n'ai jamais autant pué...Ma mère me renierait.

Une boutade, un sourire, le sommeil. Le temps passa étrangement lentement et silencieusement dans cette maison. Chacun semblait préoccupé par ses propres pensées. Une fois qu'Alexender eut désespéré et raconté l'ensemble de ses déboires à Gaspard, le rythme qu'ils prirent fut celui d'hommes fatigués et prudents. Le Hunter se força à oublier les journaux et se concentra sur son rétablissement tout en songeant à son avenir.

**************

Durant la première semaine, Alexender resta souvent muet. Il réfléchit beaucoup, dormit bien plus que ce qu'il fallait à un homme en pleine forme et délira même encore régulièrement jusqu'à ce que la fièvre disparaisse tout-à-fait grâce aux médicaments et au calme que lui prodiguèrent son ami et sa demeure. Il ne su jamais que Gaspard avait repris des forces en laissant la place à son entité lupine, de même qu'il ne se douta pas de tout ce que l'aristocrate avait écrit à Julia Thanas, la petite couturière qui faisait maintenant battre son vieux cœur fatigué. De son côté, Gaspard ne su pas non plus qu'Alexender avait commencé trois fois une lettre destinée à Sarah. Le Hunter avait prévu de lui dire qu'il songeait toujours à elle et qu'il viendrait la chercher bientôt afin de la rassurer et de lui prouver que son amour n'était pas mort. Gaspard lui aurait servi d'intermédiaire, peut être même André, cela ne devait pas être difficile que de lui faire parvenir une lettre sous couvert de relations officielles, même si elle était au couvent. Cependant, revenant sur sa décision, le Hunter avait brûlé ses brouillons et soupiré près de la lampe à huile qui éclairait sa chambre le soir. À quoi bon lui donner des espoirs ? À quoi bon lui mentir ? Il n'y croyait plus, il ne le voulait plus. Dans sa retraite, elle avait dû entendre la nouvelle de sa fuite, comme le disait Gaspard, c'était déjà ça, elle le savait en vie et peut être que cela soulagerait ses peines. Lui écrire risquait juste de la compromettre et d'en faire véritablement une complice aux yeux du monde. Non, c'était fini, il ne lui compterait plus son amour, il ne lui dirait plus qu'il viendrait la chercher, il ne lui adresserait plus une parole, pas un seul billet, avant qu'il ne soit sûr de la sortir de son enfer. C'était trop risqué, pour elle, pour lui, pour Gaspard, pour André, pour tous. Nul n'avait besoin de cette folie supplémentaire. Il devait attendre et agir à plus grande échelle. Il devait rester patient.

Ses pensées pour Sarah avaient ainsi évolué vers une indifférence toute relative. Il en était évidemment mortifié et désespérément malade, mais il avait décidé de laisser la société suivre son chemin, les plans du Comte prendre racine et son nom rester collé aux lèvres des effrayés et des commères de tout poil, sans agir dans l'immédiat. Il avait décidé de se faire oublier autant que faire se pouvait, de laisser Marguerite, Suzanne et Romerta souffrir dans leur geôle, de prendre un nouveau chemin, le sien, celui de la délivrance. Il avait grandi, il avait réfléchi, et ce qui ressortait maintenant de ses moments de réflexion, était ce détachement du monde qui les sauverait tous sans doute un jour. Foncer tête baissée chez les Spencer le conduirait à l’échafaud et la blesserait, sauver ses domestiques et les prostituées les tuerait tous, provoquer le Comte en duel le mènerait plus rapidement encore à sa perte, aller voir la sorcière le rendrait fou, tenter de retrouver Stan, Katherine, Raphaël et Aria lui vaudrait sans doute une balle en plein cœur, écrire à Eulalia Grey la compromettrait au même titre que Sarah...non, il avait tout pesé, tout pensé, et il était désormais certain qu'il ne pouvait plus rien faire d'autre que d'attendre, patiemment, que la chance ne tourne en sa faveur, que l'horloge annonce son heure, que la mélodie de Vengeance murmure à ses oreilles que le temps de prendre les armes était revenu.

Ce n'était pas un abandon, ce n'était pas de la lâcheté, Alexender était déchiré par ses sentiments, sa culpabilité, ses pulsions de haine et de destruction, mais c'était la solution la plus raisonnable, celle qui permettrait le salut du plus grand nombre d'âmes. C'était un choix stratégique et sage, le seul qui pouvait garantir un avenir à ses projets et aux êtres qui lui étaient chers.
Alexender avait essuyé tant de coups qu'il réalisait maintenant que son plus grand défaut était l'impatience. C'était elle qui le menait toujours à des actions irréfléchies et dangereuses. Il fallait qu'il grandisse.

Froissant un nouveau billet sur lequel il était en train d'écrire tout simplement « attends-moi », il le piqua de la pointe d'un coupe-papier en forme d'épée et le regarda brûler lentement au-dessus de la flamme de sa lampe dont il avait ôté le verre avec un chiffon. Dans son œil ambré, la lueur de cette décision embrasait sa pupille. Sarah disparaîtrait le temps qu'il ne retrouve ses moyens et soit certain de la récupérer. Peut-être qu'elle en souffrirait, peut-être même qu'elle l'oublierait pour un autre, qu'elle s'attacherait à ce simulacre d'humain qu'était le Comte, mais au moins pourrait-il avancer sans pleurer à chaque pas. Son cœur devait s'éteindre comme ce morceau de papier noirci qui s'émiettait sur la table, et attendre de renaître de ses cendres tel un Phénix de l'Ancien Monde. Recueillant les cendres dans sa main, il les jeta dans l'âtre froid de la cheminée.

Tout ce que Gaspard lui avait dit après son récit lui martelait la tête. Oui, il était en vie, il devait continuer d'avancer, repartir sur de nouvelles bases, s'assagir, réfléchir, se redresser lentement, sans forcer le destin et surtout arrêter de porter sur ses seules épaules les malheurs du monde entier. Si ses élèves avaient péri, c'était parce qu'ils l'avaient rejoint de leur seule volonté, il ne les avait jamais contraint, jamais il ne les avait priés de venir et de se jeter, à 17ans parfois, dans les griffes des Vampires et de la haute société. Et les autres Hunters, hommes comme femmes, avaient participé à cette attaque unis sous la même bannière : celle de l'humanité, celle de la vengeance, et non pas sous la sienne. Un seul homme ne pouvait pas porter toute la responsabilité de cette tragédie. Alexender ne s'était pas posé en chef, il avait fait partie d'une équipe et il devait maintenant se ressaisir et rebondir sur les terribles événements qui venaient de le marquer à vie. La société, le Yard, la reine, tous les imbéciles qui prenaient pour la Vérité les torchons qui circulaient en ville étaient contre lui. Continuer le combat sous cette forme n'était plus possible, il devait frapper du marteau sur une nouvelle épée et repartir en guerre avec d'autres plans, une autre technique d'approche. Il devait dévoiler un visage qu'il couvait en vérité depuis des années.

À bientôt 26 ans, Alexender était un homme dans l'âge de se marier, d'avoir des enfants, de monter son propre club de gentlemen, de gérer ses terres et de s'illustrer dans les salons et les réceptions mondaines. Sa vie aurait pu s'écouler tranquillement comme celle de ses pairs, mais sa famille avait été décimée, c'était devenu un Hunter et sa seule motivation, si l'on excluait les femmes, avait toujours été de détruire ses bourreaux, les Vampires, toutes ces créatures infernales qui rendaient ce monde si triste, si sombre, si poisseux et nauséabond. C'était un but personnel qu'il avait toujours voulu élargir à ses semblables, dans l'espoir de sauver un maximum de personnes des griffes, ou des crocs, de ces démons à visage humain. Mais il s'était laissé aveugler par sa haine, pervertir par son double train de vie et finalement il s'était perdu dans un labyrinthe de pensées multiples et contradictoires, il avait mêlé des innocents à ses affaires, il était même tombé amoureux...Tout cela était à revoir, à peser, à changer.

Alexender n'aurait jamais de vie normale, il s'en rendait désormais amèrement compte. Cela avait été son fardeau le plus lourd, le plus douloureux, et le pire avait sans doute été l'espoir qu'il avait nourri de se ranger un jour et de ne conserver que sa vie diurne pour écouler des jours heureux. Finalement, il semblait évident qu'il n'était pas fait pour cet espoir et que sa véritable existence n'avait véritablement tournée qu'autour de sa vengeance et de ses chasses. C'était un marginal, un renégat, un tueur. Il était temps d'oublier l'homme et de ne laisser vivre que le chasseur. La société l'avait banni, cela l'aiderait d'autant plus qu'il en avait toujours été éloigné. Il était temps de faire ses adieux à Alexender Von Ravellow et de faire place à son ombre. Il avait perdu son fameux katana offert un jour par son maître d'arme, il n'avait plus aucun moyen de récupérer son Bloody Rose ni cette lame d'exception, mais il n'en avait désormais plus aucune envie. Il allait s'exiler, se bâtir une nouvelle identité et resurgir au moment où on l'attendrait le moins pour frapper comme la foudre les Créatures de la Nuit avec de nouvelles armes, de nouveaux espoirs, plus vifs, plus forts, plus réfléchis.

Sarah lui pardonnerait-elle un jour ? La jeune femme se sentirait trahie, abandonnée, reniée. Elle finirait sans doute dans les bras du Comte pour y perdre son innocence, sa jeunesse, sa douce joie, mais au moins serait-elle sauve le temps qu'il vienne la chercher et anéantir son bourreau. Alexender tiqua. Ces idées le ramenaient à ses pensées premières, à sa rage, son dégoût, sa haine. Il valait mieux qu'il n'y songe plus, du moins pour l'instant.
Mais alors il se rappela que Gaspard lui avait dit qu'il avait reçu une lettre de la belle et qu'il allait lui montrer. Était-ce une bonne idée que de la voir ? Cela ne risquait-il pas d'ébranler ses nouvelles décisions ?
Finalement, Alexender demanda à son ami la-dite lettre et s'enferma dans sa chambre pour la lire sans risquer de dévoiler d'éventuelles émotions supplémentaires en présence du Lycanthrope. (Voir la Lettre de Sarah.)
Après sa lecture, le Hunter soupira comme pour évacuer un stress qui pesait sur ses poumons. En vérité, cette lettre était complètement décalée dans le temps. Elle datait de quelques jours après cette fameuse soirée où Sarah avait été emportée par le Comte tandis que lui-même gisait dans les égouts. Gaspard avait dû la lire en revenant de Loth, elle avait été inutile. Pourquoi Sarah ne lui avait-elle jamais dit qu'elle avait envoyé semblable lettre ? C'était étrange. Il s'étaient pourtant revus depuis, chez Raphaël, au théâtre...Maintenant qu'il laissait ses yeux glisser sur l'élégante calligraphie de son amour, l'aristocrate déchu trouvait sa situation encore plus pressante. Il devait quitter Londres, trop d'êtres chers se démenaient pour lui, il devait disparaître afin que toute cette vase repose au fond du lac qu'il avait formé avec les larmes de ses compagnons. Repliant la lettre, le Hunter la rendit au Lycanthrope en le remerciant pour sa confiance, son aide et sa sollicitude.

Les jours passèrent, tous semblables, longs et mornes, douloureux et tourmentés. Dans la tête de l'aristocrate, des milliers de pensées se bousculaient tandis que son corps se remettait doucement de ses meurtrissures. Il avait même décidé de ne plus jeter un seul coup d’œil au journaux de la ville afin de ne pas être perturbé dans sa nouvelle élaboration de lui-même.

« Il faut que tu fasses profil bas, tant pour toi que pour les autres. »

Son ami avait raison, mille fois raison.

« Tu dois continuer ton dessein Alexender et ne pas laisser ces échecs te vaincre, ils doivent te rendre plus fort. Il faut apprendre de nos erreurs, ce sont elles qui nous forment le plus. »

L'erreur...il en commettait tellement depuis son retour de la Nouvelle Orléans !

« Il y a toujours des dommages collatéraux, quel que soit le combat que l'on mène. »

Toutes ces paroles rôdaient dans sa tête comme des avertissements, des conseils, des mots faits pour le consoler, le renforcer, le pousser à redresser la tête et à faire face au monde sous un nouveau soleil. Il devait cesser de pleurer les morts, il devait cesser de se comporter en égoïste et de faire de son histoire personnelle le cœur de toutes les douleurs d'autrui. C'est du moins ainsi qu'il commençait à concevoir les choses, même s'il était certain qu'il n'écoutait son ami que d'une oreille et qu'il reformulait tout dans un sens qu'il s'était trouvé, comme un enfant focaliserait son attention sur un nouveau jouet en laissant l'ancien cassé derrière lui. Certes il souffrait, certes il aurait aimé que la vie qu'il avait envisagée se développe comme une fleur, sans brûler au soleil ou geler sous la lune, mais il avait désormais compris qu'il ne pourrait pas changer le passé et que son avenir n'était pas tout tracé, qu'il devait le bâtir autrement si sa méthode première ne fonctionnait pas, qu'il devait voir le monde sous un autre angle.


**************

Un soir, alors qu'ils mangeaient en silence, Gaspard offrit à Alexender la dernière lueur qui le conforta dans son projet : il lui proposa de gagner Loth, de se retirer dans sa maison de campagne, en dehors de la capitale. Alexender faillit avaler sa soupe de travers et resta muet, les yeux dans le vide, comme s'il réfléchissait à toute allure à ce qu'il devait faire. Oui, c'était une solution, il n'avait plus de famille, il n'avait nulle part où aller. Il avait songé à traverser l'Atlantique pour rejoindre son ancien domaine à la Nouvelle Orléans, mais cela lui crevait le cœur et il n'arrivait pas à s'y résoudre. Et puis, les ports devaient être surveillés, même si un marin pouvait toujours être acheté. Jusqu'à présent, il avait commencer à planifier son départ vers le Pays de Galle. Mais bien vite il avait compris qu'il aurait à mendier, à endosser le manteau de l'ermite qui erre jusqu'à trouver une retraite où développer ses plans, et surtout que la mort l'attendrait à chaque tournant et que son entreprise serait sans doute rapidement vaine. Il ne pouvait pas quitter la demeure des Sorel pour aller vagabonder comme ça...Dès le premier village où on le reconnaîtrait, il se retrouverait avec une corde autour du cou. C'était sans espoir.
Aussi cette proposition que lui fit son ami le remotiva-t-elle à un degré que l'on ne saurait imaginer. Ses yeux pétillèrent soudainement d'une lueur de joie.


- Avec tout ce que tu m'as raconté sur ton petit séjour à Loth avec Julia...je m'en voudrait de salir votre petit nid tu sais...Mais...je te concède que c'est là ma meilleure chance...

Alexender repensa au récit que lui avait fait le Lycanthrope au sujet de son petit voyage avec la couturière. Ils avaient dormi dans les bras l'un de l'autre, ils avaient mangé, bu, rit ensemble, il s'étaient promenés bras dessus bras dessous, elle avait peint pendant qu'il lisait le journal...Cela avait été un idylle que lui-même ne connaîtrait jamais avec Sarah, un bonheur qu'il envierait jalousement jusqu'à la fin de ses jours mais qu'il lui laissait volontiers avec sa bénédiction la plus profonde et la plus sincère. Lorsque Gaspard lui avait raconté leur folle danse, le Hunter avait souri et évidemment plaisanté sur la « petite vertu de Madame » et le comportement « inadmissible de Monsieur » puisqu'ils n'avaient été dérangés par aucun chaperon, seulement André et quelques domestiques. Dans semblables circonstances, il doutait qu'avec Sarah il ne se serait rien passé. Avec Gaspard, si respectueux, si droit, si noble, Julia ne craignait pas d'outre-passer les limites que la bienséance lui dictait. Quel dommage...Mais cela n'était pas ses affaires ! Après quelques plaisanteries plus que douteuses, Alexender s'était rapidement calmé à ce sujet. Il voulait que son ami comprenne qu'il le respectait et qu'il était heureux pour lui.
Par contre, lorsque Gaspard s'était excusé au sujet de son absence, cela avait presque provoqué un scandale chez lui. Comment pouvait-il s'en vouloir ? Comment aurait-il pu prévoir ? Et puis, ce n'était pas lui qui l'avait poussé à avoir enfin une véritable relation avec la jeune bourgeoise ? C'était aimable de sa part que de vouloir faire passer sa survie avant son propre bonheur mais ce n'était pas ce qu'il voulait et il le lui avait bien fait comprendre :


- Gaspard, j'ai tout fait pour t'éloigner de cette affaire. Je ne voulait pas t'impliquer, jamais, surtout pas avec Julia dans ta vie. C'est moi qui devrait m'excuser d'être un poids pour toi. Tu as déjà tellement vécu, tu me l'as dit, tu es fatigué, il te faut une femme, une stabilité que je ne saurais jamais t'apporter, c'est moi le seul responsable de tout ce qui se passe maintenant et tu ne dois absolument pas t'en vouloir. Je suis heureux pour toi mon ami, heureux que tu aies trouvé l'amour, heureux tu ne te salisses pas les mains dans mes sordides desseins. C'est mon souhait, que tu l'acceptes ou non. Tu m'a sauvé et je ne pourrais jamais assez te remercier, mais c'est déjà trop et je vais m'en aller, seulement...je ne sais pas où, ni comment...

Sans doute son ami avait-il réfléchi à ce lieu de retraite après cette conversation et que c'était une des raisons qui le poussaient maintenant à lui proposer de demeurer à Loth. Dans le cœur d'Alexender, un doute planait. Accepter cette offre, ce nouveau secours, c'était continuer à mêler le Lycanthrope à ses affaires et à le compromettre. Et puis, cela le privait du même coup de son petit coin de paradis où il pouvait écouler des jours heureux en compagnie de la jolie couturière. Cependant, quels que fussent les plans qu'il avait élaborés, Alexender en revenait toujours au même point : il était trop tôt pour qu'il puisse se débrouiller seul et c'était décidément la meilleure solution pour le moment. Il ne savait toujours pas complètement bouger sans souffrir et cela durerait encore des mois, il ne pouvait donc pas fuir n'importe où sans risquer d'être pris au premier carrefour qu'il rencontrerait sur son chemin et, à part Gaspard, il n'avait plus réellement d'alliés.

Au bout de deux semaines et demi, il fut ainsi décidé qu'Alexender partirait de nuit avec André comme soutien le temps du voyage en fiacre, pour aller s'établir à Loth. Ce ne fut pas une mince affaire à mettre en place mais bientôt le Hunter fit ses adieux au Lycanthrope en le remerciant mille fois pour ses soins et son aide, puis il monta dans le fiacre qui devait le mener dans son nouveau lieu de convalescence, son nouveau QG, le symbole de son nouveau départ. De nombreuses questions s'étaient posées à eux pour ce projet : comment allait-il gérer le personnel, la nourriture, les vêtements ? Comment voyager sans être vu ? Comment communiquer sans éveiller les soupçon ? Il avait d'abord fallu tout prévoir, tout peser, en discuter, voir avec André, trouver des excuses, lui préparer un baluchon...Cela avait pris du temps et les adieux en furent d'autant plus douloureux. Longtemps Alexender se souviendrait de cette accolade qu'il n'avait pu s'empêcher de donner à son vieil ami. Longtemps il conserverait dans sa mémoire ce regard si fier, si tendre et si sage sous ces sourcils froncés...

Le pied sur la marche du véhicule, il avait hésité dans un dernier regard :


- Dis à Sarah que...Non...Ne lui dis rien. Mais si tu devais la croiser un jour, dans un bal, que sais-je, une réception...Fais-lui comprendre que je reviendrais la chercher, que je ne l'ai pas oubliée et que jamais je ne cesserai mon combat. Nous avons le même, elle comprendra. Il sourit. Au revoir mon ami, je ne pourrai jamais assez te remercier pour tout ce que tu as fait.

Après une dernière poignée de main et un regard plein d'amitié, Alexender disparut dans le fiacre et les cheveux furent fouettés.
Une page se tournait. Une nouvelle histoire allait s'écrire.


[HRP/Fin du RP avec Alex, direction Loth avec un nouveau sujet – "Des cendres une braise" /HRP]


Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Ban_al10


Dernière édition par Alexender Von Ravellow le Dim 12 Avr - 18:34, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Le temps de la guérison [Gaspard, Alexender] [06-11/04/42] Icon_minitimeMer 23 Juil - 13:53

Gaspard avait longuement réfléchi. Son discret invité devait quitter la Maison des Sorel dès que celui-ci en aurait la force pour assurer sa sécurité. Londres n'était plus un endroit sur pour lui et ne le redeviendrait très certainement jamais, pas avec des Vampires immortels dans les intrigues de la Reine Victoria. Le savait-elle au moins ? Sa cour grouillait d'êtres nocturnes, ils la conseillaient, il l'entouraient nuit et jour, se sentait-elle manipulée ? Les longues dents utilisaient-ils leurs pouvoirs de persuasion sur cette chère enfant ? Perdu dans son monde de mélancolie, le bicentenaire ne s'était pas demandé en arrivant en Angleterre par qui le pouvoir en place était détenu, Humains, Vampires, peut-être même Loups-Garous, cela avait peu d'importance à ses yeux tant que la paix régnait sur le pas de sa porte. Mais déjà le calme s'était brisé par trois fois en sa demeure, lors de la première visite d'Alexender, puis lorsqu'un Loup-Garou s'était introduit dans son jardin et en ce moment même. Londres n'avait plus rien de ce havre dans lequel il avait vécu plusieurs années, des sales intrigues pullulaient en masse, le danger se trouvait partout, imminent. Alexender devait être mis à l'abri et au plus vite. Loth était une retraite parfaite, éloignée de tout, perdue dans cet immense jardin. A bien y penser, lui-même serait bien mieux loin du monde. S'il n'y avait pas eu ce rendez-vous avec Julia ce dimanche, il aurait sans doute accompagné son ami à l'extérieur de Londres, retrouver la sérénité dans la nature. Mais il avait des projets bien important à mettre en place. Son mariage avec la jolie couturière n'allait pas se mettre en place tout seul. Sa hâte de la revoir faisait frissonner son vieux cœur, déjà préoccupé par l'état de son plus proche ami.
Alors qu'ils mangeaient leur repas du soir, le Lycanthrope avait proposé à Alexender de continuer sa route vers Loth et d'y rester caché le temps de la guérison de ses blessures, tant physiques que morales. Pour toute réponse, Gaspard eut droit à un regard vide, mais il ne faisait nul doute que son ami réfléchissait ardemment à la question, il le laissa à ses réflexions et juger lui même du bien fait de cette offre. Après une bouchée de noix de Saint Jacques, l'aristocrate s'attarda sur le vin servi plus tôt par André dans la carafe de cristal, se trouvant maintenant dans son verre à pied, offrant aux yeux de tous sa robe pale, légèrement dorée avec quelques teintes de vert, cela même à la lumière des lampes à gaz. D'une main habile, il démultiplia les odeurs de son breuvage : il y trouva la terre minérale au silex affirmé, ainsi que la présence incontestable de la pomme verte. Une fois en bouche ces saveurs cédèrent  la place à la puissance du raisin. C'était un délicieux vin blanc, parfait pour accompagner leur plat de la mer. André avait eut le nez fin, comme toujours. Il avait été obligé de se pencher sur la question dès leurs début ensemble car Monsieur de Sorel était un fervent amateur de vin, il possédait lui-même quelques parcelles dans la région du Languedoc en France et recevait de temps à autre des caisses de vin qu'il goûtait avec le plus grand intérêt. Après ce genre de réception, il passait un temps non négligeable à la rédaction d'une lettre, offrant son avis, ses conseils et ses attentes, parfois il glissait des compliments sincères.
Une lueur dans les yeux de son compagnon de table raviva l'intérêt de Gaspard. Il se laissa sourire, cela faisait longtemps. Les dernières semaines avaient été dures, cette soudaine accalmie était sans nul doute un cadeau divin. Revoir ce regard sur Alexender était un soulagement, pendant son rétablissement il était resté distant, muet la plupart du temps, difficile à cerner. Cette pupille pétillante annonçait du changement. D'un geste de la main, le Lycanthrope balaya les inquiétudes de son ami :


- Tu serais bien incapable de souiller la mémoire de ce lieu, sois sans crainte, cela me rendra heureux de voir quelques traces de ton passage lorsque je retournerais à Loth d'ici quelques mois. Prend juste gare aux peintures de Julia, je te connais fripon, tu serais bien capable de les cacher pour le plaisir de m'imaginer en rage !


Ce ton badin abandonna l'aristocrate quand il aborda enfin le sujet qui lui rongeait les sangs : son absence. Ce sentiment de défaut lui donnait la nausée. Il craignait d'avoir manqué à son devoir d'ami. Il le sentait ainsi et avait besoin du pardon du Hunter pour recouvrer la paix intérieure.
Alexender lui fit bien comprendre ce qu'il en pensait. Ce fut au tour de Gaspard de garder pour un temps un silence tout religieux. Il réfléchit aux mots de son ami. Ils étaient comme un baume sur une plaie ouverte, purulente, l'unique caresse qui permettrait une cicatrisation de ses blessures intérieures. Les minutes s’effilochèrent, le Lycanthrope se conforta dans ces affirmations, il y puisa des forces et y tira la conclusion que le Hunter était loin de lui en vouloir, bien au contraire. Il était temps pour eux de prendre à nouveau une route séparée, lui de construire une vie autour de Julia et Alexender de repartir sur de nouvelles bases plus saines.
C'est le cœur plus léger que l'aristocrate termina son repas. Tout finissait par s'arranger dans les grandes lignes.


***


Le temps des adieux vint frapper à la porte près de deux semaines après leur folle escapade à la Tour. Après avoir conclu que Loth était définitivement la meilleure retraite pour Alexender, ils avaient échafaudés leurs plans pour faire sortir le fugitif discrètement de Londres. André conduirait le fiacre, rideaux tirés, de nuit, pour passer inaperçus et éviter les questions gênantes. Se serait aussi bien moins fatiguant pour le Hunter qui se remettait à peine des sévices infligés à son corps durant les semaines précédentes. Le major d'homme avait réglé la question des vivres, ils emporteraient de quoi nourrir Alexender pour les deux prochains mois, des denrées peu périssables tel que des sacs de riz et de semoule, de la viande séchée, du saucisson, du fromage, des légumes, du sel et du sucre, sans oublier du thé et quelques bouteilles d'alcool. Pour la première semaine il serait mieux loti, pain frais, miches de grandes tailles connues pour leur conservation, cuisseau de bœuf, œufs, saucisses,... De quoi faire la transition avec une alimentation bien moins riche, mais non moins nutritive. André lui expliqua comment se rendre aux cuisines et il l'estima assez grand garçon pour s'improviser cuisinier, s'il était assez ingénieux pour s'en sortir face à des Vampires, faire ses propres repas n'allait pas lui présenter de problème, quoi que...
Il lui gribouilla un plan de Loth dans les grandes lignes et lui indiqua le lieu où il serait le plus en sécurité dans la demeure : une partie des pièces se trouvait dirigée vers la cour intérieure où personne ne remarquerait sa présence, il devrait rester vigilant, mais il n'y avait pas de raison que les domestiques s’aventurant dans cette partie du domaine, ils restaient toujours près de leur maisonnée, gardant un œil sur Loth, n'en approchant que lorsqu'une missive annonçait la venue prochaine de leur employeur. Gaspard avait toujours souhaité conserver une grande part d’intimité, c’est pour cette raison que la grande demeure restait vide une grande partie de l'année. En ce qui les concernait, cela jouait en leur faveur. Alexender pourrait occuper le dernier étage et profiter des différents balcons sans se sentir emprisonné.
Pour se fournir en eau il n'aurait qu'à se rendre aux cuisines et pomper sans avoir à se rendre dehors, ce système était déjà installé là avant que l'aristocrate ne s'approprie Loth. D'un point de vue vestimentaire, Alexender pouvait difficilement emprunter les vêtements du Lycanthrope, mais avec André ils avaient plus ou moins la même carrure, ainsi le major d'homme céda une partie de ses livrées. C'étaient des habits de domestiques, parfaits pour passer inaperçus auprès des grands de ce monde, mains qui attireraient l’œil des petites gens s'il ne se conformait pas à jouer un rôle. Gaspard fit envoyer André chez un perruquier, jugeant que c'était la première des précautions à prendre pour cacher son ami, sans sa chevelure rousse il se ressemblait tout de suite beaucoup moins. Pour parfaire son déguisement, le major d'homme lui conseilla de boitiller en permanence lorsqu'il sortait et d'abandonner les bonnes manières, il devrait se fondre dans la masse plus facilement s'il venait à devoir sortir, ce qui serait le cas s'il venait à manquer de provisions.
Une fois délaissé là bas, Gaspard n'aurait plus de nouvelle de son ami, il le savait et cela l'inquiétait, mais entretenir une communication serait bien trop risquée pour l'un comme pour l'autre. Pourtant ils avaient du parler de la manière dont Alexender pourrait prendre contact avec les quelques personnes qui lui restaient. André accepta de déposer une annonce dans le journal avant qu'ils se quittent, mais par la suite le Hunter devrait y parvenir par ses propres moyens.

L'heure des adieux sonnait. Peiné, mais heureux à la fois, Gaspard enlaça Alexender dans une embrassade fraternelle. Ils s'étaient déjà tout dit avant le départ, donc il n'ajouta pas un mot, jugeant que les actes parlaient d'eux-même. Leur amitié était indéfectible. Ils se reverraient quand toute cette fâcheuse histoire se serait tassée et profiteraient plus longuement de retrouvailles sincères et moins tourmentées. A ce moment-là il serait marié à Julia, devenue Madame de Sorel. Il sourit, cela lui seyait bien.
Les derniers mots de son ami furent pour Sarah. Cette jeune femme en qui il semblait avoir trouvé une compagne digne de lui. D'un mouvement de la tête l'aristocrate lui assura qu'il ferait passer le message.


- Prends soin de toi et reviens moi entier.

Alexender disparut dans la voiture avec pour compagnon des sacs de vivres et quelques armes blanches que Gaspard lui avait fournies pour qu'il ne se sente pas nu et démuni. André fit avancer les chevaux et bientôt la voiture disparut du champ de vision du bicentenaire. Il avait toujours détesté les adieux, préférant d'habitude s'éclipser sans un regard.
Il poussa un soupir et rentra, le cœur lourd.


***

Le voyage se passa sans encombre. Une fois près de Loth, André et Alexender abandonnèrent le fiacre et montèrent les cheveux à cru, sur lesquels ils avaient déposé les vivres. Il leur fallut deux voyages pour vider le fiacre, ce fut long, mais indispensable pour ne pas attirer l'attention. Le major d'homme aida l'aristocrate déchu à s'installer et à prendre ses aises, il lui donna maints conseils pendant qu'il lui faisait visiter les lieux alors que les premières lueurs du jour pointaient.
Peu avant de repartir, André déposa une boite de bois simple dans les mains du Hunter, d'un doigt il fit lever le loquet et révéla l'intérieur. Sur un lit rouge reposait un Bloody Rose, ancien compagnon d'arme d'André, dépouille de sa vie passée. Il parla avant que le Sieur Ravellow n'ouvre la bouche. S'était une contribution personnelle à la traque qu'il menait, il lui demanda d'en prendre soin s'il le pouvait et de le lui rendre une fois qu'il en aurait terminé avec. Il lui avait fourni un assortiment de balles et de quoi entretenir l'arme pour qu'elle reste opérationnelle. Il ne voulait rien en retour, pas même un remerciement.
Avant de le quitter, André serra fièrement la main d'Alexender et lui souhaita de trouver la paix. Puis il s'en fut retrouver Londres et son maître.


[HRP // Fin du RP de Gaspard, suite prochainement avec ma douce Julia à Un nouvel Avenir// HRP]


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