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Le Monde de Jana [06/06/42]

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Jana Taylor
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MessageSujet: Le Monde de Jana [06/06/42] Le Monde de Jana [06/06/42] Icon_minitimeJeu 14 Mai - 3:21

[HRP/ Premier RP de Jana/HRP]

Jana était assise à même le sol de l’orphelinat. Un orphelinat plus lugubre qu’en réalité, teinté d’obscurité par les souvenirs amers de la jeune femme. Elle n’avait ni l’envie ni la force de s’obliger à ensoleiller son environnement ; son espace, dans le Monde des Esprits, répondait à ses émotions et ses souvenirs, et elle n’était pas d’humeur à invoquer un soleil chatoyant et des arcs-en-ciel multicolores. Il faisait nuit et la brume parcourait les couloirs déserts de l’immense bâtiment. Ici, il avait été mystérieusement dépossédé de toutes ses portes et fenêtres, et l’air froid s’engouffrait en rafales sifflantes dans les interstices, provoquant courants d’air et grincements inquiétants. Dehors, elle entendait s’entrechoquer les branches fines des longs arbres squelettiques, dépourvus de leur manteau verdoyant. Jana ne sentait pas la morsure de l’hiver.

La jeune femme poussa un profond soupir et s’allongea sur le parquet fissuré par endroits. Ses longs cheveux roux se répandirent en éventail autour de son visage, elle leva les yeux au plafond – qui avait dû être blanc il y a peut-être une centaine d’années – mais dont la couleur tirait à présent sur un gris marron obscène et répugnant. De la moisissure s’épanouissait un peu partout.


- Home sweet home, murmura-t-elle avec sarcasme en croisant ses mains derrière sa tête.

Elle renifla en pensant à l’endroit qui avait accueilli ses premières années. Enfin, « accueilli » était un bien grand mot. Il s’agissait plus d’une cage que d’un orphelinat, et un lieu de souffrance plutôt que de paix, peu importe ce que prônaient incessamment les sales grenouilles de bénitier hypocrites et malsaines pendant leurs propagandes, destinées aussi bien aux donateurs qu’aux éventuels parents souhaitant adopter.

« Ici, nos enfants grandissent dans un climat de calme propice à leur épanouissement. » Comprendre : Ici, chaque écart de conduite sera sévèrement réprimé, et celui qui osera élever la voix se verra infliger une punition qui lui apprendra où est sa place.

« Nos petits sont très bien éduqués »… à coups de triques

« Vos généreux dons nous permettront d’améliorer les conditions de vie de nos petits orphelins »… et la majeure partie de cet argent disparaîtra mystérieusement dans nos poches sans fond.

« Marie ? C’est une adorable petite fille très attachante et câline »… Marie est une petite fille délaissée en manque d’attention, très collante avec une peur panique de l’abandon.

« Isaac est plein d’énergie, il aime jouer et se dépenser tout au long de la journée »… Isaac est hyperactif, il ne tient pas une seconde en place et a des troubles du sommeil.

« Jasmine est une petite fille avec une forte personnalité »… Jasmine fait des crises de colère, mord et casse des objets quand elle n’est pas contente.

Evidemment, une fois les « petits enfants parfaits » ramenés à la maison, les mensonges ne prennent plus. Soudain, la marchandise n’est plus conforme aux attentes, il y a eu erreur dans la livraison, vous comprenez madame, ce n’est pas ce qu’on nous avait promis, on ne peut pas le garder, reprenez-le. Et les jouets cassés reviennent dans la maison de poupée, avec une nouvelle fissure au cœur. Tout cela à cause des mensonges de femmes austères et cupides qui ne soucient pas du mal qu’elles peuvent causer à des personnes qui n’ont même pas commencer à vivre, et dont l’existence se retrouve déjà ternie par leur faute.

Jana secoua la tête pour chasser ses sombres pensées, qui revinrent aussitôt à la charge. Le plus compliqué quand elle se trouvait ici, c’était justement d’arrêter de penser, ou du moins de parvenir à trouver la frontière intangible qui la permettrait de ne pas se noyer en elle-même. A l’extérieur, sa vie la tenait occupée, mais ici… Bien entendu, elle pourrait rejoindre l’esprit d’Eiwya, qui occupait actuellement leur corps, lui parler et observer ce qu’elle faisait, se connecter de façon à harmoniser totalement leurs âmes pour tout ressentir avec elle, mais elle avait voulu profiter d’un peu de repos. Repos qui commençait malgré elle à se transformer en dangereuse introspection. Ce soir, ses démons semblaient un peu trop puissants à contrôler.

Elle décida d’orienter sa réflexion sur ce qu’elle ferait une fois revenue aux commandes. Elle devait retourner au réel orphelinat, cela faisait un moment qu’elle n’y était pas allée et certains mini-humains devaient s’impatienter et se languir de son absence prolongée. Elle avait promis à Asia de lui apprendre à capturer des araignées pour effrayer les plus âgés qui s’en prenaient à elle (une astuce qui lui avait beaucoup servie dans sa jeune enfance pour se protéger ou se venger), et Victor avait réussi à la convaincre d’échanger des passes avec son vieux ballon dans le jardin. Elle s’était aussi engagée à lire des histoires aux enfants ; Abraham et Noa attendaient d’ailleurs la suite d’Oliver Twist, commencé lors de sa dernière visite.

Jana avait vécu jusqu’à ses sept ans dans le sordide bâtiment, aux côtés de religieuses sadiques et cruelles, entre humiliations, coups et privations de nourriture. Finalement, elle s’était enfuie, pour ne plus revenir… du moins jusqu’à récemment. Les orphelins étaient pris en charge uniquement jusqu’à leurs seize ans, avant d’être lâchés dans le monde, une nouvelle fois abandonnés et définitivement laissés à eux-mêmes pour ceux n’ayant pas réussi à être adoptés.  Après avoir passé la barrière de cet âge, Jana n’étant légalement plus sous la responsabilité des religieuses de l’orphelinat, elle pouvait risquer d’y revenir sans y être renfermée. Elle avait alors commencé à rendre visite aux enfants. Au début, les sœurs, qui se souvenaient très bien d’elle, avaient rechigné, allant jusqu’à lui interdire l’entrée, mais au cours de ses années dans la rue, Jana s’était créée des contacts, notamment à Scotland Yard, et avait menacé de révéler les exactions et cruautés commises sur les enfants à l’intérieur de ces murs. Ce qu’elle n’avait pas dit, en revanche, c’était qu’elle doutait sérieusement que ses révélations feraient le moindre bruit : peu de personnes se souciaient réellement du sort des rebus de la société, alors celui des orphelins… Mais son coup de bluff avait fonctionné, et la jeune femme rousse avait continué à venir, le plus souvent le soir. Les religieuses l’acceptaient même après les heures de fermeture car sa présence suffisait souvent à calmer les plus rebelles, qu’elle aidait à mettre au lit en leur chantant des berceuses. Elle ramenait régulièrement un peu de nourriture ou des friandises : cela ne suffisait absolument pas pour tous, son manque de moyens ne lui permettait pas, alors elle faisait tourner. Une pomme ici pour Adam ; la fois suivante, un caramel mou pour Peter ; la fois d’après, une orange pour Jasmine. Elle tenait les comptes, pour ne délaisser aucun enfant par erreur, dans son journal, un joli carnet volé dans lequel elle consignait ses contrats et ses rendez-vous, et, à l’occasion, ses pensées, ses rêves ou des évènements marquants. Elle venait tout juste d’en débuter un nouveau, le dernier achevé suite à sa dernière mission dans les rues de la grande ville.

Rendre visite aux enfants, donc. Ce n’était pas tout. Un jeune garçon maigre était venu la trouver la veille, alors qu’elle déambulait aux alentours du Suzanne’s Park, pour lui remettre un billet. Elle avait rendez-vous avec son prochain client le lendemain, dans une ruelle à deux pas du Pont de Londres. Comme d’habitude, le message était sibyllin, sans fioritures ni signature, mais le papier utilisé, de très bonne qualité, et l’écriture appliquée suggéraient que son commanditaire venait d’un milieu très aisé, haute bourgeoisie ou aristocratie. Le billet ne comportait aucun renseignement sur la nature du contrat, ce qui en soi n’était pas inhabituel ; beaucoup de papiers se perdaient en chemin et n’arrivaient jamais à leur destinataire, et les risques que quelqu’un d’autre les lisent n’étaient pas exclus, le secret était par conséquent de mise. Peu importe la nature de la mission, Jana ressentait le frisson précédant l’action ; son dernier travail remontait à un peu plus de deux semaines, elle commençait à s’ennuyer et à manquer d’argent. Il était grand temps de reprendre les activités. Dès qu’Eiwya lui céderait la place, elle planifierait son rendez-vous.


- Eiwya ? lança-t-elle à voix haute en continuant de fixer le plafond.

Elle pouvait bien sûr communiquer par la pensée, mais elle aimait pouvoir s’adresser à ses sœurs à voix haute quand la situation le permettait. Et là, dans le Monde des Esprits, personne ne risquait de l’entendre se parler à « elle-même ».

*Quoi ?* grogna la louve.

Jana fronça les sourcils. Sa sœur d’âme semblait de mauvaise humeur.

- Je te dérange ? s’enquit-elle.

*Si tu te connectais, tu le saurais. Je chasse.*

Jana hocha la tête, même si la louve ne pouvait pas la voir le faire. Déranger son entité pendant qu’elle chassait était effectivement un très bon moyen de l’énerver. Elle décida de suivre son indication et de se connecter partiellement à son esprit, n’affectant qu’une petite partie de son monde spirituel, c’est-à-dire que seul le plafond qu’elle regardait fut soudain remplacé par la vision d’Eiwya, de sorte que le reste de son environnement ne fut pas modifié. Elle était toujours au faux orphelinat, mais, à présent, une partie de son esprit était avec sa sœur. Eiwya était dans un parc, masquée par la nuit : il faut dire qu’elle pouvait rarement sortir de jour, un loup dans les rues de Londres n’étant pas le summum de la discrétion. A première vue, il devait s’agir de l’Hyde Park, désert dés le coucher du soleil bien que grouillant de monde toute la journée. La cible de la grande louve blanche, marron et rousse semblait être… un poulet grassouillet, probablement échappé d’un poulailler du coin. Jana étouffa un petit rire.

- C’est pour ça que tu as besoin de tant de concentration ? railla-t-elle.

L’animal émit un grondement réprobateur et se retint de lever les yeux au ciel pour ne pas perdre de vue sa proie. Ce que Jana pouvait être agaçante par moments !

*Tu ne sais pas de quoi tu parles. Ça court vite ces saletés.*

- Plus vite qu’un loup avec deux pattes de plus que lui ? continua la jeune femme.

Eiwya renifla avec mépris, ne se donnant pas la peine de lui répondre. Jana rit doucement, observant sa sœur ramper prudemment et silencieusement à travers les hautes herbes. Le poulet n’était pas prêt pour ce qui allait se jeter sur lui. Eiwya s’immobilisa et Jana devina qu’elle était en train de se ramasser sur ses quatre pattes, s’apprêtant à bondir sur sa proie.

- Repose en paix, innocent volatile, puisses-tu avoir eu une vie longue et heureuse.

*Tu vas te taire, oui ?*

Elle n’attendit aucune réponse et sortit de sa cachette pour se ruer sur l’oiseau. Il n’avait aucune chance ; les crocs impitoyables se refermèrent sur sa gorge, la brisant d’un coup net et sec. Eiwya achevait toujours rapidement (ou du moins, quand elle le pouvait) ses victimes, au contraire de Karvaan, qui, à l’instar de tous les chats, aimait à jouer avec sa nourriture, se délectant de la peur de ses proies. Bien entendu, Eiwya était tout aussi excitée par le plaisir de la chasse, mais quand elle tenait sa victime, elle ne prolongeait pas ses souffrances, et la cruauté enfantine de Karvaan était souvent une source de disputes entre les deux prédateurs, dans lesquelles Jana évitait généralement de s’impliquer. Les maux de tête étaient déjà bien assez fréquents avec deux voix de plus que le commun des mortels dans sa tête, sans que ce soit la peine d’en rajouter.

Après avoir brisé la nuque du volatile, Eiwya la traîna dans un coin moins exposé que la clairière où elle avait abattu l’animal. Les lieux avaient beau être déserts, on ne savait pas ce qui pouvait traîner la nuit dans cette ville étrange. La louve décolla son nez du cadavre chaud pour humer l’air frais, essayant de faire fi de l’odeur âcre mais ô combien satisfaisante du sang pour se concentrer sur les odeurs étrangères. Quelques animaux, un ou deux passants à l’extérieur du parc, rien de menaçant en somme. Elle retourna à son repas, ignorant les borborygmes dégoûtés de sa sœur humaine, se focalisant plutôt sur les sons nocturnes du parc. On était début juin et l’air était doux, sans doute frais pour les humains, mais le pelage de la louve la réchauffait. Elle entendait au loin clapoter l’eau du grand lac, où elle irait boire et se rincer les babines après avoir fini son dîner. Le vent agitait les feuilles des arbres, qui produisaient un son mélodieux. Au loin, quelques coqs complètement déréglés hurlaient un son tonitruant, annonçant le soleil au moins huit heures à l’avance. Dans l’air flottait l’odeur particulière du printemps, un mélange de douces fragrances florales et de renaissance, l’éveil olfactif d’une nature assoupie que les fumets pestilentiels de la cité ne parvenaient pas à ternir, pour le plus grand bonheur de la jeune louve qui n’aimait pas la ville.

Dans le Monde des Esprits, Jana décida de se déconnecter totalement. La vision des viscères exposés du malheureux oiseau avait achevé de la dégoûter profondément, bien qu’elle ne soit pas d’une nature sensible à ce genre de choses. Curieusement, cela ne la dérangeait pas quand elle était aux commandes, que ce soit elle qui éviscère un animal capturé ou bien qu’elle soit seulement spectatrice du travail d’un boucher au marché, mais le voir à travers les yeux de ses entités rendait tout cela plus dégoûtant.

- Ton monde est toujours si sombre,intervint une voix près de sa jambe.

Jana sursauta, n’ayant pas entendu Karvaan la rejoindre, et elle se redressa pour revenir en position assise, appuyant son dos contre le mur.


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MessageSujet: Re: Le Monde de Jana [06/06/42] Le Monde de Jana [06/06/42] Icon_minitimeVen 15 Mai - 2:21

Karvaan s’étira de tout son long en baillant paresseusement avant de s’asseoir pour nettoyer son pelage court aussi noir que la nuit à petits coups de langue experts. Elle n’aimait pas le vieil édifice rempli de toiles d’araignées et de poussière qui s’accrochaient à elle. Sa personnalité joyeuse et enfantine avait du mal à s’accorder avec l’univers spirituel de Jana. Quand elle se trouvait dans le Monde des Esprits, la chatte aimait quant à elle à courir au milieu de champs et prairies verdoyantes, au milieu d’une symphonie d’odeurs et de couleurs, entre les coquelicots et les pâquerettes.

- Je sais, dit simplement Jana après s’être adossée au mur.

Karvaan se redressa pour avancer, son propre monde spirituel entrant peu à peu en collision avec celui de Jana. A chacun de ses pas fleurissaient donc des parterres de jolies fleurs jaunes et rose, perçant sans mal le parquet pour s’épanouir à l’air libre, et une douce clarté remplaça une partie de l’obscurité. Certains pans de mur vacillèrent, révélant par moments de grandes étendues forestières avant de se stabiliser. L’air se réchauffa sensiblement, le soleil pâle et tout juste éveillé darda quelques-uns de ses timides rayons. Jana haussa un sourcil, puis tendit la main. Karvaan vint y frotter sa tête en ronronnant, avant de venir se coucher sur ses cuisses. La jeune femme rousse caressa doucement son pelage.

- Tu t’es bien reposée ? demanda-t-elle en la grattant derrière les oreilles.

- Je ne dirais pas cela. Le Monde des Esprits est si intéressant à explorer que j’oublie parfois de me poser, bailla-t-elle, exposant sa dentition aiguisée. Tu devrais essayer de t’y promener, de temps en temps, au lieu de rester cloîtrée dans cet endroit lugubre et froid.

Jana haussa les épaules en détaillant les lieux si familiers. En cela, ils en étaient presque rassurants. Presque, seulement, car ils n’avaient rien d’engageant, loin de là. Elles se trouvaient au rez-de-chaussée, dans une des plus grandes pièces de l’édifice, une réplique de la salle de jeux, dans laquelle les enfants s’amusaient souvent pendant leur temps libre, quand le temps n’était pas assez clément pour leur permettre de sortir dans la cour. Juste à sa gauche, sur le même mur, se trouvait la cheminée en pierres grises et rouges, dont quelques cendres salissaient l’âtre, seuls vestiges des fières bûches consumées par les flammes. En réalité, le bois était considéré comme non nécessaire par les religieuses de l’orphelinat, qui faisaient absolument tout pour s’épargner des dépenses supplémentaires, et il n’était pas rare que des enfants meurent de froid en période hivernale, peu réchauffés par les loques qui leur servaient de vêtements. La pièce était très bien rangée, le désordre n’étant pas toléré, et plusieurs étagères remplissaient l’espace, occupées par des caisses de vieux jouets cassés ou quelques dizaines de livres pour enfants dont la moitié des pages étaient manquantes : tous les objets se trouvant ici étaient de seconde voire de troisième main, tout comme les vêtements, car ils étaient issus des dons que voulaient bien offrir les visiteurs. Les quelques fauteuils en tissus étaient déchirés et dégageaient des odeurs peu réjouissantes, à l’image du tapis délavé au centre de la pièce. La sortie, au mur opposé de celui contre lequel Jana était adossée, laissait voir un long couloir plongé dans l’obscurité, et celle du mur de gauche menait un peu plus loin à une seconde salle, celle où les enfants recevaient leur enseignement. Le mur à droite était percé par les emplacements des fenêtres et donnait sur un grand jardin délaissé et rarement entretenu, où hautes herbes et fleurs mortes étaient légions. Au loin, si Jana se dévissait la tête, elle pouvait apercevoir les grilles rouillées de l’enceinte, qui ceignaient l’endroit, se renfermant sur lui comme les portes d’une prison.

Karvaan remua, tirant Jana de son observation, changeant de position pour se rouler en boule, les yeux mi-clos. Elle était sur le point de s’endormir, apaisée par les caresses aériennes de sa sœur humaine. Cette dernière fredonna une douce mélodie, inspira et entonna les premières paroles :


- How many stars shine into the sky
Each night when the sun collapse ?
Will I remember you, so shy,
Even if everything turns black ?

Oh, my pearl, I’m so scared in the dark
Come to me and drive away my nightmares
Hold my hand, my brilliant spark
Don’t go, please, it isn’t fair.

La voix harmonieuse de Jana combla le silence de l’espace, elle laissa errer son regard par la fenêtre, sans cesser de chanter et caresser Karvaan. Un rayon de soleil doré vint tomber sur son délicat visage parsemé ça et là de quelques tâches de rousseur. Jana était belle, une beauté pure, telle une poupée de porcelaine à peine éraflée par les épreuves : et la longue cicatrice sous son œil droit, d’un violet clair tirant sur le rose, soulignait davantage le charme sauvage et indomptable de la demoiselle. Ses longs cheveux roux cascadaient sur ses fines épaules, tombant jusqu’au creux de ses reins, contrastant avec sa peau pâle. On aurait dit une nymphe tout juste sortie de la forêt, une jeune créature de rêve magnifique mais inaccessible. Loin d’être en reste, sa voix de sirène charmeuse, envoûtante et suave, bien que teintée d’une pointe de tristesse, rehaussait ce parfait tableau. Malgré le milieu dont elle était issue, Jana n’avait rien à envier aux grandes dames, dont les toilettes extravagantes et l’hypocrisie la rebutaient au plus haut point : mais, tout comme elles, elle était charmante et gracieuse, et avait l’esprit vif bien qu’elle ait été peu éduquée.

- Can’t you see the thorn in my eyes ?
Don’t you know the’re shedding tears for you ?
Oh why don’t you hear my tormented cries ?
You were the one I thought I knew.

But it seems you are becoming a shadow
I’m suffering but you don’t pity me
I’m begging you, please stay here, don’t go
I will always love you beyond the black sea.

So come back my love and love me too
You own the power to bring me back to life
Under the sparkling sky I am waiting for you
You know I won’t see the shine of your knife.

Oh, my pearl, I’m so scared in the dark
Each night when the sun collapse
So hold my hand, my brilliant spark
Even when everything turns black…

- Tu chantes toujours aussi bien, marmonna Karvaan, les yeux fermés.

Jana sourit. Elle considéra son entité, le cœur gonflé d’amour. Sans ses deux sœurs, Dieu seul sait où elle serait aujourd’hui. Probablement six pieds sous terre, car elle n’aurait pas survécu dans les rues impitoyables de Londres sans le secours et l’affection d’Eiwya et Karvaan, sa seule famille à ce jour.

- Merci, petit cœur.

La jeune femme aurait aimé savoir se contenter de ce qu’elle avait. Beaucoup se trouvaient lotis bien pire qu’elle, sans aucune bribe d’amour et de considération à leur portée, alors qu’elle pouvait compter non pas sur une, mais sur deux sœurs adorables, protectrices et aimantes. Malgré tout, elle ne pouvait s’empêcher d’espérer plus. D’espérer quelqu’un d’humain, pour commencer, quelqu’un qu’elle pourrait serrer dans ses bras dans le monde réel et à qui elle pourrait parler normalement sans qu’on ne la traite de folle, quelqu’un avec qui construire une famille d’un genre différent. Bien sûr, elle aimait ses sœurs plus que tout au monde, mais parfois, ce n’était tout simplement pas suffisant. Est-ce qu’elle avait des parents ? Etaient-ils en vie ? Etaient-ils morts ? Où étaient-ils, est-ce qu’ils l’avaient abandonnée ? Ou, au contraire, est-ce qu’elle avait été aimée et choyée avant d’être brutalement arrachés de leurs bras par un cruel coup du sort ? Les questions tournaient et retournaient dans son esprit, sans possibilité d’arriver à l’ombre d’une réponse concluante ou satisfaisante ; des questions qui resteraient probablement toujours sans réponse. Le père James lui trouvait des allures de noble dame, mais ça ne voulait strictement rien dire. Il n’y avait aucun endroit pour commencer à chercher. Et puis, elle voulait des réponses, mais elle savait qu’elles risqueraient de ne pas lui plaire. Cependant, elle se répétait que rien ne serait pire que l’incertitude à laquelle elle était constamment soumise.

*La vision de mon repas a achevé de te tuer ?* demanda brusquement Eiwya. *Tu as fait une overdose mortelle de dégoût ?*

- C’est probablement ça, oui, répondit-elle à voix basse pour ne pas réveiller Karvaan. Il était bon au moins ?

*Passable. Rassasiant. Je ne vais pas tarder à te repasser le contrôle, si cela te convient. Cette petite course nocturne était bien plaisante, mais je commence à fatiguer.*

- Quand tu veux.

Jana soupira doucement, ayant encore du mal à émerger de ses pensées malgré l’intervention d’Eiwya. Celle-ci, toujours très perspicace, ne tarda pas à sentir le trouble de la rousse.

*Tu vas bien ? J’ai l’impression que tu traînes quelques idées noires.*

La jeune femme sourit, amère, en laissant traîner ses doigts sur le petit corps de Karvaan, qui ronflait doucement. Elle avait un effet apaisant.

- C’est le cas, se confia-t-elle. J’essaye d’arrêter de penser, mais, comme tu peux le constater par toi-même, mes tentatives jusque-là sont plutôt infructueuses. Je n’ai pas envie de me replonger dans toutes mes interrogations ou mes doutes, mais il faut bien avouer que le Monde des Esprits est un endroit propice à l’introspection, que je sois consentante ou non.

*Personnellement, je ne pense pas qu’il soit possible d’arrêter de penser, Jana. On ne contrôle pas ainsi son esprit, on ne fait que refouler ses réflexions, un jeu auquel tu excelles, soit dit en passant. Rien de plus normal qu’elles ressurgissent quand tu n’as rien d’autres pour t’occuper. Il faudrait que tu penses à les affronter, de temps en temps, histoire qu’elles ne finissent pas par te dévorer.*

La gorge nouée, Jana préféra éviter d’y songer. Elle appliqua alors tout à fait consciemment la technique reprochée par Eiwya, en se barricadant soigneusement derrière ses sarcasmes :

- Donc, dans l’histoire, moi je suis le pauvre poulet innocent, et mes pensées sont le grand méchant loup ?

Eiwya grogna, saisissant parfaitement la tentative d’esquive de sa sœur. Jana était très têtue, et la louve savait qu’elle ne gagnerait pas l’argument ce soir. Elle était trop fatiguée pour essayer de la faire affronter ses démons, et elle soupçonnait que Jana l’était tout autant.  Et puis, vingt-trois heures n’était pas une heure décente pour engager une dispute. Elle entra donc dans son jeu :

*Arrête. Ce poulet était tout sauf innocent. S’enfuir de son poulailler à une heure pareille, au mieux il était tout simplement bête et j’ai mis fin à ses souffrances mentales, au pire il était suicidaire. Crois-moi, je lui ai rendu un fier service.*

- Pas sûre qu’il soit d’accord avec toi si on lui posait la question, renchérit aussitôt Jana.

*Et bien, bon courage pour lui demander. Déjà que vivant, cela m’aurait fortement étonné qu’il te réponde, alors mort…*

Jana sourit, appréciant leur petite joute verbale qui avait eu pour effet de détendre un peu l’atmosphère pesante de son esprit. Ses sœurs étaient un indéfectible soutien contre ses pensées noires, la poussant quand il le fallait, mais sachant trouver le juste milieu et bien conscientes des moments où il valait mieux la laisser tranquille.

*Je suis à l’église*, l’informa Eiwya. *Prépares-toi, je te laisse la place dans deux minutes.*

- Compris.

Jana souleva prudemment Karvaan en faisant attention à ne pas la réveiller, et se leva pour aller la déposer sur un des fauteuils. Elle la caressa encore un peu puis se redressa, se préparant à retourner dans le monde réel dès que sa sœur la solliciterait.

[HRP / SUITE DE JANA : La voleuse de Whitechapel [07/06/42]/ HRP]


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Le Monde de Jana [06/06/42]

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