Sa vie commençait à l'ennuyer, toujours la même chose, se lever, déjeuner, jouer d'un instrument de musique, lire puis dîner et enfin dormir. Si seulement il avait gardé l'entreprise familiale, il aurait été plus occupé que cela, mais que voulez-vous ? Ce sont des erreurs de jeunesse... Les mondanités commençaient sérieusement à l’exaspérer, il y participait simplement pour rencontrer de jeune demoiselles. Soudain il eut un déclic, et s'il s'en allait ? Loin, très loin où il apprendrait de nouvelles choses, de nouvelles cultures, tout ce qui n'est pas écrit dans les livres ! Il fut envahit d'une joie ivresse, il voulait visiter la France, l'Allemagne et même l'Italie ! Puis pourquoi pas les Indes et la Chine ! Toutes ces idées le rendaient plus que joyeux. Il appela un domestique et fit venir une voiture. Un peu plus tard dans la journée, il arriva au grand port de Londres et prit le premier paquebot en direction de la France. Le voyage fut long mais intéressant, la houle des vagues le remplissait d'allégresse. Il arriva enfin dans le pays voulu, sautillant dans tous les sens comme un enfant alors qu'il avait dix-sept ans !

Après avoir visité Paris, Lyon, Bordeau et Narbonne dans une joie immense d'apprendre la culture française, il se dirigea vers l'Italie. Il rencontra à Florence des grands peintres et joua pour eux du piano tandis qu'ils s'affairaient à le peindre. Certains le prirent pour modèle. Asher prit la direction de Rome et étudia les vestiges romains avec une grande attention, écoutant scrupuleusement l'histoire romaine. Il logea même dans un hôtel non loin des vestiges pour mieux les étudier. Or un soir qu'il écrivait ses mémoires, il entendit une fenêtre se briser et lorsqu'il se retourna il était trop tard. On lui banda les yeux et lui fourra une serviette dans la bouche, après avoir été roué de coups...
Le jeune homme se réveilla, n'y voyant strictement rien, sentant simplement un liquide chaud s'écouler le long du côté droit de son corps. On lui avait cependant enlevé le bandeau de devant les yeux, il se trouvait simplement dans une pièce noire, peut-être un sous-sol. Il se sentait dépouillé, on le lui avait retiré tout ce qu'il possédait, or il lui restait ses habits. Soudain il s'inquiéta, une torche en feu gisait non loin de lui, au sol, produisant de grandes flammes. Se ressaisissant, il se plaqua contre la parois du mur et tenta de détacher ses liens en hurlant, il fallait qu'on le sorte de là! La fumée commença à l'asphyxier et puis plus rien, il ne se souvenait de rien, il se sentait tomber au loin, c'était la fin. Un léger picotement au visage lui signala qu'il était encore en vie. Il ouvrit lentement les yeux en papillonnant. L’œil droit lui piquait affreusement, il tenta de se relever certainement un peu trop vite car il retomba lourdement sur le lit de fortune. Une vieille dame entra dans la pièce en s'écriant :

« -Mais vous êtes fou messires ! Allons, recouchez-vous et dormez ! Vous avez besoins de repos jeune homme !

-Où.. Où suis-je ? Je dois m'en aller !

-Ah, alors ça non ! Certainement pas ! Vous vous trouvez chez mon fils, nous sommes à Rome.

-Que s'est-il passé ?

-Angelo, vous a retrouvé dans une cabane en bois en feu, mon pauvre vous étiez complètement ligoté ! »

Le jeune homme se tut et déglutit, maintenant il se rappelait de tout, une douleur atroce. Il réussit à se relever et se dirigea d'un pas boiteux vers le miroir positionné près d'une porte. Ce qu'il vit l'effraya encore plus qu'il en tomba à la renverse. Il n'était plus lui, du moins, il ne se reconnaissait plus, lui le beau jeune homme sans imperfection se retrouvait brûlé sur tout le côté droit, seul son nez et sa bouche étaient restés intactes.


Alors il ravala ses larmes, se considérant comme un monstre, maintenant il serait rejeté, tout le monde le repousserait... Comment s'approcher d'un être devenu hideux? De plus, ce monde ne se préoccupait guère des vraies valeurs des gens, seul le physique comptait.
Il passa une semaine chez ses hôtes, les remerciant chaleureusement mais avec beaucoup de mélancolie dans ses paroles. Puis il s'en alla.

Il voyagea encore et encore durant un mois, repoussé par les jeunes demoiselles qu'il répugnait de son physique. Ce monde était donc si superficiel ? A croire que oui... Asher entendit parler d'un sorcier très puissant qui dit-on, était capable de tous les miracles. Le mage le reçut et usa de magie noire sur son corps, un peu plus tard, à l'aide de crème, il retrouva son physique d'antan, un homme élégant et charmeur. Cependant, d'étranges crimes furent commis dans son entourage, les jeunes femmes qu'il fréquentaient décédèrent et furent chacune retrouvées empoisonnées, égorgées ou même éventrées ! Bientôt, les enquêtes progressant, remontèrent jusqu'à Asher qui fut accusé de tous ces crimes. Celui-ci se rebella, clamant à qui voulait l'entendre son innocence, mais cela ne faisait aucun doute, le criminel était bien lui, toutes les victimes ont eu un rapport avec le jeune homme. Il se mit donc à fuir et se teint les cheveux en brun, couleur bien différente de sa chevelure dorée. Ses yeux changèrent eux aussi de couleur, normalement bleus, ils prirent la couleur froide du métal, le gris. Il ne pouvait expliquer ces changements. Mais une partie au fond de lui connaissait la vérité. Lors des multiples rituels faits pour retrouver son apparence naturelle, une seconde personnalité s'installa en lui, comme un second corps, comme s'il était possédé ! C'était cette même chose qui commettait tous ces crimes et qui pratiquait également la magie noire ! La nécromancie particulièrement ! Cependant, son autre personne ne le savait pas et oubliait tout ce que pouvait commettre sa nouvelle facette de lui-même ! Il était piégé à l'intérieur de lui même, tout semblait être un complot contre lui...

Il se dirigea vers le Japon où la police de l'Empire l'emprisonna le prenant pour un espion venant d'un autre pays. Ses origines occidentales augmentèrent le doute, mais il sut trouver les mots suffisants pour prouver son innocence et bientôt il fut relâché . Ne désirant point rentrer chez lui, il postula pour faire un service militaire où on lui fit passer plusieurs épreuves. Les réussissant avec succès, il devint soldat, au service de l'Empereur, protégeant la capitale.

Plusieurs années s'écoulèrent, jusqu'à ses vingt quatre ans, où on le nomma lieutenant. En tant que puissant guerrier, il combattit au nom de la grande ville pour la paix et la prospérité. Il entraîna lui-même des apprentis en tant que capitaine de la 11 ème division. Puis ce fut la grande guerre, il remporta haut la main toutes les batailles sauf la dernière. Il se souvint encore des effusions de sang, des hommes qui hurlaient ou bien gémissaient selon leur état, les katanas qui s'entre-choquaient produisaient un tintement métallique. C'était du grand n'importe quoi, il ne distinguait rien d'autres que des corps mêlés les uns aux autres, certains couchés, d'autres accrochés à la lame de leur arme pour ne pas périr aux mains de l’ennemi. Vision épouvantable qui hanta bien de ses nuits. Puis ce fut le coup crucial, une lame transperça sa poitrine, il crut que c'était alors la fin. Tout ses sens engourdis, les oreilles bourdonnantes, la vision tachée de noir, il tomba à genoux au sol puis s'écroula en un ultime soupire. Une larme s'écoula lentement sur sa joue et vint s'écraser dans la terre meurtrie par les pieds des combattants. Il se souvenait de tout cela, oui, y compris le jour où il se réveilla dans une petite ferme au Japon, on l'avait secouru, puis il s'était en allé. Tout le monde le pensait mort, lui le capitaine de la 11 ème division et si par malheur il annonçait sa venue, c'était la mort assurée. Les vainqueurs le tueraient à coup sûr, déjà qu'ils étaient persuadés de sa mort.

Il revint à Londres, dans sa demeure familiale, d'abord non-reconnu par ses domestiques délaissés puis accueillit à bras ouverts. Il exerce maintenant le métier de pianiste, ce qu'il avait toujours voulu exercé depuis son enfance. Cependant, il recherche le meurtrier qui tue les siens sans savoir qu'il s'agit en réalité de lui-même, il est voué à l'échec.